M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis de ce débat, qui me permet de bénéficier des éclairages de la Haute Assemblée sur le sujet qui me préoccupe en ce moment, à savoir l’actualisation de la loi de programmation militaire, sur laquelle travaillent mes services et mes collaborateurs. Elle fera l’objet d’une décision à la fin du mois, dans le cadre d’un conseil de défense, et d’un texte qui sera examiné par le Parlement au mois de juin prochain.

La démarche en est encore à ses débuts et porte sur de nombreux sujets. J’apporterai les éléments de d’information dont je dispose actuellement, étant entendu que de nombreux arbitrages, y compris les miens, n’ont pas encore été rendus. Au demeurant, monsieur Raffarin, j’aurai sûrement le plaisir, dans les jours qui viennent, d’évoquer tout cela devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Nous avons souhaité que cette actualisation ait lieu plus rapidement que prévu. En effet, depuis le vote de la loi de programmation militaire, en décembre 2013, nous avons été confrontés à une série de crises qui, bien qu’elles confortent l’analyse stratégique contenue dans le Livre blanc de 2013, confirment aussi la nécessité d’ajuster notre posture de défense, en raison de leur simultanéité, de leur rapidité et de leur intensité.

Je pense en premier lieu à la crise russo-ukrainienne, qui ravive le spectre des menaces de la force – l’expression que j’avais mise en avant dans le Livre blanc a été reprise par plusieurs d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs. Pour la première fois depuis 1945, les frontières internes de notre continent ont été modifiées par l’annexion d’une partie d’un pays par un autre. Au-delà, une menace pèse sur la partie orientale de l’Ukraine.

Cette situation est lourde de conséquences pour la stabilité de l’Europe, pour la sécurité de centaines de milliers de personnes et, au-delà, pour le respect du droit international.

Malgré nos interventions extérieures et la mobilisation de nos forces, que les uns et les autres ont rappelées dans leurs interventions, nous tiendrons nos engagements en matière de réassurance, donc de solidarité. Le mois prochain, des blindés français participeront sur le territoire polonais à des exercices de réassurance au côté des forces polonaises. Je tenais à le souligner. Cela montre que nous respectons l’ensemble de la programmation et que nous avons les moyens d’assumer nos responsabilités, là où c’est nécessaire.

Je veux également dire un mot de la menace terroriste d’inspiration djihadiste, qui, depuis décembre 2013, a pris une dimension globale. Elle dessine un arc qui va du Waziristan au golfe de Guinée, en passant par le Proche-Orient, la corne de l’Afrique, le Sahel et la Libye. Cette menace a franchi un nouveau seuil avec la progression militaire et politique de Daech.

À plusieurs reprises depuis un an, j’ai fait part de mes interrogations sur le risque de jonction entre ce qui se passait au Levant et ce qui se passait en Afrique, singulièrement dans la bande sahélo-saharienne. Je demandais que l’on prenne garde à ce qui arriverait quand Daech, alors implantée en Syrie et en Irak, s’installerait dans cette bande. Or c’est chose faite depuis l’attentat qui a frappé les Coptes égyptiens, depuis que Boko Haram a décidé de se rallier à Daech et depuis l’implantation de camps d’entraînement à Derna sous la houlette de cette organisation.

Ainsi, Daech développe son arc, et, demain, ce seront les combattants étrangers de Syrie qui viendront s’entraîner en Libye. Le danger est là ; la menace est grave. Ces effets, cela a été rappelé par les uns et les autres, se manifestent jusqu’au cœur de nos sociétés. Les attentats des 7, 8 et 9 janvier dernier ont montré que cette menace, qui se jouait déjà des frontières à l’extérieur, pouvait désormais frapper la France et l’Europe en leur cœur. Jamais, dans notre histoire récente, la menace extérieure et la menace intérieure n’ont été aussi imbriquées. C’est là une nouvelle donne.

La matrice stratégique du Livre blanc de 2013 avait déjà pris en compte ces risques et ces menaces. Ce qui a changé, c’est cette succession de crises qui nous conduit à une mobilisation et à une mise sous tension considérables de nos forces.

À cet instant, je veux rendre hommage à nos forces armées. Plusieurs d’entre vous l’ont fait, en particulier vous-même, monsieur Raffarin. Elles montrent toute leur valeur, tout leur professionnalisme et tout leur courage dans cette période de grande mobilisation. Dans un contexte d’une gravité exceptionnelle, elles contribuent à la protection de nos concitoyens, tant sur le territoire national, aux côtés des forces de sécurité intérieure, qu’à l’extérieur de nos frontières, pour neutraliser au plus loin des adversaires plus que jamais déterminés à frapper la France et ses alliés.

