M. Éric Bocquet. Le département américain de la défense s’est intéressé à cet oiseau, qui vit sur la côte ouest des États-Unis, et a consacré des crédits importants pour mener une étude. L’idée serait de réussir à adapter les capacités du bruant à gorge blanche aux êtres humains – aux soldats d’abord, aux travailleurs ensuite.

Pour mieux saisir le rapport avec le texte dont nous débattons, je vais vous donner lecture d’un extrait d’un petit ouvrage consacré à ce sujet fort intéressant :

« Dans les cas où il ne sera pas possible d’utiliser des drones armés de missiles, on aura besoin d’escadrons de la mort, de commandos sans peur et sans sommeil pour des missions à durée indéterminée. C’est dans cette perspective que l’on a cherché à étudier les bruants à gorge blanche, en les coupant des rythmes saisonniers qui sont les leurs dans l’environnement de la côte pacifique : à terme, il s’agit d’imposer au corps humain un mode de fonctionnement machinique, aussi bien en termes de durée que d’efficacité. Comme l’histoire l’a montré, des innovations nées dans la guerre tendent nécessairement ensuite à être transposées à une sphère sociale plus large : le soldat sans sommeil apparaît ainsi comme le précurseur du travailleur ou du consommateur sans sommeil. Les produits "sans sommeil", promus agressivement par les firmes pharmaceutiques, commenceraient par être présentés comme une simple option de mode de vie, avant de devenir, in fine, pour beaucoup, une nécessité.

« Des marchés actifs vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, des infrastructures globales permettant de travailler et de consommer en continu – cela ne date pas d’hier ; mais c’est à présent le sujet humain lui-même qu’il s’agit de faire coïncider de façon beaucoup plus intensive avec de tels impératifs. »

Il s’agit d’un texte à visée de long terme, d’une étape vers la société 24-7, c'est-à-dire « vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept ». Monsieur le ministre, est-ce bien la logique dans laquelle le Gouvernement s’est engagé ?

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.

Mme Éliane Assassi. Cet article, qui vise à créer des zones touristiques internationales, ou ZTI, introduit dans le code du travail de nouvelles dérogations au repos dominical et au travail de nuit. Il s’agit toutefois de dérogations permanentes : le travail le dimanche sera la règle, et non plus l’exception ; le travail jusqu’à minuit sera possible tous les jours dans les commerces situés dans ces futures zones.

Ces dernières seront définies par les ministres du travail, du tourisme et du commerce, après avis du maire, du président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune est membre, ainsi que des organisations professionnelles d’employeurs et des organisations syndicales des salariés intéressés.

Quels sont les critères retenus ? Il s’agit du rayonnement international de ces zones, de l’affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France et de l’importance de leurs achats. Ces critères, ajoutés par l’Assemblée nationale, restent flous. À quelle aune mesurera-t-on ce rayonnement ? Quand une affluence de touristes, de surcroît résidant hors de France, sera-t-elle jugée exceptionnelle ? Comment sera quantifiée l’importance des dépenses ?

Paris est évidemment visé : nous savons tous que cet article permettra de contourner le refus du Conseil de Paris, réaffirmé encore récemment, d’étendre les actuelles zones touristiques.

Ces futures ZTI pourraient ainsi couvrir non seulement l’avenue des Champs-Élysées, la rue du Faubourg-Saint-Honoré, la place de l’Opéra, la place Vendôme, la rue des Franc-Bourgeois, l’avenue Montaigne et le quartier Saint-Germain, mais aussi les grands magasins du boulevard Haussmann. Ces derniers seront les grands gagnants d’une disposition taillée sur mesure, eux qui réclament depuis longtemps cette possibilité, mais qui se heurtent, en interne, à l’opposition des syndicats des personnels. Voilà donc levé un deuxième obstacle !

