M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Comme je viens de l’indiquer dans ma réponse à M. Labbé, la gestion forestière durable constitue le socle de notre politique. Je l’ai rappelé, pour l’instant, force est de constater que seuls le bois et la chasse assurent la quasi-totalité du financement de la forêt.

Alors que la préservation et la valorisation de ce patrimoine forestier dictent notre action, la forêt métropolitaine est aujourd'hui, majoritairement, une belle endormie.

Dans ces conditions, une exploitation forestière plus intense ne représenterait en rien une menace pour les écosystèmes forestiers. On ne prélève en moyenne que 40 % à 50 % de l’accroissement annuel de la forêt, et, pour ce qui concerne la forêt privée, ce pourcentage se situe entre 20 % et 30 %. Autant dire que le capital forestier continue de croître. Dans bien des cas, ce n’est pas souhaitable, ni pour la séquestration du carbone dans des peuplements arrivés à maturité ni pour le renouvellement ou l’adaptation des forêts au dérèglement climatique, sans parler des risques d’instabilité des peuplements en cas de tempête, comme ce fut le cas en 1999 et dix ans plus tard.

La gestion forestière doit être dynamique et respectueuse de la biodiversité. Selon le Gouvernement, il n’y a aucune incompatibilité entre ces enjeux. Je vous rejoins toutefois à propos du constat de certaines dérives, qui conduisent à faire de nos forêts des refuges fiscaux, sans qu’aucun service économique, social ou environnemental soit rendu à la nation. Des contrôles seront prochainement lancés pour vérifier l’effectivité de la gestion forestière, engagement pris par les propriétaires forestiers, en contrepartie des réductions fiscales accordées, qui concernent les droits de mutation et l’ISF.

Des bulles spéculatives sur la valeur des forêts sont actuellement constatées, en lien avec certains avantages fiscaux de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat. Certes, la forêt est un bien privé, pour 75 % de sa surface. Toutefois, je vous rejoins totalement sur ce point, monsieur le sénateur, elle représente également, et même surtout, un patrimoine commun, qui ne peut être considéré sous le seul angle du régime fiscal.

Concernant les autres questions que vous avez posées, je vous propose de nous rencontrer ultérieurement, eu égard à la technicité des réponses à apporter qui ne me permettrait pas de respecter le temps de parole qui m’est imparti. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, pour la réplique.

M. Michel Le Scouarnec. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de votre réponse, qui me satisfait partiellement, notamment pour ce qui concerne la gestion durable, le capital à valoriser et les importants efforts qu’il reste à faire, toutes choses parfaitement exactes. Toutefois, certains éléments mériteraient d’être accentués, comme le renforcement du droit de préférence des riverains, afin de favoriser le regroupement forestier. Chaque propriété ou parcelle devrait faire l’objet d’un droit de préférence, quelle que soit sa superficie.

De même, il serait opportun d’élargir encore le droit de préemption des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, ou SAFER, aux parcelles boisées, voire de l’octroyer aux communes forestières. Cela pourrait constituer un premier élément de réponse pour lutter contre la spéculation, face à laquelle les acteurs locaux sont totalement désemparés. Cela implique que les communes et les SAFER soient informées à chaque vente.

Enfin, il est nécessaire de mettre en place un véritable service public, qui englobe les propriétaires publics et privés, un contrôle indépendant de l’exploitation des forêts domaniales et un financement pérenne de la gestion forestière, ce afin de réguler l’exploitation, laquelle doit se faire en fonction du long terme et de l’équilibre de la forêt. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour le groupe de l’UDI-UC.

Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ma question porte sur l’avenir de l’ONF, du régime forestier et de la gestion durable des forêts publiques françaises.

Au mois d’août dernier, l’État a remis en cause de manière unilatérale le contrat d’objectifs et de performance, le COP, pour la période 2012-2016, qui avait été passé avec l’ONF et les communes forestières.