Les événements du début du mois de janvier dernier sont déjà un peu loin dans les esprits, mais je suis bien placé pour savoir, ainsi que le ministre de l’intérieur, que la menace est permanente et que les risques sont toujours présents.

Le Président de la République, sur ma proposition, a souhaité que l’on puisse avancer l’actualisation de la loi de programmation militaire. Selon l’article 6 de la loi, elle était prévue avant la fin de l’année 2015. Elle se fera plus tôt, et c’est une très bonne chose.

Je veux reprendre quelques points de mes réflexions et peut-être apporter des réponses aux interrogations qu’ont exprimées les différents orateurs.

Tout d'abord, la préparation de la révision de la loi de programmation militaire, actuellement en cours, devrait aboutir à la fin de ce mois, avant d’être présentée en conseil de défense, qui est l’instance décisionnelle. Ensuite viendra l’examen devant le Parlement.

MM. de Legge, Gautier et Reiner ont rappelé les cinq grandes orientations que j’ai assignées aux états-majors, directions et services de mon ministère pour préparer cette actualisation. Nous n’allons pas refaire une loi de programmation militaire. Il ne s’agit pas d’une révision fondamentale ; les principes de base que j’ai évoqués à l’instant demeurent. Toutefois, cinq inflexions significatives sont prévues.

Premièrement, il nous faut revoir la trajectoire des effectifs inscrite dans la loi. L’enjeu est d’abord de prendre en compte le très haut niveau d’engagement de nos armées – un niveau qui dépasse les seuils des contrats opérationnels, à la fois à l’extérieur et sur le territoire, M. de Legge l’a rappelé avec raison.

Contrairement à ce que j’ai cru comprendre dans la bouche de certains orateurs, nous n’en concluons pas pour autant que nous devrions renoncer à certaines interventions extérieures. Lesquelles, d’ailleurs ? Faudrait-il renoncer à l’opération Barkhane, en République centrafricaine, grâce à laquelle nous avons évité des massacres de masse ? Faudrait-il renoncer à prendre part à la lutte contre Daech au Levant ? Je pense que non, tant l’état des menaces nous amène à être présents sur tous les terrains.

Il n’en demeure pas moins que notre présence en République centrafricaine va progressivement s’amoindrir : de 2 600, le nombre des militaires français présents dans ce pays passera normalement avant la fin de l’année à 800, soit une réduction assez significative.

Il nous faut convenir d’un nouveau contrat opérationnel pour notre armée professionnelle, qui viendra surtout affecter à la hausse les effectifs de la force opérationnelle terrestre, laquelle compte aujourd’hui 66 000 hommes.

Ainsi, comme l’a rappelé M. Roger, le Président de la République a souhaité qu’une première mesure soit prise, à savoir réduire de 7 500 postes les déflations d’effectifs prévues, dont 1 500 pour l’année 2015.

Cette réduction de la déflation se poursuivra à partir du moment où aura été défini le nouveau contrat opérationnel pour nos forces et singulièrement le niveau de la force opérationnelle terrestre, qui sera renforcée de manière significative pour pouvoir assumer l’ensemble de ses missions.

Cette évolution influencera la physionomie du nouveau modèle de l’armée de terre. D’une certaine manière, on peut même parler d’une petite révolution culturelle, puisque nous intégrerons dans le nouveau dispositif la possibilité de déployer sur notre territoire et sur une longue durée quelque 7 000 militaires, et même 10 000 rapidement, en cas de nécessité et d’urgence. C’est là un nouveau concept.

Le chef d’état-major de l’armée de terre vient de me présenter ce nouveau modèle de l’armée de terre, appelé « Au contact » ; M. Gautier y a fait allusion. Ce nouveau modèle, dont nous aurons l’occasion de parler longuement, intégrera de nouvelles priorités et de nouveaux dispositifs.

Surtout, ce qui me paraît le plus important, c’est que ce nouveau modèle de l’armée de terre présente une cohérence globale, afin d’éviter que la présence permanente de Sentinelle ne conduise à l’apparition d’une armée à deux vitesses. Cette dernière doit demeurer unique, avec des missions qui s’appliquent à tous, les soldats assurant des missions à la fois intérieures et extérieures, dans une même cohérence.

