Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Plus lourde !

M. Jean Desessard. … mais l’adoption de cet amendement permettrait déjà de s’en rapprocher dans une mesure satisfaisante.

Mme la présidente. L’amendement n° 1041, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer les mots :

et privées

La parole est à M. Patrick Abate.

M. Patrick Abate. Les gares routières sont régies par une ordonnance de 1945, devenue obsolète, dont l’article 3 précise que les gares privées sont soumises à autorisation. La règle, c’est donc que les gares soient publiques.

Il est vrai que le sujet est devenu complexe. Au fil des ans, les gares routières se sont diversifiées et peuvent appartenir à des localités, à des regroupements de communes ou à des sociétés privées. La fonction intermodale de ces gares s’est également élargie, avec une ouverture du service à plusieurs opérateurs, publics et privés, sur un même lieu. Elles peuvent être à vocation locale, nationale ou internationale. Il y a donc, nous en convenons, un réel besoin de clarification.

Les gares étant devenues une composante du service public des transports, elles doivent, à notre sens, être maintenues dans le giron des services publics.

Clarifier le statut des gares routières ne peut répondre qu’à une nécessité de cohérence sur l’ensemble du territoire. En réservant leur gestion à des entités publiques, nous garantirons une égalité de service dans l’ensemble du pays.

L’intermodalité est devenue une réalité. Pour éviter des déplacements inutiles et faciliter le transport public, il est effectivement nécessaire de développer des gares routières, mais surtout de donner une cohérence à la mise en place de ces gares, qui doit être motivée par l’intérêt général.

Selon nous, seule une autorité publique peut définir un mode d’organisation propre à répondre à cette ambition. Dans ce domaine, la réponse ne peut découler des règles du marché.

Mme la présidente. L’amendement n° 860 rectifié bis, présenté par Mmes Keller et Lamure, MM. Nègre, Bizet, Reichardt, Kennel et Husson, Mmes Troendlé, Deromedi et Cayeux, MM. Longuet, Grand, Legendre, Bignon, Buffet, Laufoaulu, Forissier, Vaspart, Falco, Revet, Doligé et Vogel, Mme Primas, M. P. Leroy, Mme Gruny, M. Laménie, Mme Duchêne, MM. de Nicolaÿ, Pintat, Savin, Chaize, B. Fournier et G. Bailly, Mme Mélot, M. Milon, Mme Micouleau et MM. Danesi, Gilles, Lefèvre, Mandelli, Trillard, Mayet, Houel, Calvet, Mouiller, Cardoux, Commeinhes, Charon, Gremillet, Raison, Houpert, Perrin, Dufaut et Malhuret, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

publiques et privées,

insérer les mots :

dans l’objectif de les rapprocher avec les gares ferroviaires pour favoriser le développement de pôles urbains, régionaux, nationaux et internationaux intermodaux et d’accès équitable aux infrastructures de transport,

La parole est à Mme Fabienne Keller.

Mme Fabienne Keller. La création de lignes de transport par car sur des distances de plus de 200 kilomètres interviendra très rapidement après la promulgation de la loi. On peut penser qu’elle s’appuiera sur des gares routières existantes, souvent implantées en périphérie, se réduisant parfois à de simples dalles de macadam ou à des quais, très médiocrement connectées aux autres modes de transport : train, tramway, métro ou bus urbain, auto-partage, vélo, taxi, voiture en libre-service, etc.

Des projets de gare routière commencent à émerger, même s’il existe un problème structurel de portage de tels projets : je ne reviendrai pas sur la diversité des autorités organisatrices de transport, des propriétaires et des exploitants des gares. Il est important que les gares routières privées s’inscrivent dans la chaîne de transport, en s’articulant avec les gares ferroviaires. Il faut penser aux voyageurs, qui ne doivent pas se retrouver, au petit matin ou tard le soir, sur des terrains mal aménagés, peu accueillants, peu sécurisés, mal éclairés…

Par ailleurs, bien relier entre eux les différents modes de transport, c’est créer une véritable offre de services globale à dépense constante. En effet, en articulant judicieusement plusieurs moyens de transport, collectifs et individuels, on répond à davantage de besoins de déplacement.

Pour ces raisons, je propose de mentionner explicitement dans le texte l’objectif de rapprocher gares ferroviaires et gares routières.

