M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Patricia Schillinger. De plus, des dispositifs de formation et d’accompagnement des aidants sont prévus. Il est important d’encourager toutes les formes d’accompagnement. Je songe notamment à la mise en place de lieux de parole, d’écoute et d’échange, de « cafés » des aidants. Il est également crucial d’aider ces derniers à concilier vie professionnelle et rôle d’aidant, comme le prévoit ce texte.

Des incertitudes entouraient la question de la gouvernance locale, en raison de la réforme territoriale. Le Gouvernement a donc déposé, à l’Assemblée nationale, des amendements tendant à rétablir les conseils départementaux de la citoyenneté et de l’autonomie et à permettre la création de maisons départementales de l’autonomie. Ainsi, l’échelon départemental sera conservé pour la mise en œuvre et la coordination de cette politique.

Madame la secrétaire d’État, je me réjouis que ce projet de loi veille au respect des droits et des libertés des personnes âgées. En effet, la procédure de recueil du consentement à l’entrée en maison de retraite est renforcée, ainsi que la lutte contre les tentatives de captation d’héritage ou d’abus de faiblesse.

M. Roland Courteau. Exactement !

Mme Patricia Schillinger. Mes chers collègues, toutes ces mesures montrent que ce projet de loi appréhende le phénomène du vieillissement dans sa globalité, de manière responsable et ambitieuse, en total accord avec la réalité que connaissent nos concitoyens. Aucun gouvernement n’avait, auparavant, envisagé de si grandes avancées. Malgré la crise des finances publiques, le Gouvernement agit.

Je souhaite rappeler que ce texte a été élaboré à l’issue d’une large concertation avec l’ensemble des acteurs concernés. Il a fait l’objet d’un avis du Conseil économique, social et environnemental. Il s’agit, pour le Gouvernement, de répondre à une demande forte des Français d’anticiper les conséquences du vieillissement de la population et de les intégrer dans l’ensemble des politiques publiques.

L’ambition du Gouvernement est aujourd’hui de remettre de la cohérence dans les politiques publiques, d’engager une dynamique et d’assurer l’égalité de tous les citoyens face au risque de perte d’autonomie. Le projet de loi envisage la problématique du vieillissement dans sa double dimension : celle du « bien vieillir » et celle de la protection des plus vulnérables. Ce texte est ambitieux. Il apporte des réponses aux divers acteurs.

Les élus locaux attendent que le législateur donne une impulsion en faisant en sorte que les documents d’urbanisme prennent systématiquement en compte les conséquences futures du vieillissement. Les familles, quant à elles, attendent des moyens supplémentaires, mais elles attendent aussi et surtout que l’État et le législateur prennent mieux en considération le rôle des aidants familiaux.

Nous pouvons dire aujourd’hui que le Gouvernement apporte des réponses aux élus, aux citoyens et aux acteurs économiques et sociaux. L’État donne une véritable impulsion. Réformer permettra à notre société de changer de regard sur le vieillissement et la vie des personnes âgées. Nous voterons ce texte, car il introduit les réformes nécessaires pour affronter les défis du XXIe siècle concernant le vieillissement de la population. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jean Desessard applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Agnès Canayer. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, conjugué à l’affaiblissement des solidarités familiales et au travail des femmes, le vieillissement de la population fait de la prise en charge de la dépendance un enjeu majeur pour les années à venir en France.

Cette profonde mutation appelle une réflexion globale sur la place et le rôle des personnes vieillissantes dans notre société. Il est impératif de favoriser l’autonomie des personnes, dans le respect de leurs choix de vie, afin qu’elles restent le plus longtemps possible des citoyens actifs, apportant leur expérience et donnant de leur temps. Il incombe à la société et aux collectivités de soutenir les projets de chaque personne.

Répondant à un engagement de campagne du président Hollande, le projet de loi qui nous est soumis devait être un texte fondateur pour construire une politique responsable, globale et pragmatique. Aujourd’hui, c’est un texte bien en deçà de ces espérances qui nous est présenté.

M. Jacques Chiron. Et vous, qu’avez-vous fait ?

Mme Agnès Canayer. C’est un texte qui ne répond pas véritablement aux besoins et aux aspirations des personnes âgées. Je prendrai l’exemple de l’instauration d’un service civique senior, qui reflète selon moi une profonde méconnaissance de l’engagement des personnes âgées dans le monde associatif et vient en outre troubler la visibilité du service civique pour les jeunes.

Les questions du financement limité de la prise en charge de la dépendance et du télescopage des calendriers législatif et électoral ayant déjà été abordées, je me concentrerai avant tout sur celle de la prévention des difficultés liées au vieillissement.

Pour ma part, je suis convaincue que la prise en charge de la perte d’autonomie doit avant tout être fondée sur une politique de prévention permettant une prise en compte globale des effets du vieillissement. Je pense qu’une grande confiance doit être accordée à la commune, échelon de proximité apte à l’innovation et à la mise en œuvre de solutions pragmatiques.

Je tiens à partager avec vous mon expérience d’élue locale au Havre. Nous avons inscrit notre action dans la démarche « villes-amies des aînés » de l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS. Il s’agit d’une politique globale menée en partenariat avec le centre communal d’action sociale, le CCAS, les associations et le département pour encourager le vieillissement actif. Notre projet est fondé sur le « bien vieillir » chez soi et l’accompagnement des plus fragiles.

Cette démarche se traduit notamment par la mise en place d’une maison pédagogique, lieu de démonstration, de sensibilisation, d’accueil, d’information et de prévention, centré notamment sur l’adaptation du logement. Des actions de prévention en santé primaire – nutrition, sommeil, gestion des médicaments – sont également menées. Il est enfin prévu de proposer dans cet espace des ateliers « mémoire » et « prévention des chutes ».

Dans le même esprit, il convient de développer un habitat adapté, c'est-à-dire des résidences de petite taille, plus chaleureuses, à dimension humaine, permettant aux personnes âgées de mutualiser l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, et la prestation de compensation du handicap, la PCH, ainsi que les services de garde. Nous pourrions ainsi prendre également en charge les personnes handicapées vieillissantes, dont l’accompagnement n’est pas pris en compte par le texte.

Dans la même veine, je soutiendrai un amendement tendant à maintenir en l’état les logements adaptés du parc HLM et à les réattribuer prioritairement à des personnes âgées. Il ne s’agit nullement de récréer des quotas, mais simplement d’être pragmatiques : des dépenses ayant été engagées pour adapter ces logements aux personnes âgées, autant les réattribuer à ce public.

Le défi du « bien vieillir » est immense. C’est en nous engageant dans une démarche proactive de soutien aux initiatives que nous le relèverons, afin que chacun et chacune se sente inclus dans notre société. Pour conclure sur une note plus positive, je citerai Victor Hugo : « La vieillesse bien comprise est l’âge de l’espérance. » (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je répondrai de manière assez brève, me réservant de revenir au cours de la discussion des articles sur les différents sujets évoqués.

Je me félicite d’avoir entendu exprimer un accord global sur l’esprit du projet de loi, qui vise à changer le regard de la société sur le vieillissement et la place des personnes âgées. Un consensus s’est manifesté sur les avancées qu’il comporte en matière de droits des personnes et de droits sociaux nouveaux, en particulier le droit au répit pour les aidants. Tout le monde pense qu’il est utile d’améliorer l’APA et de renforcer la présence des services à domicile. En somme, si l’on s’en tient à son contenu, ce projet de loi ne pose pas beaucoup de problèmes.

Les choses se compliquent un peu quand on aborde ce qui n’y figure pas. Plusieurs intervenants ont souligné les limites du texte, regretté un manque d’ambition. Or je ne manque pas d’ambition pour ce projet de loi, je manque seulement de financements. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.) Le rapport annexé, dont on a trop peu parlé, témoigne de toute l’ambition du texte en tant que projet de loi d’orientation et de programmation.

En matière de financements, je souhaite rappeler quelques chiffres importants. Il ne faut pas donner à croire que nos protections collectives et nos systèmes de solidarité seraient ceux d’un pays qui méprise ou néglige la prise en charge du vieillissement. La France consacre chaque année 21,1 milliards d'euros à la prise en charge de la dépendance, et les ménages 7,2 milliards d'euros. Cela signifie que les trois quarts du coût de la prise en charge de la dépendance reposent sur les financements collectifs, et un quart seulement sur les ménages.

Il existe, dans une partie de l’hémicycle, un consensus en faveur de la réduction des dépenses publiques, afin de permettre à notre pays de se conformer aux critères européens. Cette contrainte restreint, bien entendu, nos marges de manœuvre financières. Néanmoins, au travers de ce projet de loi, nous allons mobiliser plus de 650 millions d'euros supplémentaires chaque année pour adapter notre société au vieillissement.

J’ai entendu beaucoup de propositions visant à rendre obligatoire l’assurance contre la dépendance, à créer un cinquième risque au sein de notre protection sociale ou à augmenter le taux de la TVA. Je rappelle que le Président de la République et le Gouvernement se sont engagés à ne pas augmenter les prélèvements obligatoires ; c’est une seconde exigence dont nous devons tenir compte. Malgré ces contraintes budgétaires, nous avançons, nous parvenons à apporter à nos concitoyens des droits nouveaux, des prestations nouvelles, un soutien nouveau.

En conclusion, nous nous accordons sur le contenu du projet de loi, sous réserve bien sûr de la discussion des amendements, qui enrichira considérablement notre réflexion.

M. Marc Daunis. Très bien !

M. le président. La discussion générale est close.

Mes chers collègues, avant d’entamer la discussion des articles, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement

Titre préliminaire

Dispositions d’orientation et de programmation

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement
Article 1er bis

Article 1er

(Non modifié)

L’adaptation de la société au vieillissement est un impératif national et une priorité de l’ensemble des politiques publiques de la Nation.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Morisset, sur l'article.

M. Jean-Marie Morisset. Le vieillissement de notre population est un phénomène qui va prendre une place croissante dans notre société, et cette situation n’est pas sans conséquences pour notre pays.

Madame la secrétaire d’État, vous avez voulu ce projet de loi ambitieux, responsable et global, comme en témoignent la rédaction de l’article 1er et les intitulés des différents titres : anticiper, adapter, accompagner, gouverner, ce sont là autant d’objectifs et d’exigences qui suscitent notre envie d’adhérer à votre projet.

Pourtant, malgré quelques points de convergence, j’avoue m’interroger sur certains sujets ; compte tenu du temps qui m’est imparti, je n’évoquerai que quelques-uns d’entre eux.

Mettre en place une conférence départementale des financeurs peut, certes, apparaître comme une bonne initiative, mais, à ce jour, nous multiplions les organismes, les comités, les conférences. Pour traiter chaque question, nous mettons en place une nouvelle structure, or cette multiplicité des instances ne débouche pas souvent sur une meilleure efficacité.

En l’occurrence, il est vrai que si certains paient, ce sont souvent d’autres qui informent, d’autres encore qui hébergent, qui soignent, qui accompagnent. Pour plus de pragmatisme et d’efficacité, nous pourrions ouvrir plus largement la composition de cette conférence que ne le prévoit le texte, pour créer une véritable « conférence de la personne âgée », qui jouerait alors un rôle majeur dans notre organisation.

Je suis par ailleurs étonné qu’il ne soit que peu fait mention, dans le texte du projet de loi, des centres locaux d’information et de coordination, les CLIC. Dans mon département, des associations gérontologiques gèrent les CLIC, les réseaux de santé, les maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer, les MAIA, en lien avec les services du conseil général et de l’agence régionale de santé. La vision globale et la réactivité que leur confère la structuration associative leur permet d’être des têtes de pont pertinentes.

L’adaptation de la société au vieillissement, qui fait l’objet de l’article 1er, est un impératif. Pourtant, nous constatons beaucoup de manques, des besoins non évoqués ni pris en compte.

Certes, le projet de loi tend à mieux intégrer les personnes âgées dans les dispositifs relatifs à l’accessibilité et à renforcer leur protection juridique. Je m’interroge toutefois sur certains dispositifs, tout particulièrement les programmes locaux de l’habitat, qui doivent servir à l’avenir de supports à des politiques coordonnées d’adaptation de l’habitat au vieillissement et à la perte d’autonomie. On le sait, les communes et les intercommunalités n’auront pas de peine à recenser les besoins, comme elles le font pour le logement des jeunes et les logements sociaux. Toutefois, la programmation financière de leur couverture sera pour elles un exercice beaucoup plus difficile, dans la mesure où leurs marges de manœuvre pour investir sont de plus en plus fragilisées.

À l’exception des dispositions de quelques articles, on peut s’étonner, à l’inverse, de ne pas trouver de droit à l’expérimentation pour des services relatifs aux personnes âgées. Je pense, par exemple, à la mise en place de structures d’accueil, notamment pour les personnes désorientées et les personnes handicapées vieillissantes. De même, les problématiques de santé publique liées aux maladies de Parkinson et d’Alzheimer ne sont abordées nulle part.

En revanche, le texte manifeste une véritable ambition en termes de maintien à domicile et d’efforts pour l’adaptation du parc de logements. Toutefois, si les objectifs affichés –l’adaptation de 40 000 à 80 000 logements en deux ans seulement –, sont, et de très loin, supérieurs à ceux des années passées, l’échéance est bien trop rapprochée : deux ans, c’est court ! N’oublions pas que nous sommes rarement opérationnels en si peu de temps. Nous n’atteindrons donc de tels résultats que si nous savons modérer nos attentes en matière d’études et simplifier les procédures.

Je le répète, l’adaptation de la société au vieillissement est un impératif, rappelé dès l’article 1er du projet de loi. Pour atteindre cet objectif ambitieux, il est nécessaire, madame la secrétaire d’État, de conforter le maintien à domicile et de donner des moyens suffisants aux établissements.

Concernant le maintien à domicile, de réelles améliorations sont proposées, mais, pour le conforter, il est impératif de pérenniser le secteur des services à la personne, qui joue un rôle important dans ce domaine. Or, il est paradoxal de constater que, à ce jour, ce secteur en plein essor, porté par une demande croissante, connaît une situation financière très fragile. Je regrette donc qu’aucune véritable mesure de refonte de l’aide à domicile n’ait été proposée.

En créant par ailleurs deux obligations pour les entreprises privées agréées par l’État, à savoir signer un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens avec le conseil général et être autorisées par celui-ci, votre projet de loi risque, de fait, d’exclure ces entreprises, au profit des structures autorisées par le conseil général. Sur ce point, je ne serai vraiment rassuré que lorsque l’amendement voté ce matin par la commission des affaires sociales sera définitivement adopté par notre assemblée.

En conclusion, madame la secrétaire d’État, je veux vous faire part de mes regrets concernant la prise en charge des personnes dépendantes en établissement. Certes, vous nous avez dit que cette question n’était pas à l’ordre du jour et que les moyens n’étaient pas suffisants. Cependant, il n’est pas interdit de profiter de l’examen de ce projet de loi pour évoquer ce point particulier, qui concerne directement nos établissements. Le principal défaut de ce texte est de ne pas apporter de réponse en matière de besoins : le manque de places en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, le manque de personnel, le fait que certains établissements ne sont pas adaptés à la dépendance et le coût de leur fonctionnement rendent aujourd’hui ceux-ci souvent inaccessibles aux personnes âgées.

Compte tenu de ces quelques réflexions, madame la secrétaire d’État, vous comprendrez que l’ambition sous-tendant l’article 1er restera encore longtemps d’actualité. Beaucoup reste à faire pour que, dans les années à venir, l’adaptation de la société au vieillissement cesse d’être un impératif national et une priorité de l’ensemble des politiques publiques de la nation !

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 81 rectifié est présenté par MM. Lemoyne et Kennel.

L’amendement n° 244 est présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen. Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Compléter cet article par les mots :

, dont l’État doit garantir l’équité entre les personnes, quel que soit leur lieu d’habitation et leur degré de fragilité ou de perte d’autonomie

La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour présenter l’amendement n° 81 rectifié.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Cet article, qui constitue en quelque sorte le « chapeau » du texte, réaffirme un certain nombre de principes. Nous proposons de réaffirmer également le rôle de l’État dans la prise en compte, sur tout le territoire, de la perte d’autonomie, quel que soit le degré de cette dernière.

En effet, les collectivités locales prennent quant à elles toute leur part dans cet effort, voire au-delà. Elles interviennent dans des conditions variables, compte tenu de la diversité des territoires et de la situation des finances locales. Ainsi, une étude récente montrait que l’écart entre départements en matière de tarification horaire pouvait atteindre 7,44 euros. Il ne s’agit pas de jeter la pierre à ceux qui fixent les tarifs les plus bas, compte tenu des énormes dépenses non compensées que doivent supporter les départements : le reste à charge s’élève ainsi à 17 millions d’euros pour l’Yonne. Ces éléments ont une incidence sur la pérennité d’un certain nombre de structures, notamment dans le secteur privé non lucratif.

Madame la secrétaire d’État, vous nous invitiez la semaine dernière, lors de la séance des questions cribles thématiques, à sortir des mesures ponctuelles, en affirmant que l’« on ne peut pas continuellement soutenir un secteur sur la base d’un fonds provisoire ». Tel est l’objectif que se fixent les auteurs de cet amendement en appelant à un rééquilibrage, l’État devant jouer le rôle de garant et de stratège. Vous avez affiché et revendiqué une ambition ; nous vous proposons de l’écrire noir sur blanc dans le texte de l’article 1er.

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l’amendement n° 244.

M. Dominique Watrin. Faire de l’adaptation de la société au vieillissement un impératif national et une priorité de l’ensemble des politiques publiques de la nation, c’est ne parcourir que la moitié du chemin. En effet, décréter un impératif national sans préciser le rôle de l’État à l’égard des personnes en perte d’autonomie nous semble une mesure incomplète. C’est la raison pour laquelle nous considérons qu’il est indispensable de préciser dans la loi le rôle essentiel que doit jouer l’État en tant que garant de l’égalité de traitement entre les usagers.

Pour reprendre l’exemple de l’APA, la mise en œuvre de cette allocation de solidarité nationale varie de manière parfois très importante d’un département à l’autre, ce qui creuse les inégalités et peut aussi entraîner des ruptures de droits, lorsqu’une personne est amenée à changer de département. Je confirme que la tarification horaire des services d’aide et d’accompagnement à domicile varie de 16 euros à 25 euros selon les départements, alors que la rémunération des opérateurs a des conséquences importantes sur la qualité des prestations et la qualité de l’emploi.

De manière générale, trop de politiques publiques en faveur des personnes âgées sont appliquées de manière inégale et différente selon les départements. Il est nécessaire que l’État assure l’existence d’un socle commun. Pour cette raison, je vous invite, mes chers collègues, à compléter le texte de l’article 1er pour préciser que « l’État doit garantir l’équité entre les personnes, quel que soit leur lieu d’habitation et leur degré de fragilité ou de perte d’autonomie ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Roche, corapporteur de la commission des affaires sociales. La proposition d’inscrire dans le marbre de la loi que « l’État doit garantir l’équité entre les personnes, quel que soit le lieu d’habitation et leur degré de fragilité ou de perte d’autonomie » ne peut que recueillir l’assentiment de la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Ces deux amendements identiques me laissent un peu perplexe quant au choix des termes. Peut-être suis-je un peu traditionaliste, mais, dans mon esprit, l’État est garant non de l’équité, mais de l’égalité.

Au cours des vingt dernières années – grosso modo, depuis le début de la montée en puissance du libéralisme –, nous avons connu d’importants débats sur les rapports entre égalité et équité. Je fais partie de ceux qui pensent que substituer le mot « équité » au mot « égalité » n’est pas une bonne chose pour les citoyens. J’en tiens toujours pour l’égalité, et il me semble que ce n’est pas un hasard si la devise inscrite au fronton des mairies est « liberté, égalité, fraternité » et non pas « liberté, équité, fraternité ».

