M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Madame Prunaud, l'amendement n° 1275 est-il maintenu ?

Mme Christine Prunaud. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1275.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1271, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le Gouvernement remet au Parlement dans les six mois une évaluation des dispositifs de contrôle de l’application du droit du travail.

La parole est à M. Patrick Abate.

M. Patrick Abate. L’inspection du travail est soumise à de nombreuses évolutions et fortement affectée par vos projets, si l’on en juge par le transfert de certaines prérogatives aux autorités administratives et aux juges. La DIRECCTE aurait aussi un certain nombre de pouvoirs, en particulier en matière de sanction.

Qu’on le veuille ou non, le Gouvernement a remis en cause le code du travail. Désormais, on peut craindre également une remise en cause du pouvoir d’en contrôler l’application.

En tout état de cause, notre préoccupation nous semble assez légitime. C’est pourquoi, dans ce contexte et compte tenu du fait que vous procédez par voie d’ordonnance, il nous apparaît important que les parlementaires soient informés.

Un rapport comme celui que nous demandons au travers de cet amendement permettrait d’avoir une vision claire des dispositifs en place en matière de contrôle de l’application du droit du travail, mais aussi des besoins qui restent à couvrir. En la matière, il nous semble que les besoins sont principalement humains et matériels. Je souhaite à cet égard rappeler que permettre aux contrôleurs de devenir inspecteurs du travail n’augmente pas le nombre de personnes capables d’agir sur le terrain pour faire valoir les droits des salariés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission spéciale ayant décidé de s’opposer à toutes les demandes de rapport, quel que soit leur intérêt, elle sollicite le retrait de cet amendement et appellera le Sénat à le rejeter s’il est maintenu.

Il s’agit, mes chers collègues, d’une position de principe : nous refuserons tous les rapports, sur quelques travées qu’on les réclame. Loin de moi l’idée de brider les débats, mais à bon entendeur salut…

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Abate, l'amendement n° 1271 est-il maintenu ?

M. Patrick Abate. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1271.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels après l’article 85
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article additionnel après l'article 85 bis (début)

Article 85 bis

Le code du travail est ainsi modifié :

1° L’article L. 2316-1 est ainsi modifié :

a) Les mots : « ou à l’exercice régulier de leurs fonctions » sont supprimés ;

a bis (nouveau)) Les mots : « d’un emprisonnement d’un an et » sont supprimés ;

b) À la fin, le montant : « 3 750 euros » est remplacé par le montant : « 15 000 € » ;

c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait de porter ou de tenter de porter atteinte à l’exercice régulier de leurs fonctions est puni d’une amende de 7 500 €. » ;

2° Les articles L. 2328-1, L. 2346-1, L. 2355-1, L. 2365-1 et L. 2375-1 sont ainsi modifiés :

a) Les mots : « , soit à leur fonctionnement régulier » sont supprimés ;

a bis (nouveau)) Les mots : « d’un emprisonnement d’un an et » sont supprimés ;

b) À la fin, le montant : « 3 750 euros » est remplacé par le montant : « 15 000 € » ;

c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait d’apporter une entrave à leur fonctionnement régulier est puni d’une amende de 7 500 €. » ;

3° À l’article L. 2328-2, les mots : « d’un emprisonnement d’un an et » sont supprimés et, à la fin, le montant : « 3 750 euros » est remplacé par le montant : « 7 500 € » ;

4° L’article L. 2335-1 est ainsi modifié :

a) La première occurrence du mot : « soit » est supprimée ;

b) Les mots : « , soit au fonctionnement régulier de ce comité, » sont supprimés ;

b bis (nouveau)) Les mots : « d’un emprisonnement d’un an et » sont supprimés ;

c) À la fin, le montant : « 3 750 euros » est remplacé par le montant : « 15 000 € » ;

d) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait d’apporter une entrave au fonctionnement régulier de ce comité est puni d’une amende de 7 500 €. » ;

5° L’article L. 4742-1 est ainsi modifié :

a) Les mots : « , soit au fonctionnement régulier » sont supprimés ;

a bis (nouveau)) Les mots : « d’un emprisonnement d’un an et » sont supprimés ;

b) À la fin, le montant : « 3 750 euros » est remplacé par le montant : « 15 000 € » ;

c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait de porter atteinte au fonctionnement régulier du comité est puni d’une amende de 7 500 €. »

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.