Monsieur le ministre, voilà cinq ou six ans, j’ai organisé une vingtaine d’auditions au ministère sur le sujet des gares. Le dossier n’a pas beaucoup avancé depuis. C’est le problème du tuyau de poêle et des compétences séparées… Il est temps de prendre les choses en main pour proposer de meilleurs services de transport à nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Très bien !

Mme la présidente. L'amendement n° 1538, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

privées,

insérer les mots :

notamment par leur intégration dans les schémas régionaux de l’intermodalité,

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement vise à rétablir la disposition prévoyant l’intégration des gares routières dans les schémas régionaux de l’intermodalité. Il s’agit de redonner de la cohérence, comme le souhaite Mme Keller.

Les schémas régionaux de l’intermodalité ont été créés par la loi MAPTAM et tendent à coordonner l’ensemble des politiques de transport de la région, quand bien même elles sont gérées par différentes instances. Il nous a semblé que ce levier était le plus efficace pour instaurer de la cohérence entre les villes, les métropoles et les régions.

Ce dispositif n’est pas prescriptif pour les maires, même si les décisions d’aménagement de ces derniers ne pourront pas le contredire frontalement. Par ailleurs, il ne produit pas d’effet sur les gares privées.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’amendement n° 430 vise à rétablir la rédaction de l’Assemblée nationale. Or la commission spéciale est revenue à une rédaction proche du texte initial du Gouvernement. En effet, nous avons estimé que la multiplicité des amendements adoptés par l’Assemblée nationale portait atteinte à la clarté et à la cohérence du dispositif. C’est la raison pour laquelle la commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.

En ce qui concerne l’amendement n° 1041, il ne paraît pas choquant que certaines gares routières puissent être gérées par des personnes privées, puisqu’il s’agit de services librement organisés et non conventionnés. L’avis de la commission spéciale est donc défavorable.

En revanche, la commission spéciale émet un avis favorable sur l’amendement n° 860 rectifié bis, dans une perspective de promotion de l’intermodalité.

Mme Annie David. On rend tout de même la loi un peu bavarde !

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Enfin, monsieur le ministre, je vous prie de m’excuser, mais je ne comprends pas comment on « intègre » des objets physiques, à savoir les gares routières, dans des schémas régionaux, qui sont immatériels… (Sourires.)

Au-delà de cette maladresse rédactionnelle, je rappelle qu’il est déjà prévu que les schémas régionaux de l’intermodalité définissent « les principes guidant l’articulation entre les différents modes de déplacement, notamment en ce qui concerne la mise en place de pôles d’échange ».

Par conséquent, la commission spéciale émet un avis défavorable sur l’amendement n° 1538.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Sur l’amendement n° 430, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat. Je n’en approuve pas en totalité le dispositif, en particulier ce qui est prévu en matière d’intégration des gares routières dans les schémas régionaux de l’intermodalité. Ce point vous rend d’ailleurs passible, monsieur Desessard, du reproche qui vient de m’être adressé… (Sourires.) Votre amendement est en outre un peu prescriptif, mais, dans l’ensemble, j’y retrouve beaucoup de dispositions auxquelles je suis favorable.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 1041, qui tend à supprimer la possibilité de prendre en compte, au travers de l’ordonnance, les gares routières privées. Cela irait à l’encontre de l’objectif visé par le biais de l’article.

Enfin, concernant l’amendement n° 860 rectifié bis, celui du Gouvernement me semble mieux répondre aux préoccupations exprimées par Mme Keller.

Peut-être faudrait-il tenter une médiation entre les services légistiques de l’Assemblée nationale et ceux du Sénat, leurs avis sur la robustesse juridique du dispositif gouvernemental semblant diverger… En tout état de cause, celui-ci avait passé les fourches caudines des services de l’Assemblée nationale. Quoi qu’il en soit, intégrer les gares routières, considérées en tant qu’entités juridiques et non en tant qu’objets physiques, dans les schémas régionaux de l’intermodalité est la plus sûre manière d’atteindre les objectifs que vous visez, madame Keller.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 430.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote sur l'amendement n° 1041.

M. Patrick Abate. Je note une contradiction : on ne peut pas, d’un côté, afficher l’ambition de développer le transport par autocar, au profit notamment des personnes de condition modeste, et, de l’autre, se satisfaire de l’absence de conventionnement. Dans un souci de cohérence, il convient de prévoir que les gares routières doivent relever de la responsabilité publique.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1041.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote sur l'amendement n° 860 rectifié bis.