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Quant au fond, il est sous-entendu, au travers de ces amendements, qu’il faudrait mettre en place un tarif national. Or j’estime que l’on ne peut pas introduire subrepticement cette idée par le biais de tels amendements, d’autant que, lors de mon intervention en clôture de la discussion générale, j’ai mentionné, parmi les contraintes qui s’imposaient à nous, celle de ne pas augmenter les dépenses des départements. De ce point de vue, la mise en place d’un tarif national provoquerait inéluctablement une augmentation des dépenses des départements, sauf à l’aligner sur les tarifs les plus bas pratiqués aujourd’hui par les départements. Je ne crois pas que tel soit l’objectif des auteurs de ces amendements. Lorsque nous débattrons des services à domicile, nous aurons l’occasion de rediscuter de ce sujet.

Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Je réaffirme l’attachement du groupe UMP à cet amendement. J’ai bien entendu les observations de Mme la secrétaire d’État sur la différence entre équité et égalité. La présence du mot « équité » dans notre amendement ne nous empêche évidemment pas de revendiquer fièrement l’inscription du mot « égalité » dans notre devise nationale.

Puisque nous sommes dans la semaine de la langue française et de la francophonie, consultons la définition du mot « équité » donnée par le Larousse : « caractère de ce qui est fait avec justice et impartialité ». Voilà une définition qui peut nous rassembler par-delà nos orientations philosophiques respectives. Le fait que le même amendement soit défendu par des collègues siégeant sur d’autres travées que les nôtres montre que c’est un souci de pragmatisme et notre expérience du terrain qui nous inspirent.

En dépit des réserves de Mme la secrétaire d’État, je pense que nous pouvons voter sans crainte cet amendement. Nous donnerions d’ailleurs un très mauvais signal en commençant l’examen de ce texte par un niet – je m’écarte un peu de la langue française ! Ce ne serait vraiment pas de bon augure pour la suite, alors que, de l’avis d’un certain nombre d’intervenants dans la discussion générale, ce projet de loi a besoin d’être « musclé ».

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.

M. Dominique Watrin. Bien évidemment, nous serons amenés à débattre de la mise en place d’un tarif national de référence, qui n’implique d’ailleurs aucunement que le même tarif soit appliqué partout en France : la rémunération des services à domicile pourra être modulée, par exemple dans les zones de montagne ou dans les zones rurales, pour tenir compte du coût des déplacements.

Cela étant, le groupe CRC est bien évidemment attaché au principe d’égalité. En fait, ce qui manque dans ce texte, c’est le mot « État », car on constate trop souvent un émiettement de la mise en œuvre des politiques du fait de la départementalisation. Même si celle-ci représente un atout, dans la mesure où le département est le bon échelon pour mener des politiques publiques de proximité, il faut aussi que l’État joue son rôle de garant de l’égalité de traitement des citoyens, quel que soit leur département de résidence.

M. Gérard César. Tout à fait !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 81 rectifié et 244.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(L’article 1er est adopté.)

Article 1er (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement
Article 2 (Texte non modifié par la commission)

Article 1er bis

(Supprimé)

Article 1er bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement
Article 3

Article 2

(Non modifié)

Le rapport définissant les objectifs de la politique d’adaptation de la société au vieillissement de la population, annexé à la présente loi, est approuvé.

RAPPORT ANNEXÉ

INTRODUCTION

La France est engagée dans un processus de transition démographique, caractérisée par une augmentation de la longévité des Français et par une croissance forte et continue des classes d’âge les plus élevées. Les personnes de 60 ans ou plus sont aujourd’hui 15 millions, elles seront 18,9 millions en 2025 et près de 24 millions en 2060 (INSEE). Le nombre des personnes de plus de 85 ans va presque quadrupler d’ici 2050, passant de 1,4 million aujourd’hui à 4,8 millions. En 2060, une personne sur trois aura plus de 60 ans.

Alors que notre pays connaît depuis plusieurs années l’un des plus forts taux de natalité en Europe, cette « révolution de l’âge » n’est pas la marque d’un déclin, mais bien au contraire le signe d’un progrès considérable pour la société française. L’augmentation de l’espérance de vie permet à un grand nombre de Français de vivre plus longtemps et en meilleure santé. Les Français vivent aujourd’hui plus de 80 ans en moyenne, contre 47 ans en 1900. L’espérance de vie en bonne santé ou sans incapacité progresse rapidement : elle était de 63,5 ans en 2010 pour les femmes, contre 62,4 ans quinze ans plus tôt, et de 61,9 pour les hommes, contre 60 ans auparavant. Pour la première fois, deux générations coexistent dans le champ de l’âge : l’âge et le grand âge, chacun avec ses défis propres.

Pour la puissance publique, il s’agit désormais de répondre aux besoins entraînés par le vieillissement de la population, y compris pour les personnes en situation de handicap, sur l’ensemble du territoire. Trois rapports ont été remis au Premier ministre le 11 mars 2013 : celui du comité Avancée en âge présidé par le docteur Aquino, « Anticiper pour une autonomie préservée : un enjeu de société », celui de Martine Pinville, « Relever le défi politique de l’avancée en âge – Perspectives internationales », et celui de la mission interministérielle sur l’adaptation de la société française au vieillissement de sa population, présidée par Luc Broussy, « L’adaptation de la société au vieillissement de sa population – France : année zéro ! ». Ils ont tracé des pistes concrètes et opérationnelles pour adapter la société au vieillissement, dont la présente loi s’est beaucoup inspirée.

La réponse au défi de la « révolution de l’âge » doit avoir un caractère universel : tout le monde est concerné par l’âge. Alors que les politiques de l’âge se sont construites par étapes successives, l’ambition du Gouvernement est aujourd’hui de les remettre en cohérence, d’impulser une dynamique et d’assurer l’égalité de tous les citoyens face au risque de perte d’autonomie.

Cette « révolution » est aussi porteuse de croissance, génératrice d’un développement économique au service des besoins et aspirations des plus âgés. La longévité de la population française représente un fort potentiel de création d’emplois de service mais aussi d’emplois industriels.

La révolution de l’âge constitue un défi majeur : notre société doit s’adapter, dès à présent, pour permettre à tous de profiter dans les meilleures conditions sociales, économiques et sanitaires, et le plus longtemps possible, de ce formidable progrès porté par l’allongement de l’espérance de vie. Elle doit s’adapter pour donner toute leur place aux âgés, véritable colonne vertébrale pour la cohésion sociale et citoyenne, compte tenu de leur contribution essentielle à la solidarité familiale, au lien social et à l’engagement citoyen. La question de l’image se pose également fortement, alors que l’âge est trop souvent associé à une ou plusieurs maladies. Les représentations sont fortes et ancrées dans les esprits, il faut les dépasser.

Le Gouvernement entend promouvoir cette vision positive de l’âge, au bénéfice de toutes les générations. Susciter l’engagement et améliorer l’accompagnement des âgés, c’est porter un modèle de société plus fraternelle, plus apaisée et réconciliée avec les plus fragiles, qui ne repose pas sur les valeurs du plus fort, du plus jeune ou du plus rapide, mais s’inscrit dans une mémoire et se projette dans la durée. En cela l’adaptation de la société au vieillissement comporte une dimension éthique et sociétale majeure en ce début de XXIe siècle.

Ceux pour lesquels l’âge signifie l’entrée dans la perte d’autonomie attendent que l’on réponde à leurs besoins et qu’on les accompagne. Cet accompagnement doit s’inscrire dans un projet de vie qui intègre pleinement l’expression des désirs et des attentes de la personne jusqu’à la fin de sa vie.

La création de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) en 2001 a représenté un progrès majeur pour les personnes âgées et un changement profond dans la manière d’aborder l’accompagnement des personnes en perte d’autonomie. Les moyens consacrés à l’aide et aux soins en établissement d’hébergement pour personnes âgées ont également été renforcés depuis, notamment via la « médicalisation ». Dix ans plus tard, il convient d’aller plus loin, en renforçant l’APA à domicile, en prenant mieux en compte l’environnement et l’entourage de la personne dans la définition des plans d’aide et en développant les actions de prévention.

Tous les acteurs du médico-social sont bien sûr appelés à se mobiliser ; les conseils généraux, l’État, les agences régionales de santé (ARS), dont le rôle est essentiel dans la prévention, l’organisation et le décloisonnement de l’offre sanitaire et médico-sociale sur le territoire, la construction de parcours de santé et la réduction des inégalités infrarégionales ; mais aussi les caisses de retraite, les communes et intercommunalités, via notamment leurs centres d’action sociale, les acteurs de l’aide à domicile et des établissements, les complémentaires santé, les mutuelles et les institutions de prévoyance. Parce qu’il s’agit d’une loi d’adaptation au vieillissement, et non pas seulement une loi sur l’accompagnement de la perte d’autonomie, de nouveaux acteurs sont invités à s’impliquer fortement dans les politiques publiques à destination des âgés, en particulier dans le secteur du logement, des transports, de la culture… Pour la même raison, les personnes âgées elles-mêmes, au travers notamment de leurs représentants, doivent être associées à la construction, à la mise en œuvre et à l’évaluation des politiques de l’autonomie.

Le Gouvernement a fait le choix d’une loi d’orientation et de programmation, inscrivant la totalité de la politique de l’âge dans un programme pluriannuel et transversal, embrassant toutes les dimensions de l’avancée en âge et confortant le choix d’un financement solidaire de l’accompagnement de la perte d’autonomie. L’action qui s’engage sera globale, pérenne et mobilisera la société tout entière.

La politique d’adaptation de la société au vieillissement repose sur trois piliers indissociables :

1° L’anticipation : pour prévenir la perte d’autonomie, au plan individuel et collectif. L’âge est un facteur d’accélération d’inégalités sociales et de santé qui entraînent un risque accru de perte d’autonomie. Prévenir et repérer les facteurs de risque est essentiel et permettra, d’une part, de proposer, chaque fois que nécessaire, des programmes de prévention adaptés et, d’autre part, de faciliter le recours aux aides techniques pour retarder la perte d’autonomie. Pour notre société, il s’agit d’anticiper, au lieu de subir, le vieillissement de nos concitoyens, dont les effets sur l’autonomie ne sont pas une fatalité ;

2° L’adaptation de notre société : l’âge ne doit pas être facteur de discrimination ou d’exclusion : il faut changer le regard sur le vieillissement. Cela passe par la création de liens sociaux nouveaux, en rapprochant les générations, mais aussi par la réaffirmation des droits des âgés pour qu’ils ne soient pas ignorés. Il convient de repenser toutes les politiques publiques, en particulier celles du logement, de l’urbanisme et des transports, mais aussi des droits des âgés, de leur engagement civique… Les villes, et plus largement les territoires, doivent être incités à prendre en compte l’augmentation du nombre d’âgés dans leur développement. Il faut favoriser en France l’innovation technologique et la production d’équipements domotiques pour répondre aux besoins des âgés et encourager la structuration d’une filière industrielle, car le vieillissement représente un levier remarquable pour la société en termes d’emplois, de développement industriel et de croissance ;

3° L’accompagnement de la perte d’autonomie : la priorité est de permettre à ceux qui le souhaitent de vivre à domicile dans de bonnes conditions : c’est la préférence des âgés et des familles. Un acte II de l’APA à domicile, plus de dix ans après sa création, est donc nécessaire pour renforcer les possibilités d’aide et en diminuer le coût pour les familles. De plus, les aidants, les familles ou les proches, qui sont souvent le pivot du soutien à domicile, doivent être mieux reconnus et mieux soutenus. Les âgés et leurs aidants doivent pouvoir compter sur une information claire et accessible, sur une orientation pertinente qui respecte leur liberté de choix et sur une réponse en matière d’aide et un accompagnement garantis sur l’ensemble du territoire. La présente loi fixe également les grandes orientations à moyen terme de l’offre en établissement.

Ces trois volets assurent la cohérence de la politique de l’âge portée par le Gouvernement. La personne âgée et sa famille sont au cœur de chacun de ces volets et de chacune des dispositions de la présente loi : leurs attentes, leurs projets, leurs besoins, leur participation aussi, avec l’enjeu déterminant d’une meilleure prise en compte de la parole et de la place des âgés dans l’élaboration des politiques publiques.

Cette politique ambitieuse s’appuiera sur la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA), soit un montant estimé à 645 millions d’euros par an. Le volet « accompagnement de la loi » vise, en particulier, à rendre effectif le droit des âgés à vivre à leur domicile dans de bonnes conditions. Pour concrétiser cet engagement, 375 millions d’euros supplémentaires seront consacrés chaque année à l’APA à domicile.

La CASA répondra donc bien à sa vocation et sera pleinement affectée à l’adaptation de la société au vieillissement dans toutes ses dimensions.

VOLET 1 : ANTICIPATION ET PRÉVENTION

La prévention est le moteur de la politique de l’âge. L’avancée en âge est inexorable mais elle est prévisible, collectivement comme individuellement. Depuis plusieurs décennies, les courbes démographiques dessinent une évidence. Progrès scientifiques, médicaux et technologiques autorisent aujourd’hui à l’optimisme de la volonté : la perte d’autonomie n’est pas inéluctable.

La révolution de l’âge est parallèle à la révolution numérique et elle se fera grâce à son apport. L’accès à large dimension aux aides techniques de l’autonomie fera entrer la politique de l’âge dans le XXIe siècle. Les financements apportés permettront à tous d’y accéder et concourront à réduire les inégalités sociales creusées par la vieillesse.

L’anticipation est la toute première priorité.

Il n’y a pas de fatalité : il est des situations sur lesquelles nous pouvons et devons agir pour préserver l’autonomie, pour faire reculer la perte d’autonomie dite « évitable » en repérant et en combattant plus tôt les premiers signes de fragilité des âgés et pour mieux accompagner ceux qui ont besoin de l’être.

Nous ne sommes pas égaux devant la perte d’autonomie : certains risquent plus que d’autres de rencontrer des difficultés, parce que leur parcours de vie les a exposés à des risques plus lourds, parce qu’ils n’ont pas eu les moyens de préserver leur santé. Les inégalités sociales marquent aussi de leur empreinte le grand âge, et le risque de perte d’autonomie est plus grand pour ceux qui sont les moins favorisés. La volonté de développer la prévention rejoint l’ambition du Gouvernement de faire de la lutte contre les inégalités sociales une priorité, à travers le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale mais aussi les orientations de la stratégie nationale de santé.

Les enjeux de la transition démographique et de la prise en charge de la perte d’autonomie à moyen terme peuvent être abordés avec confiance si une véritable culture de la prévention s’impose auprès du grand public et de l’ensemble des acteurs directement concernés : âgés, familles, aidants, professionnels, bénévoles, etc.

En lien étroit avec la stratégie nationale de santé, qui met le vieillissement de la population au cœur de ses priorités, une politique de prévention graduée sera mise en œuvre pour que chacun puisse mesurer l’impact de ses comportements sur les conditions de son avancée en âge. Elle comprendra aussi bien des actions d’éducation à la santé que des programmes ciblés.

Cette politique nationale de prévention, qu’elle soit primaire – tout au long de la vie –, secondaire – face à l’apparition des premiers signes de fragilité –, voire tertiaire – pour prévenir l’aggravation de la perte d’autonomie –, doit être globale. Elle s’adresse à tous, et en particulier à tous les âgés, quel que soit leur niveau de perte d’autonomie, qu’ils soient ou non bénéficiaires de l’APA.

1. Développer une culture de l’autonomie tout au long de la vie

Chacun doit prendre à bras le corps son vieillissement et ses conséquences.

L’avancée en âge peut être anticipée très tôt, dès la vie active, avec l’appui des employeurs, qui ont une responsabilité dans la préparation du vieillissement de leurs salariés.

Le passage à la retraite est un moment clé, une occasion de remobilisation sur un projet plus personnel ou un engagement auprès de la société. À cette première étape en succèderont d’autres, représentant chaque fois un moment privilégié de repenser son projet de vie. Car la vieillesse n’est pas homogène, mais au contraire plurielle : il y a l’âge où l’on est « âgé sans être vieux », qui renvoie à l’âge de la retraite, mais aussi de la grand-parentalité, puis l’âge de la vieillesse, où les fragilités apparaissent, enfin le grand âge.

Une politique globale d’information et d’éducation à l’avancée en âge sera mise en œuvre pour l’ensemble de la population dans le cadre d’un plan d’actions national et interministériel et auquel le Haut Conseil de l’âge nouvellement créé prendra toute sa part (cf. volet gouvernance). Un accent particulier sera mis sur le développement de l’activité physique et sportive et sur le lien social.

1.1. Anticiper le passage à la retraite et accompagner la fin de carrière

L’accompagnement du vieillissement au travail permet de prévenir la perte d’autonomie aux moments clés que représentent la fin de carrière et le passage à la retraite. Cet accompagnement doit éviter que n’interviennent des ruptures susceptibles de fragiliser des parcours de vie déjà difficiles et favoriser au contraire une transition harmonieuse vers une « troisième vie ».

Une mobilisation dans le cadre de la santé au travail est nécessaire afin d’améliorer l’accompagnement du vieillissement au travail. Cette mobilisation pourrait s’appuyer sur des outils de droit commun du dialogue social et de la politique de l’emploi ou encore sur les contrats de génération, lesquels pourraient intégrer le cas échéant des actions d’accompagnement des seniors exerçant une activité professionnelle. Cette orientation va dans le sens de la feuille de route de la conférence sociale de juillet 2012 prévoyant de renforcer la prévention de la pénibilité et le maintien dans l’emploi des seniors.

Au moment où ils s’apprêtent à prendre leur retraite, les assurés qui rencontrent des difficultés sociales pourront bénéficier de « rendez-vous avec la République » grâce aux entretiens que les caisses de retraite développeront à destination des publics en situation de fragilité, dans le cadre de leurs prochaines conventions d’objectifs et de gestion (COG).

En particulier, les personnes handicapées vieillissantes (actives ou non, avec une attention particulière pour les personnes sans emploi au moment de l’âge de la retraite) pourraient utilement bénéficier de mesures coordonnées de prévention de la perte d’autonomie et de prévention des périodes d’interruption des droits.

La Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) s’engage notamment à expérimenter, avant la fin de la COG (2017), un « passage accompagné » à la retraite pour les publics fragilisés, assorti d’une proposition de demande de minimum vieillesse (allocation de solidarité aux personnes âgées, ASPA). Afin d’éviter les interruptions de droits et des périodes sans ressources, des solutions d’automatisation seront également étudiées.

1.2. Faire de la prévention l’affaire de tous

Il est nécessaire d’offrir au plus grand nombre toutes les informations utiles pour accompagner le changement des comportements favorables à la préservation de l’autonomie : âgés, aidants familiaux ou professionnels, bénévoles, services publics, etc. C’est un effort d’éducation au bien-vieillir qui doit être engagé, sur l’ensemble des priorités nationales définies, pour permettre à tous de « savoir pour pouvoir ». En lien avec l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES), les caisses de retraites mettront en ligne un portail dédié à la préservation de l’autonomie, articulé avec le portail plus général porté par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Cette information devra également être relayée dans les écoles, les administrations, les entreprises, les services publics, etc., pour que la mobilisation soit la plus universelle possible.

1.3. Rapprocher les acteurs du monde de la recherche, du monde social et du monde économique autour du « bien-être » des personnes âgées

La prévention de la perte d’autonomie et l’accompagnement de l’allongement de la vie sont un des grands défis à relever dans notre société. La mission des gérontopôles est de rapprocher et de dynamiser autour du vieillissement les acteurs de la recherche, du soin (à l’hôpital, en ville, en établissement médico-social), de la formation et de l’entreprise. Ils faciliteront le transfert de la recherche, du développement technologique (« silver économie ») vers le soin, le médico-social et les services apportés aux âgés.