J’ajouterai que cette vision ne correspond pas à la réalité du tourisme international à Paris, où les étrangers extra-communautaires ne restent pas qu’une seule journée : du fait de la fermeture des musées le mardi, les tour-opérateurs consacrent souvent cette journée aux activités de shopping.

On nous dit que le nombre de ces zones sera limité, mais les destinations touristiques du bord de mer – nombreuses en France – sont également évoquées. On peut donc craindre un phénomène de « contagion » et de mise en concurrence des communes.

Le projet de loi prévoit que ces zones seront déterminées après avis des acteurs concernés, notamment des communes et des organisations syndicales. Reste qu’il s’agit seulement d’un avis, c’est-à-dire que celui-ci n’a aucun caractère contraignant.

Vous le voyez, mes chers collègues, les arguments en faveur de la création de ces ZTI, que l’on pourrait requalifier en « zones de travail intensif », ne sont pas convaincants. Les conséquences en sont bien trop lourdes, non seulement en termes de déséquilibre entre vie au travail et vie familiale et sociale, mais aussi pour la santé des salariés concernés.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.

Mme Annie David. Au travers de cet article, je souhaiterais aborder la situation de nos étudiantes et étudiants. La dernière étude de l’Observatoire de la vie étudiante portant sur les conditions de vie de ces derniers montre que plus de la moitié d’entre eux doivent concilier salariat et études. Ce chiffre s’élève à 73 % en comptant les « jobs d’été ».

En effet, le budget moyen d’un étudiant provient à 42 % de revenus professionnels, à 34 % de transferts familiaux et à 24 % des allocations et des bourses. Selon cette même étude, si l’on excluait des ressources étudiantes les revenus du travail, le nombre d’étudiants vivant sous le seuil de pauvreté passerait de 1,5 % à 50 %.

Le salariat comme contrepartie aux études : voilà une réalité peu avouable. Certains n’ont pourtant pas hésité à dire que cette loi allait favoriser les étudiants. Or, nous le savons bien, le salariat fait souvent échouer nos jeunes dans leurs études, notamment en premier cycle. Les étudiants exerçant une activité salariée ont ainsi deux fois plus de risques d’échouer à leurs examens.

Comment en serait-il autrement lorsque l’on demande aux étudiantes et aux étudiants de dégager du temps pour distribuer des flyers pour une compagnie de téléphone ou s’improviser faiseurs de sandwichs pour de grandes chaînes de restauration rapide ?

Horaires contraignants, calendrier surchargé, stress au travail et dans les amphithéâtres… Le quotidien d’un étudiant salarié n’est pas un long fleuve tranquille, sans compter les absences répétées en cours pour cause de prise de service ou les négociations avec son employeur pour avoir le droit de quitter le travail plus tôt afin de plancher sur ses examens.

Certaines voix s’élèveront pour dédramatiser la situation : « Le temps passé à gagner sa vie, c’est simplement du temps de loisirs en moins, ça ne peut pas faire de mal ! » disent les uns, « en dessous de quinze heures par semaine, c’est supportable !», soutiennent les autres. J’ai également entendu certains, ici même, dire qu’ils en avaient fait autant étant jeunes et qu’ils s’en étaient bien sortis !

Pourtant, vous le savez, le temps qui n’est pas passé en cours, c’est du temps passé à travailler chez soi ou à la bibliothèque pour approfondir les cours ; le temps qui n’est pas passé à approfondir les cours, c’est du temps passé à les réviser ; le temps qui n’est pas passé à réviser, c’est du temps de repos ou de loisir nécessaire pour pouvoir recommencer le lendemain.

Il faut tordre le cou à cette idée saugrenue selon laquelle les étudiants auraient du temps à revendre, puisqu’ils ne sont en cours que vingt-cinq à trente heures par semaine. C’est la faiblesse du taux d’encadrement à l’université française, l’un des plus bas de tous les pays de l’OCDE, qui a poussé les équipes pédagogiques à faire du travail personnel une composante essentielle de la formation.