M. René-Paul Savary. Je soutiens cet amendement, qui vise à répondre aux difficultés que l’on rencontre sur le terrain.

Monsieur le ministre, je ne suis pas sûr que votre texte permettra de régler tous les problèmes, mais il va véritablement dans le bon sens.

À Reims, une station de tramway a été construite à 200 mètres de la gare TGV de Bezannes. Cependant, dans un souci esthétique, celle-ci a été édifiée en hauteur : 200 mètres, ce n’est pas une distance infranchissable, mais, quand le terrain est en pente, cela change complètement la donne…

En matière de développement du transport par autocar, il ne faut surtout pas faire entrer les cars dans les villes ! Les voyageurs doivent être déposés à l’entrée de celles-ci, d’où l’importance d’assurer l’interconnexion avec le tramway.

Par ailleurs, le projet de loi NOTRe prévoit de confier la compétence en matière de transports à la région. Or, dans certains cas, le schéma régional de l’intermodalité sera élaboré très loin de la réalité du terrain. Ainsi, c’est à Strasbourg que seront prises les décisions concernant les transports de personnes dans la Marne…

En outre, si j’ai bien compris le dispositif de la loi NOTRe, que nous allons encore essayer de corriger, les transports scolaires seront gérés par la région. Là aussi, il n’est pas forcément nécessaire que les cars scolaires en provenance des territoires ruraux entrent dans les villes.

La situation est complexe. Je ne suis pas sûr que le dispositif du projet de loi l’améliore, mais, grâce à l’amendement de Mme Keller, nous entrons dans le vif du sujet. Cela devrait aider le Gouvernement à rédiger l’ordonnance, en vue d’une déclinaison territoriale.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. J’avoue ne pas très bien comprendre pour quel motif on oppose l’amendement de Mme Keller à celui du Gouvernement.

Je suis favorable à l’amendement n° 860 rectifié bis, car il faut travailler sur l’intermodalité et favoriser, dans les pôles urbains, le rapprochement entre les différents moyens de transport locaux, nationaux et internationaux.

Cela étant, dans toutes les régions, des gares TGV sont situées en dehors des pôles urbains, auxquels ils sont souvent reliés par des trains régionaux.

Les transports routiers par car dont il est question ici s’effectuent sur des distances longues ou moyennes, et non sur de courtes distances. Il n’est pas exclu que les transporteurs par car proposent d’organiser le dépôt des voyageurs à proximité de ces gares TGV situées à l’extérieur des pôles urbains. Ils rejoindront ensuite ceux-ci par TER.

Tout cela me semble cohérent, c’est pourquoi je ne comprends pas que l’on oppose ces deux amendements. Pour ma part, je voterai l’un et l’autre.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 860 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1538.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)

(M. Jean-Pierre Caffet remplace Mme Isabelle Debré au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet

vice-président

Article 4
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article additionnel après l’article 4 bis

Article 4 bis

(Supprimé)

M. le président. L'amendement n° 431, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Les tarifs des abonnements des péages autoroutiers peuvent être différenciés afin de favoriser les véhicules les plus sobres et les moins polluants, ainsi que ceux identifiés comme étant utilisés de manière régulière en covoiturage ou par au moins trois personnes. Cette différenciation est mise en œuvre sans justifier de modifications du rythme précis d’inflation des tarifs et sans augmentation de la durée des concessions autoroutières. Les modalités de cette transformation et les conditions d’éligibilité à celle-ci sont précisées par décret en Conseil d’État.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Il s’agit, par cet amendement, de rétablir un article qui avait été inséré dans le texte par l’Assemblée nationale, mais qui a été supprimé par la commission spéciale.

Cet amendement tend à poser le principe d’une tarification différenciée des abonnements autoroutiers de manière à favoriser les véhicules sobres et ceux qui sont utilisés pour le covoiturage.

Madame la corapporteur, vous avez préconisé la suppression de l’article 4 bis au motif que cette question a déjà été abordée dans le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte. Certes, l’article 9 bis de ce dernier texte, qui a été inséré par le Sénat sur proposition de notre collègue Ronan Dantec, prévoit qu’une tarification réduite peut être appliquée aux véhicules sobres, mais elle ne pourra l’être que lors du renouvellement du contrat.

L’amendement n° 431 porte spécifiquement sur les abonnements. Il vise à étendre la tarification différenciée aux véhicules utilisés pour le covoiturage, sans qu’il soit fait référence au renouvellement du contrat.