Ils s’inscriront dans les orientations définies par la stratégie nationale de santé et l’agenda stratégique de la recherche « France-Europe 2020 ». D’ores et déjà, parmi les axes forts proposés par l’alliance Aviesan (Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé), la problématique de la recherche sur le vieillissement normal et pathologique a été mise en avant, avec comme axes prioritaires la longévité (génome et organisme), les neurosciences et les fonctions cognitives, la qualité de vie et la perte d’autonomie (pour pallier l’isolement, les risques et le handicap).

Sur cette thématique, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche a demandé à l’Agence nationale de la recherche d’organiser majoritairement son plan d’action 2014 autour de neuf grands défis sociétaux, parmi lesquels le défi « santé – bien-être », dont le vieillissement est un sous-axe. Il a également, avec les ministères chargés du redressement productif et des personnes âgées et de l’autonomie, encouragé les réflexions permettant de construire une contribution française forte à un projet de KIC (Knowledge and Innovation Communities) « Vieillissement actif et en bonne santé », dont le lancement est prévu mi-février 2014 dans le cadre de l’Institut européen de technologie.

2. Identifier et agir sur les facteurs de risque et les fragilités

Le repérage des fragilités et la meilleure connaissance du vieillissement issue des travaux de recherche doivent conduire à innover et à imaginer d’autres manières de préserver l’autonomie et d’anticiper les effets négatifs de l’âge. Les actions prioritaires de la politique de prévention portent sur le repérage des fragilités le plus en amont possible puis sur des actions ciblées sur la préservation du lien social, l’alimentation et l’activité physique.

2.1. Améliorer le repérage des risques de perte d’autonomie et des fragilités

La prévention de la perte d’autonomie passe par le repérage de facteurs de risque à toutes les étapes du parcours des âgés, en privilégiant les déterminants sociaux et environnementaux au sein d’un dispositif de prévention ciblé et gradué.

La fragilité correspond à un ensemble de signes de perte d’autonomie encore réversibles. Le repérage de ces signes et la mise en place d’actions visant à les pallier permet de regagner tout ou partie de l’autonomie et d’éviter de basculer dans la perte d’autonomie non réversible.

Un programme de sensibilisation au repérage des risques de perte d’autonomie, tenant compte des problématiques spécifiques du handicap, sera développé par le ministère des affaires sociales et de la santé au profit des professionnels médico-sociaux et de santé, notamment sur la base des recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS), de la CNSA et de l’INPES. La place de la prévention dans la formation et l’accompagnement des métiers liés au vieillissement sera également renforcée. Une attention particulière sera apportée aux aidants, qui sont eux-mêmes en situation de risque, et aux personnes en situation de handicap qui avancent en âge.

La piste d’un examen de santé dans les centres d’examen de santé de l’assurance maladie, ciblé sur les publics précaires, est examinée, en y intégrant le cas échéant les aidants fragilisés.

Pour les cas les plus complexes, les hôpitaux de jour gériatriques devront à l’avenir développer leur fonction d’expertise et de recours des acteurs de première ligne pour l’évaluation et la prise en charge des personnes présentant de multiples risques.

2.2. Maintenir le lien social et lutter contre l’isolement : MONALISA

Près d’un quart des personnes en situation d’isolement relationnel est composé de personnes âgées de plus de 75 ans, soit environ 1,2 million de personnes (Fondation de France, 2013). La part des âgés isolés augmente fortement. Lutter contre l’isolement social suppose d’encourager la participation des citoyens et des acteurs locaux volontaires pour développer la création de lien social avec les personnes fragilisées.

De ce constat est née la Mobilisation nationale contre l’isolement social des âgés (MONALISA). Le déploiement de cette mobilisation nationale sera fortement soutenu et s’inscrira dans les grands chantiers suivis par le nouveau Haut Conseil de l’âge.

Cette mobilisation nationale consiste pour les nombreuses parties prenantes (associations, collectivités territoriales, centres communaux d’action sociale [CCAS], caisses de retraite primaires et complémentaires, mutuelles, la CNSA, l’Agence du service civique, etc.) à mener un programme d’émergence et de déploiement d’équipes de citoyens bénévoles, de façon à mieux répondre aux besoins, en particulier sur les lieux où il n’existe pas encore d’actions ou auprès de personnes particulièrement fragilisées (migrants ou personnes séropositives qui avancent en âge par exemple). Pour valoriser les équipes et leurs actions et faciliter le soutien des partenaires, une charte MONALISA permet aux « opérateurs d’équipes », existants ou à venir, de se reconnaître et de s’inscrire dans cette cause commune. L’Agence du service civique poursuivra dans les années à venir son effort de mobilisation de jeunes sur le champ de la lutte contre l’isolement.

En outre, avoir une attitude active vis-à-vis de l’univers du numérique est un facteur démontré de prévention de la perte d’autonomie. Il faut permettre à tous d’y avoir accès et éviter une nouvelle « fracture » entre ceux qui disposent des moyens d’accéder à l’information et de s’équiper et les autres. La mobilisation MONALISA ne négligera pas cet aspect.

2.3. Promouvoir l’activité physique et les bonnes pratiques de nutrition chez les âgés

Dans le prolongement des actions engagées avec le programme national nutrition-santé (PNNS), la promotion de bonnes pratiques de nutrition, la lutte contre la dénutrition des grands âgés ainsi que la promotion de l’activité physique sont des priorités pour agir sur les comportements et améliorer la qualité de vie des âgés.

Le programme national de prévention de la perte d’autonomie, qui sera élaboré par le ministère chargé des personnes âgées en lien avec le Haut Conseil de l’âge, déclinera les priorités des pouvoirs publics autour de ces composantes essentielles de la prévention. Il prévoira le renforcement des compétences et des organisations hospitalières en matière de nutrition pour les personnes âgées accueillies en établissement et sera ambitieux sur le développement de l’activité physique.

La lutte contre la sédentarité permet de préserver la santé des aînés, de réduire la multiplication des soins et de prévenir la perte d’autonomie ou son aggravation. La pratique sportive permet également de rompre l’isolement social et de renforcer les liens intergénérationnels.

Les mesures relatives à la promotion et au développement des activités physiques et sportives ciblées sur les âgés, qui s’appuient notamment sur les recommandations du groupe de travail présidé par le professeur Daniel Rivière, « Dispositif d’activités physiques et sportives en direction des âgés » (2013), seront intégrées au programme national de prévention de la perte d’autonomie. Elles se concentrent sur quatre objectifs : le développement à l’échelon territorial de l’offre de pratique physique ou sportive pour les personnes âgées, quel que soit leur niveau d’autonomie et leur lieu d’hébergement, en s’appuyant sur les collectivités territoriales et les réseaux « sport-santé » ; la sensibilisation du public, en portant une attention particulière aux personnes défavorisées ; la formation des professionnels ; l’accueil adapté des âgés dans les établissements d’activités physiques et sportives.

Parmi les différentes actions qui seront conduites, la constitution d’un réseau de professionnels (éducateurs sportifs, professionnels du social, kinésithérapeutes, infirmières…) sera encouragée, notamment autour des médecins traitants. Ce réseau assurera une prise en charge coordonnée de la personne, lui permettant d’adhérer à une pratique physique ou sportive régulière et adaptée, accessible même aux plus démunis (aide à la prise en charge financière des abonnements de location de vélo ou d’entrée dans les piscines par exemple). Dans le cadre de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), les entreprises, comme les administrations et collectivités territoriales, seront incitées à faciliter pour leurs salariés et agents la pratique physique ou sportive et à les accompagner au cours de la fin de leur activité professionnelle vers une retraite physiquement active.

Les établissements d’hébergement pour personnes âgées (EHPA) et les maisons de retraite médicalisées seront encouragés à développer la pratique d’une activité physique ou sportive adaptée, encadrée par un professionnel du sport spécifiquement formé.

2.4. Mettre en œuvre un programme national de prévention du suicide des âgés

Les personnes âgées de plus de 65 ans représentent la part de la population la plus exposée au risque de décès par suicide. En France, sur près de 10 400 suicides survenus en 2010, 28 % au moins ont concerné des personnes de 65 ans et plus (CepiDc-Inserm). En outre, la personne âgée accomplissant un geste suicidaire est en général animée d’une détermination forte, comme en témoignent les moyens radicaux employés signes d’une grande désespérance : précipitation d’un lieu élevé, armes à feu, pendaison. C’est ce qui explique que le taux d’échec des tentatives des âgés soit beaucoup plus bas que pour les autres groupes d’âge.

Dans la très grande majorité des cas, le suicide des âgés est l’aboutissement de l’évolution douloureuse d’une dépression méconnue ou mal traitée. C’est pourquoi une action spécifique doit être menée. En s’appuyant notamment sur les conclusions du rapport du Comité national de la bientraitance et des droits (CNDB) d’octobre 2013 sur « La prévention du suicide chez les personnes âgées », le programme d’actions de prévention du suicide a été décliné. Il comprend seize actions, articulées autour de trois priorités :

1° Développer les savoirs grand public et professionnels sur les questions relatives au processus suicidaire des personnes âgées, au travers notamment de la formation des médecins à la reconnaissance précoce de la dépression et à l’instauration d’un traitement adéquat, de la formation des professionnels au repérage de la crise suicidaire ou encore de la formation des écoutants téléphoniques sur les numéros d’écoute dédiés ;

2° Structurer dans les territoires la collaboration entre la médecine générale, la gériatrie et la psychiatrie pour améliorer la prise en charge, en proposant, par exemple, un cahier des charges d’amélioration de la prise en charge, du repérage à l’accompagnement du patient et de son entourage ;

3° Développer et mettre en œuvre un programme d’études et de recherche sur le suicide des personnes âgées. Ces actions seront la déclinaison pour les personnes âgées de l’action nationale développée par l’Observatoire du suicide.

2.5. Le vieillissement, une priorité de la stratégie nationale de santé

La future loi de santé issue de la stratégie nationale de santé (SNS) complètera les dispositions de la présente loi, en particulier pour les aspects relatifs à la prévention de la perte d’autonomie et à l’adaptation du système de santé au vieillissement. La SNS porte trois grandes priorités : anticiper les deux grands défis auxquels est confronté notre système de santé que sont le vieillissement de la population et la prise en charge de patients atteints de pathologies chroniques, lutter contre les inégalités sociales et territoriales de santé et préserver le financement solidaire de la protection sociale. Le recours aux soins des personnes âgées sera ainsi amélioré, tant par des mesures de droit commun que par des dispositions intéressant spécifiquement les personnes âgées.

– Lutter contre les inégalités sociales et territoriales de santé

L’âge aggrave les inégalités sociales de santé. Pour favoriser l’accessibilité financière à des soins de qualité, le Gouvernement a pris des engagements importants, dont l’encadrement des dépassements d’honoraires médicaux et l’accès à une complémentaire santé. La loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014 prévoit d’ores et déjà une augmentation de 50 € de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé pour ses bénéficiaires âgés de plus de 60 ans.

Sur le plan des inégalités territoriales de santé, et dans le cadre du pacte territoire santé, le renforcement de l’offre de soins de proximité et la lutte contre les déserts médicaux doivent garantir une offre de soins accessible à tous et notamment aux personnes en situation de perte d’autonomie et/ou atteintes d’une maladie chronique. Les diverses mesures mises en œuvre dans le cadre de ce pacte, comme les incitations à l’installation des professionnels dans les zones en déficit d’offre de soins, le renforcement de la coopération entre les acteurs ou la promotion de tous les outils de télémédecine ou de télé-expertise au bénéfice des patients isolés, contribueront au renforcement des dispositifs de prise en charge des personnes âgées qui résident dans des zones où l’offre de soins est discontinue, notamment en zone rurale.

Concernant l’accessibilité financière à des soins de qualité, le Gouvernement a fait des avancées importantes avec la lutte contre les dépassements d’honoraires, l’engagement de généraliser l’accès à une complémentaire santé de qualité d’ici 2017, le renforcement de la qualité des contrats éligibles à l’aide à la complémentaire santé et l’augmentation de cette aide adoptée dans le cadre de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 précitée. Ces mesures bénéficieront ainsi aux personnes âgées à faibles ressources.

– Rester en bonne santé pour bien vieillir : priorité à la prévention

Pour préserver le meilleur état de santé possible avec l’avancée en âge et lutter contre les facteurs de perte d’autonomie, la SNS repose sur trois priorités spécifiques en matière de prévention à l’attention des personnes âgées : santé visuelle, santé auditive, santé nutritionnelle et bucco-dentaire. En effet, la perte d’autonomie résulte souvent d’une dégradation de la santé visuelle ou auditive des personnes, atténuant leurs interactions avec leur environnement pour les placer progressivement dans une situation d’isolement social.

– Adapter notre système de santé au vieillissement

La SNS se fixe pour objectif la mise en œuvre d’une médecine de parcours, conformément aux orientations de l’avis du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie du 22 mars 2012. La médecine de parcours assure une meilleure articulation entre les différents acteurs des champs sanitaire, médico-social et social dans la prise en charge d’une personne âgée. Il s’agit à la fois de lutter contre le renoncement aux soins et les ruptures de prise en charge ou d’observance thérapeutique et de favoriser des prises en charge optimales et coordonnées autour des besoins de la personne.

Le lancement des expérimentations de parcours pour les personnes âgées en risque de perte d’autonomie (PAERPA), prévues par la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2013, illustre l’engagement du Gouvernement pour l’amélioration de la prise en charge des personnes âgées. La poursuite du déploiement des dispositifs MAIA, méthode de travail déployée dans un objectif d’intégration des réponses d’aides et de soins offertes aux âgés, va dans le même sens. Un plan spécifique sera élaboré pour la prise en charge des patients atteints de maladies neuro-dégénératives, qui capitalisera les avancées des plans Alzheimer antérieurs, dont le caractère transversal, de la recherche à l’accompagnement social, fut l’une des conditions de la réussite. Cet élargissement à d’autres maladies, comme celle de Parkinson par exemple, sera réalisé dans le respect des besoins propres à chacun. En effet, les réponses ne peuvent être standardisées, mais doivent être adaptées à la spécificité des troubles que connaissent les personnes. Il s’agit donc de concilier une plus grande ouverture de nos structures avec l’impératif de prendre en considération chaque situation dans ce qu’elle a de singulier.

– Agir pour le bon usage du médicament

Selon la HAS, 67 % des personnes de 65 ans et plus ont acquis au moins un produit pharmaceutique en un mois, contre 35 % pour les moins de 65 ans. Cette proportion augmente avec l’âge. La polymédication est par ailleurs responsable de 10 à 20 % des hospitalisations chez les 65 ans et plus.

Inspiré notamment des préconisations du rapport de Philippe Verger « La politique du médicament en EHPAD », un plan d’action volontariste sera engagé pour favoriser le bon usage du médicament chez les patients âgés en ville, à l’hôpital ou en maison de retraite médicalisée. Quatre objectifs sont poursuivis et déclinés : limiter le recours inadéquat et favoriser les alternatives aux médicaments chaque fois que c’est possible ; aider le médecin à gérer au mieux le risque d’une consommation inadaptée de médicaments chez les personnes âgées ; favoriser un bon suivi de son traitement par la personne et développer l’accompagnement pharmaceutique ; améliorer la qualité de la prise en charge médicamenteuse pour les résidents en maison de retraite médicalisée.

Cette politique rénovée et adaptée aux besoins des personnes âgées se traduira notamment par la refondation de la formation des professionnels de santé (initiale et continue) et par le renforcement des objectifs de santé publique dans leur rémunération. La recherche sur les formes adaptées de médicaments au sujet âgé (comprimés, pilules, sachets, injectables...) sera encouragée, pour éviter une prise du traitement difficile. Cela permettra, en particulier, d’éviter que, pour faciliter la prise, les médicaments soient parfois écrasés ou mélangés, avec de nombreux risques associés.

Des outils nouveaux seront également mis en place pour accompagner de manière ciblée les médecins dont les patients de plus de 65 ans se sont vus prescrire un nombre important de molécules (plus de 10), ou encore pour faciliter un travail partenarial entre médecin et pharmacien autour notamment du dossier pharmaceutique. Il sera également nécessaire de communiquer davantage et de manière ciblée, au travers d’une campagne nationale, et de travailler à des supports adaptés à certaines pathologies avec les associations de patients et des familles.

Un comité de suivi regroupera l’ensemble des partenaires concernés.

3. Faire connaître et mieux financer les aides techniques – développer les actions collectives de prévention

Les progrès technologiques font franchir un grand pas à l’aide à l’autonomie et à la possibilité pour les âgés de demeurer à leur domicile. La solvabilisation de l’accès des personnes à faibles revenus aux technologies de l’autonomie, par exemple à des bouquets de services centrés sur les dispositifs d’assistance et la domotique, a pour objet de réduire les inégalités sociales qui s’aggravent avec l’âge et de faire entrer la politique de l’autonomie dans l’ère du numérique.

Le soutien au domicile des âgés repose aujourd’hui presque exclusivement sur l’aide humaine, en particulier pour les personnes les moins touchées par la perte d’autonomie (GIR 4 à 6), c’est-à-dire celles pour lesquelles il est essentiel de développer une politique de prévention secondaire. Les plafonds de l’APA, en particulier, ne permettent pas de dégager les marges suffisantes pour avoir un impact significatif sur l’accès aux aides techniques. De plus, l’APA exclut de fait les âgés les plus autonomes, qui pourtant auraient besoin d’équipements, afin par exemple d’éviter les chutes. De nombreuses initiatives se développent pour organiser des actions collectives à destination des âgés (prévention des chutes, dénutrition, etc.), mais elles restent encore dispersées, peu lisibles et peu développées.

Pour répondre à ces enjeux, la présente loi crée une nouvelle aide permettant de solvabiliser l’accès aux aides techniques et aux actions collectives, ciblée sur les âgés les plus modestes. Elle permettra, sous conditions de ressources, dans une enveloppe fermée, d’apporter une réponse immédiate et déterminante pour faciliter la vie à domicile des âgés. Le champ des aides et actions ainsi solvabilisables est large pour pouvoir, au cas par cas, agir sur l’ensemble des déterminants du maintien à domicile et de la préservation de l’autonomie (aides techniques, télé-assistance, petits aménagements du logement, domotique, actions collectives de prévention, etc.).

4. Développer des politiques coordonnées de prévention au niveau local

Beaucoup d’acteurs sont engagés dans des actions de prévention de la perte d’autonomie (conseils généraux, ARS, CCAS, caisses de retraite, associations, services d’aide à domicile…), et l’État ne peut que les inciter à s’impliquer davantage dans ce domaine. Toutefois, l’objectif de faire monter en puissance les politiques de prévention suppose de définir des stratégies régionales et locales mieux coordonnées, à la fois dans leur cible, leur contenu (cf. aides techniques) et leur déploiement territorial. L’État contribuera à favoriser cette dynamique, en tant que chef de file de l’action gérontologique. Il confortera également le rapprochement, au niveau national, de l’action sociale des caisses de retraite.

– Favoriser la mise en place de stratégies locales de prévention, assurant un meilleur accès aux aides techniques et le développement d’actions collectives

La présente loi prévoit la mise en place d’une conférence départementale des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie (cf. partie gouvernance). Cette conférence réunit, sous la présidence du conseil départemental, tous les acteurs du financement de la prévention. Cette organisation permettra une amélioration de la visibilité de l’existant et l’identification des besoins non couverts ou non financés sur le territoire, afin de définir une stratégie coordonnée de prévention. L’enveloppe que l’État va attribuer au développement de l’accès aux aides techniques, aux actions collectives et au « forfait autonomie » pour les résidences autonomie sera gérée dans ce cadre partenarial.

