compte rendu intégral

Présidence de M. Hervé Marseille

vice-président

Secrétaire :

Mme Catherine Tasca.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap titulaires de la carte de stationnement
Discussion générale (suite)

Stationnement des personnes en situation de handicap

Adoption définitive en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap titulaires de la carte de stationnement
Article 1er (Texte non modifié par la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture, à la demande du groupe socialiste et apparentés, de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, visant à faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap titulaires de la carte de stationnement (projet n° 126, texte de la commission n° 239, rapport n° 238).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voilà réunis pour examiner en deuxième lecture la proposition de loi de votre éminent collègue, M. Didier Guillaume.

Ce texte a pour objectif de faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap titulaires de la carte de stationnement. Il constitue, bien sûr, un acte supplémentaire en faveur de l’accessibilité universelle.

Je veux profiter de cette occasion pour réaffirmer, devant vous, que l’accessibilité universelle est une priorité du Gouvernement, dans une parfaite continuité avec les travaux qu’avaient engagés Jean-Marc Ayrault et Marie-Arlette Carlotti à partir de juin 2012.

L’accessibilité, c’est d’abord la faculté de s’approprier l’espace collectif : pouvoir se rendre à la mairie, par exemple pour se procurer des papiers, pouvoir aller dans les magasins, au restaurant ou chez un médecin, mais aussi, dans bien des cas, pouvoir stationner à proximité du lieu où l’on souhaite se rendre.

En matière d’accessibilité du bâti, nous le savons tous, la France est malheureusement loin d’être exemplaire, et ce malgré la loi de 2005, qui imposait que tous les établissements recevant du public fussent rendus accessibles avant le 1er janvier 2015. Or nous sommes le 11 mars 2015, et c’est loin d’être le cas. C’est pourquoi nous avons pris des mesures.

Comme je l’ai déjà indiqué plusieurs fois, l’accessibilité doit être une priorité, mais surtout elle doit être une réalité. Nous avons voulu trouver un consensus grâce aux agendas d’accessibilité programmée et nous aurons prochainement l’occasion d’en débattre de nouveau, ici même. Je suis convaincue que le Sénat enrichira le texte actuel de l’ordonnance du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées.

Lors de la conférence nationale du handicap qui s’est tenue en décembre 2014, le sujet de l’accessibilité universelle a été longuement évoqué, et je rappellerai quelques éléments concrets de l’action du Gouvernement en la matière.

L’accessibilité universelle, telle que les associations la définissent à juste titre, est « l’accès à tout et pour tous ». «Tous », cela inclut les personnes souffrant d’un handicap moteur, sensoriel, mais aussi psychique ou mental. « Tout », cela signifie le développement de l’accessibilité tous azimuts : accessibilité des logements, bien sûr, mais aussi accès à l’information ou à la consommation, entre autres.

Sur le sujet de l’information, les choses avancent. Nous avons signé en janvier dernier la charte de qualité pour l’usage de la langue des signes française élaborée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, et nous continuons à encourager les travaux de la direction interministérielle de l’information et de la communication, pour rendre accessible, de façon pérenne, l’ensemble des sites internet publics.

L’accessibilité, c’est aussi être capable de communiquer. Or le téléphone, tel qu’il existe aujourd’hui, exclut de fait toutes les personnes malentendantes et sourdes. Pour corriger cette injustice, un système de relais téléphoniques est en cours d’expérimentation pour 500 personnes sourdes ou malentendantes. La députée Corinne Erhel, qui a bien étudié cette question, propose un certain nombre de solutions pour généraliser cette expérimentation. Ces propositions sont à l’étude.

L’accessibilité, c’est aussi l’accès à la consommation. La vente à distance par internet, si elle est un progrès pour les personnes à mobilité réduite, est malheureusement inaccessible pour les personnes aveugles.

De même, le numérique, qui améliore la performance de certains appareils électroménagers, peut les rendre inaccessibles pour certains types de handicaps si l’on n’y prend pas garde. Cette question fait l’objet de travaux menés conjointement avec l’Institut national de la consommation et la Fédération de l’e-commerce et de la vente à distance.

