compte rendu intégral

Présidence de M. Thierry Foucaud

vice-président

Secrétaires :

M. Philippe Adnot,

Mme Colette Mélot.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Décision du Conseil constitutionnel sur trois questions prioritaires de constitutionnalité

M. le président. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 18 mars 2015, une décision du Conseil relative à trois questions prioritaires de constitutionnalité portant sur le cumul des poursuites pour délit d’initié et des poursuites pour manquement d’initié (nos 2014-453/454 et n° 2015-462 QPC).

Acte est donné de cette communication.

3

Articles additionnels après l’article 28 quater (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement
Article 29

Adaptation de la société au vieillissement

Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’adaptation de la société au vieillissement (projet n° 804 [2013-2014], texte de la commission n° 323, rapport n° 322, avis nos 305 et 306).

Nous poursuivons la discussion du texte de la commission.

TITRE III

Accompagnement de la perte d’autonomie

Chapitre Ier

Revaloriser et améliorer l’allocation personnalisée d’autonomie à domicile

M. le président. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 29.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement
Articles additionnels après l'article 29

Article 29

I. – La section 1 du chapitre II du titre III du livre II du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifiée :

1° L’article L. 232-3 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est complété par les mots : « , sur la base de l’évaluation multidimensionnelle mentionnée à l’article L. 232-6 » ;

b) Le second alinéa est supprimé ;

2° Après l’article L. 232-3, il est inséré un article L. 232-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 232-3-1. – Le montant du plan d’aide ne peut dépasser un plafond annuel défini par décret en fonction du degré de perte d’autonomie déterminé à l’aide de la grille mentionnée à l’article L. 232-2 du présent code et revalorisé chaque année au 1er janvier conformément à l’évolution de la majoration pour aide constante d’une tierce personne mentionnée à l’article L. 355-1 du code de la sécurité sociale. » ;

3° Le premier alinéa de l’article L. 232-4 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« L’allocation personnalisée d’autonomie est égale au montant de la fraction du plan d’aide que le bénéficiaire utilise, diminuée d’une participation à la charge de celui-ci.

« Cette participation est calculée et actualisée au 1er janvier de chaque année, en fonction de ses ressources déterminées dans les conditions fixées aux articles L. 132-1 et L. 132-2 et du montant du plan d’aide, selon un barème national revalorisé chaque année au 1er janvier en application de l’article L. 232-3-1. » ;

4° L’article L. 232-6 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est remplacé par cinq alinéas ainsi rédigés :

« L’équipe médico-sociale :

« 1° Apprécie le degré de perte d’autonomie du demandeur, qui détermine l’éligibilité à la prestation, sur la base de la grille nationale mentionnée à l’article L. 232-2 ;

« 2° Évalue la situation et les besoins du demandeur et de ses proches aidants. Cette évaluation est réalisée dans des conditions et sur la base de référentiels définis par arrêté du ministre chargé des personnes âgées ;

« 3° Propose le plan d’aide mentionné à l’article L. 232-3, informe de l’ensemble des modalités d’intervention existantes et recommande celles qui lui paraissent les plus appropriées compte tenu du besoin d’aide et de la perte d’autonomie du bénéficiaire et des besoins des proches aidants, ainsi que des modalités de prise en charge du bénéficiaire en cas d’hospitalisation de ces derniers. L’information fournie sur les différentes modalités d’intervention est garante du libre choix du bénéficiaire et présente de manière exhaustive l’ensemble des dispositifs d’aide et de maintien à domicile dans le territoire concerné ;

« 4° Identifie les autres aides utiles, dont celles déjà mises en place, au soutien à domicile du bénéficiaire, y compris dans un objectif de prévention, ou au soutien de ses proches aidants, non prises en charge au titre de l’allocation qui peut lui être attribuée. » ;

b) Au deuxième alinéa, les mots : « agréé dans les conditions fixées à l’article L. 129-1 » sont remplacés par les mots : « autorisé dans les conditions prévues à l’article L. 313-1 ou agréé dans les conditions fixées à l’article L. 7232-3 » ;

5° Le deuxième alinéa de l’article L. 232-7 est supprimé ;

6° Au troisième alinéa de l’article L. 232-12, la référence : « troisième alinéa » est remplacée par la référence : « quatrième alinéa » ;

7° Les premier et dernier alinéas de l’article L. 232-14 sont supprimés ;

8° L’article L. 232-15 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :

« L’allocation personnalisée d’autonomie est versée à son bénéficiaire, sous réserve des cinquième et sixième alinéas.