Je rappelle que la mission intérieure de l’armée est une mission militaire et non pas une mission supplétive de celle des forces de police ou de gendarmerie.

Ce nouveau modèle sera sans doute l’un des éléments significatifs de l’actualisation de la loi de programmation militaire. Il viendra en complément du nouveau modèle de la marine déjà connu, « Horizon Marine 2025 », ainsi que du nouveau modèle de l’armée de l’air, « Unis pour faire face », qui subiront quelques inflexions.

En tout cas, je le répète, l’inflexion majeure portera sur le nouveau modèle d’armée de terre et sur la force opérationnelle terrestre. Je ne suis pas en mesure de vous en dire plus sur l’ampleur de cette inflexion, qui fait l’objet de discussions, mais ce qui est certain, c’est que seront préservés plus que les 7 500 postes annoncés par le Président de la République et par moi-même.

Je souhaite également que la place des réserves soit renforcée dans le nouveau dispositif et que nous atteignions un effectif potentiel de 1 000 réservistes sur le territoire national, sur les effectifs de 7 000 à 10 000 qu’il sera nécessaire de mobiliser sur la durée.

Cet objectif, ambitieux par rapport à la situation présente, suppose des modifications. Toutefois, j’ai la ferme volonté d’aboutir, car il n’y a rien de mieux que de renforcer le lien entre l’armée et la nation par une présence de réservistes dans la protection interne du territoire. Plusieurs orateurs se sont exprimés à ce sujet.

Madame Aïchi, vous avez abordé d’autres aspects du lien entre l’armée et la nation. Je vous confirme que, dans le cadre de cette actualisation, nous tiendrons notre engagement de création de trois lieux de service militaire adaptés, et ce, je l’espère, dès la fin de l’année 2015 pour le premier d’entre eux.

Un certain nombre de priorités qui avaient été fixées en 2013 seront confirmées. Je pense en particulier aux forces spéciales, dont les effectifs passeront de 3 000 à 4 000 hommes. Chacun a bien compris qu’il s’agit là d’un bon objectif. Il faut aussi prendre en considération leur équipement ; j’ai bien entendu le message à cet égard.

Je pense aussi à l’ensemble du volet « cyber » et à nos moyens de renseignement. J’aurai l’occasion d’intervenir sur le projet de loi relatif au renseignement lors de son examen par le Sénat, comme je l’ai fait hier devant la commission des lois de l’Assemblée nationale. Le ministère de la défense est bien évidemment concerné par ce texte.

Nous devons nous doter de tous les moyens nous permettant d’acquérir des informations. C’est pourquoi je me réjouis d’avoir conclu avant-hier avec ma collègue allemande Ursula von der Leyen deux engagements : le premier est de réaliser et de financer en commun un troisième satellite-espion au sein du système de satellites de reconnaissance optique – cela n’était jamais arrivé s’agissant d’un domaine régalien aussi important et aussi sensible que celui-ci ; le second est de développer des drones de nouvelle génération destinés à succéder au Reaper.

Ces deux événements passent peut-être inaperçus en France, mais je puis vous assurer que, en Allemagne, ils sont considérés comme un acte majeur de coopération avec la France.

J’en profite pour dire quelques mots sur l’ouverture européenne, un sujet qui nécessiterait à lui seul un débat. J’ai été heureusement surpris de la grande ouverture dont a fait preuve le président Juncker au sujet de l’armée européenne. C’est là une percée conceptuelle audacieuse. Le problème, c’est que le chemin sera long jusqu’à ce que cette armée devienne réalité. Aussi, j’espère que le Conseil européen de juin prochain nous permettra de faire un premier pas, en particulier dans deux directions.

Le premier axe de travail consiste à prendre en compte les groupements tactiques européens, qui existent sur le papier mais n’ont jamais été déployés. Les Allemands, les Italiens, les Espagnols et les Polonais sont sur la même ligne que nous, pour faire en sorte que ces groupements soient opérationnels après le Conseil européen du mois de juin prochain.

Le second axe vise à amplifier le dispositif Athena, en vue de l’accompagnement des opérations extérieures européennes, afin d’en partager le financement. J’ajoute que les financements européens sont également possibles pour la recherche et l’innovation.

Ces perspectives nous paraissent aujourd’hui atteignables, à partir du moment où, par ailleurs, le président de la Commission et le président Tusk ont donné des orientations positives en ce sens.