Avant d’aborder la question qui nous occupe aujourd’hui, celle du stationnement des personnes handicapées, je veux encore dire quelques mots sur la scolarisation des enfants handicapés, sur l’emploi des personnes handicapées, sur l’accompagnement médico-social et sur l’accès aux soins.

Vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, cette initiative parlementaire doit être replacée dans un cadre plus large, celui de la politique en matière de handicap qui est menée par ce gouvernement et cette majorité.

L’une des priorités du Gouvernement est de lutter contre les inégalités à l’école. À cet égard, la première des injustices est celle qui est faite à un enfant handicapé lorsqu’il n’a tout simplement pas la possibilité d’être scolarisé avec les autres enfants.

En France, la scolarisation des enfants handicapés progresse de 10 % chaque année. Actuellement, il y a environ 240 000 enfants en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire.

Ce résultat est positif, mais il reste insuffisant. C’est pourquoi le Gouvernement a développé une politique de professionnalisation et de résorption de la précarité des auxiliaires de vie scolaire, au travers de la transformation, à terme, de 28 000 contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée. Cette année, lors de la dernière rentrée scolaire, ce sont ainsi 3 000 auxiliaires de vie scolaire qui ont vu leur CDD se transformer en CDI. C’est pourquoi, également, nous ouvrons dans le cadre du plan autisme des unités d’enseignement maternel pour les enfants autistes dans toutes les académies.

Nous travaillons avec la ministre de l’éducation nationale à amplifier cette politique, avec de nouveaux objectifs. Nous allons donc prochainement transférer des classes des IME, les instituts médico-éducatifs, au sein de l’école, pour que cette dernière s’ouvre à tous et que les enfants en situation de handicap évoluent au sein de l’école avec les autres enfants.

M. Didier Guillaume. Excellent !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Vous le savez également, la situation de l’emploi des personnes handicapées n’est pas bonne. Leur taux de chômage s’élève en effet à 22 %, soit deux fois celui de la population générale.

L’un des freins à l’emploi des travailleurs handicapés est le manque de formation professionnelle, mais aussi d’accès à cette formation. La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, qui comporte un volet handicap, doit permettre d’améliorer cette situation. De même, certaines dispositions du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques visent à favoriser le recours aux travailleurs handicapés auto-entrepreneurs.

S’agissant enfin de l’accompagnement médico-social, le Gouvernement a engagé deux réformes d’envergure.

La première est celle de la tarification des établissements médico-sociaux, qui était attendue depuis de nombreuses années. Actuellement, il n’existe pas de tarification homogène des services dispensés par les établissements accueillant des personnes handicapées, ce qui crée des disparités territoriales.

La seconde repose sur les propositions du rapport Zéro sans solution, qui a été remis au Gouvernement dans le courant de l’été dernier : nous cherchons les moyens d’éviter ce que l’on appelle les « situations critiques », c’est-à-dire les situations dans lesquelles des personnes lourdement handicapées se retrouvent privées d’un accompagnement adapté malgré une orientation par les maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH. Ce travail est en cours, et des amendements seront déposés dans le cadre de la future loi de santé.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, les politiques publiques menées par le Gouvernement en matière de handicap visent un même objectif, à savoir l’inclusion des personnes handicapées dans la société, en agissant à la fois sur l’accessibilité à tout et pour tous et sur la compensation du handicap. Avec la proposition de loi que vous examinez aujourd’hui, nous sommes donc bien au cœur du sujet.

Dès octobre 2012, l’Observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle, l’OBIAçU, présidé par Mme Claire-Lise Campion, rapporteur de la présente proposition de loi…

M. Didier Guillaume. Et excellente sénatrice ! (Sourires.)

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. … avait suggéré de réviser la législation relative au stationnement des véhicules des personnes handicapées et aux redevances afférentes, afin de limiter la fatigabilité des personnes et de favoriser leur accès à l’autonomie.