« Le versement de la partie de l’allocation servant à payer des aides régulières est mensuel.

« La partie de l’allocation servant au règlement de dépenses relatives aux aides techniques, à l’adaptation du logement et aux prestations d’accueil temporaire ou de répit à domicile peut faire l’objet de versements ponctuels au bénéficiaire, dans des conditions définies par décret.

« La partie de l’allocation destinée à rémunérer un salarié, un accueillant familial ou un service d’aide à domicile autorisé dans les conditions prévues à l’article L. 313-1 du présent code ou agréé dans les conditions fixées à l’article L. 7232-1 du code du travail peut être versée au bénéficiaire de l’allocation sous forme de chèque emploi-service universel, mentionné à l’article L. 1271-1 du même code, sous réserve de l’article L. 1271-2 dudit code.

« Après accord du bénéficiaire, le département peut verser la partie de l’allocation destinée à rémunérer un service d’aide à domicile directement au service choisi par le bénéficiaire. Le bénéficiaire demeure libre de choisir un autre service. De même, la partie de l’allocation destinée à rémunérer les structures assurant un accueil temporaire, mentionnées au quatrième alinéa de l’article L. 314-8 du présent code, peut leur être versée directement.

« Après accord du bénéficiaire, le département peut verser la partie de l’allocation concernée directement à la personne physique ou morale ou à l’organisme qui fournit l’aide technique, réalise l’aménagement du logement ou assure l’accueil temporaire ou le répit à domicile. » ;

b) Le dernier alinéa est supprimé ;

 (Supprimé).

II (nouveau). – Au second alinéa de l’article L. 3142-26 du code du travail, la référence : « troisième alinéa » est remplacée par la référence : « deuxième alinéa ».

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, sur l'article.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Les services d’aide à domicile sont confrontés depuis plusieurs années à une dégradation de leur situation financière qui menace, dans certains cas, leur pérennité. Ce constat figure dans le rapport d’information que Dominique Watrin et moi-même avons rédigé. Je m’en tiendrai cependant cet après-midi à l’aspect juridique de la question.

Les services d’aide à domicile fonctionnent sous un double régime juridique d’autorisation par le département et d’agrément par la préfecture. Ce double régime est perçu par les entreprises privées – c’est également l’avis de la Cour des comptes – comme discriminatoire. Celles-ci ont d’ailleurs déposé un recours auprès des instances européennes.

Notre rapport préconise de substituer à ce dispositif un seul système rénové d’autorisation. Pour sa part, la commission des affaires sociales propose la généralisation immédiate des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, les CPOM, entre les départements et les services d’aide à domicile ; elle propose surtout, dans un délai de cinq ans, le passage de l’ensemble des services d’aide à domicile au régime de l’autorisation intégrant le cahier des charges de l’agrément et ses clauses obligatoires.

Nous sommes bien conscients que cette solution, qui selon nous s’impose à terme, aura des conséquences financières pour les départements et inquiète les entreprises privées de services à la personne, qui craignent de ne plus pouvoir bénéficier des plans APA et des financements afférents. Aussi ne sommes-nous pas hostiles à un modus vivendi visant à expérimenter cette solution pendant deux ans, à condition de cadrer cette expérience en précisant les objectifs recherchés.