Cet amendement est donc à la fois différent et complémentaire du dispositif qui a été adopté au Sénat dans le projet de loi relatif à la transition énergétique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, car elle souhaite qu’il y ait une certaine cohérence entre les textes et que l’on ne multiplie pas les dispositifs répondant au même objectif dans des textes différents.

En l’occurrence, cher collègue, la proposition que vous faites figurant déjà dans le projet de loi relatif à la transition énergétique, nous avons décidé de supprimer l’article 4 bis.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Sagesse.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Bosino. Au risque de ne pas faire plaisir à M. Desessard, nous ne pouvons pas soutenir cet amendement.

Certes, la volonté de favoriser le covoiturage et les voitures propres est louable. Nous avons longuement débattu de cette question lors de l’examen de la loi relative à la transition énergétique. Toutefois, la tarification différenciée sur les autoroutes pour les véhicules nous semble être une véritable usine à gaz.

Par ailleurs, nous considérons qu’elle introduit une injustice, car les voitures propres sont évidemment les plus récentes. Or une partie de la population de notre pays – les salariés, les personnes privées d’emploi, qui sont dans des situations sociales difficiles – ne peut malheureusement pas changer de véhicule au profit d’un véhicule propre. Ces personnes seraient donc pénalisées par le dispositif proposé.

En réalité, ce dont nos concitoyens ont besoin – et ce n’est pas nouveau –, c’est d’une véritable baisse des tarifs des autoroutes, lesquels sont évidemment beaucoup trop élevés. Nous reviendrons certainement sur cette question.

Le groupe CRC a mené un certain nombre d’actions afin de réduire ces tarifs, qui constituent une véritable ponction sur le pouvoir d’achat des salariés.

Ce dont nos concitoyens ont également besoin, c’est d’un retour dans le giron public des sociétés d’autoroutes. Ce retour serait préférable au prolongement des concessions, quelles qu’en soient les conditions.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous ne voterons pas cet amendement.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Je ne soutiendrai pas non plus cet amendement, car il n’est pas en cohérence avec les pratiques.

Ainsi, le télépéage ne permet pas de compter les passagers des véhicules. En revanche, il est un moyen de lutter contre la pollution de la planète, car les véhicules munis du badge n’ont pas à s’arrêter puis à redémarrer. Si vous obligez les véhicules à s’arrêter pour en compter les passagers avant de leur faire régler la note en fonction de leur nombre, vous allez provoquer de l’attente, réduire la fluidité du trafic et générer une pollution supplémentaire.

Pour ma part, il me paraîtrait plus intéressant de faire en sorte que les sociétés autoroutières construisent plus de parkings aux abords des péages et à certaines entrées « stratégiques », afin d’encourager le covoiturage. Les parkings qui existent sont en effet de plus en plus encombrés. Une telle mesure constituerait une avancée et permettrait de lutter effectivement contre la pollution.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 431.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 4 bis demeure supprimé.

Article 4 bis (supprimé)
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Article 5 (début)

Article additionnel après l’article 4 bis

M. le président. L'amendement n° 1353, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 4 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement avant le 1er octobre 2015 un rapport examinant les conditions de mise en œuvre d’une nationalisation des sociétés d’autoroutes.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Il s’agit de demander au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement sur les conditions de mise en œuvre d’une nationalisation des sociétés d’autoroutes.

Si elles sont encore la propriété de l’État, les autoroutes françaises sont aujourd’hui largement exploitées par des sociétés concessionnaires dont le capital est privé.

Le désengagement de l’État, acté lors de la cession des participations publiques en 2005 par MM. Thierry Breton et Dominique Perben, a été particulièrement décrié, et ce pour plusieurs raisons.

Il s’agit d’abord d’une perte considérable de recettes pour la collectivité, ces recettes allant désormais abonder le portefeuille d’actionnaires privés. En effet, la cession des sociétés d’autoroutes à un prix jugé bien en deçà de leur valeur réelle prive l’Agence de financement des infrastructures de transports de France, l’AFITF, de 1 milliard à 2 milliards d’euros par an, sans compensation d’un montant équivalent pour l’Agence.

La privatisation des sociétés d’autoroutes représente également une perte très nette de la maîtrise publique sur l’aménagement du territoire, sur le maillage territorial et sur le développement du droit à la mobilité.

Nous formulons, à travers cet amendement, une demande de bon sens. À l’heure actuelle, nous ne disposons en effet d’aucun document chiffré et détaillé sur les moyens de faire revenir dans le giron public ce qui est, en fin de compte, notre patrimoine national.