La proposition de loi que vous allez étudier aujourd’hui tend à apporter deux modifications à l’article L. 241-3-2 du code de l’action sociale et des familles.

D’une part, elle autorisera les titulaires de la carte de stationnement pour personne handicapée à stationner sur toutes les places, que celles-ci soient réservées ou non. Ce stationnement sera gratuit. Néanmoins, les parcs de stationnement concédés pourront continuer à être payants.

D’autre part, la durée du stationnement autorisé pour ces personnes sera étendue et ne pourra être inférieure à douze heures.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. J’ai bien sûr entendu ceux qui s’interrogent sur l’utilité de cette proposition de loi, car il y en a, aussi étonnant que cela puisse paraître… J’ai entendu également ceux qui pensent que ce texte revient à créer un système dérogatoire au droit commun au profit de quelques personnes. J’ai entendu, enfin, ceux qui redoutent le coût de ces mesures pour les collectivités.

Je veux vous dire que cette proposition de loi ne résoudra pas tous les problèmes. Elle est non pas une solution miracle, mais un texte pragmatique, et je tiens à remercier le sénateur Didier Guillaume du travail qu’il a effectué. (M. Jean-Claude Requier approuve.)

Ce texte constitue indéniablement une avancée, parce que tout ce qui contribue à améliorer le quotidien des gens en facilitant l’accès à la ville ou au village et, par extension, aux services, au travail et aux soins est toujours positif. En outre, ce texte prend en compte une situation problématique et s’emploie à y remédier. Cette proposition de loi va donc dans le bon sens, et je suis persuadé que, sur l’ensemble de ces travées, vous y êtes favorables.

Quant à la gratuité, il faut la voir comme un outil et une incitation à évoluer, plutôt que comme une fin en soi. Elle permettra d’éviter toutes les situations d’inaccessibilité des bornes de paiement.

Je sais que vous êtes nombreux à vous interroger sur la falsification potentielle des cartes de stationnement. (M. Didier Guillaume s’exclame.) Le Gouvernement conduit actuellement un travail visant à faciliter les démarches des personnes handicapées auprès des MDPH, grâce, notamment, à la poursuite de la dématérialisation des procédures et à la simplification des conditions d’attribution de la carte de stationnement.

Vous le savez, à l’heure actuelle, les MDPH ont beaucoup de peine à répondre à toutes les demandes de cartes de stationnement. En effet, nombre d’entre elles émanent de personnes ayant plus de soixante ans, qui sont souvent en GIR, les groupes iso-ressources, 1 ou 2. Or leurs demandes doivent passer devant les commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, seules habilitées, au sein des MDPH, à délivrer les cartes de stationnement.

Dorénavant, cette procédure sera simplifiée, afin que l’attribution de la carte soit automatique pour toutes les personnes dépendantes, ce qui simplifiera le travail des MDPH.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Les travaux se sont orientés prioritairement sur la fabrication des cartes de stationnement, afin de permettre une simplification du processus, tout en améliorant le service rendu à l’usager.

Le ministère a ainsi conduit l’ensemble des travaux nécessaires – étude de faisabilité, puis marché de développement – à la mise en production d’un système d’information dédié, qui est actuellement en phase de test et qui pourra être déployé en 2015, en direction prioritairement des services déconcentrés chargés de la cohésion sociale, puis des MDPH qui seraient intéressées. Toutes les questions relatives à la potentielle falsification des cartes sont examinées dans ce cadre.

Lors de la conférence nationale du handicap, toute une série de mesures qui étaient demandées par les directeurs et les directrices des MDPH pour simplifier le travail des agents et améliorer le service rendu ont été annoncées. Outre celle que j’ai évoquée, je mentionnerai, notamment, l’allongement de la durée de l’AAH, l’allocation aux adultes handicapés, qui pourra être prolongée jusqu’à cinq ans, contre deux ans aujourd’hui, et celle de la durée des certificats médicaux, qui pourront être valables six mois, contre trois mois actuellement. Toutes ces mesures sont en préparation et seront mises en œuvre bien avant la fin de l’année 2015.

