M. Dominique Watrin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mes chers collègues, la présente proposition de loi constitue une avancée pour les personnes en situation de handicap ; elles pourront utiliser, à titre gratuit et pour une amplitude horaire ne pouvant être inférieure à douze heures, toutes les places de stationnement ouvertes au public, au lieu des seules places réservées.

Cette mesure reviendra à multiplier les places accessibles et donc à faciliter le droit à la ville des personnes en situation de handicap.

Il s’agit bien là, mes chers collègues, d’un impératif démocratique. Tout citoyen doit pouvoir s’épanouir dans une vie pleine et entière, ce qui passe nécessairement par des mesures spécifiques pour permettre à ces publics un réel accès au logement, au travail, à la culture ou aux activités sportives, par exemple.

Certains, y compris parmi les responsables associatifs les plus concernés, se sont émus d’une sorte de discrimination positive, qui pourrait selon eux conduire à pointer du doigt les personnes en situation de handicap. Il nous faut répondre à cette inquiétude.

On peut toujours rencontrer, comme dans le film Intouchables, des personnes handicapées qui, si elles ne sont pas millionnaires, disposent tout du moins de ressources confortables. Cela dit, c’est le premier argument en faveur de la gratuité, nous conviendrons tous ensemble, je suppose, qu’avec un taux de chômage s’élevant à plus du double de celui de la population totale en âge de travailler, les personnes en situation de handicap rencontrent souvent des difficultés financières. Il suffit d’ailleurs pour s’en convaincre de regarder les montants versés au titre de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, qui restent encore très modestes, même si cette allocation a connu plusieurs revalorisations ces dernières années.

Deuxième argument, la gratuité est une compensation concrète du manque d’accessibilité des transports en commun. L’usage individuel de la voiture coûte cher ; c’est pourtant un choix trop souvent imposé aux personnes en situation de handicap. En réalité, seules 42 % des lignes de bus étaient accessibles en 2011 aux handicapés moteurs. Si 63 lignes parisiennes sont entièrement aux normes, cette situation est loin d’être une généralité dans notre pays.

Nous sommes donc pleinement d’accord avec le principe de cette proposition de loi.

En revanche, nous nous montrons plus critiques sur la disposition introduite en première lecture au Sénat sur l’initiative de notre ancienne collègue Muguette Dini, et confirmée par l’Assemblée nationale, laquelle instaure un régime spécifique pour les parcs de stationnement disposant de bornes d’entrée et de sortie accessibles depuis leur véhicule par les personnes en situation de handicap.

J’ai pu constater que, dans un nombre non négligeable de parcs de stationnement, des bornes théoriquement accessibles aux personnes handicapées posent en réalité des problèmes pratiques. Il n’est pas rare qu’un automobiliste valide soit obligé de manœuvrer, voire de descendre de son véhicule, pour effectuer le paiement. (M. Didier Guillaume opine.) Dans ces cas-là, il pourrait y avoir des divergences quant à l’appréciation portée sur l’accessibilité effective de ces bornes, ce qui pourrait créer des situations conflictuelles.

Au reste, on sait que beaucoup de parkings privés ou confiés en concession sont en général équipés de ces dispositifs. Ils sont même de plus en plus présents au cœur de nos villes ; la gratuité pourrait donc rapidement devenir marginale. Le cas du parking payant des hôpitaux est probablement, de ce point de vue, le plus choquant.

M. Jean-Claude Requier. C’est vrai !

Mme Sylvie Goy-Chavent. Ce n’est pas rare…

M. Dominique Watrin. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous nous interrogeons beaucoup sur cette disposition.

La loi de 2005 fait de l’accessibilité un principe auquel les acteurs économiques ne peuvent se soustraire. Nous pourrions donc considérer qu’il revient aux gérants de ces parcs de stationnement de financer eux-mêmes la gratuité du stationnement des personnes en situation de handicap.

Par ailleurs, comme lors de l’examen du texte en première lecture, nous tenons à rappeler au Gouvernement l’ampleur de la fraude à la fausse carte de stationnement, dont chacun s’accorde à dire qu’elle est en recrudescence, de même que l’utilisation indue des places réservées aux personnes en situation de handicap. Vous avez, madame la secrétaire d’État, partiellement répondu sur ce point.