Le groupe de travail constitué par Manuel Valls il y a quelques mois ne pouvait pas produire un résultat satisfaisant. Comme l’a dénoncé ma collègue Evelyne Didier, « le but était d’amener les parlementaires à approuver des décisions déjà préparées par le Gouvernement ».

De notre point de vue, la privatisation des autoroutes a été une erreur. Cela a d’ailleurs été démontré il y a déjà plusieurs années. À cet égard, je vous invite à relire la conclusion sans appel du rapport d’une mission d’information sénatoriale intitulé « Infrastructures de transport : remettre la France sur la bonne voie » et publié 6 février 2008.

L’heure n’est plus à l’hésitation et à la spéculation en la matière. Il faut à présent agir, mais pas dans le sens de plus de privatisation et de plus de dérégulation. Il faut étudier et créer les conditions d’une renationalisation des autoroutes.

Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement, car il tend à demander un rapport.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. J’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Permettez-moi de saisir l’occasion qui m’est offerte pour répondre à la question posée ce matin par Mme Didier, ainsi qu’à vos propos, madame Cohen, et pour apporter au Sénat quelques précisions sur l’accord qui a été conclu cet après-midi avec les sociétés concessionnaires d’autoroutes.

Plusieurs rapports sur la cession des sociétés d’autoroutes ont été faits par la Haute Assemblée et par l’Assemblée nationale avant qu’un groupe de travail bipartisan soit constitué par le Premier ministre sur ce sujet. Les différents scénarios possibles – renationalisation, renégociation, etc. – ont été étudiés.

Ces travaux ont été éclairés à la fois par l’Autorité de la concurrence et par la Cour des comptes, lesquelles ont pointé les excédents de rentabilité ou le fait que la rentabilité financière de certains projets était supérieure à celle qui avait été initialement envisagée.

Nous avons eu l’occasion, mesdames, messieurs les sénateurs, de discuter de ces questions lors d’un débat spécifique récemment organisé ici. Je vous avais alors fait part de la position du Gouvernement.

Quand on considère le coût de l’indemnisation des sociétés concessionnaires d’autoroutes et le coût potentiel d’une renationalisation, on parvient à un montant qui, selon les analyses, est compris entre 40 milliards et 45 milliards d’euros.

En tout état de cause, il y a l’indemnisation due en cas de rupture de contrat passé : en effet, qu’on le veuille ou non, l’État s’est engagé vis-à-vis des concessionnaires des sociétés d’autoroutes, au moment des privatisations, sur certaines conditions. On ne peut pas revenir sur la parole de l’État ; sinon la notion même de concession serait vouée à disparaître !

C’est ce qui nous a conduits à écarter la renationalisation, mais également la résiliation, car il est clair que, si l’on veut bien regarder les choses de manière pragmatique, la résiliation conduit à la renationalisation.

Aujourd’hui, tous les acteurs du secteur figurent parmi les concessionnaires. Dès lors, si nous choisissions la résiliation en espérant conclure demain des contrats plus favorables à la collectivité publique, qui se présenterait ? À coup sûr, pas les sociétés dont on aurait résilié les contrats de manière unilatérale ! Nous devrions alors discuter avec des sociétés plus « exotiques » – chinoises, canadiennes… –, lesquelles négocieraient des règles de profitabilité qui nous reconduiraient dans les mêmes eaux.

Il faut donc le dire : la résiliation, c’est la renationalisation. Or, je l’ai indiqué, celle-ci aurait un coût important, impliquant donc une dépense qui, compte tenu de l’état actuel de nos finances publiques, ne nous est pas apparue souhaitable.

Il fallait donc procéder à la fois à une meilleure régulation des contrats de concession et à une renégociation des contrats en cours. C’est ce double travail qui a été conduit durant les dernières semaines, à la lumière des travaux parlementaires que j’ai mentionnés et que je tiens à saluer.

Le texte qui vous est aujourd'hui soumis, et qui peut être enrichi, prévoit précisément une meilleure régulation. Il définit ainsi les compétences d’une autorité indépendante, l’ARAFER, chargée d’étudier les conditions tarifaires de passation des marchés publics. Cette autorité aura en tout cas une approche globale de l’équilibre économique des contrats de concession.