Il manque 50 millions d’euros pour redresser les comptes de l’ONF. Bercy a donc envisagé un financement supplémentaire des communes et proposé de porter la participation instituée en 2012 de 2 euros par hectare à 14 euros et d’augmenter les frais de garderie de 12 % à 18 %.

Mme Anne-Catherine Loisier. Face aux protestations des élus des communes forestières, le Gouvernement recule et renvoie à une renégociation.

Aujourd’hui, ces discussions sont dans l’impasse. Le Gouvernement semble ne pas avoir renoncé à faire payer davantage les communes et choisit même de placer un intérimaire à la tête de l’ONF pour gérer au mieux la négociation en cours.

Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre ; tel est le titre choisi par le président de la Fédération nationale des communes forestières pour son dernier éditorial, afin de témoigner de son dépit.

Car trop, c’est trop ! Dans un contexte de baisse des dotations, les communes forestières n’en peuvent plus. Elles ont déjà fait des efforts financiers considérables en 2012. Aujourd’hui, elles sont prêtes à redéfinir le cadre du régime forestier, à envisager de nouvelles méthodes de gestion plus économes. Mais c’est à l’ONF de maîtriser ses dépenses de fonctionnement : une économie – réaliste – de 2 % suffirait.

Pour cela, il est urgent de mettre en pratique les préconisations de la Cour des comptes : appliquer une véritable comptabilité analytique de toutes les dépenses, et pas uniquement de celles qui sont liées aux forêts communales ; revoir la gestion des ressources humaines – la suppression de 475 équivalents temps plein entre 2009 et 2011 n’a pas empêché la masse salariale d’exploser de 10 millions d’euros ; recentrer les investissements des filiales concurrentielles sur les seules opérations rentables, un critère de bon sens.

Si l’on cherche encore à imposer des charges supplémentaires et injustes aux communes forestières, elles ne signeront pas le contrat précité et elles chercheront à se désengager du régime forestier.

Mme Anne-Catherine Loisier. À la veille de la COP 21, il serait dommage d’en arriver à une telle extrémité. Face aux enjeux de mobilisation de ressources renouvelables, sur lesquels nous venons de nous prononcer dans le cadre du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, face aux enjeux de gestion multifonctionnelle de la forêt, nous pouvons faire de l’ONF un outil moderne de gestion, garant d’une stratégie forestière nationale, capable de mobiliser cette formidable ressource, la quatrième d’Europe.

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Anne-Catherine Loisier. Madame la secrétaire d’État, dans ce contexte, comment comptez-vous créer les conditions d’un nouveau contrat de gestion des forêts publiques intégrant les besoins des marchés, les attentes sociales de nos concitoyens, la nécessaire préservation de l’environnement, mais aussi et surtout les finances des collectivités territoriales ? (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, avant toute chose, je tiens à réaffirmer l’attachement du Gouvernement au régime forestier fondé sur la gestion des forêts des collectivités par l’ONF.

Si les forêts publiques ne représentent qu’un quart de la surface boisée métropolitaine, l’ONF commercialise 40 % du volume des bois. C’est en cela un acteur clef de la filière forêt-bois.

En 2013, le coût net de la gestion des forêts des collectivités s’est élevé à 175 millions d’euros. Les collectivités ont contribué à hauteur de 15 % au financement de ce coût au travers des « frais de garderie » – établis sur la base des recettes tirées de leur forêt – et d’une contribution forfaitaire à l’hectare de forêt gérée, d’un montant de 2 euros par hectare.

En 2014, l’État a augmenté de 20 millions d’euros le versement compensateur pour le porter à 140 millions d’euros. Dans le cadre du budget triennal 2015-2017, l’objectif de réduction des déficits publics avait conduit le Gouvernement à augmenter progressivement la contribution des communes forestières pour qu’elle atteigne 50 millions d’euros en 2017.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Insupportable !