Mme Éliane Assassi. Cet article, que le Gouvernement a introduit à l’Assemblée nationale par voie d’amendement et que la commission spéciale du Sénat a modifié, supprime la peine d’emprisonnement encourue par toute personne qui porte ou tente de porter atteinte à l’exercice par les instances représentatives du personnel de leurs prérogatives. Ainsi, en s’acquittant d’amendes allant de 7 500 euros à 15 000 euros, selon le type d’entrave, les employeurs pourront désormais en toute liberté empêcher les représentants du personnel d’exercer leurs prérogatives.

Le Syndicat national des pilotes de ligne, l’une des nombreuses organisations syndicales qui redoutent cette mesure, estime que, serait-elle adoptée, « les tentations de réforme sans consultation des institutions représentatives du personnel seraient fortes, pour ne pas dire privilégiées, au détriment du dialogue social entre partenaires sociaux. »

Sans doute le délit d’entrave est-il peu utilisé, mais il possède une valeur dissuasive non négligeable, qui constitue un garde-fou réel contre les abus de certains dirigeants. D’ailleurs, en mai 2010, deux dirigeants de l’usine Molex ont été condamnés sur ce fondement par le tribunal correctionnel de Toulouse ; six mois de prison avec sursis ont été prononcés à leur encontre, pour défaut d’information des représentants du personnel avant l’annonce de la fermeture de l’usine.

Une telle condamnation, coûteuse en termes d’image, est en quelque sorte une épée de Damoclès, qui pèse sur les dirigeants de manière beaucoup plus sensible qu’une simple amende financière. Du reste, c’est précisément parce que les peines encourues sont suffisamment dissuasives que le délit d’entrave est peu sanctionné. Nul doute que celui-ci deviendra beaucoup plus fréquent si les employeurs n’encourent plus qu’une amende. Nous savons bien que certaines entreprises préfèrent parfois payer plutôt que de se conformer à leurs obligations légales : l’exemple de l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés est éloquent en la matière.

De plus, la disposition proposée s’inscrit dans le cadre de la réforme du dialogue social entreprise par le Gouvernement, qui a transmis un avant-projet de loi aux partenaires sociaux le 3 avril dernier.

Comment envisager cette réforme dans de bonnes conditions quand on commence par affaiblir les représentants des salariés dans le rapport de force qui les oppose aux représentants des employeurs par la dépénalisation du délit d’entrave ? Cette mesure revient, selon nous, à prendre d’ores et déjà le parti des seconds au détriment des premiers et à prendre de court les partenaires sociaux ; c’est, d’une certaine manière, mépriser le dialogue social avant de le réformer !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l'article.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ma conviction que cet article doit être supprimé a été confirmée par une personnalité qui fait autorité dans le domaine du droit du travail : Pierre Joxe, ancien membre du Conseil constitutionnel, qui a récemment beaucoup travaillé sur ces questions. En effet, M. Joxe s’est publiquement alarmé de la mise en cause du délit d’entrave, qui certes est peu utilisé, mais qui joue le rôle d’une épée de Damoclès, ainsi que Mme Assassi l’a expliqué.

Je vous rappelle que la gauche s’est toujours opposée au discours de M. Sarkozy sur la dépénalisation des peines encourues par les patrons, accusées de faire peur aux patrons étrangers ; nous considérions qu’elle fragiliserait notre modèle social et serait source de grandes injustices pour tous les patrons qui respectent la loi et le code du travail.

Mes chers collègues, il n’y a aucune raison que les peines encourues n’aient pas la même gravité, « selon que vous serez puissant ou misérable » !