Le troisième d’effort pour l’actualisation de la loi de programmation militaire consiste, quant à lui, à lever des hypothèques de 2013 concernant certains équipements majeurs de nos forces et à renforcer nos succès à l’exportation.

Je tiens à préciser que, depuis 2012, nous avons doublé nos exportations : elles ont atteint 8,3 milliards d’euros en 2014 et dépasseront ce chiffre en 2015. Néanmoins, ce résultat n’est pas dû à la seule action de votre humble serviteur, mesdames, messieurs les sénateurs ; il résulte aussi de la gravité des menaces et de l’excellence des produits français. Nous avons là un outil très important.

Je citerai l’exportation tout à fait opportune du Rafale, qui nous permettra, dans le cadre de l’actualisation de la loi de programmation militaire, de lever l’ambiguïté qui existait sur les livraisons de ces avions de combat.

Monsieur de Legge, je vous précise que, s’agissant de l’aviation de chasse et des frégates, nous avons prévu une cible, qui figure dans le Livre blanc et la loi de programmation militaire. Cette cible reste inchangée : 225 avions de chasse et 15 frégates de premier rang. Si, en vertu du contrat conclu avec l’Égypte, nous livrons une frégate et des avions Rafale qui étaient initialement destinés à la France, c’est pour permettre à ce pays de se doter le plus rapidement possible de ces équipements et de leurs capacités, comme il le réclamait.

Toutefois, la cible française ne changera pas, et chaque livraison d’une frégate ou d’un Rafale sera compensée par le remplacement d’un navire ou d’un avion. Aucune diminution de notre flotte n’interviendra par rapport aux objectifs initiaux, que je vous confirmerai au moment de l’actualisation de la loi de programmation militaire.

Toujours pour répondre à M. de Legge, qui – je le connais bien – veut des réponses précises à des questions ciblées, l’équipage qui était prévu pour La Normandie se retrouvera sur La Provence, c’est-à-dire qu’il continuera à suivre le cycle normal, même s’il y a un petit décalage.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais aussi vous faire part, dans ce troisième axe de réflexion, de mon souci de développer des plans spécifiques pour doter nos armées en hélicoptères. C’est pour moi tirer les conséquences d’une insuffisance de notre capacité que j’observe depuis nos récentes missions. Je souhaite que l’actualisation de la loi de programmation militaire soit l’occasion de prendre en considération ces besoins en hélicoptères, notamment en appareils de manœuvres et légers. Je serai sans doute amené, dans ce domaine, à formuler des propositions.

Monsieur le président, puis-je prendre encore un peu de temps pour poursuivre mon propos ?

M. le président. Je vous en prie, monsieur le ministre, d’autant qu’il s’agit là d’un sujet essentiel pour l’information du Sénat !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je confirme que nous allons acquérir, en 2015, un troisième Reaper, drone MALE – moyenne altitude, longue endurance – et que nous en commanderons trois autres avant la fin de l’année.

De la même manière, nous engagerons le contrat des satellites de communication, dit « contrat COMSAT NG » avant la fin de l’année, et celui des bateaux de soutien hauturier, qui était attendu depuis longtemps, en particulier pour les territoires d’outre-mer. Tout cela sera confirmé grâce à l’actualisation de la loi de programmation militaire.

J’en viens, enfin, à mon quatrième point, qui porte sur les financements nécessaires à la bonne exécution des mesures prises.

J’ai eu l’occasion de m’expliquer très longuement – près d’une heure et demie, me semble-t-il – devant la commission spéciale sur les sociétés de projet. J’ai ainsi pu aborder largement tous les aspects de la question ; je les reprendrai brièvement, pour citer ceux qui sont fondamentaux.

Tout d'abord, le Président de la République a annoncé à plusieurs reprises qu’il sanctuarisait les crédits du ministère de la défense à hauteur de 31,4 milliards d’euros. Je m’inscris donc en faux contre les propos qui ont été tenus tout à l’heure, selon lesquels il manquerait 1 milliard d’euros. En 2012, le budget annoncé a été respecté rubis sur l’ongle, comme en 2013 et en 2014.

Pour 2015, sur les 31,4 milliards d’euros prévus, plus de 2,2 milliards d’euros de ressources exceptionnelles ne sont pas alimentés à l’heure où je vous parle. Des ressources exceptionnelles avaient déjà été inscrites au budget de 2014, ainsi qu’en 2013 et au cours des années précédentes, et elles ont toutes été au rendez-vous. Nous devons maintenant faire de même pour cette année.