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. La forte opposition des communes forestières a conduit à anticiper la révision du COP de l’établissement, qui devait prendre fin en 2016. Il faut noter que, dès sa première année d’application, en 2012, les hypothèses sous-jacentes à ce COP se sont révélées très ambitieuses, voire peu réalistes. L’État a d’ailleurs contribué à hauteur de 100 millions d’euros au-delà de ce qui était prévu.

En 2015, l’ONF intégrera la baisse de 20 millions d’euros prévue ; le niveau des ventes de bois de 2014 et des économies de gestion y pourvoiront. Je me permets à ce titre de rappeler les efforts réalisés ces dernières années par l’ONF qui ont fortement participé à la réduction des dépenses publiques.

Enfin, les travaux sont d’ores et déjà engagés entre les signataires du COP pour préciser les objectifs et les moyens qui seront assignés à l’établissement pour la période 2016-2020. Nous continuons bien sûr à travailler en concertation avec les communes forestières pour la mise en place d’un dispositif adapté et soutenable.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour la réplique.

Mme Anne-Catherine Loisier. J’ai bien entendu vos propos encourageants, madame la secrétaire d’État. J’espère vraiment que nous arriverons à trouver un mode d’organisation qui satisfera l’ensemble des parties. Les communes forestières comme l’État sont attachés au régime forestier.

Il faut seulement que le Gouvernement prenne conscience du fait que la forêt française est exceptionnelle. C’est la quatrième forêt d’Europe en surface et la troisième en volume de bois sur pied. Elle est exceptionnelle par sa diversité, par la gestion durable que les acteurs forestiers ont mise en œuvre depuis des années. C’est un formidable potentiel d’emplois que nous nous devons, compte tenu de la situation économique du pays, d’exploiter – le mot convient particulièrement – et d’optimiser.

M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy, pour le groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. Philippe Leroy. Je voudrais avant toutes choses remercier la Cour des comptes et la commission des finances qui ont établi deux rapports excellents, faisant un très bon diagnostic de la forêt française, sur la demande initiale du groupe d’études forêt et filière bois du Sénat.

Le rapport de la Cour des comptes qui nous est présenté aujourd’hui doit néanmoins être nuancé dans ses applications. En effet, il rappelle fort opportunément que la forêt française est essentiellement feuillue et très peu résineuse. Or les usages des sciages feuillus ont disparu en grande partie ; nous sommes donc déficitaires en matière de sciages résineux. Cela, c’est une constante, une réalité qui s’impose à nous pour les trois prochaines décennies. D’ailleurs, le marché aura peut-être changé dans trente ans !

On accuse à tort la filière forêt-bois française du déficit, certes considérable, de 6 milliards d’euros. En effet, ce déficit est lié pour une grande partie au fait que nous connaissons un excédent de sciages feuillus que nous ne savons pas utiliser, et un déficit de sciages résineux. Il faut donc se méfier de conclusions qui oublieraient cette évidence.

La Cour des comptes rappelle également fort opportunément une deuxième évidence : ce sont non pas des milliards, mais 900 millions d’euros à peine que l’on donne à la forêt ! Il est important de le souligner : la forêt française ne coûte pas cher.

Le Gouvernement a mis en œuvre le fonds stratégique de la forêt et du bois. Allez-vous, madame la secrétaire d’État, le doter de façon constante et sûre des 100 à 150 millions d’euros dont la forêt a besoin pour assurer son renouvellement et sa bonne mobilisation ?

Vous avez fait l’effort, sur le budget actuel, de mobiliser deux fois 30 millions d’euros, soit 60 millions d’euros en tout. Sans l’assurance de voir doter ce fonds des 100 à 150 millions d’euros nécessaires par an, ce qui n’est rien pour les 15 millions d’hectares de la forêt française, les politiques forestières ne pourront pas être mises en œuvre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Monsieur Leroy, vous avez relevé l’importance que représente le fait de disposer d’une forêt bien gérée. Nous devons mesurer pleinement la contribution de la forêt à l’ensemble des activités économiques sur les territoires, ainsi que son apport en matière environnementale et sociale, que nous devons développer.