Pour en être convaincu, il suffit de tourner son regard du côté des filières qui n’ont pas été totalement délaissées par la collectivité. Les classes préparatoires, les BTS et les IUT sont autant de formations chronophages, inconciliables avec toute activité salariée. Or ce sont autant de cursus dont les portes se ferment d’office pour les étudiants obligés de concilier salariat et études, sans parler des concours et autres filières sélectives.

Les exigences n’y sont en général pas plus fortes. Le taux d’encadrement, en revanche, y est plus important et permet un meilleur suivi des étudiants. Il ne faut donc pas confondre le temps libre laissé aux étudiants avec le manque drastique de personnel enseignant et d’encadrement à l’université.

Alors que les étudiants salariés sont les premières victimes des contrats précaires, ils seront la main-d’œuvre prédestinée des patrons du dimanche. Il est grand temps que le Gouvernement tienne ses engagements en faveur de la jeunesse, en accordant un statut social aux étudiants de notre pays et en garantissant leur réussite grâce à l’instauration d’une allocation d’autonomie pour tous les jeunes, afin d’éviter la reproduction des inégalités sociales.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.

Mme Laurence Cohen. L’article 72 du projet de loi porte sur la création de zones touristiques internationales comportant une dérogation au repos dominical.

Je me demande pour ma part quelles sont les véritables raisons qui vous poussent à vouloir mettre en place ces zones touristiques. Je l’ai dit voilà quelques instants, il ne s’agit certainement pas d’une mesure tournée vers les salaires, qui n’ont toujours pas augmenté, ni vers les ménages, qui ont perdu 3,3 % de leur pouvoir d’achat entre 2010 et 2013.

Le débat n’a pas porté sur toutes celles et tous ceux qui créent la richesse de notre pays, c’est-à-dire les salariés, mais sur les touristes, singulièrement sur les touristes chinois, dont j’ai appris, par la presse, qu’ils préféraient aller effectuer leurs achats à Londres, le dimanche, plutôt que de venir en France.

Ce qui est certain, c’est que cet argument est pour le moins fallacieux. Les touristes chinois ne peuvent tout simplement pas se rendre à Londres sur un simple coup de tête. Londres et le Royaume-Uni ne faisant pas partie de l’espace Schengen, il leur faudrait en effet un visa. (M. Roger Karoutchi rit.)

Notre pays n’a pas besoin du travail du dimanche pour être la première destination touristique mondiale. Et si tous les touristes chinois se rendent en France, c’est aussi parce que les dimanches y sont agréables et qu’on peut y trouver une certaine tranquillité.

Vous nous dites, monsieur le ministre, que ce projet de loi est destiné à encadrer les choses, et donc à protéger les salariés. Toutefois, nous constatons que ce texte, et notamment son article 72, vise à encadrer les dérogations, et donc à généraliser le travail du dimanche. Il s’agit donc d’une loi tendant à encadrer la généralisation du travail du dimanche.

En réalité, chacun le sait, cette mesure est destinée aux grandes enseignes, en particulier dans les domaines de l’hôtellerie et du luxe. Ainsi le Gouvernement se plie-t-il aux desiderata de ces multinationales.

La création de zones touristiques internationales n’a donc qu’un seul but : servir les intérêts particuliers de grands groupes, qui dictent leur volonté à court terme aux gouvernants de ce pays. Tout cela se fera au détriment non seulement de l’intérêt général, des familles, de celles et de ceux qui veulent passer du temps avec leurs proches le dimanche, mais aussi du pouvoir d’achat des ménages, des conditions de travail des salariés et des salaires.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous souhaitons, au nom de l’intérêt général du pays, supprimer cet article.

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, sur l'article.

M. Olivier Cadic. Je tiens à apporter deux précisions concernant le contour des futures ZTI, les zones touristiques internationales, créées à Paris par le présent article.