La loi de programmation militaire prévoit la manière dont on mobilise ces ressources exceptionnelles. Ce point est inscrit dans le texte : soit faire appel au programme d’investissements d’avenir, comme cela s’est produit en 2014, soit mettre aux enchères la bande de fréquence des 700 mégahertz pour développer les divers réseaux, comme en 2013, soit recourir aux ressources immobilières, à l’instar de ce qui s’est passé pendant les trois dernières années, soit, enfin, procéder à des cessions d’actifs.

À ceux qui pensent que cette dernière politique constitue de l’acrobatie financière, voire de la cavalerie, comme je l’ai entendu tout à l’heure, je répondrai que ce type d’opérations fait presque partie de l’action quotidienne de l’État ; il s’est produit à de nombreuses reprises.

Seulement, si l’on veut avoir recours à des cessions d’actifs, on ne peut y parvenir, du fait de la loi organique relative aux lois de finances, qu’en mobilisant ces cessions en capital, donc en investissements. Par exemple, avec une cession d’actifs, le ministère de la défense ne peut pas acheter une frégate. Pour réaliser cette action, il doit détenir une société qui mobilise le capital de la cession d’actifs.

C’est pourquoi la société de projet, composée de capitaux publics, assure le relais pour la mobilisation de la cession d’actifs. Le Président de la République a annoncé, lors de la présentation de ses vœux, qu’il était favorable à cette orientation, au demeurant tout à fait conforme à la loi et aux objectifs qui sont les nôtres. Grâce à ces cessions d’actifs, nous pouvons mobiliser les 2,2 milliards d’euros nécessaires. L’amendement qu’avait déposé mon collègue Emmanuel Macron visait ainsi à rendre possible cette opération, en levant deux ou trois obstacles juridiques à laquelle elle se heurtait.

Une fois ce dispositif mis en œuvre, je reviendrai devant la commission spéciale, comme je l’ai annoncé récemment, pour expliquer comment ces 2,2 milliards d’euros seront mobilisés pour l’acquisition à la fois de frégates et d’un 400 M, c’est-à-dire pour respecter totalement le budget de la défense 2015.

Quant au schéma pour les années suivantes, l’actualisation de la loi de programmation militaire nous permettra de l’éclairer.

L’augmentation des effectifs, en particulier dans l’armée de terre, mais aussi du fait des recrutements nécessaires dans le domaine du renseignement, cela a été évoqué, et de la cyberdéfense, induira un coût, qui n’entrera pas obligatoirement dans l’enveloppe des 31,4 milliards d’euros. C’est pourquoi la loi devra être actualisée chaque année, de 2016 à 2019.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de vos propos, de vos éclairages et de vos préoccupations prioritaires. Soyez assurés que, au service de notre sécurité et de notre défense se dégage dans notre pays une unanimité, une volonté collective d’agir ensemble. Cet atout est essentiel pour la cohérence et la solidité de la nation. Le débat de cet après-midi y a contribué. (Applaudissements.)

M. le président. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces précisions, qui seront très utiles.

Nous en avons terminé avec le débat sur la préparation de la révision de la loi de programmation militaire.

Avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.)

PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

7

 
Dossier législatif : proposition de loi portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse
Discussion générale (suite)

Modernisation de la presse

Adoption des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse (texte de la commission n° 297, rapport n° 296).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse
Article 1er

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la majorité sénatoriale a la volonté d’élaborer une législation de qualité, grâce à une coopération constructive avec le Gouvernement et sa majorité. Le présent texte en offre une nouvelle preuve, dans le droit fil des objectifs fixés par le président du Sénat.

Le 18 février dernier, la commission mixte paritaire a adopté, à l’unanimité, une nouvelle rédaction de la présente proposition de loi tendant à la modernisation du secteur de la presse, une version que je qualifierai d’utile.

Le dialogue entre les deux chambres a abouti à un consensus. Ce texte n’a pas la prétention de révolutionner le monde de la presse : la grande réforme de ce secteur, en particulier de la presse écrite, reste à mener. Cette proposition de loi n’en est pas moins bienvenue pour les différents acteurs.