Il est nécessaire de rappeler que le Gouvernement a pris pleinement conscience des enjeux concernant la forêt. Il a ainsi, je le répète, mis en place différents dispositifs : il s’est intéressé à la gouvernance, a renforcé le caractère interministériel de la question et a fourni des moyens financiers. Vous l’avez indiqué, monsieur le sénateur, une stratégie n’est valable que si elle est soutenue par des crédits budgétaires.

Cela a été rappelé, le « Fonds Bois II » est en cours de constitution. Une somme de 25 millions d’euros lui est déjà assurée, qui sera fournie par Bpifrance. Les consultations en cours avec les financeurs privés sont de bon augure, et Stéphane Le Foll devrait pouvoir vous annoncer, dans les prochains mois, la mobilisation de montants significatifs.

Je signale également la création du fonds stratégique de la forêt et du bois, dont l’enveloppe atteindra à terme 30 millions d’euros. Ce fonds pourra être pérennisé si une bonne dynamique s’engage. Il pourra être renforcé par l’extension du fonds chaleur à la mobilisation du bois énergie. Je l’ai indiqué tout à l’heure, pour la première fois, 30 millions d’euros seront dirigés de ce dernier fonds pour alimenter en amont tous les dispositifs nécessaires. Nous devons favoriser les moyens de chauffage par le bois, mais il faut être certain que l’alimentation soit bonne.

Avec le compte d’investissement forestier et d’assurance, et grâce à des incitations fiscales significatives, nous ferons également en sorte que l’investissement patrimonial puisse être fait de façon active. La coupe, l’entretien, en somme la production de bois, devront donc jouir d’un dispositif fiscal.

Je rappelle en outre que, grâce à des crédits du Fonds européen agricole pour le développement rural, ou FEADER, de nombreux programmes sont fléchés vers le bois.

Enfin, les déclinaisons régionales des programmes de développement rural hexagonal jouiront de la mobilisation de crédits par les régions, qui complèteront les dispositifs majeurs mis en place par l’État.

M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy, pour la réplique.

M. Philippe Leroy. Je reconnais la bonne volonté du Gouvernement, mais tout cela, madame la secrétaire d’État – pardonnez-moi d’exagérer un peu –, c’est du bricolage ! Alors qu’il nous faut l’assurance de disposer chaque année pendant les quinze prochaines années – pour ce qui concerne la forêt, il ne faut pas raisonner année après année – des 100 à 150 millions d’euros nécessaires à l’amélioration et à la mobilisation de la forêt, vous nous apportez, certes en toute bonne volonté, des solutions de bric et de broc : 10 millions d’euros par-ci, 30 millions d’euros par-là, dont on n’est jamais sûr de la pérennité.

Madame la secrétaire d’État, c’est bien de la pérennité que nous vous demandons, pour que les acteurs de la forêt reprennent confiance, et que nous puissions avancer. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, pour le groupe socialiste.

M. Yannick Botrel. Voilà maintenant un mois, Alain Houpert et moi-même rendions public, au nom de la commission des finances, un rapport d’information sur les soutiens publics à la filière forêt-bois française. Ce rapport faisait suite à une enquête demandée par cette commission à la Cour des comptes.

À la suite de sa publication, nous avons souhaité appeler l’attention du Gouvernement et des différents ministères concernés, en particulier sur la question de la gouvernance de la filière.

En effet, la réflexion stratégique sur ce que devraient être les priorités de la politique forestière française est insuffisante. Cette situation conduit donc trop souvent à un saupoudrage des crédits publics, ce qui ne permet d’être ni performant ni efficient !

La mise en valeur et l’exploitation efficace et raisonnée de la forêt devraient faire consensus. Dès lors, comment cet objectif se traduit-il en politiques publiques, par exemple en matière de reboisement, pour ce qui concerne l’amont – il s’agit là, selon moi, d’un enjeu fondamental requérant des réponses politiques rapides –, mais également en matière de balance commerciale, pour ce qui concerne l’aval ?