– Conforter la coordination de l’action sociale des régimes de retraite

Les régimes de retraite de base, ainsi que les régimes complémentaires, ont un rôle très actif en matière d’action sociale et de prévention. Une étape importante et indispensable dans cette meilleure coordination des actions de prévention consiste à développer une approche commune aux régimes de retraite de base en direction de chaque retraité, quel que soit le régime auquel il est rattaché. Ce rapprochement a été engagé depuis 2011, entre la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), la Mutualité sociale agricole (MSA) et le Régime social des indépendants (RSI). Les trois caisses nationales ont initié une nouvelle étape de la dynamique inter-régimes en signant une convention qui définit les principes d’un « socle commun ». Sur cette base, il est nécessaire d’aller plus loin. La présente loi prévoit la signature, par ces trois caisses nationales et l’État, d’une convention pluriannuelle fixant les principes et les objectifs de la politique coordonnée de préservation de l’autonomie, conduite dans le cadre de l’action sociale de ces régimes. Cette convention pourra être élargie à d’autres caisses de retraite de base ou complémentaires.

5. Réguler le marché de l’assurance dépendance

Le Gouvernement fait de la solidarité nationale le fondement de la présente loi et, en particulier, de la réforme de l’accompagnement. Ce choix de société permet de faire face au risque social que représente la perte d’autonomie.

Toutefois, dans une perspective d’anticipation individuelle, chacun peut décider de faire également appel à une assurance privée. Fin 2010, 5,5 millions de personnes étaient couvertes par un contrat d’assurance dépendance. Or, il est parfois difficile de se repérer dans l’offre assurantielle actuelle, variée mais très diversifiée et inégale : les définitions de l’état d’entrée en perte d’autonomie sont souvent restrictives (seule la perte d’autonomie lourde est couverte) et ne sont pas alignées sur la grille utilisée pour l’APA. Certains assurés peuvent donc bénéficier de cette allocation tout en se voyant refuser une rente. Les rentes peuvent être modestes au regard du reste à charge et faiblement revalorisées. Enfin, les délais de franchise ou de carence sont souvent importants et peuvent faire obstacle au déclenchement des garanties.

Dans ce contexte, la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA) a lancé un label pour les contrats d’assurance dépendance en mai 2013. Cette démarche permet d’offrir un niveau minimal de rente et de garantir une rente viagère. Pour aller plus loin, le Gouvernement envisage de favoriser, dans le cadre des prochaines lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale, les contrats les plus protecteurs qui devront respecter un cahier des charges (couvertures, modalités de revalorisation, possibilités de transfert, etc.), construit en concertation avec l’ensemble des acteurs du secteur (assureurs, mutualité, institutions de prévoyance). Cela permettra d’encourager, dans une logique de conditionnalité, le développement d’une offre lisible et plus sûre au bénéfice des assurés.

VOLET 2 : ADAPTATION DE LA SOCIÉTÉ AU VIEILLISSEMENT

C’est le cœur même du défi démographique que de concevoir et d’organiser les multiples effets de l’allongement de la vie et du vieillissement sur la société. L’objet de la présente loi n’est pas d’examiner de manière exhaustive tous ces effets, mais seulement ceux qui sont les plus directement et concrètement liés à la vie des âgés : logement, urbanisme, déplacements, économie et emploi.

Concevoir la place et le rôle des âgés dans la société, affirmer leur droits constitue aujourd’hui un nouveau champ d’investissement dont le politique et les politiques publiques doivent s’emparer pour qu’ils se sachent au cœur de la cité, utiles, incontournables, en lien avec toutes les générations.

C’est aujourd’hui qu’il faut concevoir une société qui, dans une génération, comptera un tiers de personnes âgées de plus de 60 ans. Cette évolution suppose de travailler à des réponses spécifiques aux besoins liés à l’âge, mais aussi et surtout d’intégrer, dans les politiques publiques de droit commun et dans l’offre de biens et de services privés, cette réalité du vieillissement de la population.

La manière de voir les âgés et de penser les solidarités doit changer et s’adapter à la longévité, notamment en reconnaissant et en favorisant l’engagement des âgés, dans la famille en premier lieu en tant que grands-parents, ou dans la société civile en tant que citoyens, forts de leur expérience et de leur disponibilité.

Toutes les politiques publiques doivent prendre en compte la révolution de l’âge et le respect du libre choix des âgés dans leur projet de vie : le logement est à ce titre emblématique. Il est la première condition de l’autonomie. Il faut faciliter l’adaptation du logement privé et social, en conduisant une politique volontariste d’aménagement et de construction de logements adaptés. Il faut aussi développer des formes de logements intermédiaires qui répondent aux attentes de ceux qui ne souhaitent pas ou ne peuvent pas vivre dans un logement traditionnel. Au-delà du logement, il s’agit d’inciter les collectivités territoriales à intégrer dans leurs politiques urbaines l’enjeu de l’avancée en âge et à développer leurs efforts pour améliorer l’offre de transports, adapter l’urbanisme et accompagner les modes d’habiter et de vivre ensemble.

L’économie de notre pays elle-même doit être davantage tournée qu’aujourd’hui vers les besoins des âgés : création et adaptation des emplois au service des âgés, développement d’une nouvelle filière industrielle, avec la « silver économie », renforcement de l’effort de recherche et d’innovation ; autant d’opportunités d’emplois et de croissance pour la société française.

Le Défenseur des droits a affirmé dès 2005 que les discriminations liées à l’âge étaient en augmentation. L’âge est le troisième critère de discrimination après l’origine et le handicap. Toutes les mesures nécessaires pour les prévenir devront être prises, en concertation étroite avec le Défenseur des droits.

Enfin, adapter la société au vieillissement, c’est aussi préciser et renforcer les droits et libertés des âgés. Les personnes en perte d’autonomie, à domicile ou en établissement, doivent avoir la garantie que leurs libertés fondamentales seront respectées.

1. Installer la révolution de l’âge dans toutes les politiques publiques

Le logement et la place réservée par la cité à chacun dans sa ville contribuent à la citoyenneté des individus. Cela est encore plus vrai pour les âgés pour lesquels le logement doit constituer un véritable « atout autonomie », un lieu de vie qui doit leur permettre d’aller et venir sans encombre et qui doit s’adapter, soit par des travaux, soit par des équipements, à des débuts de fragilités afin de ne pas empêcher leur participation à la vie sociale.

Il en est de même pour les territoires. La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées mobilise tous les territoires en faveur de l’accessibilité universelle. Penser l’urbanisme de manière intergénérationnelle, tout comme la réflexion sur les mobilités des âgés, invite à prendre en considération des éléments qui répondent à leurs besoins spécifiques avec une seule ambition : aménager des territoires qui leur permettent de garder prise avec la vie sociale, d’y être intégrés et d’en être pleinement acteurs.

1.1. Faire du logement un levier majeur des politiques d’autonomie et du mieux-vieillir

90 % des Français préfèrent adapter leur domicile plutôt que d’avoir à le quitter si leur état de santé se dégrade (sondage Opinionway pour l’Observatoire de l’intérêt général, 2012). D’où l’importance de réunir les conditions nécessaires à l’exercice d’un vrai « libre choix ».

Car le logement, à travers ses caractéristiques et sa localisation, conditionne aussi bien la capacité des personnes à vivre de manière autonome, que le maintien des relations sociales. Pour rendre possible et effective la priorité au domicile, l’adaptation des logements à l’autonomie est une nécessité absolue. Or, aujourd’hui, 6 % seulement des logements sont adaptés à la vie quotidienne des personnes en perte d’autonomie. Il faut attribuer à ce faible taux d’adaptation des logements une partie du trop grand nombre d’accidents domestiques impliquant des âgés : 450 000 chutes ont lieu chaque année, dont 62 % à domicile, entraînant 9 000 décès par an. Outre l’adaptation des logements, il est nécessaire de développer une offre la plus diversifiée possible de logements pour répondre aux attentes et aux besoins des âgés, en fonction de leur degré d’autonomie.

1.1.1. Développer des stratégies cohérentes d’adaptation de l’habitat, ancrées dans les outils de programmation

Les schémas gérontologiques et les programmes locaux de l’habitat (PLH) établis au niveau des communes et intercommunalités doivent à l’avenir servir de supports à des politiques coordonnées d’adaptation de l’habitat au vieillissement et à la perte d’autonomie.

La loi garantit désormais que les PLH prennent en compte le sujet du logement des âgés. Le PLH devra prendre en compte les besoins liés à la perte d’autonomie. Les collectivités territoriales, avec leurs compétences et leurs champs d’intervention propres, harmoniseront leurs orientations, en lien avec les acteurs concernés (Agence nationale de l’habitat [ANAH], bailleurs sociaux, caisses de retraite, aménageurs, services sociaux…).

Les outils de programmation (dont les PLH) doivent également permettre de prendre en compte les problématiques territoriales de l’habitat des âgés qui dépassent les milieux urbains denses. Une attention particulière doit être portée, d’une part, au logement des âgés en perte d’autonomie en milieu rural, souvent éloigné d’une offre de services facilement accessible, et, d’autre part, au vieillissement des territoires périurbains, qui est l’un des défis des dix à vingt ans à venir.

1.1.2. Adapter les logements : le logement comme instrument de prévention

En 2009, 85 % des ménages de 60 ans ou plus étaient logés dans le parc privé, dont 85 % étaient propriétaires de leur logement. Mais être propriétaire de son logement ne signifie pas être riche : 10,5 % des propriétaires disposent de ressources les plaçant sous le seuil de pauvreté. Certains propriétaires âgés ont donc besoin d’être fortement soutenus dans leur effort d’adaptation de leur domicile. Le Président de la République a fixé un premier objectif : l’État devra adapter 80 000 logements aux contraintes de l’âge et du handicap d’ici à la fin de son quinquennat. Le parc social, dont les locataires vieillissent, doit également s’adapter à cette nouvelle donne.

– Lancer un plan national d’adaptation des logements privés

Par-delà l’objectif de 80 000 logements d’ici à la fin 2017, il convient d’apporter des réponses qui rendent à l’avenir plus simple pour les personnes âgées et plus accessible financièrement l’adaptation de leur logement. Aujourd’hui, le dispositif de financement, éclaté entre de nombreux acteurs, est peu lisible, les procédures complexes, le conseil mal structuré et les professionnels formés trop peu nombreux.

À partir notamment des préconisations conjointes de l’ANAH et de la CNAV, le plan d’action poursuivra les objectifs suivants :

1° Simplifier le parcours des demandeurs et rendre plus accessible l’information ;

2° Diviser par deux le temps d’instruction des demandes à l’ANAH et dans les caisses de retraite et mieux cibler les besoins urgents, tels qu’une sortie d’hospitalisation ;

3° Inciter les collectivités territoriales à s’engager dans des opérations d’adaptation des logements : à ce titre, un diagnostic des besoins en adaptation des logements à l’autonomie sera désormais obligatoire avant la définition de chaque programme d’opération programmée d’amélioration de l’habitat. Les agglomérations et les départements seront incités à mettre en place des programmes d’intérêt général (PIG) en matière d’adaptation des logements (comme il en existe pour la rénovation thermique ou l’insalubrité) ;

4° Développer le lien entre travaux d’adaptation et travaux de rénovation énergétique, pour entretenir une dynamique d’entraînement entre les deux politiques et leurs outils respectifs ;

5° Améliorer les compétences des artisans du bâtiment à travers l’évolution des labels ;

6° Faire évoluer la liste des travaux éligibles aux financements de l’ANAH et de la CNAV pour prendre en compte la domotique.

– Améliorer le crédit d’impôt pour adaptation des logements

L’amélioration du crédit d’impôt pour adaptation du logement y contribuera également. Le dispositif sera prorogé par la loi de finances pour 2015. Il ciblera les âgés et les personnes en situation de handicap. La liste des travaux éligibles, en vigueur depuis presque dix ans, sera revue afin de permettre aux âgés de bénéficier de ce crédit d’impôt pour des technologies nouvelles de soutien à l’autonomie au domicile. Le Gouvernement examinera l’opportunité de permettre aux descendants de la personne âgée de bénéficier de ce crédit d’impôt lorsqu’ils s’acquittent des dépenses d’adaptation du logement éligibles à ce dispositif fiscal.

– Faciliter le financement des travaux d’adaptation

Les aides de l’ANAH en complément d’autres aides apportées par les caisses de retraite ou les collectivités territoriales permettent aux personnes aux revenus modestes de financer des travaux d’adaptation à la perte d'autonomie ou au handicap. L’État veille à maintenir un niveau de ressources suffisantes à l’ANAH afin que celle-ci puisse continuer à financer l'adaptation de 15 000 logements au moins chaque année.

Pour celles et ceux qui ont difficilement accès au crédit bancaire et dont le reste à charge demeurerait excessif compte tenu des aides existantes de l’ANAH ou de la CNAV, un dispositif de micro-crédit sera mis en œuvre pour que le reste à charge non financé par ces aides ne soit pas un frein à l’adaptation de leur logement. Un dispositif permettant la poursuite des missions sociales des sociétés anonymes coopératives d’intérêt collectif pour l’accession à la propriété (SACICAP) est ainsi en cours d’étude.

Les Français ont peu recours au viager, alors que bon nombre d’âgés pourraient y trouver un moyen de rester chez eux et de financer l’adaptation de leur logement. Les réticences tiennent à la difficulté d’obtenir une rente considérée comme convenable, mais aussi à la crainte de l’abus de faiblesse ou à celle de priver ses descendants d’héritage. Par ailleurs la demande pour acheter en viager est faible. Le risque de longévité créé par le versement de la rente viagère est souvent dissuasif, d’autant plus que les âgés susceptibles d’offrir un viager sont certainement ceux qui sont en bonne santé et ont une forte espérance de vie élevée.

Pour lever ces obstacles, la Caisse des dépôts et consignations a initié, aux côtés d’autres investisseurs institutionnels, la constitution d’un fonds destiné à l’acquisition de biens immobiliers en viager ; simultanément, en partenariat avec l’Union sociale pour l’habitat, elle travaille à développer des dispositifs de viager ou assimilés, impliquant un bailleur social et un âgé, dans le respect, pour le bailleur social, du service d’intérêt économique général régissant le logement social.

Les dispositifs de type « prêts viager hypothécaires », préservant les droits des héritiers lorsque les personnes le souhaitent, devront également être améliorés pour devenir plus attractifs.

– Mobiliser les bailleurs sociaux et diffuser les bonnes pratiques

35 % des locataires du parc social auront plus de 65 ans en 2035. Les bailleurs sociaux sont déjà très mobilisés au service des âgés, grâce à la mise en place de dispositifs innovants permettant d’apporter des réponses originales à l’isolement, aux difficultés de la vie quotidienne, etc. L’objectif est d’inciter à la prise en compte du vieillissement dans tous les registres de la gestion locative et de la gestion du patrimoine : faciliter l’adaptation des logements et constituer une offre adaptée, identifier les logements accessibles afin de permettre leur attribution aux personnes handicapées ou en perte d’autonomie, faciliter également les mutations de logement pour permettre l’installation des personnes âgées dans un logement mieux adapté à leur perte d’autonomie ou plus proche de leurs aidants, sensibiliser et former les gardiens au repérage des situations d’isolement et de fragilité et participer à des actions coopératives en matière de lien social ou d’installation de services de proximité.

Une convention nationale entre l’État et l’Union sociale pour l’habitat (USH) sera élaborée pour définir une stratégie commune autour de ces objectifs, qui concernera également les personnes handicapées. Afin de généraliser les bonnes pratiques, un prix sera également créé, en lien avec l’USH, la CNAV et la Caisse des dépôts et consignations, afin de récompenser les bailleurs sociaux les plus innovants dans l’adaptation de leur parc au vieillissement.

- Encourager la mise en place de bourses aux logements adaptés

Afin de faciliter le rapprochement entre l’offre et la demande de logement adapté à la perte d'autonomie ou au handicap, la mise en place de bourses aux logements adaptés constituées avec l’aide des bailleurs privés est encouragée au niveau départemental.

– Mieux prévenir les coupures d’énergie

L’encadrement des coupures d’énergie pour impayés a été renforcé par la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes. Pour autant, certains âgés vulnérables se voient encore privés d’électricité ou de gaz parce qu’ils n’ont pas payé leurs factures.

En lien avec le ministère du développement durable, les fournisseurs d’énergie et les conseils généraux, un dispositif d’échange d’informations sera mis en place pour garantir qu’aucun âgé ne restera plus isolé face à une coupure d’électricité, de gaz ou de chaleur. Ainsi, les services sociaux départementaux pourront accompagner la personne.

Dans le cadre de la convention signée en avril 2013 entre la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et l’Union nationale des centres communaux d’action sociale (UNCCAS) destinée à favoriser l’accès aux droits et aux soins des populations en situation de précarité, des campagnes d’information ciblées à destination des personnes âgées seront conduites, afin de faciliter l’accès des retraités à faibles ressources aux tarifs sociaux du gaz et de l’électricité.

1.1.3. Diversifier l’offre de logements

Entre la maison de retraite médicalisée et le domicile traditionnel, d’autres modes d’habiter peuvent répondre aux besoins des âgés. C’est le cas du logement intégrant des services, qui peut devenir une solution pertinente quand arrivent les premiers signes de fragilité. Il assure en effet sécurité, accessibilité et garantie d’une prise en charge médico-sociale.

– Développer les logements-foyers ou « résidences autonomie »

La présente loi donne un nouveau souffle aux logements-foyers rebaptisés « résidences autonomie », afin de transformer cette forme d’établissement médico-social alternative aux maisons de retraite médicalisées quand l’âgé est plus autonome que dépendant. Les résidences autonomie représentent une offre de l’ordre de 110 000 places installées, réparties dans 2 200 logements-foyers qui accueillent très majoritairement des âgés autonomes à l’admission, l’avancée en âge des résidents nécessitant souvent un accompagnement dans un but de préservation de leur autonomie. Initiés dans les années 1960, ils nécessitent aujourd’hui d’être revisités pour mieux remplir leurs missions.

Les logements-foyers datent pour la plupart des années 1960, 1970 et 1980. L’adaptation aux nouveaux publics (personnes en situation de handicap vieillissantes, personnes en précarité sociale), la mise en conformité réglementaire et l’amélioration continue des logements restent difficiles à financer. Afin de moderniser cette offre fragilisée, le plan d’aide à l’investissement de la CNSA sera abondé de manière exceptionnelle pendant trois ans pour aider ces structures à engager leurs travaux, en lien avec la CNAV, la Caisse des dépôts et consignations et les collectivités territoriales.

Les résidences autonomie ont une mission de prévention de la perte d’autonomie désormais reconnue et réaffirmée par la loi. Cette mission sera soutenue, pour ceux qui ne bénéficient pas du forfait soins, par un forfait « autonomie », afin de financer des dépenses non médicales permettant de préserver l’autonomie des résidents. La gestion du forfait autonomie, déléguée par la CNSA, relève des conseils généraux dans le cadre de la nouvelle conférence des financeurs. Par ailleurs la présente loi autorise désormais, sous certaines conditions, l’admission dérogatoire en résidence autonomie de personnes relevant du GIR 4, à la condition que soit signée une convention avec un service de soins infirmiers à domicile (SSIAD), un service polyvalent d’aide et de soins à domicile (SPASAD) ou une maison de retraite médicalisée. Cela permettra de répondre plus finement à la diversité des réalités locales.

Les petites structures alternatives d’hébergement comme les « petites unités de vie » ou les maisons d’accueil rurales pour personnes âgées (MARPA) seront par ailleurs consolidées. Elles auront de nouveau la possibilité de s’adosser à une maison de retraite médicalisée, de bénéficier d’un forfait soins infirmiers ou de passer un partenariat avec un service de soins infirmiers à domicile.

– Sécuriser le développement de l’offre de résidences-services

Depuis une trentaine d’années, s’est développée la commercialisation d’immeubles, soit par accession à la propriété de lots, soit par la location de lots, offrant un logement non meublé, ainsi que des services plus ou moins diversifiés. Ces résidences-services s’adressent à des âgés autonomes, valides et semi-valides, de plus de 60 ans qui désirent vivre en appartement ou en maison, tout en profitant de la convivialité et de la sécurité assurées par les équipes en place.