Mes chers collègues, Isabelle Pasquet l’avait rappelé en première lecture au nom du groupe CRC, « nous serons particulièrement vigilants à ce que cette mesure ne soit pas de nature à justifier des dispositifs d’adaptation [au principe d’accessibilité universelle], qui seraient en réalité des renoncements ».

Or, non seulement les gouvernements précédents n’ont pas su trouver les financements nécessaires pour faire respecter les délais de mise en conformité prévus par la loi de 2005, mais le gouvernement actuel a aussi fait adopter un projet de loi d’habilitation qui permet de les repousser, par ordonnance, jusqu’à neuf ans supplémentaires, le tout sans offrir, lui non plus, les moyens financiers pourtant indispensables aux collectivités territoriales. Cela a été dit, nous aurons l’occasion d’en débattre dans le cadre de l’examen prochain du projet de loi de ratification.

Force est néanmoins de constater la colère des associations concernées, qui se mobilisent contre les trop grandes possibilités de dérogations offertes par l’arrêté du 8 décembre 2014 et contre des sanctions non dissuasives en cas de non-respect des obligations.

C’est pourquoi le groupe CRC votera ce texte, mais il rappelle sa réserve sur la disposition adoptée sur l’initiative de Muguette Dini, et alerte le Gouvernement sur la nécessité de trouver, dans les meilleurs délais possibles, les solutions pour la réalisation effective de l’accessibilité universelle. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme je l’avais indiqué il y a plus d’un an en première lecture, la question de l’accessibilité est un facteur déterminant de l’amélioration de la qualité de vie des personnes handicapées ; les membres du RDSE y sont profondément attachés.

Le texte qui nous est soumis aujourd’hui participe du vaste chantier législatif entrepris en 2005 avec l’adoption de la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Cette loi, particulièrement ambitieuse, réaffirmait le principe d’accessibilité pour tous. Mais, nous le savons bien, malgré d’incontestables progrès, des efforts importants restent à faire. L’ensemble des établissements recevant du public et les transports en commun devaient être accessibles à tous en 2015. Nous en sommes très loin. Aujourd’hui encore, le handicap continue de se poser comme un défi majeur de notre société.

Comme vous l’avez indiqué, madame la secrétaire d’État, l’accessibilité, c’est d’abord la possibilité de s’approprier l’espace collectif : pouvoir se rendre à la mairie ou chez le médecin, faire les magasins, aller au restaurant… ou au café ! (Rires.)

M. Didier Guillaume. Bien sûr !

M. Jean-Claude Requier. C’est aussi pouvoir stationner à proximité du lieu où l’on souhaite se rendre. C’est une condition indispensable pour s’intégrer dans la société et participer aux activités sociales, éducatives ou professionnelles. C’est dans cet esprit qu’une politique de stationnement spécifique a été déployée sur l’ensemble du territoire afin de réserver des places aux seuls titulaires de la carte de stationnement pour personnes handicapées.

Pourtant, le stationnement est encore trop souvent un obstacle pour les personnes handicapées, victimes notamment de l’incivilité d’un certain nombre de conducteurs valides. Notamment, mais pas seulement : Ronan Kerdraon l’avait rappelé en première lecture, les contraintes auxquelles sont confrontés les automobilistes – comme retourner à son véhicule pour y déposer de nouveau un ticket d’horodateur – sont particulièrement dures pour les personnes à mobilité réduite.

Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est vrai !

M. Didier Guillaume. Exactement !

M. Jean-Claude Requier. La proposition de loi déposée par Didier Guillaume n’est certes pas la solution miracle, mais elle devrait améliorer la mobilité des personnes handicapées et faciliter leur accès à l’autonomie, car, comme vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État, elle comporte des dispositions pragmatiques.