L’article 72 ne prévoit pas d’intégrer aux ZTI l’ensemble des grands magasins parisiens. Dans ces conditions, il convient d’être clair sur un point : la Samaritaine devra en faire partie, soit grâce à la création d’une ZTI ad hoc pour cette enseigne, soit par une intégration aux ZTI déjà prévues pour le BHV et les Halles. Il serait par exemple possible de créer une ZTI étendue « rue de Rivoli ».

De même, il est nécessaire que la future ZTI créée pour la rue du Faubourg-Saint-Honoré se poursuive jusqu’à l’église Saint-Roch, et ce afin d’assurer un juste traitement des différentes enseignes qui y sont établies.

Tout cela sera bien sûr précisé par décret. Toutefois, il convient que les travaux parlementaires mentionnent ces points.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, sur l'article.

M. Roger Karoutchi. Sincèrement, si même dans les zones touristiques internationales il est compliqué d’ouvrir les commerces le dimanche, mieux vaut fermer le pays !

J’ai entendu Mme Cohen nous dire que les touristes chinois ne peuvent de toute façon pas, une fois en France, se rendre sur un coup de tête au Royaume-Uni, car ce pays n’appartient pas à l’espace Schengen et qu’il faut donc un visa. Ne croyez-vous pas que cela suffit comme cela ? Sans compter qu’une motion vient d’être envoyée au gouvernement français affirmant que, pour des raisons de sécurité, la Chine et le Japon envisagent de ne plus recommander à leurs ressortissants de venir à Paris…

Mme Nicole Bricq. C’est arrangé !

M. Roger Karoutchi. Pour le moment, rien n’est arrangé ! Les organisations touristiques asiatiques, à chaque fois que nous les rencontrons, nous font part de leurs grandes inquiétudes quant à la venue de leurs ressortissants à Paris.

Faites un tour dans les zones touristiques les plus fréquentées, par exemple dans les grands magasins, et vous verrez que le tourisme asiatique y représentera bientôt près de 50 % des achats !

Alors que nous sommes en concurrence avec Londres, où tout est ouvert le dimanche, comment peut-on continuer de dire que la fermeture des magasins parisiens ce jour-là ne pose pas un vrai problème ? Il fut un temps – c’était le cas quand j’étais étudiant – où tout était fermé le dimanche à Londres ! Aujourd'hui, tout y est ouvert, et c’est la même chose à Barcelone et à Moscou ! Toutes les capitales internationales ouvrent le dimanche, et Paris voudrait s’obstiner à ne pas ouvrir ses commerces, y compris dans les zones touristiques !

Alors que nous sommes candidats pour l’Exposition universelle de 2025 et les jeux Olympiques de 2024, nous continuons à envoyer les touristes chez nos voisins ! Savez-vous ce qui se passera, ma chère collègue ? Les touristes chinois, bien qu’il soit plus compliqué pour eux de se rendre au Royaume-Uni, qui n’appartient pas à l’espace Schengen, ne viendront plus à Paris ! Ils iront directement à Londres, à Barcelone… et ils passeront à la limite une journée à visiter les monuments à Paris, sans faire de shopping.

Et quand les grandes marques françaises, que nous défendons tant, ne vendront plus ou vendront moins parce que les touristes en provenance d’Asie et du reste du monde seront ailleurs, quand leurs ventes enregistreront des baisses de 20 % ou de 30 %, c’est l’emploi qui sera menacé.

Certes, je veux bien croire qu’il faille trouver des garanties et des assurances. Par pitié, ne condamnons pas Paris à une activité économique réduite, à une activité de musée. Essayons ensemble de faire en sorte qu’elle devienne une métropole-monde. Chacun n’a d’ailleurs que ces derniers termes à la bouche ! Dès que j’évoque la métropole du Grand Paris, on me chicane sur des stupidités, et on me dit que c’est la « ville-monde ». Et elle n’ouvrirait pas le dimanche dans les zones touristiques ?