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 78 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 954 rectifié est présenté par MM. Collombat et Bertrand et Mme Malherbe.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 78.

Mme Éliane Assassi. Je ne répéterai pas les arguments que j’ai présentés il y a quelques instants ni ceux que vient d’exposer Mme Marie-Noëlle Lienemann et auxquels je souscris tout à fait.

Je me contenterai de poser une question : est-il si choquant qu’un patron qui fait entrave aux lois d’ordre public social en matière d’instauration et de fonctionnement des institutions représentatives du personnel soit punissable d’une peine de prison ?

Mes chers collègues, je vous rappelle que le caractère fondamental de ces institutions est consacré sur le plan constitutionnel. Ainsi, l’alinéa 8 du préambule de la Constitution de 1946, auquel la Constitution de 1958 se réfère, énonce que « tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail, ainsi qu’à la gestion des entreprises ».

Si les juges, en pratique, n’ont jamais prononcé de peine de prison ferme pour délit d’entrave, il est utile que la menace demeure inscrite dans le code du travail. J’ai parlé des deux cadres d’un groupe américain qui dirigeaient l’usine Molex et qui, en mai 2010, ont été condamnés à six mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Toulouse.

L’idée que le délit d’entrave serait un frein pour les investisseurs étrangers est, selon nous, un argument fallacieux, qui cache mal la volonté d’en finir avec le droit pour les travailleurs de s’organiser et de se défendre !

M. le président. L’amendement n° 954 rectifié n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 78 ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’article 85 bis, introduit dans de projet de loi par l’Assemblée nationale sur l’initiative du Gouvernement et modifié par la commission spéciale, modifie la définition du délit d’entrave relatif aux institutions représentatives du personnel. Dans sa rédaction actuelle, il prévoit que toute personne qui porte ou tente de porter atteinte à l’exercice régulier de ses fonctions par l’une de ces institutions s’exposera à une amende doublée, mais n’encourra plus une peine d’emprisonnement d’un an.

Je vous signale que, lors du deuxième conseil stratégique de l’attractivité, organisé le 19 octobre 2014, le Président de la République a déclaré que « les peines pénales associées au délit d’entrave, qui parfois même pouvaient être des peines de prison, qui n’étaient bien sûr jamais prononcées, mais qui néanmoins pouvaient inquiéter, seront remplacées par des sanctions financières, afin de donner davantage confiance aux investisseurs étrangers ». Ce n’est pas moi qui le dis, mais le chef de l’État !

La commission spéciale a souhaité aller plus loin que l’Assemblée nationale : nous avons maintenu la qualification de délit, mais supprimé la peine d’emprisonnement d’un an dont était passible le délit d’entrave à la constitution d’une institution représentative du personnel ; en contrepartie, nous avons porté de 7 500 euros à 15 000 euros l’amende correspondant à ce délit, qui est de 3 750 euros en vertu du droit actuel.

La commission spéciale maintient sa position et invite le Sénat à rejeter l’amendement n° 78.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 78.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1614, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 4, 10, 18 et 24

Supprimer ces alinéas.

II. – Alinéas 5, 11, 19 et 25

Remplacer le montant :

15 000

par le montant :

7 500

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 484, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 4 et 10

Supprimer ces alinéas.

II. - Alinéa 14

Supprimer les mots :

les mots : « d’un emprisonnement d’un an et » sont supprimés et, à la fin,

III. - Alinéas 18 et 24

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. L’article 85 bis, introduit dans le projet de loi à l’Assemblée nationale, dépénalise le délit d’entrave au fonctionnement des institutions représentatives du personnel.

En transformant un délit en simple contravention, on adresse un très mauvais signal: ne pas respecter les convocations, mal informer les salariés, empêcher le bon fonctionnement des comités d’entreprise, tout cela, au fond, ne serait pas si grave, puisque l’on ne risque qu’une amende, fût-elle doublée par le présent texte. Aussi bien, empêcher la constitution d’un comité d’hygiène et de sécurité ou d’un comité d’entreprise ou s’opposer à la désignation d’un délégué syndical deviendrait possible au prix de 7 500 euros à 15 000 euros.