Initialement, il s’agissait de permettre aux bénéficiaires de la carte européenne de stationnement de profiter d’un accès gratuit et sans limitation de durée aux places réservées. Sur proposition de la commission des affaires sociales du Sénat, nous avons étendu en première lecture le principe de la gratuité à toutes les places, qu’elles soient réservées ou non aux handicapés, tout en encadrant la non-limitation de la durée de stationnement. De son côté, l’Assemblée nationale a clarifié la rédaction de ces dispositions.

Je pense que le texte qui nous est présenté aujourd’hui va dans le bon sens. Il permettra aux personnes handicapées de se garer à proximité du lieu où elles doivent se rendre,…

M. Jean-Claude Requier. … harmonisant ainsi des pratiques actuellement très différentes sur le territoire. La mise en place de cette mesure favorisera ainsi leur participation à des activités sociales, professionnelles, éducatives, culturelles ou sportives, sans qu’elles soient soumises à la contrainte parfois grande du stationnement, principalement lorsque toutes les places réservées sont déjà occupées ou qu’il n’en existe pas à proximité du lieu où ces personnes se rendent.

En cela, le présent texte reprend, d’ailleurs, une proposition faite en octobre 2012 par l’Observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle, visant à limiter la fatigabilité des personnes à mobilité réduite et à leur permettre de se mouvoir en toute facilité dans la cité.

Pour autant, cette proposition de loi soulève la question de la fraude, que j’avais déjà évoquée en première lecture. Selon l’Association des paralysés de France, une carte sur trois serait fausse ou utilisée de manière frauduleuse. Je crains qu’en offrant un accès gratuit à toutes les places, la carte de stationnement ne fasse l’objet d’une recrudescence de pratiques abusives et frauduleuses. Je sais que l’Imprimerie nationale travaille avec le ministère des affaires sociales (Mme la secrétaire d’État opine.) pour automatiser et sécuriser la délivrance de ces cartes. Pouvez-vous, madame la secrétaire d’État, nous apporter quelques précisions sur ce point ? Il convient en effet d’éviter que ne profitent du dispositif ceux que j’appelle « les faux handicapés qui courent comme des lapins ». (Sourires.)

Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est bien dit !

M. Jean-Claude Requier. Pour terminer, cette proposition de loi ne doit pas nous faire oublier l’impérieuse nécessité de poursuivre notre action en faveur d’une plus grande accessibilité, facteur déterminant de l’amélioration de la qualité de vie des personnes handicapées. Je sais que certaines associations craignent que la gratuité du stationnement ne soit un argument pour freiner les aménagements nécessaires à l’accessibilité universelle de la voirie ou des transports en commun. Je pense qu’il est important de les rassurer, et de leur rappeler que l’accessibilité universelle est une priorité du Gouvernement. L’accès à tout et pour tous ne doit pas être un vain mot.

Pour toutes ces raisons, le groupe du RDSE, dans sa très grande majorité, soutiendra cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti.

M. Olivier Cigolotti. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’imagine que chacun d’entre vous se souvient de sa première prise de parole au sein de cet hémicycle ; c’est évidemment quelque chose que l’on n’oublie pas. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur plusieurs travées du groupe socialiste. – Mmes Chantal Deseyne et Nicole Duranton applaudissent également.)

M. Olivier Cigolotti. En tant que nouveau sénateur – fraîchement élu – de la Haute-Loire, c’est ce moment que je partage avec vous.

Je suis particulièrement ému que ma première intervention porte sur un texte tel que celui-ci.

Cela s’explique, primo, par sa thématique. Toute ma vie, en effet, j’ai travaillé dans le secteur social. Mon parcours professionnel m’a amené à être confronté, et particulièrement sensibilisé, aux problématiques du handicap.

Secundo, il est singulièrement gratifiant d’intervenir pour défendre un texte qui consacre une avancée incontestable pour les personnes à mobilité réduite. Cette avancée, de surcroît, trouve son origine dans l’initiative municipale, ce dont tout représentant des collectivités et des territoires ne peut que se réjouir.

En effet, en généralisant à l’ensemble du territoire la gratuité des places réservées aux titulaires de la carte de stationnement, la présente proposition de loi sonne un peu comme la validation de l’expérience menée aujourd’hui par nombre de communes : près de 250, selon l’Association des paralysés de France.