Dans un contexte de développement de ces structures, utiles, la loi prévoit plusieurs dispositions pour mieux maîtriser et rendre plus transparentes les charges pour les résidents et les copropriétaires. Pour les résidences-services à venir, le modèle des résidences avec services « à la carte » devient obligatoire, qui permet de mieux identifier le contenu et le coût des services, d’individualiser davantage les charges et de permettre à l’assemblée générale des copropriétaires de prendre plus facilement les décisions touchant au niveau de services.

– Encourager l’habitat regroupé par l’élaboration d’une charte de bonnes pratiques intergénérationnelles

De nombreuses collectivités territoriales développent des habitats regroupés, en rapport avec la réalité de leurs territoires et de leurs populations, avec le souci de la mixité intergénérationnelle. Des béguinages, des « babayagas », des « octaves », des résidences intergénérationnelles et autres dispositifs émergent, faisant naître des pratiques inégales. Il importe de référencer ces dispositifs. Un audit est lancé à cette fin pour les répertorier, mieux les analyser et en dégager les aspects les plus intéressants. Une charte de bonnes pratiques, qui rappellera clairement les droits et les devoirs des locataires et des bailleurs, garantira les droits de chacun.

Ce type d’habitat regroupé, proposé également dans de nombreux territoires par des bailleurs sociaux, des mutuelles ou des associations à but non lucratif, doit être encouragé afin qu’un modèle de « résidences-services à coût social » émerge. Moins chères que les résidences-services privées, tout en restant en dehors de la sphère médico-sociale, ces initiatives correspondent aux attentes des citoyens, participent de la prévention de la perte d’autonomie et représentent une offre de logement intermédiaire plus accessible aux âgés aux revenus modestes.

1.1.4. Préparer l’architecture de demain des établissements pour personnes âgées

Les maisons de retraite médicalisées, comme les structures accueillant des personnes handicapées, sont, à la fois, des lieux de soins et de vie. Ces lieux de vie doivent être conçus de manière à mieux intégrer les souhaits de vie privée des résidents, leur intimité et leur vie sexuelle. Il convient de sensibiliser l’ensemble des professionnels concernés à la qualité d’usage de ces établissements (étudiants en architecture, enseignants des écoles d’architecture, maîtres d’œuvre, maîtres d’ouvrage et financeurs publics). Les actions engagées auront notamment pour finalité de créer un réseau d’échanges et de compétences entre les acteurs de la conception des résidences autonomie, sur la base d’une convention entre le ministère des personnes âgées et de l’autonomie, le ministère des personnes handicapées et le ministère de la culture.

1.2 Faire place à l’âge dans les politiques urbaines, dans une logique intergénérationnelle

La ville et le territoire tout entier doivent s’adapter au vieillissement de la population, pour que l’espace urbain, les services et l’habitat soient accessibles à tous. Les âgés doivent être entendus pour faire évoluer les manières de penser l’aménagement et les déplacements, dans une logique de mixité intergénérationnelle. Les outils de programmation urbaine – programmes locaux de l’habitat, plans de déplacement urbain (PDU), notamment – devront prendre en compte cette réalité des besoins sociaux.

– Promouvoir un urbanisme intergénérationnel

De nombreuses collectivités territoriales ont commencé à développer des politiques urbaines permettant aux âgés de trouver des quartiers où l’on peut bien vieillir : une offre de logements accessibles et équipés, un environnement respectueux des exigences de l’accessibilité qui permet l’accès facile à des commerces et services de proximité, un transport en commun et une voirie accessibles, et une intégration dans la vie sociale permettant de prévenir l’isolement, et dans un esprit de « vivre ensemble » propice à toutes les générations.

Afin de reconnaître et de favoriser ces initiatives, un label « Ville amie des aînés » est basé sur la dynamique du même nom, définie par l’Organisation mondiale de la santé. Ce dispositif, reposant sur le volontariat des collectivités, n’a pas pour objectif de créer des quartiers réservés aux personnes âgées mais de créer les conditions favorables du vieillissement pour permettre d’accueillir sans exclusive tous les âges. Ce label est obtenu à la suite d’un audit participatif mené par les âgés, de la modification des documents d’urbanisme et du repérage de zones favorables à une haute qualité de vieillissement (HQV). Il permet de bénéficier d’une prise en compte pour les appels à projets du fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC), de la mobilisation des associations sportives par l’État et de la coopération des services préfectoraux pour mener, en lien avec la collectivité, des projets d’habitats regroupés intergénérationnels.

Les âgés devront également être mieux associés à la définition des politiques d’aménagement des territoires. Une première étape concernera l’évolution des commissions communales d’accessibilité. La loi n° 2014-789 du 10 juillet 2014 habilitant le Gouvernement à adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées a prévu d’élargir la composition de ces commissions communales, qui suivent la mise en accessibilité du cadre bâti, des transports et de la voirie, aux associations représentatives des personnes âgées. Mais il s’agit également de veiller à ce que, dans toutes les instances de concertation sur les projets d’aménagement, la préoccupation de l’adaptation à tous les âges puisse être portée.

– Développer des politiques et une offre de mobilité qui prennent en compte les âgés

Il est nécessaire de garantir l’accessibilité et la sécurité des déplacements des âgés, que ce soit à pied, dans les transports en commun ou lorsqu’ils se déplacent en utilisant leur véhicule personnel ; d’où la nécessité d’adapter la ville au vieillissement, mais aussi de développer les moyens de déplacement innovants.

Il est important d’affirmer le droit à la mobilité pour les âgés.

L’idée, malheureusement trop répandue, selon laquelle il faudrait imposer une visite médicale à partir de 75 ans, voire instaurer un nouvel examen du permis de conduire pour les âgés, est en contradiction complète avec les faits. Les âgés ne sont pas plus que les autres impliqués dans des accidents de la route : un cinquième des morts au volant a plus de 65 ans quand un sur deux a entre 18 et 45 ans. En revanche, la mortalité est plus forte avec l’âge en cas d’accident, en raison de la plus grande fragilité des personnes. Les piétons âgés sont aussi beaucoup plus exposés. Ils représentent plus de 50 % des piétons accidentés et tués.

Une action résolue doit être conduite pour permettre une mobilité sécurisée à travers des déplacements plus sûrs, motorisés ou non, des véhicules innovants, qu’ils soient individuels ou collectifs, mais surtout des modes de transport et des services qui répondent aux besoins des âgés et les rassurent. Complétant l’action du médecin traitant et du pharmacien, qui ont été sensibilisés à la détection des débuts de fragilité possibles au volant, ces alternatives seront développées, constituant la meilleure réponse à la discrimination qu’induirait l’appréciation de la faculté de conduire uniquement en fonction de l’âge.

Désormais le public des âgés figurera, de par la loi, spécifiquement parmi les publics pris en compte par les plans de déplacement urbains (PDU). Par-delà la mise en accessibilité, déjà prise en compte, il s’agira d’intégrer la qualité d’usage (sécurité, mode de conduite, accès à l’information…) et d’inciter au développement de modes de transport innovants.

La loi ouvrira également aux âgés l’accès aux « services conseils en mobilité » mis en place par les autorités organisatrices des transports (AOT) dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants, afin qu’ils soient mieux informés sur les possibilités de mobilités existantes.

Une étude sur les plateformes et les centrales de mobilité, lancée par le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, permettra non seulement de recueillir et de diffuser les bonnes pratiques des collectivités les plus innovantes, mais encore de passer en revue les moyens possibles pour encourager leur création, notamment dans les zones rurales, à l’échelle des territoires vécus.

Par ailleurs, les industriels développent des initiatives pour produire des véhicules ou des équipements pour véhicules adaptés aux âgés. Afin d’inciter le secteur industriel français à innover dans ce champ, un réseau d’acteurs des transports à destination des âgés se structure autour de la « silver mobilité », rassemblant grands industriels, entreprises innovantes et représentants des transports publics, pour travailler sur l’offre de l’avenir. Cette offre permettra aux transporteurs publics de développer des transports communs qui répondent aux problématiques des âgés : stress, accès à l’information délicat, crainte… Tout cela doit faciliter l’usage des transports publics.

Pour permettre le développement de certains de ces nouveaux véhicules, l’élaboration d’un statut spécifique dans le code de la route est nécessaire. Ce statut juridique sera abordé dans le cadre du groupe de travail sur « le partage de l’espace public et la sécurisation des modes actifs » piloté par la délégation à la sécurité et à la circulation routières.

La marche est le mode de déplacement privilégié par les âgés, en particulier lorsqu’ils avancent en âge et restreignent le périmètre de leurs déplacements. Le futur plan national d’action pour les mobilités actives contribuera notamment à valoriser la marche mais aussi à mieux sécuriser l’espace public pour les piétons. Parallèlement, la délégation à la sécurité et à la circulation routières prolongera, en lien avec tous les acteurs concernés, ses efforts de sensibilisation pour sécuriser les piétons âgés.

2. Saisir le potentiel que représente la transition démographique pour la croissance et l’emploi

Le champ de la « silver économie » est très vaste : il s’étend des technologies les plus avancées de la domotique et de la robotique jusqu’à l’habitat, la mobilité, le tourisme pour seniors…, en passant par les aides techniques les plus simples et toute la gamme des services de téléassistance ou bouquets de services. Son périmètre étant en expansion continue, puisqu’elle a vocation à irriguer tous les marchés, l’objectif est de structurer une industrie du vieillissement en capacité de répondre à un marché mondial de près d’un milliard d’âgés. L’enjeu est de créer un écosystème national et régional, porteur de croissance, d’emplois et d’investissements étrangers dans nos « clusters », ou grappes d’entreprises, au sein des « silver régions ».

La « silver économie » concerne également les femmes et les hommes qui mettent leurs compétences au service de l’aide à l’autonomie. Pour assurer une meilleure prise en compte des besoins mais aussi des attentes des âgés, une attention particulière est portée aux métiers de l’autonomie dans leur grande diversité, aux pratiques professionnelles et aux conditions d’emplois. La « silver économie » est enfin un levier d’insertion riche et porteur d’utilité sociale. Elle participe à la bataille du Gouvernement pour un emploi de qualité, reconnu et valorisé.

2.1. Faire de la France un leader mondial de la « silver économie »

Si la révolution de l’âge représente d’abord des enjeux sociaux et sociétaux considérables, elle constitue aussi une réelle opportunité d’innovation, de croissance et d’emplois. Elle va créer une large demande de produits, de technologies et de services dédiés aux âgés en plus d’une hausse probable du taux d’épargne qui devrait favoriser l’investissement productif de notre pays. La demande d’aménagement du domicile, de produits, de technologies et de services liés à l’autonomie devrait doubler en l’espace d’une vingtaine d’années et susciter une offre nouvelle. L’ambition est claire : toucher un marché de plus de 900 millions de seniors dans le monde, principalement dans les pays de l’OCDE. Les âgés seront deux milliards en 2050. Pour répondre à cette demande en très grande croissance, une filière industrielle est en train d’être structurée, qui répond à ces besoins en produits, équipements et technologies au service des âgés.

La présente loi, par le biais de mesures favorables à la diminution du reste à charge des personnes âgées et de leur famille, via la revalorisation de l’APA ou une meilleure solvabilisation des aides techniques, contribuera à l’émergence d’une demande plus forte de produits nouveaux. Elle permettra en parallèle de donner aux plus modestes l’accès aux avancées de la « silver économie ». La présente loi, en renforçant le décloisonnement des différents secteurs concernés par le vieillissement (social, médical, urbain, etc.) et en améliorant la coordination des acteurs de la prévention de la perte d’autonomie, crée également un environnement plus favorable au développement de la « silver économie ». Les jeunes seniors constituent, en particulier, une population dont les comportements, les envies, les besoins et le rôle social vont avoir de plus en plus de poids et représentent une opportunité pour l’économie et la croissance françaises, dans de nombreux pans d’activités : habillement, cosmétiques, équipement, logement, tourisme, loisirs, design, etc. Ces relais de croissance sont également un levier important de compétitivité pour les entreprises françaises. Si elles prennent la voie de la « silver économie », elles gagneront des parts de marché et exporteront davantage. Dans le cas contraire, elles perdront en compétitivité.

Certaines des entreprises françaises sont déjà bien positionnées vis-à-vis de leurs concurrentes étrangères. La France dispose donc a priori d’un avantage comparatif qu’il convient de consolider et de pérenniser. En créant un écosystème national, puis régional, voire local à travers la constitution de plusieurs grappes d’entreprises, la France pourra consolider ses atouts.

En avril 2013, a officiellement été lancée par le Gouvernement français la filière industrielle de la « silver économie », qui ambitionne de structurer une industrie de pointe du vieillissement en France. Un comité stratégique de filière industrielle a été formé et s’est affirmé comme l’instance de concertation et de pilotage pour les industriels et les acteurs économiques de la « silver économie ». Il réunit de manière paritaire une quarantaine de fédérations professionnelles et d’acteurs publics, en particulier les régions, qui développent cette filière industrielle dans leur territoire. Le 12 décembre 2013, un contrat de filière « silver économie » a été signé, comportant 49 actions articulées autour de six axes, qui constituent une feuille de route pour les années à venir :

– créer les conditions d’émergence d’un grand marché de la « silver économie » ;

– favoriser le développement d’une offre compétitive ;

– exporter les produits et les technologies de la « silver économie » ;

– professionnaliser les acteurs de la « silver économie » ;

– créer des innovations dans le champ de la « silver économie » ;

– communiquer positivement auprès des âgés et sur le bien-vieillir auprès du grand public et des distributeurs.

Le contrat de filière rassemble ainsi les engagements pris par tous les acteurs afin de favoriser, par exemple, la labellisation, les investissements en lien avec les pôles de compétitivité et les grappes d’entreprises, l’export et la mise en place de sites d’exposition ou d’expérimentateurs dans les territoires.

Pour amplifier cette dynamique ont été lancées les « silver régions » : des comités de filières régionaux de la « silver économie » sont installés, avec les conseils régionaux pour chefs de file, et une instance de concertation sera mise en place dans chaque région pour coordonner la structuration de cette filière dans différentes régions.

2.2. Développer des emplois de services de qualité pour mieux répondre aux besoins des âgés et améliorer la qualité de l’accompagnement

Répondre à la révolution de l’âge, c’est aussi dynamiser et enrichir le contenu des services rendus aux personnes, qui vont créer dans les années à venir de très nombreux emplois non délocalisables. Le renforcement de l’APA et la refondation du secteur de l’aide à domicile y contribueront.

C’est pourquoi la présente loi s’accompagne d’un « plan métiers » visant à encourager la création d’emplois, l’attractivité, la fidélisation des professionnels et la qualification des métiers dans le secteur des âgés, mais aussi dans le secteur des personnes en situation de handicap, tant les besoins sont communs entre ces deux secteurs. Il a vocation à répondre à trois enjeux essentiels :

1° Faire évoluer les métiers au service des nouveaux objectifs portés par les politiques de l’âge et du handicap

Il s’agit d’accompagner l’évolution des professionnels dans des logiques de coopération et d’intégration de services correspondant mieux aux besoins du parcours de vie de la personne. Cela passe par un travail sur les pratiques professionnelles, l’interdisciplinarité, le travail en équipe ou encore par la réingénierie des diplômes, actuellement facteurs de rigidité.

Auprès de publics dont la fragilité est croissante, l’exigence de qualité doit également être renforcée. Une politique active de professionnalisation et de qualification sera poursuivie et des actions confortant l’attractivité et la fidélisation des professionnels formés dans l’emploi seront engagées. Il s’agit d’une priorité pour l’adaptation de la société au vieillissement, pour la stratégie nationale de santé comme pour le comité interministériel du handicap. En parallèle, cette exigence doit s’appuyer sur un engagement citoyen et bénévole complémentaire de la société tout entière au service des plus fragiles, dans l’esprit notamment de la mobilisation nationale de lutte contre l’isolement des âgés (MONALISA) ;

2° Soutenir l’effort de création d’emplois dans le secteur de l’accompagnement de l’autonomie des personnes âgées ou handicapées

Ce secteur représente un investissement d’avenir tant les besoins sont croissants. Face à cet enjeu, il importe de mobiliser tous les leviers de la politique de l’emploi pour stimuler cette économie au service des plus fragiles. Cet objectif s’est déjà traduit par la signature d’un engagement de développement de l’emploi et des compétences (EDEC) entre l’État et les partenaires sociaux. Il s’agit d’un véritable défi intergénérationnel où les besoins des âgés peuvent créer plusieurs milliers d’emplois et notamment des emplois pour les plus jeunes, dans l’esprit du contrat de génération et des emplois d’avenir portés par l’ensemble du Gouvernement. La mixité des métiers sera également un objectif de ce plan. Le Gouvernement a fixé comme objectif général qu’un tiers de salariés, contre 12 % aujourd’hui, travaillent dans un métier mixte en 2025. Un objectif de même nature sera fixé en tenant compte des spécificités de ce secteur ;

3° S’appuyer sur le dialogue social pour améliorer les conditions de travail et lutter contre la précarité

Qu’il s’agisse du futur plan santé au travail III, des états généraux du travail social ou des négociations de branche, tous ces chantiers structurants auront comme priorité la préservation de la qualité de la vie au travail et de l’accompagnement des parcours professionnels, pour concilier pleinement les objectifs des politiques publiques et les besoins et aspirations légitimes des professionnels, en particulier dans un secteur qui reste marqué par l’emploi précaire.

La priorité donnée au domicile se traduira par l’agrément par l’État de deux avenants à la convention collective de la branche de l’aide à domicile, qui touche plus de 220 000 salariés. Le premier est relatif à la revalorisation des indemnités kilométriques dans un secteur où les déplacements sont très nombreux. Le second permet de revaloriser les plus bas salaires de cette branche. Un travail sera par ailleurs engagé sur les niveaux de qualification à mobiliser pour répondre aux besoins d’accompagnement des personnes âgées afin de disposer de référentiels partagés pour accompagner le développement des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) signés entre les conseils généraux et les organismes d’aide à domicile.

Par ailleurs l’évolution du mode de financement des services autorisés et habilités à l’aide sociale (cf. partie 3) contribuera à apporter une réponse à la fragilisation économique du secteur.

3. Consacrer la place des âgés et reconnaître leur rôle fondamental dans la société

L’augmentation du nombre d’âgés, majoritairement autonomes, dans notre pays peut être un véritable bénéfice si nous savons la préparer et la concevoir. Deux conditions majeures à ce bénéfice collectif : la reconnaissance de leur rôle solidaire dans la cohésion sociale et la nécessité de leur donner les moyens de s’épanouir et de comprendre et connaître le monde qui les entoure.

D’ores et déjà, le rôle social des âgés est considérable : société civile et, bien sûr, familles ne vivraient pas sans eux. Encore faut-il mieux valoriser ce rôle, le faciliter et le rénover pour que ces « nouveaux » âgés aient le désir de s’y engager. Et dans un monde qui évolue vite, garantir leur accès aux savoirs, à la culture et au tourisme leur permet de rester en prise avec lui et en interaction avec les autres générations.

3.1. Valoriser et conforter l’engagement familial des âgés

La France compte 12,6 millions de grands-parents. La garde des petits-enfants par leurs grands-parents, qui ont en moyenne 52 ans au moment où ils le deviennent et la prise en charge de l’organisation du temps libre et éventuellement des vacances représentent une solidarité intergénérationnelle majeure.

L’allongement de la durée de la vie au travail a pour conséquence l’apparition de la grand-parentalité active. Les entreprises devront être incitées à prendre en compte ce rôle social dans l’aménagement du temps de travail prévu dans les plans de gestion des ressources humaines. De même, les crèches d’entreprises seront incitées à s’ouvrir aux petits-enfants, sans porter préjudice à l’accueil des enfants de parents salariés, qui reste prioritaire.