Il faut bien le reconnaître, nous avons collectivement échoué, au cours des dix dernières années, à bien réguler ces contrats de concession, car nous avons appliqué, parfois de manière mécanique, des formules de prix. Surtout, nous n’avons pas pu considérer l’intégralité de l’équilibre économique de ces contrats.

Lorsque le « paquet vert » autoroutier, qui était d’ailleurs une bonne idée, a été lancé, nous avons été dans l’incapacité de mesurer la réalité des travaux réalisés. Or les sociétés concessionnaires ont, la plupart du temps, fait des travaux qu’elles auraient de toute façon effectués indépendamment de ce plan de relance. Elles ont ainsi construit les télépéages ; elles n’avaient pas besoin de nous pour le faire !

Nous n’avons donc contrôlé ni les équilibres économiques de ces travaux, ni les règles de passation de marchés, ni l’ouverture de ceux-ci à de plus petites sociétés ou à des sociétés non captives.

L’autorité de régulation que nous sommes en train de créer permettra de pallier les insuffisances passées en termes de régulation et de garantir, de manière dynamique, un équilibre plus sûr de ces contrats.

La renégociation a permis, pour les contrats en cours, de définir une clause de partage des profits. Si les profits des sociétés d’autoroutes venaient à augmenter beaucoup plus rapidement que ce qui a été envisagé lors de la privatisation – la référence est bien la date de la privatisation –, soit de plus de 30 %, la durée de concession serait raccourcie, ce qui n’était pas prévu jusqu’alors. En effet, pour les contrats en fin de vie, on observe des surprofits par rapport à ce qui avait initialement été envisagé, de l’ordre de 20 % à 40 %.

La clause de partage des profits permettra une régulation.

Par ailleurs, compte tenu de la situation, et grâce à la pression collective qui a été exercée, une contribution volontaire des sociétés concessionnaires d’autoroutes au financement des infrastructures publiques sera instaurée. Les sociétés concessionnaires devront verser, pendant la durée des contrats de concession, l’équivalent de 1 milliard d’euros à l’AFITF, en plus du versement immédiat de 200 millions d’euros au fonds d’infrastructures géré par la Caisse des dépôts et consignations, ces deux entités ayant vocation à financer nos infrastructures de transport..

Dans le même temps, le Gouvernement s’est engagé sur la stabilité du cadre fiscal spécifique des sociétés autoroutières. Il ne créera pas de redevances ou d’impositions spécifiques durant cette période. Ces sociétés ne connaîtront que les baisses ou les hausses d’impôts de toutes les sociétés.

S’agissant des tarifs, la demande de gel pour 2015 a été actée, et les mesures sur les tarifs ciblés ont fait l’objet d’un engagement de la part des sociétés concessionnaires, qui ont proposé des mesures commerciales ou des mesures d’encouragement ciblées sur certains types de trafic : véhicules hybrides, covoiturage ou – oserai-je le dire ? – autocars.

Cet accord a également permis, dans le cadre précis de ce qui avait été négocié avec la Commission européenne, d’acter le plan de relance autoroutier, qui représente 3,2 milliards d’euros d’investissements. Ces investissements seront donc consentis par les sociétés concessionnaires en échange d’un allongement moyen de deux années des concessions. Ce plan, qui fait l’objet de l’accord entre le Gouvernement et ces sociétés, permettra, dans les tout prochains mois, de commencer des travaux dont 80 % seront réalisés au cours des trois prochaines années.

C'est là un élément important de la relance de l’investissement public. Dans le contexte économique que nous connaissons, prendre cette décision s'imposait, notamment au regard de la crise qui sévit aujourd'hui dans le secteur des travaux publics. (Mme Nicole Bricq acquiesce.)

Concernant ce plan de relance, j’indique enfin que l’accord prévoit explicitement que 75 % de l’activité sera ouverte aux PME et aux TPE non captives des sociétés concessionnaires d’autoroutes. C'est la première fois que, dans un tel plan, figure ce type de condition, qui constitue une règle à la fois de transparence, d’ouverture et de bon fonctionnement économique.

Voilà les éléments que je voulais porter à la connaissance de la Haute Assemblée après les questions qui ont été posées ce matin – et je sais, madame Évelyne Didier, le rôle que vous avez joué dans le groupe de travail sur les sociétés concessionnaires d'autoroutes – ainsi qu’au regard de l'amendement tendant à la production d’un rapport sur la nationalisation des sociétés d’autoroute, sur lequel j’émets naturellement un avis défavorable.