À cet égard, je veux préciser un aspect de notre rapport qui a pu être mal compris : nous ne souhaitons pas mettre à mal la filière bois-énergie ; nous nous interrogeons sur les limites des soutiens apportés à cette sous-filière qui, dans certains cas, et aucunement de manière générale, entraînent des tensions sur les ressources et des conflits d’intérêts, qui peuvent affecter d’autres acteurs de la filière.

Plus globalement, c’est l’équilibre des soutiens publics entre les différents acteurs de la filière qui fait l’objet d’interrogations et attend donc des réponses.

Pour ce qui est de la gouvernance de la filière, quelles sont les dispositions concrètes que le Gouvernement souhaite mettre en œuvre pour la rendre plus adaptée et plus efficace, tant en ce qui concerne l’État, à travers ses ministères, que les acteurs professionnels eux-mêmes, dans l’objectif de mieux conduire les politiques publiques dont la filière bois a besoin ?

Enfin, madame la secrétaire d’État, je souhaite vous poser une question à la fois simple dans l’énoncé et complexe dans la déclinaison des réponses : quelles initiatives comptez-vous prendre rapidement pour développer la filière forêt-bois française aujourd’hui et pour préparer demain ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Monsieur Botrel, la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt répond, me semble-t-il, à vos attentes.

Tout d’abord, un programme national de la forêt et du bois est en cours d’élaboration par l’ensemble des acteurs de la filière forêt-bois. Il sera décliné en programmes régionaux, sous la double tutelle de l’État et des régions, acteurs économiques clés du développement de la filière bois.

La loi d’avenir a créé le fonds stratégique de la forêt et du bois ; je n’y reviens pas. Et une enveloppe est mobilisée pour la biomasse forestière sur le fonds chaleur.

De plus, un appel à manifestation d’intérêts a été lancé par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, en lien étroit avec le ministère de l’agriculture et de la forêt, pour une mobilisation accrue du bois-énergie. Cette initiative a été couronnée de succès : plus de 60 millions d’euros de projets ont été identifiés. Les projets définitifs seront sélectionnés au second semestre.

Enfin, le Gouvernement est soucieux d’associer étroitement les acteurs professionnels de la filière aux choix stratégiques, aussi bien amont qu’en aval.

Les commissions régionales de la forêt et du bois seront redéfinies – le décret est en cours – dans le sens d’une participation élargie des acteurs de l’aval de la filière, sous la double présidence de l’État et des régions.

Le programme national de la forêt et du bois, qui est en cours d’élaboration, ses déclinaisons régionales et le contrat stratégique de filière bois, qui a été signé par quatre ministres, constitueront le cadre qui permettra d’avoir une action publique de la filière forêt-bois pour les années futures.

Par conséquent, une nouvelle gouvernance, des financements et un soutien à l’ensemble des acteurs en amont et en aval permettront d’investir fortement dans ce secteur, ce qui n’avait pas été le cas au cours des dix dernières années. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Carrère. J’apprécie particulièrement la dernière phrase !

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, pour la réplique.

M. Yannick Botrel. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de votre réponse.

Je le rappelle, le rapport portait sur une période qui s’achevait en 2013. Pour autant, l’enjeu économique est important. La forêt pèse pour 10 milliards d’euros dans notre déficit commercial extérieur, qui s’élève à 60 milliards d’euros.

La nécessaire anticipation doit être au cœur de nos politiques. Le secteur de l’emballage léger en bois nous alerte dès à présent sur un risque de pénurie de la ressource – en clair, il s’agit des plantations de peupliers – d’ici à une quinzaine d’années.

Je souhaite enfin formuler une remarque sur l’organisation de l’action gouvernementale. Nous avons cinq ministères qui jouent chacun leur partition ; cela peut parfois conduire à de la cacophonie. Il faut un chef d’orchestre. Nous attendons des initiatives du Gouvernement à cet égard.