Parmi la grande diversité des initiatives parentales, la crèche parentale tient une place de choix. Les grands-parents pourront être associés à ce type d’initiative.

Les conflits familiaux concernent les parents, mais également les grands-parents. Si l’enfant a le droit d’entretenir des relations avec ses ascendants, comme le prévoit le code civil, ce droit dépend des relations entretenues avec les parents. Certains se trouvent ainsi privés de liens avec leurs petits-enfants. La médiation est alors convoquée pour régler ce type de litige. Dans le cadre du développement des schémas territoriaux des services aux familles dont la préfiguration a été lancée par la ministre de la famille en décembre 2013, la médiation intergénérationnelle fera l’objet d’un recensement des pratiques existantes, d’une information du public afin d’en faciliter l’accès et d’actions communes entre les partenaires concernés afin d’en favoriser le développement.

3.2. Valoriser et conforter l’engagement solidaire des âgés

Cinq à six millions d’âgés ont un engagement dans une association. Ils constituent un apport indispensable à la vie associative de notre pays. Conforter leur engagement, c’est reconnaître leurs compétences et leurs expériences et renforcer la cohésion sociale entre les générations ; c’est en outre un moyen reconnu de prévenir la perte d’autonomie.

L’engagement associatif des aînés doit donc être encouragé et valorisé.

Le départ à la retraite représente une rupture qui peut être difficile à vivre. Les entreprises, dans le cadre de leur responsabilité sociale (RSE), et les caisses de retraite ont un rôle essentiel à jouer pour aider les futurs retraités dans la préparation de leur nouveau projet de vie et pour les inciter à mettre leurs compétences et leur expérience au service d’un engagement associatif.

La valorisation de l’engagement des seniors ne doit pas conduire à une hiérarchisation des bénévoles. Un dispositif visant à témoigner de la reconnaissance de la collectivité nationale envers les bénévoles les plus engagés, et à mettre en valeur les projets les plus innovants pourrait être mis en place par l’État, en collaboration avec le monde associatif. Ce dispositif pourrait prévoir de matérialiser cette reconnaissance dans le cadre d’une cérémonie le 5 décembre de chaque année, à l’occasion de la journée internationale des volontaires.

– Garantir la qualité et promouvoir le développement de la cohabitation intergénérationnelle

La cohabitation intergénérationnelle se développe aujourd’hui grâce à l’action d’associations mettant en relation des âgés autonomes et des jeunes. D’un côté, les âgés profitent d’une présence rassurante et bienveillante, de l’autre, les jeunes bénéficient d’une chambre à moindre coût. Il s’agit là d’une solution peu coûteuse et qui apporte un véritable confort aux personnes âgées, dans un cadre qui n’est pas médico-social mais citoyen et solidaire. Cette pratique est à la croisée des chemins de plusieurs dispositions légales : ce n’est pas un contrat de location, car il n’y a pas de bail, ce n’est pas non plus un contrat de travail, mais il s’agit d’un engagement réciproque solidaire sans aucune autre contrepartie financière qu’une participation aux charges lorsque les parties en conviennent.

La création d’un label spécifique pour les associations mettant en œuvre ce type de dispositif est un facteur de confiance pour les personnes âgées et les financeurs potentiels. La rédaction d’une charte de la cohabitation intergénérationnelle et d’un modèle de convention, pouvant être conclue par la personne âgée et le jeune, permettra également de mieux sécuriser cette pratique. Les résidences autonomie peuvent également accueillir en leur sein, au même titre que des personnes âgées ou handicapées, des étudiants ou des jeunes travailleurs, afin d’y poursuivre l’objectif de la cohabitation intergénérationnelle.

– Organiser la transmission et la solidarité intergénérationnelles

La loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République réaffirme l’importance du dialogue entre l’école et les parents, les collectivités territoriales et le secteur associatif. L’engagement des élèves dans des projets éducatifs visant à favoriser la réussite éducative et les apprentissages pourra notamment concerner des projets avec des personnes âgées. D’ores et déjà, la réforme des rythmes scolaires a pu permettre à des personnes retraitées de participer à des activités périscolaires, en fonction de leurs compétences et des projets développés par les communes. Cette dynamique sera encouragée.

Chaque année, une journée nationale de la solidarité intergénérationnelle dans le système éducatif permettra de valoriser les projets intergénérationnels développés toute l’année.

Dans le même esprit, 2014 est l’année de la commémoration de deux guerres mondiales. Elle est l’occasion de mobiliser les personnes âgées autour du partage de leurs archives personnelles, civiles ou militaires, pour contribuer à laisser une trace de cette époque dont les protagonistes s’éteignent peu à peu. Une convention sera signée entre le ministère chargé des anciens combattants, celui chargé des personnes âgés et de l’autonomie et l’Office national des anciens combattants pour encourager le recueil d’archives civiles et leur conservation par les archives départementales.

De même, la contribution des immigrés âgés à l’histoire de notre pays sera mieux reconnue. Elle est une composante essentielle de l’histoire nationale, en particulier de l’histoire de la reconstruction du pays et du développement de son outil industriel. La reconnaissance et la transmission de cette histoire sont un gage de renforcement du lien intergénérationnel et au fondement de toute politique d’intégration. Conformément aux préconisations figurant dans le rapport de la mission d’information de la conférence des présidents sur les immigrés âgés, déposé le 2 juillet 2013 à la présidence de l’Assemblée nationale, l’identification de « lieux de mémoire » de l’immigration sera encouragée, les travaux sur la mémoire de l’immigration seront soutenus, les lieux d’échange et de transmission de la mémoire de l’immigration seront valorisés et les grandes entreprises fortement employeuses de travailleurs immigrés seront invitées à soutenir les projets de recherche sur l’histoire de l’immigration et à garantir l’accès à leurs archives.

3.3. Donner aux âgés les moyens de s’épanouir en développant des offres de services adaptées

– Encourager le développement des universités du temps libre

Depuis quarante ans, se sont créées, à côté des universités et en s’appuyant sur leurs compétences et leur savoir-faire, des structures aux appellations diverses : universités « ouvertes », « du temps libre », « du troisième âge », « pour tous », etc. Portées par des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPCSCP), des associations ou des collectivités territoriales, ces structures s’attachent à proposer des enseignements accessibles à tous, non diplômants, permettant de bénéficier du rayonnement de la culture universitaire. En offrant une éducation permanente aux âgés, elles contribuent à la prévention des effets néfastes du vieillissement.

Ces universités sont amenées à se développer dans les années à venir. À cette fin, une convention sera signée au 1er semestre 2014 avec la conférence des présidents d’université, l’Union française des universités de tous âges et l’Association des maires de France (AMF) afin de faire remonter les bonnes pratiques et les partager, et inciter les universités comme les collectivités territoriales à s’engager davantage dans cette démarche, qui répond à une attente croissante des âgés. Cette convention permettra, grâce à la concertation des différents acteurs qu’elle implique, un déploiement mais surtout une meilleure coordination des activités collectives pédagogiques.

– Garantir le droit aux vacances pour tous et l’accès à la culture

Les âgés peuvent partir en vacances sans les contraintes des actifs, ce qu’il importe de favoriser. L’Agence nationale pour les chèques vacances sera confortée dans le programme « Seniors en vacances », qui permet à 45 000 âgés de partir annuellement. Il importera de permettre à davantage de personnes âgées dépendantes de partir en vacances.

Au sein de la « silver économie », le « silver tourisme » sera développé, en particulier le volet visant à faire de la France un pays attractif sur le plan du tourisme pour seniors ou du tourisme bien-être. Ce « silver tourisme » vise à attirer des âgés d’Europe pour des périodes courtes sur le sol français, notamment dans les stations balnéaires, vertes ou thermales.

De même, dans le domaine de la culture, les porteurs de projets d’éducation artistique et culturelle seront incités à développer une dimension intergénérationnelle, qu’il s’agisse de projets conçus en partenariat avec les enseignants et se déroulant en partie ou en totalité pendant le temps scolaire ou de projets se déroulant en dehors de ce temps. C’est ainsi que, en 2013, plusieurs parcours d’éducation artistique et culturelle ont permis d’impliquer des maisons de retraite médicalisées. Une attention particulière sera portée aux projets d’accès aux pratiques numériques permettant la création de lien social et intergénérationnel, l’apprentissage de nouveaux usages, la transmission et l’échange.

4. Affirmer les droits et libertés des âgés

4.1. Préciser et garantir le respect des droits des âgés

Les droits fondamentaux de la personne humaine s’appliquent à tous les citoyens. Cependant, les conditions de vulnérabilité de certains âgés, particulièrement des grands âgés, rendent nécessaires la réaffirmation et l’explicitation de ces droits. La conciliation entre autonomie et protection des âgés doit être recherchée.

La démarche éthique peut seule garantir la juste réponse à la confrontation entre des principes contradictoires et pourtant individuellement légitimes (principe de liberté et nécessité de sécurité dans les établissements). Elle concerne également le champ des personnes handicapées.

– Apporter une information adaptée pour permettre de choisir son projet de vie

La loi consacre d’abord un droit fondamental pour les âgés en perte d’autonomie : celui de bénéficier d’un accompagnement et d’une prise en charge adaptés à leurs besoins dans le respect de leur projet de vie.

Elle consacre également le droit des âgés et de leurs familles d’être informés, afin d’éclairer leur choix. Les départements, à travers le réseau des centres locaux d’information et de coordination (CLIC), la CNSA, grâce à la mise en place d’un portail d’information, et d’autres structures telles que les CCAS assurent la mise en œuvre de ces droits.

– Faire mieux respecter les droits des âgés vulnérables et lutter contre les discriminations

Dans le prolongement des travaux importants du Conseil national de la bientraitance et des droits des personnes âgées et handicapées (CNBD) et des saisines du Défenseur des droits, la loi précise les droits des personnes âgées vulnérables, dans le cadre du corpus juridique des libertés fondamentales.

Il s’agit aussi de lutter contre les discriminations liées à l’âge, qui sont en augmentation. Harcèlement moral et refus de conclure un bail ou un contrat de prêt en raison de l’âge sont régulièrement dénoncés par le Défenseur des droits. Celui-ci mène une enquête et fait des recommandations en faveur de l’octroi d’une réparation par indemnisation. La justice peut également être saisie directement au titre de la discrimination par l’âge.

Les anciens migrants, les lesbiennes, gays, bi et transsexuels ou les personnes séropositives cumulent bien souvent, lors de leur avancée en âge, les risques de discriminations.

4.2. Renforcer la liberté d’aller et venir des personnes hébergées en établissement

Il s’agit d’abord de réaffirmer la liberté d’aller et venir dans la liste des droits fondamentaux de la personne hébergée. Elle ne s’oppose pas à la protection mais en devient une composante. L’information et l’encadrement de toutes les adaptations à la liberté d’aller et venir qui seraient nécessaires pour la vie en collectivité est améliorée par la loi, qui pose également la règle de la proportionnalité et de la nécessité au regard de l’état de la personne et des objectifs de prise en charge.

Les nouvelles technologies peuvent permettre de conjuguer les droits et aspirations fondamentales d’autonomie et d’améliorer sensiblement la qualité de vie et la liberté des personnes vulnérables dans les meilleures conditions de sécurité. Le CNBD a élaboré une charte, basée sur les principes de subsidiarité et de proportionnalité, en vue d’une expérimentation auprès des établissements accueillant des personnes âgées. L’avis écrit du médecin et le consentement de la personne concernée conditionnent l’usage d’un dispositif de géolocalisation. Les pouvoirs publics s’engagent à tirer tous les enseignements de cette expérimentation, face au fort développement prévisible de ces technologies dans les années à venir.

4.3. Accompagner l’expression du consentement des personnes

La protection des personnes résidentes tient aussi à la qualité de la démarche d’accueil de l’établissement, à l’attention portée au consentement, dont l’expression est parfois délicate à recueillir, ainsi qu’à la qualité des contrats de séjour. La loi renforce la procédure d’acceptation du contrat de séjour au moment de la conclusion du contrat, en permettant de mieux s’assurer du consentement de la personne accueillie, de la connaissance et de la compréhension de ses droits. La publicité de la charte des droits et libertés est renforcée.

Conformément à la recommandation du Défenseur des droits, il est par ailleurs instauré une « personne de confiance » qui accompagne la personne âgée dans ses démarches et l’aidera dans ses décisions au sein de l’établissement médico-social, comme c’est déjà le cas pour les usagers de la santé.

4.4. Protéger les personnes vulnérables

– Protéger les âgés contre la captation d’héritage, des dons et legs

La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires et les travaux du CNBD ont mis en exergue la vulnérabilité des âgés, qui sont davantage que l’ensemble de la population la cible de tentatives de captation de patrimoine ou d’héritage, en particulier par les sectes.

La loi vise à renforcer les dispositions pour protéger les âgés, en interdisant à toute personne intervenant au domicile au titre d’une prise en charge sociale ou médico-sociale de pouvoir bénéficier de dons, legs et avantages financiers de toute nature de la part de la personne visitée. L’équilibre relatif à la volonté de la personne est cependant respecté dans la mesure où les cadeaux d’usage demeurent possibles.

– Protéger les âgés contre les clauses abusives

Afin d’éviter les clauses abusives, certains délais pour rompre le contrat sont désormais encadrés par la loi. La commission des clauses abusives et la direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes ont dénoncé certains contrats d’hébergement pour personnes âgées qui obligent le résident ou sa famille à payer une somme d’argent pour une prestation qui ne sera pas effectuée. C’est pourquoi la loi prévoit différentes mesures pour limiter ces clauses.

– L’obligation pour les établissements sociaux et médico-sociaux de signaler les situations de maltraitance ou d’abus est inscrite dans la loi

L’amélioration de la détection, du signalement et du traitement des faits de maltraitance représente un enjeu majeur. Le caractère contraignant de l’obligation de signalement des établissements sociaux et médico-sociaux est renforcé par une affirmation au rang législatif et non plus seulement par voie de circulaire. Elle s’impose pour tout événement présentant un danger immédiat ou un risque pour la santé, la sécurité ou le bien-être des résidents ou ayant pour conséquence la perturbation de l’organisation ou du fonctionnement de l’établissement. Une cellule départementale de coordination des acteurs concernés par le recueil, l’analyse et le traitement des situations de maltraitance va être expérimentée. L’objectif repose sur une clarification des informations préoccupantes et sur une structuration des acteurs locaux autour des ARS et des conseils généraux.

– Étendre la protection des personnes sous mesure de protection juridique

La loi étend la sauvegarde de justice « médicale » applicable dans les établissements de santé aux personnes hébergées dans des établissements médico-sociaux.

La situation des mandataires physiques est améliorée : le document individuel de protection des majeurs leur est étendu et la procédure d’agrément permet de répondre aux besoins définis dans le schéma régional de la protection juridique des majeurs.

Le mandat de protection future, qui permet à toute personne d’anticiper librement sa protection, représente un atout pour la dignité, la liberté et le respect de la volonté des personnes. Des actions de communication, comme la réalisation de films, seront mises en œuvre par l’École des hautes études de la santé publique.

Des enquêtes sont réalisées régulièrement sur les violences et les maltraitances à l’encontre des personnes âgées et sur celles commises en raison des spécificités de genre.

VOLET 3 : ACCOMPAGNER LA PERTE D’AUTONOMIE

Le risque de perte d’autonomie est constamment présent dans la politique de l’âge. L’anticiper, le retarder, l’amoindrir, c’est aussi y faire face. Lorsqu’il survient, la République doit être au rendez-vous pour réduire les inégalités, apporter l’appui du service public et soutenir toutes les expressions de la solidarité, au sein de la famille et au-delà. La solidarité nationale doit, avec la même exigence, permettre d’affronter les difficultés à demeurer au domicile et le choix ou la nécessité d’entrer en maison de retraite.

La politique d’accompagnement de la perte d’autonomie poursuit deux objectifs : permettre aux âgés d’exercer pleinement leur libre choix, en donnant les moyens à ceux qui le souhaitent de rester à domicile dans de bonnes conditions, et garantir aux personnes susceptibles d’entrer en maison de retraite un accueil dans de bonnes conditions. Ce double objectif en direction à la fois du domicile et des établissements s’inscrit dans le respect des parcours de vie et de santé que les Français appellent de leurs vœux. La présente loi les met en œuvre sans les opposer ni stigmatiser une réponse par rapport à une autre. Pour ce qui est des personnes en situation de handicap, il s’agit d’installer la question de l’avancée en âge dans tous les projets d’accueil et d’accompagnement, à domicile ou en établissement.

À court terme, il importe de répondre à l’urgence des besoins des personnes en situation de perte d’autonomie. Bon nombre d’entre elles ne trouvent pas aujourd’hui les moyens financiers, humains et matériels de faire face à leur situation.

Les professionnels de l’accompagnement, au domicile comme en établissement, s’engagent fortement au service de l’intérêt des personnes et doivent être soutenus pour assurer la mission qui leur est confiée. Les modèles de financement et de tarification des établissements et services concernés doivent être rénovés pour accompagner la transformation profonde de l’offre qui est attendue.

1. Priorité au domicile pour tous ceux qui le souhaitent

En s’appuyant notamment sur les conseils généraux, en leur qualité de chefs de file des politiques de l’autonomie, la stratégie conduite porte sur toutes les dimensions de l’accompagnement à domicile : le renforcement de l’APA à domicile, avec une augmentation des plafonds d’aide et une diminution du reste à charge ; la reconnaissance et l’aide aux aidants, avec notamment le financement d’un droit au répit ; l’amélioration aussi de l’information des âgés et de leur famille, qui s’ajoutent à la solvabilisation des aides techniques et des actions de prévention à domicile et à une consolidation de services à domicile.

Il convient également de favoriser, par une information renforcée sur les possibilités existantes, l’accès à l’accueil de jour dans les structures adaptées afin de garantir le maintien d’une vie sociale pour les personnes ayant fait le choix du maintien au domicile.

1.1. Réformer l’allocation personnalisée d’autonomie à domicile

La création de l’APA en 2001 a marqué une rupture fondamentale dans la manière d’accompagner la perte d’autonomie des âgés en France. Alors qu’historiquement cette politique publique d’accompagnement relevait d’une logique d’assistance envers les plus nécessiteux, l’APA a permis de dépasser la logique d’aide sociale, conditionnée à des niveaux de ressources et de patrimoine, au profit d’une logique de prestation universelle et d’un plan d’aide global. La création de cette prestation a ainsi constitué une étape déterminante dans la reconnaissance d’un nouveau risque social financé par la solidarité nationale.

Plus de dix ans après, cette prestation a prouvé son utilité et sa pertinence, comme en témoigne le nombre croissant des bénéficiaires : fin 2011, près de 1,2 million de personnes bénéficiaient de l’APA, dont près de 700 000 à domicile (60 %). L’APA permet d’accompagner les plus dépendants mais aussi, et c’est essentiel, de préserver l’autonomie de ceux qui le sont moins.

Le principe de cette prestation universelle, au champ large, reposant sur une gestion de proximité, confiée aux conseils généraux, fait aujourd’hui consensus. Pour autant, dans sa mise en œuvre, la prestation connaît des limites et la saturation des plans d’aide est devenue fréquente. C’était le cas d’un plan d’aide sur quatre en 2011, notamment dans les cas de perte d’autonomie lourde : 46 % des GIR 1 atteignent le plafond de leur plan d’aide. Le niveau de participation financière conduit des bénéficiaires modestes à renoncer à l’aide dont ils ont besoin, au prix d’une sous-consommation des plans d’aide. Le ticket modérateur, qui dépend uniquement des ressources, croît mécaniquement avec l’importance du plan d’aide, ce qui conduit à des taux d’effort élevés pour les personnes dont la perte d’autonomie est la plus forte. La qualité de l’intervention peut encore progresser, par une plus grande qualification des professionnels du domicile et une meilleure coordination des intervenants.