Le système coopératif de distribution de la presse écrite se voit offrir de nouvelles perspectives économiques. Parallèlement, l’Agence France-Presse, l’AFP, bénéficiera d’une gouvernance considérablement améliorée et la presse d’information politique et générale disposera de nouvelles ressources. Certains des dispositifs fiscaux existants dont celle-ci disposait présentaient une certaine fragilité, car ils étaient fondés exclusivement sur un rescrit fiscal. Ils sont consolidés et complétés par divers modes de financement innovants.

Au cours de sa séance publique du 25 mars dernier, l’Assemblée nationale s’est prononcée en faveur du texte établi par la commission mixte paritaire, modifié à la marge par sept amendements du Gouvernement.

Outre des éléments de coordination entre plusieurs dispositions et la précision de certaines formulations, le Gouvernement, et je l’en remercie, a proposé de lever le gage attaché à l’un des nouveaux instruments fiscaux innovants que je viens d’évoquer. Ce dispositif, dont le Sénat a eu l’initiative, doit agir en faveur de la presse d’information politique et générale.

La commission de la culture, de l’éducation et de la communication a émis un avis favorable sur les amendements gouvernementaux, qui ne visent pas à modifier l’économie du texte.

Je tiens à rappeler le rôle joué par le Sénat au titre de ce texte de loi. Pour la presse écrite, la Haute Assemblée a garanti un meilleur équilibre entre le Conseil supérieur des messageries de presse, le CSMP, et l’Autorité de régulation et de distribution de la presse, l’ARDP, et cela dans le respect des règles de la concurrence.

Par ailleurs, le Sénat a pris toute sa part à la réforme de la gouvernance de l’AFP. Certes, l’accord atteint en commission mixte paritaire ne reprend pas notre proposition de création d’un conseil de surveillance ; mais, sur le fond, il retient l’essentiel des solutions avancées par la Haute Assemblée afin de donner de véritables pouvoirs à une instance indépendance, à savoir le Conseil supérieur. Auprès de la commission financière, cet organe veillera au respect des engagements pris par notre pays vis-à-vis de la Commission européenne. J’ajoute qu’il aura tous les moyens de se prononcer quant à la stratégie de l’AFP et, surtout, qu’il lui incombera de veiller à la pérennité de cette instance.

Madame la ministre, je me permets d’insister sur ce point : l’AFP est une très belle maison, au service de laquelle œuvrent des journalistes passionnés par leur métier. Chacun le sait, il s’agit d’une grande agence mondiale. Néanmoins, force est de rappeler que cette institution subit une situation financière tendue, du fait d’un endettement élevé, que le mécanisme dit « de filiale technique de moyens » va encore accentuer. En effet, l’AFP a été autorisée à souscrire un nouvel emprunt d’un montant de 26 millions d’euros. Or elle a déjà déconsolidé une partie de sa dette, en souscrivant un crédit-bail au titre de son siège.

Bref, cette entreprise publique n’a pas le droit à l’erreur, d’autant qu’elle ne dispose pas de capital propre. De surcroît, par l’accord qu’il a conclu avec la Commission européenne, sur des bases parfaitement correctes et honorables, le gouvernement français s’est interdit de donner, à l’avenir, de nouvelles garanties.

Gardons bien à l’esprit que l’APF doit absolument réussir : il est indispensable que le plan d’investissement dont elle fait l’objet soit couronné de succès. À ce titre, ce programme doit être suivi de très près, d’où l’importance d’une gouvernance plus forte.

À l’heure où, par ailleurs, la gouvernance des sociétés de l’audiovisuel public est en débat, il me semble opportun de souligner toute l’utilité que présente la recherche d’un large consensus, entre les deux assemblées, d’une part, et entre les différentes sensibilités politiques qu’elles abritent, de l’autre, pour définir la gouvernance des grands médias publics.

À l’avenir, sans doute pourrons-nous nous inspirer de cette expérience réussie dont a bénéficié l’AFP – je songe en particulier à ce que j’ai appelé « une gouvernance plus musclée » – pour d’autres sociétés de l’audiovisuel public, dont la gouvernance trahirait aujourd’hui quelques limites...

Pour l’heure, je tiens à remercier Mme la présidente de la commission de la culture de la part qu’elle a prise à l’accord conclu avec l’Assemblée nationale. Je remercie également l’ensemble de nos collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, de leur contribution à l’élaboration de la solution dégagée.

Bien entendu, j’invite le Sénat à adopter cette proposition de loi, telle qu’elle sera modifiée par les amendements proposés par le Gouvernement ; à cet égard, je remercie de nouveau Mme la ministre d’avoir accepté de lever le gage ! (Applaudissements.)