Il s’agit en effet de trouver un dispositif unique, quelle que soit sa dénomination – l’aspect sémantique importe peu, seul le contenu compte –, valable pour les entreprises privées, les organismes publics et associatifs qui permettrait, sur la base d’un cahier des charges et de ses clauses obligatoires, de négocier un CPOM autour d’un tarif national de référence modulable selon les départements. Comme vous l’avez précisé récemment, madame la secrétaire d’État, l’étude nationale de coûts engagée dans le secteur de l’aide à domicile sera bientôt disponible et devrait permettre la définition de ce tarif. Nous pourrions d’ailleurs, comme le suggère aussi notre rapport, évoluer vers une dotation globale, qui est déjà expérimentée depuis 2012 par certains départements et dont l’évaluation prévue pour le 1er janvier 2016 pourrait être fort instructive. Nous écouterons et examinerons avec beaucoup d’attention les propositions que vous nous ferez à ce sujet.

Par ailleurs, comme notre rapport le préconise, le texte du projet de loi entend favoriser le développement des SPASAD, les services polyvalents d’aide et de soins à domicile. Nous nous en réjouissons. Nous mettions également l’accent sur la nécessité de revaloriser le métier d’auxiliaire de vie sociale, notamment d’un point de vue salarial. Aussi ne pouvons-nous que soutenir la revalorisation du point d’indice, même si elle demeure notoirement insuffisante. Nous regrettons, en revanche, que le présent texte n’évoque absolument pas l’harmonisation des qualifications et la politique de prévention de la pénibilité et d’encadrement des conditions de travail.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.

Mme Annie David. Les amendements déposés par notre groupe concernant les barrières d’âge ayant été déclarés financièrement irrecevables, ce que nous regrettons beaucoup, nous avons décidé d’intervenir sur l’article 29 pour parler spécifiquement de ce problème fortement ressenti par les personnes en perte d’autonomie.

L’article 13 de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, sujet de nos débats il y a quelques jours, dispose que, « dans un délai maximum de cinq ans, les dispositions de la présente loi opérant une distinction entre les personnes handicapées en fonction de critères d’âge en matière de compensation du handicap et de prise en charge des frais d’hébergement en établissements sociaux et médico-sociaux seront supprimées ». Or, à ce jour, il n’en est rien : la loi n’a toujours pas été mise en application !

Ainsi, en l’état actuel des textes et de leur application, la prestation versée à une personne en situation de handicap n’est pas la même selon l’âge auquel le handicap est survenu. En effet, si celui-ci survient avant l’âge de soixante ans et si la demande a été effectuée avant l’âge de soixante-quinze ans, la personne perçoit la prestation de compensation du handicap, la PCH. Si la demande est faite après soixante-quinze ans ou si le handicap survient après soixante ans, la personne perçoit l’APA, l’allocation personnalisée d’autonomie. Cette différence de traitement, sur le seul critère de l’âge, s’explique difficilement. La PCH a été pensée pour répondre aux situations de handicap ; c’est une prestation plus adaptée que l’APA.

Il est probable qu’une seule raison préside à cette règle : réaliser des économies. En effet, selon un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, une modification des conditions d’âge serait susceptible d’alourdir le poids financier de la prestation. Le fait que nos amendements aient été déclarés financièrement irrecevables le prouve.

Madame la secrétaire d’État, vous avez répondu à nos collègues de l’Assemblée nationale qui vous ont interpellée sur la suppression des barrières d’âge prévue par le texte de 2005 que, « à aucun moment, l’état des finances publiques n’a probablement permis qu’il en soit ainsi ». Nous le regrettons ! La suppression des critères d’âge aurait dû être financée à partir du moment où elle avait été adoptée par la représentation nationale.

Nous regrettons également que nos amendements aient été déclarés irrecevables. Nous nous satisferons donc d’un rapport qui permettra de connaître précisément l’impact financier de la suppression des barrières d’âge. Nous le regrettons d’autant plus que, en attendant, les personnes handicapées continueront de bénéficier de deux prises en charge différentes pour des handicaps identiques.