Enfin, la création d’une carte « mobilité inclusion », personnelle et sécurisée, est prévue pour remplacer à terme la carte de stationnement et la carte de priorité. Dans l’immédiat, la durée de validité des cartes sera prolongée pour éviter les ruptures de droit.

Pour conclure, je voudrais vous dire que cette proposition de loi améliorera – c’est bien là l’essentiel –, la vie quotidienne des personnes handicapées, si vous acceptez de l’adopter. Sa mise en œuvre sera rapide, puisque les collectivités territoriales auront deux mois pour se mettre en conformité avec les mesures.

Le Gouvernement est donc favorable à cette proposition de loi. En effet, notre volonté et notre mission, c’est d’abord et avant tout d’améliorer la vie quotidienne des Français. C’est cette ligne directrice qui doit guider chacune de nos décisions, au-delà des débats d’idées. Il vous appartient à présent, mesdames, messieurs les sénateurs, de débattre et d’adopter, ou non, ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Claire-Lise Campion, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, à l’heure où nous entamons nos débats, plus de deux cent cinquante communes françaises ont instauré la gratuité du stationnement pour les titulaires de la carte de stationnement pour personnes handicapées.

Ces initiatives sont très largement saluées, en ce qu’elles apportent une amélioration considérable à la vie quotidienne de nos concitoyennes et concitoyens en situation de handicap. En effet, trop souvent, l’accès à une place de stationnement relève, pour ces personnes, du parcours du combattant et peut constituer un obstacle à l’exercice d’une vie professionnelle, sociale et culturelle épanouie.

L’objet de la proposition de loi, que nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture, est de généraliser ces initiatives en fixant dans la loi un principe général de gratuité et de non-limitation de la durée du stationnement sur les places réservées aux personnes en situation de handicap. Nous en devons la paternité – comme l’a rappelé Mme la secrétaire d’État – à M. Didier Guillaume, qui s’est beaucoup engagé sur ce sujet et qui a déposé ce texte le 1er octobre 2013, accompagné par l’ensemble des membres du groupe socialiste.

Les travaux du Sénat en première lecture, qui ont été menés en particulier par notre ancien collègue Ronan Kerdraon et qui se sont déroulés en décembre 2013, ont apporté plusieurs améliorations à la proposition de loi initiale.

Il s’agissait, notamment, d’éviter le risque de pratiques abusives et de préserver la libre administration des collectivités territoriales. Le texte issu de nos travaux permet ainsi aux communes de fixer une durée maximale de stationnement, tout en les obligeant à respecter un seuil de douze heures minimum. Le phénomène, que nous connaissons tous, des « voitures ventouses » devrait ainsi être évité et la fluidité du stationnement préservée, ce qui se révèle essentiel, surtout dans les plus grandes agglomérations.

Dans le même temps, le Sénat a étendu les règles de gratuité et de non-limitation de la durée du stationnement à l’ensemble des places, que celles-ci soient ou non réservées.

Cette souplesse par rapport au texte initial tient compte du fait que les personnes en situation de handicap sont parfois contraintes de stationner sur des places non réservées, lorsque ces dernières sont en nombre insuffisant ou lorsqu’il n’en existe aucune à proximité du lieu où elles souhaitent se rendre. Elle s’inscrit, de surcroît, dans la droite ligne des recommandations qui avaient été formulées dans son rapport d’octobre 2012 par l’Observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle, l’OBIAçU, alors présidé par notre collègue Philippe Bas.

Les communes qui n’appliquent pas encore la gratuité devront disposer d’un laps de temps suffisant pour adapter leur politique de stationnement ; Mme la secrétaire d’État vient de le rappeler.