Mes chers collègues, soyons clairs : même si l’amende avait été portée à 100 000 euros, nous n’aurions pas voté cet article. Nous croyons en la dissuasion de la sanction pénale, que notre amendement tend à rétablir.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Monsieur Labbé, nous n’avons pas modifié la qualification de délit avec inscription au casier judiciaire. Nous avons simplement répondu de façon très claire au souhait du Président de la République en supprimant les peines d’emprisonnement.

Je le répète, la commission spéciale maintient sa position. Elle est donc défavorable aux deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 484 ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1614.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 484.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 628, présenté par MM. Vaugrenard et Guillaume, Mmes Bricq, Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéas 5, 11, 19 et 25

Après le montant :

15 000 €

insérer les mots :

et d’une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci pendant une durée de cinq ans

La parole est à M. Yannick Vaugrenard.

M. Yannick Vaugrenard. Il est extrêmement rare qu’une peine d’emprisonnement soit prononcée pour délit d’entrave ; à vrai dire, cela ne se produit pratiquement jamais.

De fait, cette peine paraît inadaptée et disproportionnée par rapport à l’acte commis, même s’il est grave. De plus, quand bien même l’employeur qui s’oppose à la constitution d’une institution représentative du personnel agirait de manière incontestablement intentionnelle, son emprisonnement risquerait d’avoir des effets négatifs parfois plus graves encore sur le fonctionnement de l’entreprise : outre que cette dernière pâtirait de l’absence durable de son dirigeant, son image ne manquerait pas de souffrir de l’inévitable bruit médiatique. De là l’inapplication de la peine d’emprisonnement.

Il n’en reste pas moins inacceptable que les institutions représentatives du personnel ne puissent pas être mises en place partout, non seulement parce que la loi serait bafouée, mais surtout parce que les salariés en subiraient les conséquences ; ainsi, l’absence de comité d’hygiène et de sécurité entraîne une appréciation défaillante des conditions de travail et des risques que courent les salariés, donc l’entreprise tout entière.

Or je pense qu’une sanction pécuniaire modeste risque d’être sans effet sur certains employeurs particulièrement hostiles au dialogue social. Par ailleurs, la réforme du dialogue social qui sera bientôt présentée opérera une simplification qui devrait retirer nombre d’arguments à ceux qui invoquent le nombre de réunions et la perte de temps ; refuser les institutions représentatives relèvera alors de la pure hostilité de principe.

Il nous faut trouver une sanction adaptée et suffisamment dissuasive pour éviter qu’un employeur ne fasse entrave à la constitution des institutions représentatives du personnel, sans pour autant nuire au fonctionnement de l’entreprise.

Je propose que, en plus de devoir s’acquitter d’une amende de 15 000 euros, ainsi que l’a prévu la commission spéciale, l’employeur s’expose à l’interdiction de diriger, de gérer, d’administrer ou de contrôler directement ou indirectement une entreprise pendant cinq ans. Un employeur frappé par cette interdiction serait remplacé à la tête de l’entreprise qu’il dirigeait, qui conserverait donc sa viabilité. Cette peine d’interdiction me paraît comporter une portée dissuasive que l’amende seule ne possède pas suffisamment.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission spéciale a débattu de la proposition défendue par M. Vaugrenard et par nos autres collègues du groupe socialiste de mettre en place des peines complémentaires de la peine d’amende, compte tenu de la suppression de la peine d’emprisonnement.

Le présent amendement tend à réprimer le délit d’entrave à la constitution d’une institution représentative du personnel non seulement d’une amende de 15 000 euros, mais également de l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler une entreprise pendant cinq ans. Sa rédaction soulève plusieurs problèmes : elle ne prévoit pas explicitement que cette nouvelle peine est complémentaire de l’amende et son objet est très large, puisque l’amendement vise non seulement les récidives, pour lesquelles la commission spéciale considère qu’un renforcement des sanctions pourrait éventuellement être envisagé, mais également les premières condamnations.