Nous sommes dans une situation où des personnes ayant des besoins de compensation liés au manque ou à la perte d’autonomie se voient proposer deux prestations et deux dispositifs distincts d’accès aux droits. C’est ainsi que des couples âgés se retrouvent isolés face à leur détresse. Le conjoint qui doit gérer seul la situation s’épuise rapidement, physiquement et moralement. Comment une femme de soixante-cinq ans, qui ne rajeunira pas et sera peut-être elle aussi rattrapée par un handicap ou une maladie invalidante, peut-elle s’occuper seule de son conjoint, le soulever et intervenir jour et nuit pour l’accompagner dignement dans son handicap ?

Rien ne justifie les inégalités liées à l’âge dans ces dispositifs. Pour notre groupe et pour beaucoup d’associations de retraités et de personnes handicapées, il s’agit d’une injustice. Elles la dénoncent sans pour autant être entendues.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie. L’article 29 est probablement l’un des articles centraux du projet de loi. Il part du constat, fondé sur plusieurs rapports parlementaires et sur nos observations en tant qu’élus locaux ou nationaux, que le dispositif créé en 2001 a montré ses limites : un plan d’aide sur quatre est saturé, dont 46 % des GIR 1 ; le niveau du reste à charge peut entraîner un renoncement à l’aide pour les personnes âgées aux revenus faibles ; les plans d’aide sont trop peu diversifiés, puisque 90 % d’entre eux concernent essentiellement des aides humaines quotidiennes, c’est-à-dire des services à domicile ; les aides techniques sont une part infime de ces plans d’aide, de même que les aides collectives, celles qui favorisent la socialisation, les loisirs, les actions extérieures.

Nous avons conclu à la nécessité de poser les bases de l’acte II de l’APA, qui concernera 60 % des bénéficiaires, soit 730 000 personnes. Il faut savoir que 80 % d’entre eux sont en GIR 3 ou 4 et 20 % en GIR 1 ou 2. À cet effet, le Gouvernement a activé trois leviers et mobilisé 350 millions d’euros, soit 54 % de la CASA, la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie. Le budget de l’APA enregistre donc une hausse de 13 %.

Hier, M. Watrin s’est ému – j’ai senti une pointe de reproche dans sa voix – du fait que les propositions qui étaient contenues dans le rapport qu’il a rédigé avec M. Vanlerenberghe n’auraient pas été suivies par le Gouvernement à hauteur de ce qu’elles méritaient. Ces propos ne faisaient pas écho à ma mémoire. J’ai donc vérifié.

À ce jour, monsieur Watrin, dix propositions sur les treize que vous avez formulées dans votre rapport d’information sont en cours d’application.

Vous avez recommandé de « renforcer durablement la participation de l’État dans le financement de l’allocation personnalisée d’autonomie ». Les 350 millions d’euros qui seront mobilisés dans le cadre de l’acte II de l’APA vont y contribuer.

Vous avez demandé qu’une étude nationale de coûts soit engagée dans le secteur, dans la perspective de la fixation du tarif national de référence. Comme je l’ai déjà signalé hier, cette étude est en cours.

Vous avez souligné la nécessité d’« approfondir et accompagner les efforts de mutualisation et de modernisation engagés par les services d’aide à domicile ». La création des SPASAD satisfait cette proposition.

Vous avez préconisé de « renforcer l’attractivité des métiers de l’aide à domicile », notamment en lançant une réforme des diplômes. La réforme des diplômes de niveau V est en cours et, par ailleurs, 25 millions d’euros ont été consacrés à la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile pour la revalorisation du point d’indice.

Vous avez suggéré de « confier […] à l’Inspection générale des affaires sociales une évaluation des expérimentations de refondation tarifaires et organisationnelles ». Cette évaluation est en cours, et l’IGAS rendra son rapport au milieu du mois d’avril prochain.

Vous avez appelé à « accélérer la mise en œuvre de l’étude nationale de coûts ». Vous avez été entendu, puisque cette étude sera rendue en septembre prochain.

Vous avez recommandé de « confier à la CNSA le pilotage de la réforme » engagée sur la base des expérimentations. Cette proposition est également en cours d’application.