Un délai de deux mois a donc été fixé pour l’entrée en vigueur de ces nouvelles règles. S’agissant des parcs de stationnement gérés dans le cadre de délégations de service public, la gratuité et la non-limitation de la durée du stationnement s’appliqueront à compter du renouvellement des contrats. Le risque de contentieux lié à la signature d’avenants aux contrats en cours nous semble ainsi évité.

Enfin, grâce à une proposition de notre ancienne collègue Muguette Dini, la situation particulière des aires de stationnement qui disposent de bornes d’entrée et de sortie directement accessibles depuis le véhicule a été prise en compte. Pour ces dernières, l’obstacle physique que représente l’accès à un parcmètre n’existe pas. Les autorités compétentes seront donc libres d’y appliquer, ou non, la gratuité.

En novembre dernier, lorsqu’elle s’est prononcée en première lecture, l’Assemblée nationale a pleinement adhéré aux objectifs de la proposition de loi, ainsi qu’à son dispositif. Elle a malgré tout jugé nécessaire d’adopter trois modifications rédactionnelles au texte issu de nos débats en séance publique.

Ces évolutions, si elles apportent des améliorations de forme à la proposition de loi, n’en modifient aucunement le fond. Notre commission des affaires sociales n’y est pas revenue le 21 janvier dernier, et nous sommes par conséquent appelés à nous prononcer aujourd’hui sur un texte quasiment identique à celui qui avait fait l’objet d’un très large consensus au Sénat voilà un peu plus d’un an.

J’entends parfaitement les interrogations qui peuvent s’exprimer quant aux risques de pratiques de stationnement abusives. Je pense malgré tout qu’une solution équilibrée a été trouvée au Sénat en première lecture. J’estime également que le bilan des expériences menées sur nos territoires ne peut que nous encourager à adopter cette proposition de loi.

Si une ville comme Saint-Etienne parvient à appliquer les principes de gratuité et de non-limitation de la durée du stationnement sur l’ensemble des places depuis 1988, et si deux cent cinquante communes, souvent de grande taille, ont fait le choix de la suivre dans cette voie, c’est qu’il s’agit là d’une mesure à la fois raisonnable et bénéfique pour l’ensemble de nos concitoyens en situation de handicap.

En généralisant ces bonnes pratiques, nous rendons hommage à des collectivités qui ont su se montrer précurseurs en la matière et nous offrons aux personnes en situation de handicap l’assurance de pouvoir stationner dans les mêmes conditions pratiques sur l’ensemble du territoire national.

Ce texte, en effet, ne résoudra pas toutes les difficultés relatives au stationnement des personnes en situation de handicap. Je pense en particulier à la question d’une éventuelle augmentation du quota de places réservées, ainsi – vous venez de l’évoquer, madame la secrétaire d’État – qu’à la sécurisation du processus de fabrication de cartes de stationnement pour personnes handicapées.

Sur ce dernier point, madame la secrétaire d'État, les engagements pris par le Président de la République le 11 décembre dernier, lors de la conférence nationale du handicap, sont mis en perspective par vos propos d’il y a un instant. Ils aboutiront à la création d’une nouvelle carte « mobilité inclusion », personnelle et sécurisée, qui viendra remplacer les cartes de priorité et de stationnement. Des évolutions sont donc en cours ; elles nous permettent d’avancer en parallèle de l’examen de cette proposition de loi.

S’agissant des questions plus générales de mise en accessibilité de l’ensemble du cadre bâti et des transports, sur lesquelles, à vos côtés, je me suis personnellement beaucoup impliquée, le Parlement aura l’occasion de débattre au cours des semaines et des mois à venir. En attendant, sachons accueillir les avancées proposées par ce texte. Elles sont limitées au regard de l’ensemble des enjeux relatifs à l’accessibilité universelle, mais elles sont concrètes et certaines, et je remercie encore M. Didier Guillaume d’en avoir eu l’initiative.

Pour l’ensemble de ces raisons, je forme le vœu que cette proposition de loi puisse recueillir, comme en première lecture, le consensus le plus large possible au sein de notre Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, il y a un peu plus d’un an, en décembre 2013, nous examinions en première lecture la proposition de loi de notre collègue Didier Guillaume, que je salue, visant à faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap titulaires de la carte de stationnement.