Pour toutes ces raisons, la commission spéciale a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Il me paraît nécessaire de rappeler quelques distinctions sur ce sujet.

M. Vaugrenard propose que les employeurs reconnus coupables de délit d’entrave soient condamnés, non seulement à une amende, mais aussi à une peine complémentaire importante.

Tout d'abord – vous noterez que c’était l’objet de l’amendement précédent –, le Gouvernement souhaite rétablir le texte initial de l’article, qui prévoit de supprimer la peine d’emprisonnement d’un an uniquement pour l’entrave au fonctionnement des institutions représentatives du personnel et d’étendre le doublement de l’amende à 7 500 euros – il ne s’agit donc pas de reprendre la totalité du spectre des sanctions.

L’objectif du Gouvernement est de revenir sur une sanction quasiment inappliquée, afin de donner davantage confiance aux investisseurs étrangers. Cette mesure n’est pas une lubie ! Elle a été évaluée et elle résulte d’un travail, qui a été mené en particulier au sein du Conseil stratégique de l’attractivité et qui a débouché sur l’annonce du Président de la République.

Pour autant, il ne me semble pas souhaitable, dans l’intérêt même des salariés de l’entreprise, que soit prononcée une peine complémentaire d’interdiction d’exercice de cinq ans pour l’employeur, car cela risquerait de conduire à la liquidation de l’entreprise.

La réforme du délit d’entrave aux institutions représentatives du personnel obéit à une logique qui prend en compte la dimension intentionnelle du délit. En effet, le Gouvernement a souhaité, et cela correspond à l’objectif même de la réforme, conserver la distinction entre ce qui est intentionnel et ce qui ne l’est pas. Ainsi, la peine relative au délit d’entrave n’est maintenue que si l’acte est intentionnel et la peine d’emprisonnement n’a été supprimée que dans les cas d’actes non intentionnels. La commission spéciale, à l’inverse, n’a pas maintenu cette distinction.

Par conséquent, rétablir l’interdiction, même limitée à cinq ans d’exercice, dans le cas d’un acte non intentionnel, poserait un problème et fragiliserait l’entreprise.

À l’inverse, la peine d’emprisonnement d’un an pour l’entrave à la constitution d’une IRP, qui suppose un comportement intentionnel, est maintenue dans le projet de loi initial du Gouvernement que nous souhaitons justement rétablir. La peine d’emprisonnement n’est donc supprimée que lorsque l’entrave au fonctionnement résulte d’un oubli ou d’un simple défaut d’appréciation.

Je considère que cette distinction est extrêmement importante, et elle vient tempérer les éléments critiques, qui ont été énoncés, en particulier par Mme Lienemann. Ses arguments seraient compréhensibles si nous avions supprimé tout ce qui concerne le délit d’entrave. Néanmoins, ce n’est pas l’intention du Gouvernement et ce n’est pas ce que nous avons retenu.

En revanche, la suppression totale d’emprisonnement d’un an, assortie du quadruplement du montant de l’amende, qui passerait ainsi de 3 750 euros à 15 000 euros, pour les cas d’entrave à la constitution des IRP, me paraît contraire à la logique du texte proposé. Là encore, nous devrons apporter quelques éléments de correction.

Je souhaitais rappeler ces éléments de distinction, qui sont importants pour le Gouvernement. À la lumière de mes explications, et compte tenu du fait que je m’engage, y compris dans les discussions que nous aurons sans doute avec la commission spéciale ou à l’Assemblée nationale, à essayer de réintroduire cette distinction, je sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

En effet, cet amendement vise à restaurer une peine d’emprisonnement qui ne peut être maintenue que dans le cas d’un acte intentionnel ; dans le cas contraire, il est préférable de s’en tenir à une simple amende.