Par conséquent, si les personnes n’ont pas la possibilité de mobiliser les solidarités familiales ou leur patrimoine, elles renoncent à recourir à l’aide dont elles ont besoin, au risque de subir une détérioration de leur état de santé et une accélération de la perte d’autonomie. Cela peut aussi conduire à l’épuisement des aidants familiaux ou entraîner l’entrée en établissement non souhaitée. Pour les plus modestes, l’aide sociale à l’hébergement peut cependant être mobilisée.

D’autres limites de l’APA sont souvent mises en avant, par les familles comme par les professionnels, comme la diversité des pratiques en termes d’évaluation des besoins des personnes et de construction des plans d’aide, qui est perçue comme une source d’iniquité à l’échelle du territoire national.

Le temps est donc venu d’un acte II de l’APA à domicile. Cette nouvelle étape est très attendue par les Français dont toutes les familles sont ou seront concernées par la problématique du maintien à domicile d’un parent âgé. Elle s’inscrit dans une réforme visant plus globalement à moderniser cette prestation, en diversifiant le contenu des plans d’aide, qui doivent mieux intégrer l’accès aux aides techniques et aux gérontechnologies ainsi que l’accueil temporaire, qui permet aussi d’apporter un répit aux proches aidants. Il s’agit également de renforcer l’équité sur le territoire, en travaillant avec la CNSA et les départements à une plus grande homogénéité des pratiques en matière d’évaluation et de construction des plans d’aide.

L’objectif de la réforme proposée sur l’APA à domicile est de rendre possible l’exercice d’un vrai libre choix par les personnes âgées en perte d’autonomie et donc de permettre à celles qui le souhaitent, et le peuvent, de rester à domicile.

La loi s’appuie sur trois leviers complémentaires :

– Améliorer l’accessibilité financière de l’aide pour tous

La réforme allégera le reste à charge pour les plans d’aide les plus lourds grâce à la baisse du ticket modérateur. Pour la part du plan d’aide comprise entre 350 et 550 €, le ticket modérateur pourra baisser jusqu’à 60 %. Pour la part allant au-delà de 550 €, la baisse pourra atteindre 80 %. Cela représente une diminution significative du reste à charge pour les plus dépendants, les plus modestes et les classes moyennes. Parallèlement, le nouveau barème proposé garantit qu’aucun bénéficiaire de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) n’acquitte de ticket modérateur. Ces deux mesures de justice sociale sont déterminantes dans l’accès aux droits et le recours à l’aide et permettent de lutter contre le non-recours, qui peut contribuer à l’aggravation de la perte d’autonomie, faute d’un accompagnement suffisant. Pour finir, améliorer l’accessibilité, c’est aussi simplifier les démarches, notamment en favorisant l’utilisation du chèque emploi-service universel pour l’APA et le tiers payant aux services et en renforçant l’information sur les droits et les démarches pour y accéder, grâce au portail internet qui sera hébergé par la CNSA.

– Augmenter les plafonds des plans d’aide

Les plafonds d’aide mensuels sont revalorisés de 400 € en GIR 1, de 250 € en GIR 2, de 150 € en GIR 3 et de 100 € en GIR 4. Cet effort va bien au-delà d’un simple rattrapage de la hausse des coûts d’intervention depuis la création de l’APA. Il témoigne d’un choix volontariste en faveur du soutien à domicile. Il doit permettre à la fois l’augmentation du temps d’accompagnement à domicile, mais aussi l’élargissement de la palette de services mobilisables, afin d’adapter au mieux l’intervention aux besoins de la personne. Il couvre volontairement l’ensemble des bénéficiaires de l’APA, indépendamment du GIR, afin d’agir en prévention dès l’apparition des premiers signes de la perte d’autonomie. L’effort de revalorisation est d’autant plus important que l’autonomie diminue, ce qui permet de rester à domicile le plus longtemps possible avec l’aide nécessaire.

– Améliorer la qualité de l’intervention à domicile

Cela passera par un renforcement de la qualification et de la coordination des intervenants, ce qui suppose de valoriser et de reconnaître les efforts de qualité dans le coût de l’intervention. Grâce au relèvement des plafonds d’aide et aux efforts complémentaires de l’État en direction de la branche de l’aide à domicile, des mesures ciblées de revalorisation des plus bas salaires et des frais de déplacement des intervenants seront mises en œuvre, afin de lutter contre la précarité et de contribuer à la stabilité des intervenants et à la professionnalisation du secteur, en cohérence avec les propositions des partenaires sociaux dans le cadre du dialogue social à l’échelle de la branche de l’aide à domicile.

Une enquête nationale pourrait être réalisée sur la nature des plans d’aide selon le sexe de la personne âgée et de son conjoint. Par ailleurs, le développement d’actions de sensibilisation et de formation en direction des équipes médico-sociales permettrait de contribuer à faire évoluer les représentations.

1.2. Conforter la refondation du secteur de l’aide à domicile

La réforme de l’APA à domicile s’accompagne d’une refondation du secteur de l’aide à domicile. Il s’agit de sortir par le haut de la crise du modèle économique, qui a souffert d’un manque de régulation, et de répondre aux enjeux d’accompagnement et de prévention liés au vieillissement. Cette refondation repose sur trois piliers.

En premier lieu, le régime du mandatement des services autorisés par les départements doit être sécurisé, au sens du droit communautaire, en identifiant clairement les obligations d’intérêt général qui singularisent l’aide à domicile dans le champ des services à la personne : universalité, accessibilité, équité de traitement, continuité de la prise en charge. Dans le même temps, l’accès des services agréés à la procédure d’autorisation par les départements est facilité, dès lors qu’ils remplissent les conditions.

Il s’agit ensuite d’améliorer les outils d’évaluation des besoins et de diversifier l’offre de services au domicile. Si l’aide humaine a vocation à rester centrale, il est également indispensable de donner une plus grande place aux aides techniques, aux nouvelles technologies de l’autonomie, à l’accueil temporaire ou à l’accueil familial. Le service rendu à l’usager doit se moderniser, en particulier autour de bouquets de services plus diversifiés et mieux articulés. Les plans d’aide doivent favoriser une continuité d’interventions personnalisées en fonction des besoins et des attentes de la personne, qui nécessitent, au cas par cas, de combiner différentes formes d’aide, à domicile ou en dehors du domicile : sécuriser la salle de bains, organiser un accès hebdomadaire à l’accueil de jour, faire le lien entre l’aide à domicile et le médecin traitant, installer la téléassistance, etc.

La présente loi engage enfin la transition vers un nouveau modèle de tarification, fondé sur la contractualisation entre services à domicile et départements. La loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 a prévu la mise en œuvre d’expérimentations pour la tarification des services d’aide à domicile intervenant auprès des personnes âgées et des personnes handicapées, lancées à l’initiative de l’Assemblée des départements de France (ADF) et des principales fédérations d’aide à domicile pour répondre aux difficultés du secteur et valoriser les exigences de qualité.

Ces expérimentations donnent lieu à la conclusion de contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM), qui permettent un financement au forfait global, en contrepartie d’objectifs prévisionnels d’activité, de qualité et de continuité des services et d’obligations d’intérêt général, comme les actions de prévention, l’accessibilité à tous les publics et la participation au parcours de santé. Ces expérimentations prévoient la possibilité d’adapter les plans d’aide à des besoins ponctuels et offrent une visibilité quant à leur participation, calculée sous forme forfaitaire, permettant ainsi, lorsque c’est nécessaire, d’alléger ou d’intensifier les plans d’aide sans incidence financière pour la personne.

La loi prévoit la poursuite de ces expérimentations jusqu’au 1er janvier 2016. Un rapport d’évaluation sera présenté par le Gouvernement au Parlement au plus tard le 30 octobre 2015.

Cette démarche de refondation est étendue aux personnes de GIR 5 et 6, grâce à l’implication des caisses de retraite dans ces expérimentations, et va au-delà de la réponse d’urgence apportée par le fonds de restructuration en direction des acteurs les plus en difficultés en engageant une véritable modernisation du secteur de l’aide à domicile, qui met en œuvre les efforts nécessaires de restructuration pour garantir l’efficience de la gestion et inscrire l’activité dans la durée. Dans le même temps, ce secteur a vocation à bénéficier de l’activité supplémentaire liée à l’augmentation des plafonds de l’APA, et donc à la multiplication du nombre d’heures réalisées au domicile des personnes. Le Gouvernement répond ainsi à la crise de l’aide à domicile en actionnant trois leviers complémentaires : la relance de l’activité, la reconnaissance des coûts d’intervention et la sécurisation des financements.

La refondation de l’aide à domicile doit aussi passer par un rapprochement entre l’aide et le soin, grâce à une meilleure coordination de l’intervention des professionnels autour des personnes âgées du secteur sanitaire et du secteur médico-social. C’est pourquoi la présente loi consolide et approfondit les services polyvalents d’aide et de soins à domicile (SPASAD), au travers d’une expérimentation visant à renforcer l’intégration des services et à faciliter le financement des actions de prévention.

Il convient de développer les passerelles entre les différents métiers exercés au domicile en fonction des publics, mais aussi avec les métiers exercés en établissement, d’améliorer le dispositif de diplômes et de certifications pour en accroître la lisibilité et favoriser la reconnaissance des compétences et la construction des parcours professionnels, ainsi que développer l’accompagnement en matière de validation des acquis de l’expérience.

2. Soutenir les aidants

Les proches aidants sont les personnes non professionnelles, soutenant au quotidien une personne âgée, qu’ils appartiennent ou non à sa famille. La majorité des âgés en perte d’autonomie bénéficie d’une aide de leur entourage. La moitié des aidants sont les enfants de la personne âgée et un tiers sont leur conjoint. Cette aide s’avère essentielle dans la perspective du maintien à domicile. Avec la prolongation de la durée de la vie dans les années à venir, cette réalité ne fera qu’augmenter, avec des aidants qui continuent d’être professionnellement actifs ou qui doivent assumer à la fois un soutien à leurs enfants et petits-enfants et aussi à leurs parents dépendants.

En 2008, 4,3 millions de personnes aident régulièrement au moins un de leurs proches âgés de 60 ans ou plus à domicile en raison d’une santé altérée ou d’un handicap. Restreint à la population des bénéficiaires de l’APA à domicile, le nombre de personnes aidées est fin 2011 d’environ 600 000, pour un nombre total d’aidants concernés d’environ 800 000. 62 % sont des femmes. Les aidants qui sont encore en situation professionnelle sont dans 88 % des cas des femmes.

20 % des aidants sont considérés aujourd’hui comme ayant à supporter une charge importante, synonyme de fatigue morale ou physique, avec des effets sur leur santé : 40 % des aidants dont la charge est la plus lourde se sentent dépressifs, 29 % déclarent consommer des psychotropes. Ils renoncent fréquemment à des soins, faisant passer la santé de l’aidé avant leur propre santé. Les professionnels de santé ne sont pas toujours assez sensibilisés à la prise en charge des aidants et les plans d’aide ignorent souvent la situation des aidants familiaux. L’épuisement des aidants peut également, dans certains cas, conduire à des situations de maltraitance passive ou active des âgés en perte d’autonomie.

Lorsque les aidants travaillent, ce qui est le cas de 40 % d’entre eux, les répercussions sur l’activité professionnelle sont réelles : ils renoncent à des opportunités, modifient leurs horaires de travail, etc. Enfin, leur positionnement par rapport aux professionnels, qu’ils interviennent à domicile ou en établissement, est parfois difficile.

C’est pourquoi il s’agit aujourd’hui de donner toute leur place aux aidants et aux bénévoles dans l’accompagnement du projet de vie de la personne, dans des conditions garantissant la complémentarité de leur intervention avec celle des professionnels. La loi reconnaît et consacre plus fortement le rôle des aidants. La réforme des retraites de 2013 a déjà constitué un premier pas vers une meilleure reconnaissance de leur rôle, avec la suppression de la condition de ressources pour bénéficier de l’assurance vieillesse des parents au foyer, garantissant une continuité dans les droits à retraite et l’ouverture d’une majoration de trimestres pour la prise en charge d’un adulte handicapé ou dépendant, à hauteur d’un trimestre pour trente mois de prise en charge à temps complet.

L’action publique en faveur des aidants s’articule autour de trois axes.

2.1. Reconnaître un droit au répit pour les aidants dans le cadre de l’allocation personnalisée d’autonomie

Il s’agit en premier lieu de mieux prendre en compte les aidants, leurs interventions, le cas échéant leur vulnérabilité et leurs besoins de soutien (repérage des signes de fragilité, besoins de conseils, d’accompagnement, de répit), au moment de l’évaluation des demandes d’APA afin d’en tenir compte pour l’élaboration des plans d’aide et leur proposer, si nécessaire, des relais ou des actions d’accompagnement.

Accompagner les aidants, c’est aussi leur permettre de faire une « pause ». La présente loi crée dans l’APA à domicile un module dédié « droit au répit », qui permettra de solvabiliser une solution temporaire permettant à l’aidant de prendre du répit lorsque le plafond du plan d’aide n’y suffit pas. Ce nouveau module est complémentaire de la revalorisation des plafonds des plans d’aide, qui permettra de dégager des marges de financement pour permettre, plus facilement qu’aujourd’hui, l’accès aux structures de répit.

Il peut s’agir d’heures d’aide à domicile supplémentaires, voire d’une présence continue, mais également d’un accueil de jour ou de nuit, ou dans le cadre d’un hébergement temporaire.

Ce droit constitue une enveloppe d’aide pour l’année et par aidé. D’un montant qui pourra aller jusqu’à 500 € annuels, au-delà du plafond de l’APA, il permettra par exemple de financer sept jours de séjour dans un hébergement temporaire. Il est ciblé sur les aidants des personnes les plus dépendants (GIR 1 et 2), en fonction de la charge pour l’aidant estimée par l’équipe d’évaluation médico-sociale : isolement (aidant unique), GIR, maladie d’Alzheimer, etc. À terme, pour garantir une évaluation plus homogène sur le territoire, pourra être développé un outil d’évaluation simple, destiné aux équipes médico-sociales comme aux professionnels de santé, pour repérer les aidants en difficulté.

Le droit au répit est complété par la création d’un dispositif d’urgence en cas d’hospitalisation de l’aidant, afin de prendre en charge temporairement la personne aidée au-delà des montants et des plafonds des plans d’aide. Cela suppose la mise en place d’une organisation spécifique pour répondre à ces situations, qui constituent bien souvent des vecteurs d’accélération de la perte d’autonomie, d’entrée en institution non préparée ou d’hospitalisation non programmée et non justifiée sur le plan médical.

Le module dédié au sein de l’APA constitue un levier pour développer les dispositifs de soutien et de répit. Il s’agira à l’avenir de travailler à l’amélioration de la solvabilisation des structures d’accueil temporaire, dont le modèle économique actuel dégage un reste à charge trop souvent dissuasif pour les familles. Le développement et la diversification de l’offre de répit passent aussi par le déploiement des plateformes d’accompagnement et de répit. Une étude préalable ainsi qu’une concertation avec l’ensemble des partenaires sociaux concernés seront lancées afin d’apprécier l’opportunité de la mise en place d’expérimentations de prestations de relais à domicile assurées par un seul professionnel pendant plusieurs jours consécutifs, sur le modèle du « baluchonnage » québécois.

2.2. Conforter et élargir les dispositifs de formation et d’accompagnement des aidants

Si les bénévoles n’ont pas vocation à se substituer aux professionnels, les aidants ont néanmoins besoin d’être formés et accompagnés.

La CNSA se voit confier par la loi un rôle d’appui méthodologique sur l’accompagnement des aidants et le périmètre des actions qu’elle cofinance dans ce champ est élargi aux actions d’accompagnement (café des aidants...). Au niveau départemental, les conseils généraux assureront dans le domaine de l’autonomie un rôle de coordination de tous les acteurs impliqués dans l’aide aux aidants. Pour améliorer l’accompagnement des aidants, les plateformes d’accompagnement et de répit seront développées et mieux outillées. La politique de prévention en termes de santé pour les aidants familiaux sera intensifiée. Cette problématique sera également prise en compte dans le cadre de la stratégie nationale de santé. Toutes les formes d’accompagnement, dès lors qu’elles auront fait la preuve de leur pertinence, devront être encouragées et développées : cafés des aidants, groupes de parole et d’échanges…

2.3. Aider les aidants à concilier leur rôle avec une vie professionnelle

Compte tenu des difficultés que rencontrent les aidant dans leur vie professionnelle et de l’effet bénéfique que peut avoir le fait de continuer à travailler, il est indispensable de faciliter la conciliation entre vie professionnelle et vie d’aidant ainsi que le maintien en emploi. Cet objectif est encore plus important pour les femmes, qui constituent la majorité des aidants ; or, plus l’interruption de travail est longue, plus il est difficile de se réinsérer professionnellement.

Le congé de soutien familial mérite d’être réformé. Il est inadapté car trop rigide et restrictif. L’accord national interprofessionnel sur la qualité de vie au travail signé par les partenaires sociaux en juin 2013 prévoit une poursuite de la négociation sur le sujet des congés familiaux. Le Gouvernement, particulièrement attentif à la négociation sur ce sujet entre partenaires sociaux, leur fera des propositions et proposera la traduction législative d’un accord le cas échéant.

Les entreprises, les administrations et les partenaires sociaux seront incités à prendre en compte les proches aidants et notamment à faciliter l’aménagement du temps de travail en recensant les bonnes pratiques.

3. Concevoir la maison de retraite médicalisée de demain

Acteurs essentiels de l’offre de soins et d’accompagnement sur les territoires, les établissements constituent une réponse alliant hébergement, aide à l’autonomie et à la santé et soutien à une vie sociale la plus riche possible.

Les maisons de retraite médicalisées doivent mieux intégrer le projet de soins dans le projet de vie de la personne, pour un accompagnement plus global qui préserve la singularité du parcours de vie tout en relevant les défis de la médicalisation. Le parcours d’autonomie n’est pas un parcours linéaire. Il peut y avoir des ruptures, mais aussi, heureusement, des réversibilités lorsque l’état de l’âgé s’améliore. La possibilité de ces réversibilités doit être prise en considération dans la construction des parcours et dans les projets d’établissement. Les maisons de retraite médicalisées doivent être mieux intégrées dans leur territoire, en tant que lieu « ressources » intervenant en appui et en complémentarité de l’offre de service à domicile, aux familles et aux aidants, mais aussi de l’offre en accueil familial.

Dans ce contexte, la présente loi engage une réforme, qui vise d’abord à garantir davantage de transparence dans les tarifs et, à terme, à réformer la tarification des établissements.

La loi permet d’ores et déjà de mieux protéger les résidents et leurs familles en assurant davantage de transparence et en commençant à mieux réguler les tarifs. Dans un souci de plus grande transparence et pour rendre possible la comparaison des prix à prestation donnée, la présente loi prévoit, pour les établissements non habilités à l’aide sociale, la normalisation de la tarification relative à l’hébergement et la définition des prestations socles couvertes par les tarifs. Un ensemble de prestations et services « socles » sera défini par décret, distinct des autres tarifs et facturations supplémentaires éventuelles. Le portail internet qui sera hébergé par la CNSA permettra enfin à chaque personne d’accéder à une information claire et accessible sur les établissements, les tarifs appliqués et les aides pouvant être mobilisées.

Afin de mieux encadrer l’évolution des tarifs pour les résidents en établissement sur les places non habilitées à l’aide sociale (25 % du total), le ministère chargé des personnes âgées et de l’autonomie est désormais associé à la fixation du taux d’évolution des tarifs d’hébergement aux côtés du ministère chargé des finances. De plus, il est tenu compte d’un critère nouveau par rapport à la pratique actuelle dans la fixation de ce taux d’évolution afin de prendre en compte le pouvoir d’achat des âgés : celui de l’évolution du niveau des retraites déjà liquidées.