Lors du passage de ce texte à l’Assemblée nationale en novembre dernier, seuls trois amendements rédactionnels ont été insérés dans le texte. Celui-ci reste donc quasiment identique, et le groupe écologiste votera donc pour, comme il l’a fait l’an dernier.

Cette proposition de loi se donne comme objectif de renforcer l’accessibilité et la mobilité de nos concitoyens à mobilité réduite. Elle prévoit la gratuité, sans limitation de durée, pour les personnes titulaires de la carte de stationnement sur les emplacements réservés, ainsi qu’une application de cette obligation pour les parkings en délégation de service public au renouvellement du contrat.

Paradoxalement, la gratuité apparaît ainsi comme la solution technique la plus simple – on le comprend aisément –, mais aussi la moins coûteuse pour les collectivités territoriales. En effet, si les emplacements restaient payants, chaque commune devrait revoir l’ensemble du système des horodateurs, ce qui représenterait un coût important.

Au-delà de la question du stationnement, l’accessibilité est l’un des enjeux majeurs du handicap. Les difficultés de déplacement conditionnent la vie quotidienne du près de 1,2 million de handicapés moteurs que compte notre pays selon l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, l’Agefiph. Que ce soit pour se rendre au travail, partir en voyage ou simplement faire les courses, les difficultés de déplacement existent, et c’est le rôle des pouvoirs publics que de les atténuer dans un souci d’égalité.

À cet effet, le législateur a adopté plusieurs textes, qui ont défini un cadre juridique pour l’accessibilité. Principe de l’accessibilité aux installations ouvertes au public avec la loi de 1975, aménagement de la voirie dans la loi de 1991, objectif d’accessibilité complète des établissements et des espaces publics grâce à la loi de 2005 : notre arsenal législatif doit ainsi en théorie permettre de lutter efficacement contre l’exclusion des personnes à mobilité réduite.

Pourtant, les difficultés persistent, et selon la Délégation ministérielle à l’accessibilité, seulement 13 % des plans de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics ont été adoptés, couvrant à peine 30 % de la population.

Nos concitoyens en sont conscients, comme en témoigne un sondage de l’institut OpinionWay de juin 2013, selon lequel plus des trois quarts des Français jugent indispensable d’améliorer l’accès aux établissements publics, aux commerces de proximité, aux habitations, aux transports et aux lieux de culture.

Pour parvenir à cet objectif, les écologistes ont défini le concept de ville lente – une gageure pour le Parisien que je suis ! Il permet de passer d’une situation où l’accessibilité se fait par aménagements successifs à une situation où tous les déplacements au sein d’une ville sont prévus d’emblée.

La ville lente, c’est une conception de la ville au quotidien, pour les citoyens qui peuvent être confrontés à des problèmes de déplacement : outre les personnes en situation de handicap définitif ou conjoncturel, les personnes âgées, les dames – et les messieurs – avec leurs poussettes, les enfants, etc. Vous l’avez compris, mes chers collègues, le concept de ville lente s’adapte à tous.

Les modes de transports doux, comme le tramway, sont au cœur de cette vision, pour restructurer les espaces de mobilité.

Les trottoirs s’élargissent, les marches disparaissent peu à peu, les voitures se font moins nombreuses et chacun peut se déplacer en sécurité, à son rythme. La ville appartient à tous, et tout le monde doit pouvoir en profiter pleinement.

C’est cet objectif de ville lente qu’il nous faut viser, pour que la lutte contre l’exclusion et pour l’accessibilité s’inscrive dans nos politiques de droit commun. Dans l’attente de ce changement de paradigme, le groupe écologiste soutiendra toutes les initiatives, comme celle dont nous discutons, qui permettront de faciliter la vie des personnes à mobilité réduite.

Nous voterons donc cette proposition de loi, et remercions Didier Guillaume de l’avoir déposée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.