Si l’on veut une ville-monde, si l’on veut une dynamique et une croissance économiques dans cette région capitale pour entraîner le pays, ouvrons les commerces le dimanche, par pitié ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.

L'amendement n° 66 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 160 rectifié est présenté par Mmes Lienemann et Jourda.

L'amendement n° 475 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.

L'amendement n° 781 est présenté par MM. Rachline et Ravier.

L'amendement n° 945 est présenté par M. Collombat.

Ces cinq amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l’amendement n° 66.

M. Dominique Watrin. L’article 72 vise à créer, à côté des zones touristiques et des zones commerciales, une nouvelle catégorie, à savoir les zones touristiques internationales, où les commerces de vente au détail seront ouverts sept jours sur sept et jusqu’à minuit tous les jours.

La délimitation de ces zones n’est prévue à aucun moment, aucune étude d’impact n’étant par ailleurs requise.

C’est pourquoi il nous semble indispensable de définir précisément ce qui relève des ZTI, et surtout de préciser les contreparties pour les salariés.

La création des zones touristiques internationales est censée répondre à l’affluence exceptionnelle de touristes, notamment ceux qui résident hors de France, et à l’importance de leurs achats. À cet égard, je rappelle tout de même que, si des touristes chinois ou japonais viennent en France, leur unique objectif n’est pas d’y faire des achats ! (Mme Catherine Procaccia et M. Roger Karoutchi s’exclament.) Il y a quand même les monuments et les animations culturelles ! L’attractivité de Paris va donc bien au-delà de la question très limitative du commerce et n’est pas liée à l’achat de quelques souvenirs sur les Champs-Élysées. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Roger Karoutchi. Il ne s’agit pas des souvenirs !

M. Dominique Watrin. Je ne partage donc pas du tout ce qui a été dit. Vous êtes d’ailleurs sorti du sujet qui nous occupe, monsieur Karoutchi. Nous évoquons ici les zones touristiques internationales, caractérisées par le prestige et la renommée de certaines enseignes, lesquelles bénéficient – vous ne l’avez pas dit – d’une profitabilité importante.

M. Dominique Watrin. Ainsi l’avenue des Champs-Élysées est-elle devenue, en 2013, la troisième artère la plus chère du monde…

M. Dominique Watrin. … – la misère n’est quand même pas un risque encouru dans ce genre de secteur à affluence touristique exceptionnelle… –, avec un prix de location annuel au mètre carré s’élevant à plus de 13 200 euros, qui a d’ailleurs bondi de presque 40 % en une année.

Dès lors que l’ouverture des commerces dans ces zones hyper profitables serait autorisée par la loi cinquante-deux dimanches par an et également pendant la période dite « de soirée », il serait nécessaire que la loi garantisse aux salariés un plancher de droits et de contreparties à la hauteur des bénéfices escomptés par les entreprises.

Telles sont les raisons pour lesquelles il convient à notre avis de supprimer cet article.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 160 rectifié.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je plaide aussi en faveur de la suppression de cet article, et ce pour deux raisons.

Premièrement, il existe déjà des zones touristiques. Dès lors, pourquoi créer des zones touristiques internationales ? Il s’agit tout d’abord de contourner l’avis des collectivités locales et, en l’occurrence, celui du Conseil de Paris. Je considère que, dans un pays décentralisé, les élus d’un territoire sont plus à même que les services de Bercy d’évaluer ce qui est bon pour le rayonnement touristique de ce territoire !

Ainsi notre collègue Olivier Cadic a-t-il déposé un amendement visant à faire bénéficier la Samaritaine, en plus des Galeries Lafayette, d’un tel dispositif. Ensuite, on se demandera pourquoi un centre commercial situé en périphérie ne pourrait pas également y être éligible. Par exemple, pourquoi Aubervilliers serait-il exclu, alors que la ville est contiguë à Paris ? De fil en aiguille, aucun schéma ne définira un équilibre territorial en matière de zones touristiques, lesquelles peuvent avoir besoin d’un soutien particulier ou de dérogations spécifiques.