Toutefois, la proposition de loi va beaucoup plus loin.

D’une part, en sus de la gratuité, elle traite de la durée du stationnement.

D’autre part, grâce à la commission des affaires sociales du Sénat, la gratuité et la non-limitation de la durée du stationnement ont été étendues à toutes les places de stationnement, qu’elles soient réservées ou non. Ce point est très important : le quota actuel de places réservées – 2% – paraît nettement insuffisant. Ainsi, à Paris, on compte 50 000 bénéficiaires de la carte pour 5 000 places réservées et aménagées. Le nombre de demandes de carte de stationnement croît en moyenne de 11 % par an depuis 2007. Avec le vieillissement de la population, la tendance ne pourra que s’accentuer.

Le texte présente donc une avancée réelle, qui est aussi réaliste et pragmatique. Afin d’éviter les abus de stationnement, la possibilité est ouverte aux municipalités de fixer une durée maximale à partir d’un seuil minimal de douze heures.

De même, la situation des parkings gérés par délégation de service public n’est pas oubliée, puisque la gratuité s’appliquera à la date du renouvellement des contrats.

Et je tiens à saluer l’apport de notre ancienne collègue Muguette Dini, qui avait fait adopter un amendement prévoyant un régime spécifique pour les parcs de stationnement disposant de bornes d’entrée et de sortie accessibles aux personnes titulaires de la carte de stationnement depuis leur véhicule.

Dans ce cas, le stationnement pourrait ne pas être gratuit.

Tout l’esprit du texte est concentré dans cet amendement. La gratuité ne vient pas ici compenser la situation de handicap. Elle n’est prévue que dans les cas où le paiement est difficile physiquement compte tenu de la mobilité réduite des personnes bénéficiaires de la carte.

Pour toutes ces raisons, nous sommes fondamentalement favorables à ce texte consensuel.

Mais, justement, puisqu’il s’agit d’un texte si consensuel, le nouveau sénateur que je suis ne peut pas s’empêcher de s’étonner de l’historique de la navette.

Le Sénat a adopté la présente proposition de loi à l’unanimité en première lecture le 12 décembre 2013.

M. Olivier Cigolotti. Or elle nous revient en deuxième lecture seulement aujourd’hui, 11 mars 2015, dans une version fondamentalement identique.

Dans ces conditions, la question s’impose : pourquoi avoir autant attendu ? (M. Didier Guillaume rit.) À vrai dire, rien ne semble devoir justifier une telle attente, pas même un motif politique : les auteurs du texte ne sont autres que notre collègue Didier Guillaume et les membres du groupe socialiste, principale composante de la majorité gouvernementale.

Le néophyte que je suis s’interroge donc. La longueur de la navette du présent texte est proprement incompréhensible, pour ne pas dire choquante. (Mme Catherine Génisson s’exclame.)

Et il est encore plus choquant de constater que la redécouverte de ce texte tombe à point nommé. À l’heure où les associations s’émeuvent de la directive du 26 septembre 2014, qui aménage les conditions de mise en accessibilité du bâti et de la voirie, et où elles doutent de la volonté réelle des pouvoirs publics d’améliorer la mobilité des personnes en situation de handicap, voilà un gage tout trouvé ! J’espère lourdement me tromper en soulignant l’étrangeté de la coïncidence.

En tout état de cause, il est difficilement admissible d’avoir attendu plus d’un an pour adopter définitivement la présente proposition de loi. Le signal adressé aux personnes en situation de handicap est très négatif.

Pour un regard encore extérieur, cela interroge aussi sur le fonctionnement même du Parlement.

M. Olivier Cigolotti. Par exemple, je ne peux m’empêcher de penser à la proposition de loi de mon collègue altiligérien Gérard Roche que le Sénat a adoptée le 25 octobre 2012. Ce texte apporte une vraie solution au problème lancinant de la compensation des dépenses d’allocation personnalisée d’autonomie, ou APA, au département. Ici encore, la navette s’est, semble-t-il, grippée. Pourtant, la future loi sur l’adaptation de la société au vieillissement ne semble pas devoir elle-même régler la question.