Vous avez préconisé de « substituer au double régime de l’autorisation et de l’agrément un seul système d’autorisation rénové ». Je crois que cette mesure occupera une place importante dans nos débats de cet après-midi. Aussi le chantier est-il ouvert, grâce au Sénat.

Vous avez suggéré de « confier à l’IGAS une mission d’évaluation du fonctionnement actuel des services polyvalents d’aide et de soins à domicile ». Cette mission est prévue à l’article 34 du présent projet de loi.

Enfin, vous avez fait valoir la nécessité de « développer des dispositifs pérennes de coordination entre les structures sanitaires et médico-sociales ». Je pense que cette proposition est satisfaite par la promotion des SPASAD que le projet de loi assure.

Au total, dix propositions sont en cours d’application sur les treize que MM. Watrin et Vanlerenberghe ont présentées, je le rappelle, au mois de juin 2014. Dans ces conditions, je ne pense pas que l’on puisse reprocher au Gouvernement d’avoir ignoré ou même négligé les recommandations des parlementaires.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Notez que nous ne l’avons pas fait !

M. le président. L'amendement n° 77, présenté par Mmes D. Gillot, Meunier et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 14

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ... Dans le cadre de son évaluation multidimensionnelle, si elle constate des signes de fragilité ou d’épuisement de l’aidant, propose à ce dernier une consultation chez son médecin traitant et formalise la démarche en lui remettant un courrier destiné au médecin, dans le respect des règles déontologiques et du secret médical ;

La parole est à Mme Dominique Gillot.

Mme Dominique Gillot. Cet amendement vise à instaurer une consultation médicale annuelle destinée à évaluer et à soutenir l’état de santé des proches aidants de toute personne en perte d’autonomie. Il s’agit d’étendre le dispositif de suivi médical qui existe déjà pour les proches aidants des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une pathologie apparentée à l’ensemble des proches aidants des personnes âgées reconnues en perte d’autonomie.

Prise en charge par la sécurité sociale, cette consultation permettrait au médecin traitant d’évaluer l’état psychique du proche aidant, son état nutritionnel et son niveau d’autonomie. L’examen clinique que nous proposons d’instituer serait également l’occasion de réaliser un bilan en matière de prévention, s’agissant en particulier du calendrier vaccinal et de la planification des examens de dépistage usuels. De manière générale, il s’agirait d’évaluer l’état de la personne aidante et l’énergie dont elle dispose pour son engagement auprès de la personne en perte d’autonomie.

Au terme de cette consultation, le médecin traitant pourrait proposer au proche aidant différentes interventions ou orientations destinées à réduire son isolement et à l’aider à conserver une vie sociale, ainsi qu’à concevoir un projet de vie adapté à sa situation. Par exemple, le proche aidant pourrait se voir proposer un repos ponctuel ou un complément d’aide humaine, comme la participation à un groupe de parole ; je pense également à d’autres dispositifs de soutien qui ont été évoqués depuis le début de la discussion du projet de loi.

Il me paraît important de soutenir les proches aidants et de s’assurer, ainsi que Mme David l’a fait observer, qu’ils sont en mesure d’assumer auprès de la personne en perte d’autonomie une bienveillante attention qui, pour relever de l’altruisme, n’en atteint pas moins parfois leurs forces.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Roche, corapporteur de la commission des affaires sociale. Cet amendement procède d’une excellente intention : il s’agit de permettre à l’équipe médico-sociale, lors de l’évaluation multidimensionnelle, de proposer à l’aidant une consultation chez son médecin traitant, si elle constate chez lui des signes de fragilité ou d’épuisement ; cette démarche serait formalisée par l’envoi d’un courrier au médecin.

Ce dispositif donnerait davantage de substance à l’évaluation des besoins du proche aidant et assurerait la formalisation d’une démarche susceptible de donner accès au dispositif de répit prévu à l’article 36 du projet de loi.