Deuxièmement, les dispositions dont il est question visent à élargir le travail dit « de soirée » : on ne parlera plus de travail de nuit, alors que les salariés pourront travailler jusqu’à minuit.

Selon moi, ces conditions seront extrêmement préjudiciables aux salariés concernés et n’amélioreront pas les chiffres d’affaires des entreprises ni l’attractivité de la ville.

Dans les grands magasins, aux Galeries Lafayette ou à la Samaritaine, les employés sont massivement des femmes, qui habitent le plus souvent en banlieue. Leur retour chez elle, à minuit, par le RER, dans des conditions qui ne seront pas forcément vécues comme très sécurisantes, risque de ne pas être très plaisant. Et quelle sera leur vie de famille ? Je le rappelle, dans ces milieux, de nombreuses femmes élèvent seules leurs enfants.

Dernier point, M. Roger Karoutchi a raison : nous devons réfléchir à l’attractivité de nos territoires. Mais évoquons les vrais sujets. Oui, la question de la sécurité est un vrai sujet, tout comme celle de l’accueil dans les aéroports, tel Roissy.

M. Roger Karoutchi. Ça, c’est sûr !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Si, déjà, on s’attaquait à ces vrais sujets-là, pour rendre plus attractif encore notre pays, qui reste fort heureusement – et pourvu que cela dure –, l’un des premiers lieux touristiques mondiaux ! L’ouverture des magasins le dimanche n’est pas déterminante à cet égard, et j’en veux pour preuve les études réalisées à la demande de la ville de Paris. Les tour-opérateurs contactés ont ainsi indiqué que la durée des séjours des touristes étrangers était au minimum de quatre jours à Paris. La plupart du temps, les touristes restent même cinq ou six jours. (Marques de dénégation sur les travées de l'UMP.)

Des visites de musées, de lieux particuliers et de grands magasins sont toujours programmées. Les visites de musées peuvent être prévues le dimanche, et les achats peuvent être réalisés le jour de fermeture des musées !

Mme Catherine Procaccia. Pourquoi ne ferme-t-on pas les musées le dimanche ?

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 475.

M. Jean Desessard. Nous pourrons discuter un jour des bienfaits du tourisme, mais aussi de ses méfaits, qui existent également.

Au demeurant, je ne consacrerai pas mon temps de parole à cette question et me contenterai de rappeler les loyers élevés, obligeant les gens à se loger loin de leur lieu de travail, ainsi que les effets sur la consommation. Finalement, les habitants de ces territoires ne s’y retrouvent pas toujours. Un équilibre doit donc être trouvé en matière de tourisme.

Mme Marie-Noëlle Lienemann a raison, le concept de zones touristiques existe déjà. Je pense notamment aux communes d’intérêt touristique ou thermales, ainsi qu’aux zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente. Avec cet article 72, il s’agit de réaliser quelque chose de nouveau, de plus général et de plus facile à mettre en place.

L’article 72 du projet de loi prévoit la création de zones touristiques internationales permettant de déroger à la règle du repos dominical. Il est prévu que ces zones soient mises en place par arrêté des ministres compétents, à savoir les ministres chargés du travail, du commerce et du tourisme, après simple avis du maire, de l’intercommunalité et des syndicats intéressés, selon des conditions renvoyées à un décret futur.

Concrètement, ces zones seront celles que les touristes étrangers visitent en grand nombre – Aubervilliers en fait peut-être partie ! – et qui disposent d’une offre commerciale importante. L’argument justifiant la création de ces zones est le suivant : si les magasins n’ouvrent pas, les touristes chinois, japonais et américains, qui viennent dans notre pays pour faire du shopping, iront faire leurs achats ailleurs. (M. Roger Karoutchi proteste.) Évidemment, ils ne viennent chez nous que pour cela !