Combien de propositions de loi sont ainsi en panne alors qu’elles pourraient réellement faire avancer les choses ? Encore une fois, le jeune sénateur que je suis s’interroge.

Pour conclure, il me faut tout de même évoquer l’aspect financier de la proposition de loi.

Évidemment, la mesure aura un coût. Comme cela a été rappelé, il est évalué entre 16 millions et 21 millions d’euros. Certes, rapporté à l’ensemble des dépenses communales, c’est peu. Mais ce n’est pas neutre sur le plan des principes. Et le Sénat, en tant que représentant des collectivités, devrait y être particulièrement sensible.

Une fois encore, une charge est transférée aux communes sans compensation. Une fois encore, c’est sur les collectivités que l’on compte pour mettre en œuvre ce qui est en réalité une politique nationale.

À l’heure où, parallèlement, les dotations ne cessent de rétrécir, une telle logique, tout comme celle des navettes gelées, interroge le nouveau parlementaire que je suis.

Cependant, le groupe de l'UDI-UC est, je le rappelle, tout à fait favorable à ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – Mmes Chantal Deseyne et Nelly Tocqueville applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Vivette Lopez.

Mme Vivette Lopez. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mes chers collègues, avant d’en venir plus précisément à la présente proposition de loi, j’aimerais avoir une pensée pour tous ceux qui ont perdu la vie lors du terrible drame en Argentine, en particulier pour nos trois sportifs français.

La mise en application de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées passe aussi par l’accessibilité et la mobilité des personnes en situation de handicap.

Parvenir à une société inclusive où les personnes en situation de handicap ont un emploi suppose que celles-ci aient la capacité de se déplacer et de stationner sans contrainte. Il y va du maintien de la cohésion sociale du pays.

En effet, l’accès des personnes en situation de handicap à une vie sociale, aux études, à un emploi, mais aussi aux loisirs, dépend avant tout de leur mobilité. Pourtant, les personnes en situation de handicap sont, nous le constatons, trop souvent contraintes et freinées par un espace public qui ne répond pas toujours à leur condition.

Le monde du handicap attend ce texte, qui élargit le principe de gratuité et de non-limitation de l’ensemble des places de stationnement, pour une durée maximale ne pouvant pas être inférieure à douze heures.

Ce principe de gratuité avait d’ailleurs été proposé par notre collègue Philippe Bas, ancien ministre. Mais il avait jusqu’à présent été rejeté par le Gouvernement.

En effet, Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique, avait émis un avis bien frileux, sous prétexte que la proposition de loi revenait à « déresponsabiliser les autorités communales » et faisait preuve d’une « défiance totale à l’égard des élus de France ». C’est tout de même regrettable.

Je me réjouis que le Gouvernement soit donc prêt aujourd’hui à un changement d’orientation ; son ancien positionnement était plutôt réticent.

Nous devons faire preuve de pugnacité, dans un contexte où la mise en place de l’accessibilité et de la mobilité des personnes en situation de handicap reste difficile.

D’une part, un certain nombre d’automobilistes peu scrupuleux ne respectent pas les droits des handicapés, et ce au-delà de tout civisme ; ils débordent, bloquent et stationnent sur leurs emplacements réservés. Les résultats du renforcement des contrôles et du passage de l’amende forfaitaire simple de 35 euros à une contravention de quatrième classe de 135 euros sur les places handicapés sont concluants.

D’autre part, la gratuité et la non-limitation à l’ensemble des places de stationnement imposent de nouvelles contraintes législatives qui, une fois de plus, incombent aux maires.

Pourtant, les enjeux en termes d’accessibilité sont fondamentaux pour les handicapés. Aujourd’hui, les personnes en situation de handicap préparent minutieusement leurs déplacements quotidiens, au regard des difficultés de stationnements. Elles doivent sortir de leur véhicule, se rendre à l’horodateur, payer et, enfin, revenir à leur moyen de transport pour y déposer le ticket de stationnement.

La gratuité généralisée des places de stationnement réduira leurs efforts et leur apportera une plus grande fluidité dans leurs déplacements.