Le Gouvernement s’engage aussi fortement pour protéger les droits des résidents en établissement au travers des dispositions prévues par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation. Ainsi, les prestations d’hébergement qui n’ont pas été délivrées, postérieures au décès ou au départ d’un résident, ne peuvent plus être facturées. La même loi prévoit également l’obligation de dresser un état des lieux contradictoire à l’arrivée et au départ d’une personne hébergée en maison de retraite et l’interdiction de facturer les frais de remise en l’état de la chambre en l’absence d’un tel état des lieux.

Par ailleurs, afin qu’ils puissent assurer leurs missions dans les meilleures conditions et se prémunir contre les impayés, les établissements doivent bénéficier de recours judiciaires étendus. La loi offre désormais la possibilité à tous les établissements de saisir directement le juge aux affaires familiales pour gérer les situations potentiellement conflictuelles concernant le règlement de factures d’hébergement en maison de retraite médicalisée, notamment entre les enfants ou autres obligés alimentaires.

Des mesures de simplification de l’organisation et de la gestion des établissements hébergeant des personnes âgées seront approfondies dans le cadre d’un groupe de travail.

Plusieurs leviers existent pour améliorer l’efficience de gestion des maisons de retraite et optimiser les fonds publics et les contributions financières des usagers. Un fonctionnement plus simple et plus lisible du secteur médico-social permettra un accompagnement moins coûteux, avec un impact positif sur le reste à charge, et davantage adapté aux besoins des personnes âgées et de leurs familles.

Une partie des mesures figure dans la présente loi avec la réforme des appels à projets. Les projets d’extension et de transformation de places se verront ainsi facilités. Cela permettra, par exemple, de transformer des lits d’hôpital en places en maison de retraite.

Il faut, par ailleurs, dans ce contexte promouvoir la responsabilité des gestionnaires, explorer les pistes de simplification, introduire plus de souplesse et d’objectivité dans la tarification et développer la contractualisation pluriannuelle et les mécanismes d’allocation de ressources associés.

Le chantier de la réforme de la tarification sera ouvert, avec en perspective la mise en place d’une allocation plus simple et plus objective des financements des établissements, en tenant mieux compte des besoins des résidents et de la qualité de la prise en charge. Une meilleure connaissance des coûts des différentes composantes de la prise en charge des résidents, ainsi qu’une révision des outils de mesure des besoins d’accompagnement appuieront cette démarche.

Enfin, le développement d’une offre cohérente et diversifiée d’hébergement et d’accompagnement, répondant aux objectifs d’ouverture des établissements sur leur environnement et d’intégration dans les projets des établissements d’une réponse en matière d’accueil au titre du répit des aidants nécessite de revoir le système de tarification de l’accueil de jour et de l’hébergement temporaire, dans une logique de « plateforme de services ».

Le chantier de réforme de la tarification des établissements et services pour personnes handicapées, qui s’ouvre en 2014, devra prendre en compte le sujet des modalités d’accueil des personnes handicapées vieillissantes en établissements pour personnes âgées ou handicapées.

Dans un deuxième temps, lorsque le redressement des finances publiques entrepris par le Gouvernement l’aura permis, la réforme de l’accompagnement en établissement devra rendre l’offre plus accessible. En effet, l’accessibilité financière à cette réponse globale étant une véritable difficulté pour les moins aisés, mais également pour les classes moyennes, le Gouvernement a l’objectif à terme de réduire le reste à charge pour les usagers et leurs familles.

4. Mieux accompagner la fin de vie

L’âge moyen de décès est aujourd’hui supérieur à 80 ans, les deux sexes confondus, et il augmente continûment. Plus de la moitié des Français meurent à l’hôpital, dans des conditions souvent peu propices à une mort sereine. Selon le rapport annuel 2013 de l’Observatoire national de la fin de vie (ONFV) consacré aux âgés, en 2012, 13 000 personnes âgées sont mortes aux urgences peu après leur admission. La politique de territorialisation des politiques de santé (PAERPA) vise, en particulier, à diminuer ces hospitalisations délétères. Par ailleurs, près de 90 000 personnes sont décédées en maison de retraite médicalisée en 2012.

Accompagner la mort dans le grand âge de la façon la plus digne possible constitue un enjeu fondamental. D’ores et déjà, il est nécessaire de :

– systématiser le recours aux équipes de soins palliatifs en établissement, avec une exigence particulière pour les situations de grande détresse (isolement social et familial, perte d’autonomie physique lourde). L’objectif de 100 % de maisons de retraite médicalisées en lien avec une équipe mobile de soins palliatifs doit être rapidement atteint (75 % actuellement) ;

– développer la formation des professionnels intervenant en maison de retraite médicalisée ou à domicile. Les médecins coordonnateurs et les soignants doivent être mieux formés à la communication et à la réflexion éthique autour des questions de fin de la vie. Compte tenu du rôle déterminant des médecins traitants et des médecins coordinateurs, des actions de formation « en équipe » doivent être mises en place en lien avec les équipes mobiles ou les réseaux de soins palliatifs existants ;

– prendre en compte la question de la fin de vie lors de l’élaboration ou de l’actualisation du projet de vie en maison de retraite médicalisée, encourager chaque personne accueillie à désigner une personne de confiance et à formuler ses souhaits et directives de manière anticipée et accompagnée ;

– systématiser l’accès à une infirmière de nuit, en particulier en mutualisant les postes si le nombre de places ne justifie pas la présence d’un professionnel dédié. Lorsqu’un établissement dispose d’une infirmière de nuit, le taux d’hospitalisation baisse de 37 % (rapport de l’Observatoire national de la fin de vie) ;

– renforcer les liens entre chaque espace de réflexion éthique régional ou interrégional (ERERI) et les maisons de retraite médicalisées, dans un objectif de renforcement de la formation et de l’appui à la mise en œuvre d’une démarche de réflexion éthique au sein de chaque établissement conformément aux recommandations de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux ;

– développer le recours à l’hospitalisation à domicile (HAD) en maison de retraite médicalisée quand la nature et la gravité des symptômes le justifient. Seules 8 % de ces structures font appel à l’HAD pour accompagner la fin de vie, alors qu’elle permet un renforcement important des soins infirmiers et un accès facilité au matériel médical et paramédical.

5. Favoriser l’accès à l’accueil temporaire et l’accueil familial

L’accueil temporaire et l’accueil familial répondent à des besoins réels des personnes âgées comme des personnes en situation de handicap. Renforcer ces formes d’accueil constitue un chantier important pour les années à venir.

5.1. Apporter les réponses aux freins que connaît aujourd’hui l’accueil temporaire

L’accueil temporaire s’adresse à la fois aux âgés et aux personnes en situation de handicap. Il s’entend comme un accueil organisé pour une durée limitée, à temps complet ou partiel, avec ou sans hébergement temporaire. Il vise à organiser une réponse adaptée à une modification ponctuelle ou momentanée des besoins de la personne âgée, à un bilan, une situation d’urgence, ou une transition entre deux prises en charge. Il permet aussi à l’entourage de bénéficier de périodes de répit.

À l’avenir, ces formes d’accueil temporaire devraient correspondre à une demande croissante de souplesse des modes de prise en charge. Or, aujourd’hui, les missions et le maillage territorial des structures d’accueil temporaire sont très hétérogènes et la place dans l’offre globale de prise en charge mal définie. Les professionnels manquent également d’une formation adéquate pour répondre aux exigences d’adaptabilité de ce dispositif. Enfin, le modèle économique de ce type d’accueil est peu attractif. L’acte II de la réforme de la politique de l’autonomie doit pouvoir répondre à ces différents enjeux et permettre aux âgés de bénéficier plus facilement d’un accueil temporaire de qualité.

5.2. Encourager le déploiement de l’accueil familial

L’accueil familial de personnes âgées et de personnes adultes en situation de handicap constitue une formule alternative entre le domicile et l’établissement. Il offre à ceux qui ne peuvent plus ou ne souhaitent plus rester chez eux un cadre de vie familial, qui leur permet de bénéficier d’une présence aidante et stimulante et d’un accompagnement personnalisé. Il peut répondre à un besoin d’accueil durable ou à un besoin d’accueil temporaire. Dans l’objectif de répondre aux attentes et aux besoins divers et personnalisés, c’est une offre de service que la loi permettra de développer.

L’accueil familial ne représente aujourd’hui qu’une très faible part de l’offre de service d’accompagnement sur l’ensemble du territoire. La présente loi prévoit donc des mesures pour développer une offre de qualité impulsée et contrôlée par les départements, ainsi que des droits pour les personnes accueillies et pour les personnes accueillantes.

Ainsi, un référentiel précisera les critères d’agrément par les départements. Les règles en seront mieux définies, en permettant de préciser le profil des personnes susceptibles d’être accueillies, de spécialiser ou de restreindre le contenu et la portée de l’agrément suivant les caractéristiques des candidats accueillants et de préciser la durée et le rythme d’accueil.

La présente loi garantit désormais les mêmes droits aux personnes en accueil familial qu’aux résidents des établissements sociaux et médico-sociaux. Elle donne le même accès aux dispositifs prévus pour faciliter l’exercice de ces droits en cas de difficulté, comme le recours à une personne qualifiée ou à une personne de confiance. La prise en compte des besoins et attentes spécifiques de la personne accueillie sera inscrite dans le contrat d’accueil.

Par ailleurs, la déclaration de rémunération sera simplifiée, grâce à l’utilisation du chèque emploi-service universel.

Pour les accueillants, une formation obligatoire, quantifiée en volume d’heures, permettra d’assurer un accueil de qualité et de prendre en compte dans le cadre du « Plan métier » une possibilité de parcours professionnel. Enfin, sous couvert de l’accord des partenaires sociaux gestionnaires de l’assurance chômage, l’affiliation des accueillants au régime constituerait un progrès majeur. En effet, jusqu’ici, en l’absence de contrat de travail, les accueillants familiaux de gré à gré ne pouvaient l’être. Désormais, la rémunération des accueillants familiaux obéira, à titre dérogatoire, au même régime fiscal et de cotisations sociales que les salaires. Leur rémunération sera assujettie à cotisations et ils bénéficieront en conséquence, en période de chômage, du régime d’assurance, comme n’importe quel salarié. En sécurisant les périodes de chômage entre deux périodes d’accueil, cela permettra de rendre plus attractive cette offre de service amenée à se développer au regard des attentes des personnes âgées.

6. Simplifier les outils de pilotage de l’offre sur le territoire

Dans les années qui viennent, les autorités compétentes en matière de planification, d’autorisation, de financement et de pilotage, au premier rang desquelles les conseils généraux et les ARS, auront de plus en plus à travailler à l’organisation de l’offre pour l’améliorer et la faire évoluer en fonction des besoins, dans un souci de bonne allocation des financements publics. Faciliter la réorganisation de l’offre passe notamment par la simplification des règles relatives aux appels à projets. La loi le permet, sur la base du bilan de la mise en œuvre du régime créé en 2009. Le dispositif en vigueur est allégé en conciliant la transparence de l’information nécessaire au secteur et la souplesse nécessaire à l’évolution et à l’adaptation de l’offre existante.

Le recours à la procédure d’appel à projets n’est obligatoire que pour les créations d’établissements ou de services. La loi dispense de la procédure d’appel à projets les extensions mineures, définies par décret, et clarifie les cas d’exonération. Les transformations affectant un établissement social et médico-social changeant de catégorie de public bénéficiaire ou un établissement de santé se convertissant en établissement ou service social et médico-social (ESSMS) peuvent être désormais dispensées du recours à l’appel à projets dès lors que leur projet donne lieu à la conclusion d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM).

À l’avenir, l’amélioration de l’organisation de l’offre sur les territoires passera par des coopérations renforcées entre établissements et services. La loi va les favoriser en clarifiant les règles applicables en matière d’autorisation pour les groupements de coopération sociale et médico-sociale (GCSMS).

VOLET 4 : LA GOUVERNANCE

La gouvernance de la politique de l’âge répond à deux exigences : celle de l’égalité sur le territoire et celle de la proximité. Elle doit aussi impliquer les âgés eux-mêmes selon le principe porté haut et fort par les personnes en situation de handicap : « Rien pour nous sans nous ». Très concrètement enfin, son objet est de simplifier la vie des âgés et de les accompagner au plus près de leurs besoins et de leurs aspirations.

Renouveler la gouvernance de la politique de l’autonomie est la condition de la réussite des nombreux chantiers ouverts pour les années à venir. La première exigence est démocratique. La priorité est donc de donner la parole aux âgés. Ils doivent être écoutés mais aussi associés à la construction de cette politique dans tous ses aspects. La nouvelle gouvernance doit aussi permettre de simplifier la vie des âgés et de leur famille en leur offrant des lieux d’accueil d’information, d’orientation et d’accompagnement plus intégrés et en proximité sur tout le territoire. Cela passe notamment par un rapprochement des acteurs et par une meilleure coordination des actions.

La gouvernance de la politique de l’autonomie se doit aussi d’être efficace. La consécration du rôle de la CNSA comme « maison commune de l’autonomie » participe de cette recherche d’efficacité. En outre, celle-ci suppose de renforcer les liens entre les ARS et les conseils généraux. Elle doit contribuer à décloisonner les politiques, les acteurs et les publics, pour prendre en compte le champ très large de l’adaptation de la société au vieillissement et se mobiliser sur des objectifs et des projets communs. Le décloisonnement des acteurs passe aussi par une meilleure lisibilité des financements affectés à cette politique majeure de la Nation. Connaître l’effort national de dépenses pour l’autonomie des personnes âgées, en retraçant l’ensemble des financements engagés par tous les acteurs impliqués (État, conseils généraux, caisses de retraite…) permettra aux Français de mesurer et de suivre l’effort global réalisé pour la politique de l’âge.

Enfin, dernière condition de la réussite, la gouvernance doit être souple et adaptable aux réalités locales, s’appuyer sur les initiatives des acteurs locaux et, en même temps, être garante de l’équité sur l’ensemble du territoire.

1. Au niveau national : une participation des âgés renforcée au service d’une politique du vieillissement plus transversale

1.1. Créer un Haut Conseil de l’âge contribuant à élaborer cette politique globale

La présente loi crée un Haut Conseil de l’âge, pour donner davantage la parole aux âgés sur tous les sujets et porter une politique nationale globale de promotion de l’autonomie des âgés et d’adaptation de la société au vieillissement, en mobilisant toutes les politiques publiques qui y contribuent.

Ce Haut Conseil est placé auprès du Premier ministre. Il se substituera au Comité national des retraités et des personnes âgées (CNRPA) et au comité « avancée en âge ». Le Haut Conseil a aussi vocation à s’articuler avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) sur les questions transversales de droits et de bientraitance pour les âgés et les personnes en situation de handicap.

Il est chargé de rendre des avis sur toutes les questions de société et de politique publique liées à l’âge et au vieillissement. Il fait des propositions au Gouvernement pour fixer le cadre national d’une politique globale de l’autonomie des âgés. Il peut en outre s’autosaisir de toute question relative au champ de l’âge, comme par exemple se prononcer sur la qualité et l’utilité des objets et dispositifs relevant de la « silver économie ». Il assurera le suivi de la mise en œuvre de la présente loi.

1.2. Renforcer la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie en tant que « maison commune » pour mieux piloter cette politique globale

Après presque dix ans d’existence, la présente loi consacre le rôle de « maison commune » de l’autonomie de la CNSA au niveau national, tête de réseau de la mise en œuvre de la politique d’aide à l’autonomie. Elle contribuera dans les années à venir au pilotage opérationnel de la mise en œuvre d’une stratégie globale, agissant sur l’ensemble des facteurs de perte d’autonomie, le plus en amont possible. Elle se voit reconnue explicitement dans sa responsabilité du suivi et de l’efficience de la dépense médico-sociale couverte par l’assurance maladie aux cotés de la CNAMTS. Dans le respect de la libre administration des collectivités territoriales, elle doit aussi contribuer à faire prévaloir dans le champ médico-social un double objectif de maîtrise de la dépense et d’équité territoriale dans la réponse aux besoins.

La présente loi élargit les compétences de la CNSA, notamment en lui confiant un rôle d’appui méthodologique et d’harmonisation des pratiques en matière d’APA à l’instar des missions qu’elle exerce auprès des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), une mission d’information du grand public sur les aides et services liés à la compensation de la perte d’autonomie, notamment par l’animation du portail internet destiné aux âgés, une mission relative aux aides techniques et à la prévention et une mission de soutien aux aidants. Elle accompagnera enfin la modernisation et la refondation du secteur de l’aide à domicile.

Outre le renforcement de ses compétences, son rôle de « maison commune » se traduit aussi par une modification de la gouvernance de la CNSA, avec l’entrée au conseil d’administration de la CNAMTS, de la CNAV, de la CCMSA et du RSI. En outre, son conseil comprendra désormais trois vice-présidents élus respectivement parmi les représentants des conseils départementaux, ceux des personnes âgées et ceux des personnes handicapées.

1.3. Mieux informer les âgés et leurs aidants grâce à un portail global d’information et d’orientation

Les services offerts aux âgés en perte d’autonomie et à leurs aidants souffrent aujourd’hui d’un déficit de transparence et de lisibilité. En effet, la multiplicité et la complexité des intervenants sociaux, sanitaires et médico-sociaux ne facilitent pas la réponse aux besoins multiples des parcours de vie des personnes. L’accompagnement de la perte d’autonomie, comme l’aide aux aidants, passe ainsi par une amélioration de l’information et de l’orientation des âgés et de leurs aidants.

La présente loi reconnaît un droit à l’information et crée un dispositif global d’information et d’orientation, à travers un portail internet dédié et articulé avec l’offre de services des départements, des caisses de retraite et de leurs opérateurs locaux, à commencer par les centres locaux d’information et de coordination (CLIC). Le portail offrira une porte d’entrée unifiée pour rendre plus visible et lisible un service public d’information et d’accompagnement des âgés et de leurs aidants. Géré par la CNSA, il s’appuiera sur les données disponibles aux niveaux national et local et viendra en complément des modes d’accompagnement existant déjà sur le terrain. Il est également convenu d’expérimenter une réponse téléphonique nationale de premier niveau adossée au portail internet. Ce dispositif s’inscrit bien sûr plus globalement dans le cadre de la réforme de la gouvernance et de la préfiguration du futur service public d’information en santé.

2. Au niveau local : une meilleure coordination des acteurs au service des âgés

La présente loi réaffirme le rôle de pilote des départements dans la prise en charge des personnes âgées sur les territoires. Pour la première fois, elle leur confie également un rôle moteur dans le soutien, l’accompagnement et la valorisation des proches aidants.

Elle précise que, pour mener à bien ses missions, le département s’appuie sur la conférence des financeurs de la perte d’autonomie des personnes âgées et sur le conseil départemental de la citoyenneté et de l’autonomie (CDCA).

Ce CDCA assurera la participation des personnes âgées et des personnes handicapées à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques de l’autonomie dans le département à la place des comités départementaux des retraités et des personnes âgées (CODERPA) et des conseils départementaux consultatifs des personnes handicapées (CDCPH). Il sera consulté sur l’ensemble des schémas et programmes qui concernent les personnes âgées et les personnes handicapées et sera largement ouvert à l’ensemble des acteurs concernés par les politiques de l’autonomie.

La présente loi propose enfin un cadre juridique souple pour la création, à l’initiative du président du conseil départemental, de maisons départementales de l’autonomie (MDA) qui ne seront pas dotées de la personnalité morale. Les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) resteront donc des groupements d’intérêt public (GIP) et ce n’est que si leur commission exécutive donne un avis conforme que la constitution d’une maison de l’autonomie rassemblant la MDPH et les personnels et moyens matériels du département affectés à la politique en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées sera possible.