Concernant le périmètre de ces zones, il est aujourd’hui prévu qu’elles soient déployées sur certains quartiers de Paris – boulevard Haussmann, avenue des Champs-Élysées, rue du Faubourg Saint-Honoré... –, de Deauville, de Cannes et de Nice. Mais qu’en est-il des commerces implantés juste en dehors de ces zones ? Les touristes ne sont pas tous enfermés dans des circuits, ils se promènent dans les rues adjacentes, et les commerçants pourront invoquer le fait qu’ils se situent dans une zone frontalière et subissent une concurrence déloyale, comme l’ont dit MM. Bouvard et Cadic. Ils demanderont alors l’extension de ces zones.

Et quand tout Paris sera couvert, les communes voisines, comme Pantin ou Aubervilliers, demanderont à bénéficier de ce régime, puisqu’elles reçoivent aussi des touristes. (Protestations sur les travées de l’UMP.) Mais si, nous savons très bien que c’est la logique qui finira par s’imposer !

En résumé, nous risquons de voir, à terme, la majeure partie du territoire parisien et des grandes villes touristiques passer sous le régime des zones touristiques internationales.

M. Robert del Picchia. Voilà, la solution est trouvée !

M. Jean Desessard. Avec cet article 72, il nous est proposé de transformer nos villes et nos lieux de tourisme en gigantesques centres commerciaux à ciel ouvert.

M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas encore fait !

M. Jean Desessard. Tel n’est pas le souhait des écologistes, et c’est pourquoi ces derniers proposent de supprimer cet article.

M. le président. L’amendement n° 781 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l’amendement n° 945.

M. Pierre-Yves Collombat. Pour faire simple, un problème d’attractivité se pose effectivement pour la ville-capitale, voire la ville-monde. Pourtant, si l’on en croit une étude assez récente de la chambre de commerce et d’industrie, il semblerait que le problème soit plutôt dû à la fuite des centres de décision…

M. Pierre-Yves Collombat. … qu’à l’attractivité touristique, puisque nous pouvons nous enorgueillir du fait que notre capitale soit l’une des destinations touristiques les plus prisées au monde.

Si ces touristes souhaitent vraiment faire du shopping, je pense qu’ils feraient mieux d’aller au Qatar ou dans les pays du Golfe : ils pourront y acheter tout ce qu’ils voudront à des prix absolument imbattables ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)

Mes chers collègues, à trop vouloir prouver, on ne prouve rien ! À la limite, vous craignez que les touristes ne viennent plus qu’une journée à Paris pour ne voir que les monuments. Au contraire, si les commerces sont fermés le dimanche, les touristes peuvent visiter les musées ce jour-là et faire leur shopping le samedi ! C’est ce que je fais quand je voyage : je commence par regarder quand les monuments, les musées et les commerces sont ouverts, et je m’organise ensuite.

Pour justifier l’adoption de cette mesure, on nous dit que la durée moyenne d’un séjour est de quatre jours. En tout cas, même avec un séjour de deux jours, les touristes pourront faire leurs achats en dehors du dimanche !

Enfin, ce n’est pas parce qu’il y aura plus de zones touristiques que les gens auront plus d’argent à dépenser.

M. Roger Karoutchi. Il s’agit d’attirer les touristes ! On ne parle pas des Français !

M. Pierre-Yves Collombat. Tout à fait ! Je le répète : ce n’est pas parce qu’il y aura plus de zones touristiques que les touristes auront plus d’argent à dépenser !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces quatre amendements identiques. En effet, elle soutient la création des zones touristiques internationales qui contribuent à l’attractivité internationale de la France, et de Paris en particulier, puisque cette ville est la plus concernée.

S’il existe déjà des zones touristiques ou des zones commerciales soumises à la décision du maire, il nous semble important que, dans certaines zones, la décision de création puisse être prise au niveau national. Nous aurons d’autres débats sur ce sujet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?