Le manque à gagner pour les 36 000 communes de France a été évalué entre 16 millions d’euros et 21 millions d’euros. Les collectivités ne seront donc pénalisées financièrement qu’à la marge par la présente proposition de loi.

Au demeurant, l’exonération de la redevance est une pratique développée dans plus de 250 communes en France. La présente proposition de loi uniformise cette tendance, afin de réduire les inégalités de traitement sur l’ensemble du territoire national.

De tels efforts législatifs doivent être élargis de manière transversale à toutes les politiques publiques.

Je formule d’ailleurs le regret que cette proposition de loi n’aille pas plus loin et qu’elle ne traite pas du manque de places réservées et aménagées pour les personnes en situation de handicap, notamment dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, ou EHPAD. Ces établissements manquent de places aménagées au regard du grand nombre de personnes à mobilité réduite qui les fréquentent. Je souhaiterais connaître votre sentiment à cet égard, madame la secrétaire d’État.

Quoi qu’il en soit, il faut saisir les occasions favorables, relever les défis, afin de tendre vers l’esprit de l’accessibilité et de la mobilité universelle. Pour les personnes en situation de handicap, accéder, c’est exister.

Je voterai, et la grande majorité de mon groupe avec moi, la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UDI-UC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume.

M. Didier Guillaume. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi a pour seul objectif d’instaurer une mesure pratique destinée à faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap.

Notre assemblée, à travers les travaux de notre collègue Claire-Lise Campion, s’était saisie de la question de l’accessibilité et a incontestablement contribué à une nécessaire prise de conscience dix ans après l’adoption de loi du 11 février 2005.

En matière de prise en compte du handicap, il faut, me semble-t-il, rester humble et considérer que chaque pas, chaque avancée, aussi modeste soit-elle, permet de réduire l’écart pour tendre vers une société inclusive.

Ce concept de société inclusive doit guider toutes nos pensées lorsque nous évoquons le handicap. Il doit être notre objectif commun. À en juger par les interventions des orateurs qui viennent de se succéder à la tribune, je constate que c’est le cas.

Et c’est bien le seul objectif de ce texte que je vous ai proposé en première lecture.

Je connais bien la question du handicap et de l’accessibilité, non seulement comme président de conseil général, donc responsable de fait de la MDPH, mais également à titre personnel, car j’ai vécu cela dans le cadre familial pour l’un de mes très proches.

J’ai pu le constater, si un des maillons de la chaîne de déplacement est défaillant, c’est toute la chaîne qui est cassée. Le stationnement est un des maillons de cette chaîne. Il faut apporter un certain nombre de réponses.

Bien entendu, il s’agit ici de faire preuve non pas de condescendance, mais de compréhension des difficultés.

Le texte a pour objectif d’assurer la meilleure autonomie possible. Faciliter le stationnement en levant la limitation de temps ou en instaurant la gratuité n’est pas une mesure discriminatoire. Au contraire, c’est un facteur d’inclusion dans notre société.

D’abord, le stationnement est un élément important de la mobilité pour assurer l’accessibilité d’un parcours classique de déplacement dans la vie quotidienne.

Surtout, pour s’épanouir socialement, pour participer à des activités sociales, professionnelles, culturelles, sportives, éducatives, il faut être mobile et autonome. Il faut tout mettre en œuvre pour que chaque citoyen puisse prendre sa juste part dans notre société.

Cette proposition de loi ne changera évidemment pas la vie de ces personnes ; il faudrait prendre d’autres mesures. Mais peut-être leur permettrons-nous d’avoir une vie plus épanouie en améliorant et en résolvant certains petits soucis du quotidien.

En fait, ce constat relève uniquement du réalisme. Il s’agit de prendre acte de la réalité, voire des difficultés dans l’application d’une loi, sans abdiquer sur les principes.

Madame la secrétaire d’État, les agendas d’accessibilité programmée, ou Ad’AP, sur lesquels vous travaillez, auront, j’en suis convaincu, le mérite d’obliger les élus et maîtres d’ouvrage à figer, à orienter, à prendre des engagements dans le temps, à les formuler et, au final, à les respecter. Nous avons besoin non pas d’incantations, mais de réalisations concrètes, avec un calendrier !