M. le président. Monsieur Vaugrenard, l'amendement n° 628 est-il maintenu ?

M. Yannick Vaugrenard. Je reste circonspect. En effet, les raisons qui poussent aujourd'hui les juges à ne pas prononcer cette peine subsisteront demain.

Je suis persuadé que les juges sont plus disposés à prononcer une peine d’interdiction d’exercice qu’une peine d’emprisonnement pour un dirigeant d’entreprise. Par ailleurs, je ne vois pas de quelle manière il est possible de savoir si un tel acte est intentionnel ou non ; cela me paraît extrêmement difficile et complexe. Il me semble, au contraire, plus efficace d’afficher de manière claire et transparente les risques encourus.

Par conséquent, je maintiens mon amendement, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 628.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 85 bis.

(L'article 85 bis est adopté.)

Article 85 bis
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article additionnel après l'article 85 bis (interruption de la discussion)

Article additionnel après l'article 85 bis

M. le président. L'amendement n° 1276, présenté par M. Vergès, Mme Assassi, M. Bosino et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 85 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le troisième alinéa de l’article L. 2222-1 du code de travail est supprimé.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement ayant été déposé par de notre collègue Paul Vergès, je tenais absolument à le défendre. Il vise à réparer, autant que faire se peut, l’une des injustices dont l’outre-mer est victime. En l’occurrence, il s'agit des droits des salariés ultramarins, et cette injustice existe depuis 1994.

À la Réunion, par exemple, on constate une détérioration du climat social. De manière unanime, depuis plus d’un an, les syndicats réunionnais dénoncent ces grandes entreprises qui ont réalisé d’importants bénéfices en se gardant bien de réinvestir une partie de ces profits dans l’économie de l’île. C’est le cas, par exemple, dans le secteur automobile.

Depuis 2013, les organisations syndicales ont noté l’accélération des licenciements de travailleurs. Ces licenciements s’opèrent par groupes de neuf salariés par mois. Pourquoi par groupes de neuf ? Tout simplement parce que les entreprises ne sont pas tenues alors de respecter des procédures de licenciement et, surtout, n’ont pas l’obligation de présenter un plan de sauvegarde de l’emploi.

En outre, il convient d’ajouter les conséquences de la loi du 25 juillet 1994, dite « loi Perben ». Je ferai un bref rappel historique : en 1994, les SMIC des outre-mer étaient inférieurs au SMIC métropolitain. Un premier rapprochement s’opère en 1994. En 1995, c’est la deuxième phase. L’alignement complet du SMIC des départements d’outre-mer sur le niveau métropolitain ne sera effectif qu’au 1er janvier 1996, c’est-à-dire cinquante ans après la loi de 1946, dite « de départementalisation ». Rappelons aussi que les compléments coloniaux, quant à eux, ont été appliqués dès 1947. La décision relevait, là aussi, de l’État.

Cependant, revenons à l’article 16 de la loi Perben, aux termes duquel : « Les conventions et accords collectifs de travail, dont le champ d’application est national, précisent si celui-ci comprend les travailleurs d’outre-mer ».

Depuis cette date, les outre-mer sont donc exclus du champ d’application, sauf spécification. L’article 16 de la loi Perben a été codifié dans le code du travail, à l’article L. 2222-1, notamment à l’alinéa 3. En effet, celui-ci indique que « les conventions ou accords, dont le champ d’application est national, précisent si celui-ci comprend les départements d’outre-mer, Saint-Barthélemy, Saint-Martin ou Saint-Pierre-et-Miquelon ».

L’absence d’application de ces conventions collectives nationales dans les outre-mer a des conséquences sur les conditions d’emploi, sur l’accès à la formation professionnelle, sur les garanties sociales, notamment en ce qui concerne les salaires minimums des branches professionnelles.

En clair, les outre-mer sont discriminés. Le maintien de l’alinéa 3 de l’article L. 2222-1 du code du travail est donc une réelle atteinte à l’égalité de traitement des travailleurs ultramarins par rapport à leurs homologues de France métropolitaine. C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, nous vous demandons de le supprimer.