La procédure décrite dans cet amendement est celle qui devrait naturellement être suivie, mais il est bon de l’inscrire dans le projet de loi ; la commission des affaires sociales est donc favorable à l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Comme M. le corapporteur vient de le suggérer, cet amendement est en partie satisfait par le projet de loi dans sa rédaction actuelle et par l’esprit dont celui-ci procède. En effet, il est déjà prévu que l’équipe médico-sociale proposera, au vu de l’évaluation de la situation de la personne âgée et de son aidant, outre le plan d’aide, toutes les aides utiles qui ne relèvent pas de l’APA, notamment pour l’aidant.

Je ne suis pas sûre que la prise en charge intégrale de la consultation soit le moyen d’amener à se soigner les aidants qui ne le font pas, car ceux-ci ne renoncent pas aux soins pour des raisons de coût. Les personnes dont nous parlons sont âgées, mais souvent bien assurées et couvertes par des mutuelles. Le véritable problème réside dans la manière dont l’aidant se préoccupe de lui-même et de sa propre santé.

Ce problème, nous travaillons à le résoudre, puisque le plan national d’actions de prévention de la perte d’autonomie, qui me sera remis très prochainement, comprendra des mesures visant spécifiquement à protéger la santé des aidants, qui compléteront utilement les dispositions du projet de loi.

Aux médecins généralistes que je rencontre dans des colloques, des congrès ou des réunions de médecins, j’ai coutume d’adresser une demande, sans prétendre aucunement m’immiscer dans l’organisation de leur activité. Généralement, quand une personne en grave perte d’autonomie reste à son domicile grâce à l’aide d’un proche, un médecin généraliste se rend régulièrement chez elle. Pensez donc, dis-je aux médecins, à vous tourner à un moment donné vers l’aidant, qui le plus souvent assiste à la consultation, pour lui demander : « Et vous, comment ça va ? »

Il convient que tous, au quotidien, dans notre métier ou simplement dans notre vie, nous fassions preuve d’attention aux autres. Il n’y faut pas une loi, un décret ou quelque autre contrainte, mais seulement la conscience de notre commune humanité.

L’amendement n° 77 étant en grande partie satisfait, j’en sollicite le retrait ; s’il est maintenu, j’y serai défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.

Mme Dominique Gillot. J’entends bien les arguments de Mme la secrétaire d’État, auxquels on peut souscrire. Reste que, si notre amendement était adopté, les personnes aidantes se sentiraient davantage autorisées à demander qu’on se préoccupe de leur santé ; la considération qui leur est due serait garantie et, je le répète, elles se sentiraient plus facilement le droit de prendre soin aussi d’elles-mêmes.

Évidemment, il est tout à fait recommandé que les médecins généralistes agissent comme Mme la secrétaire d’État le préconise. C’est comme cela que les choses devraient se passer, mais, malheureusement, il n’en est pas toujours ainsi. Sans compter que, même si le médecin se tourne vers l’aidant pour lui demander « Et vous, comment ça va ? », certains répondent : « Moi, ça va, occupez-vous donc de mon parent ».

C’est pourquoi il serait bon que le législateur attache à l’évaluation multidimensionnelle une incitation, sans caractère obligatoire, afin qu’elle permette, à l’instar des visites annuelles de la médecine du travail, de vérifier que l’aidant continue d’être en bonne santé.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Je veux simplement vous faire part de l’étonnement que m’inspire cet amendement, auquel je suis fermement opposé. Tout de même, les médecins savent ce qu’ils ont à faire ! S’ils aperçoivent une personne en difficulté à côté de la personne malade, ils se préoccupent naturellement de sa situation ; du reste, ne pas le faire serait une non-assistance à personne en danger.

Ne prenons pas les médecins pour des billes ! Ils sont responsables et doivent rester libres de leurs actions. Croit-on pouvoir, de Paris, leur dicter leur comportement quotidien ?

Je remercie Mme la secrétaire d’État d’avoir défendu la liberté des médecins, que l’adoption de cet amendement remettrait en cause. Dans la période actuelle, il n’est peut-être pas opportun d’aggraver les difficultés en imposant aux médecins de soigner les malades, c’est-à-dire de faire leur métier. Ils sont tout à fait capables de se rendre compte des problèmes rencontrés par les personnes qu’ils ont devant eux !