La présente proposition de loi visant à faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap est une modeste contribution au chantier de l’accessibilité partout et pour tous.

Ainsi, à l’éclairage de mon expérience de terrain, je sais que la mise en accessibilité des espaces publics et privés, des espaces commerciaux ou administratifs, n’est pas satisfaisante s’il n’est pas possible de se garer à proximité de ces lieux.

Je prendrai un exemple simple. Dans la Drôme, les locaux du conseil général et de la préfecture sont situés au même endroit, c'est-à-dire au centre-ville de Valence, où l’ensemble des parkings environnant sont à durée limitée et payants. Dans ces locaux, des réunions se tiennent régulièrement, par exemple celle de la commission départementale d’accessibilité chargée d’examiner la bonne application de la loi de 2005 dans les établissements recevant du public.

Dans ces commissions siègent des représentants de l’APF et de la FNATH. Comme il n’est pas discriminatoire de réserver des places de stationnement adaptées au plus près des espaces publics, il n’est pas plus discriminatoire de faciliter le stationnement des personnes handicapées lorsqu’il est limité dans le temps, l’objectif étant bien de ne pas soumettre les personnes en situation de handicap aux mêmes contraintes temporelles que les autres. Il est important de préciser que la gratuité est ici non pas la finalité, mais la conséquence de cette proposition.

De nombreuses municipalités se sont d’ailleurs d’ores et déjà engagées dans cette voie, certaines depuis très longtemps, comme l’a souligné Mme la rapporteur. Lorsque j’étais maire, j’ai moi-même été confronté à cette situation. Dans les petites villes de province, il est fréquent de donner des consignes à la police municipale afin qu’elle ne verbalise pas les personnes en situation de handicap. C’est le cas à Grenoble, comme l’a rappelé Claire-Lise Campion, où le stationnement est payant pour les personnes à mobilité réduite, avec néanmoins une tolérance de la police. À Bordeaux, le stationnement est gratuit pour les places en aérien, avec une tolérance pour les places non adaptées si le macaron GIC, grand invalide civil, est mis sur le pare-brise. À Saint-Étienne, toutes les places sont gratuites en surface pour les personnes à mobilité réduite.

Nous le constatons, la prise de conscience des élus locaux est là, la mécanique est enclenchée. Dans la mesure où nous sommes les représentants des collectivités, nous avons le devoir d’essayer d’aller plus loin. N’avons-nous pas tous reçu, au cours de nos mandats locaux, le témoignage de personnes directement concernées par le handicap qui nous disaient : « Vous qui avez le pouvoir de légiférer, faites quelque chose pour faciliter notre stationnement, car notre vie, que nous voulons la plus normale possible, est déjà compliquée » ?

Mes chers collègues, c’est pour l’ensemble de ces raisons que j’ai souhaité vous soumettre cette proposition de loi, il y a déjà bien longtemps ainsi que l’a souligné l’un des orateurs. Je n’ai qu’un seul objectif à travers cette mesure : qu’un parent âgé, un oncle, une tante, puisse continuer à faire ses courses de façon autonome, avec un accès aux commerces ou à la pharmacie ; que la personne en fauteuil puisse se garer facilement pour accéder au centre-ville, à la mairie ou au bureau de poste ; que notre voisin puisse suivre une scolarité la plus normale possible au sein de l’école de son quartier et que ses parents puissent se garer à proximité de son établissement scolaire ; que le sport soit accessible à tous, pratiquants ou spectateurs, quel que soit le handicap.

Tout simplement, mes chers collègues, je vous propose de voter cette proposition de loi pour qu’elle puisse être rapidement mise en œuvre. Comme l’a relevé Mme la rapporteur dans son rapport, cette initiative est destinée à franchir une étape supplémentaire vers l’accessibilité universelle, tel est notre objectif. Le pas que nous allons faire aujourd'hui, si notre assemblée adopte ce texte en deuxième lecture, sera important pour mettre en place une société inclusive et pour que la notion de vivre ensemble dans la cité soit une réalité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et de l’UDI-UC. – M. Jean Desessard applaudit également.)