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour le groupe socialiste.

M. Henri Cabanel. Madame la secrétaire d’État, le 22 avril dernier, votre collègue Stéphane Le Foll a réuni pour la cinquième fois le Conseil supérieur de la forêt, des produits forestiers et de la transformation du bois.

L’objectif du Gouvernement est très clair : corédiger le programme national de la forêt et du bois avec la filière, dans une démarche de nécessaires politiques interrégionales et de prospective à dix ans.

Les défis sont nombreux, dans un contexte de réforme institutionnelle débouchant sur un nouveau paysage territorial : la lutte contre le réchauffement climatique, la baisse de la dépendance énergétique, le soutien à l’emploi non-délocalisable, la mise en exergue des circuits courts...

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En France, la filière forêt-bois représente 500 000 emplois. Et 300 mètres cubes de bois valorisés, cela équivaut à un emploi non-délocalisable.

C’est pourquoi le Gouvernement s’est uni, via la loi d’avenir, aux collectivités locales et à l’Europe pour mettre en avant le bois dans la construction avec le projet « 100 constructions publiques en bois local », fortement relayé par la Fédération nationale des communes forestières.

À mi-parcours, l’initiative est une réussite. Les collectivités ont compris qu’elles avaient un rôle majeur à jouer en optant pour cette ressource locale, s’agissant tant de la structuration de la filière que du développement économique de leur territoire.

Le département de l’Hérault s’était distingué en obtenant en 2014 le Prix national de la construction bois, avec la salle de spectacle du Domaine d’O, le théâtre Jean-Claude Carrière.

La filière bois fait partie des trente-quatre filières d’avenir identifiées par le Gouvernement, qui vient récemment de signer le contrat de filière bois. Il s’agit de signes forts pour cette filière pourtant affaiblie par la concurrence mondiale.

Face aux efforts constants de la filière, les démarches de certification, les investissements consacrés chaque année à l’innovation et à la modernisation de l’outil de production par les industriels de la transformation du bois, quels moyens envisagez-vous pour soutenir les collectivités territoriales qui optent pour le bois dans leurs constructions ?

Quelles aides incitatives particulières peuvent être mises en place pour favoriser le bois, idéalement le bois français, dans la construction de logements sociaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Monsieur Cabanel, vous avez raison : le développement de l’utilisation du bois dans la construction est un levier majeur, sinon le principal, pour l’essor de la filière bois.

Différents leviers peuvent être actionnés pour valoriser les bois français. Je signale d’abord l’initiative du secteur privé, qui vient de proposer un label « bois français ». Cependant, il est difficile d’envisager des aides directes aux collectivités locales pour soutenir la construction en bois ; cela comporterait de lourds risques de contentieux. Une décision récente du Conseil constitutionnel a abouti à l’annulation du décret de 2012 sur le seuil minimal d’incorporation du bois dans la construction.

En revanche, l’État met en œuvre des programmes d’actions, notamment dans le cadre du contrat stratégique de filière, visant non le soutien de la demande, mais l’organisation de l’offre.

Ainsi, le plan bois-construction II pour la période 2014-2017, soutenu par le ministère du logement, se décline autour de trois axes stratégiques : formation-emploi-compétences ; valorisation des feuillus dans la construction ; positionnement des solutions bois sur le marché de la réhabilitation de logements.

En outre, le plan de la Nouvelle France industrielle est également en cours de déploiement et porteur d’une grande ambition pour cette filière d’avenir.

Il convient de rester vigilant pour éviter qu’un développement trop brutal de l’usage du bois dans la construction ne fasse le lit d’importations massives.

C’est pourquoi nous cherchons en parallèle à faire en sorte que ce marché puisse mieux s’appuyer sur la mobilisation de la ressource forestière nationale.

Des travaux sont également engagés sur la commande publique, afin de mobiliser les grandes entreprises publiques et privées, via la commande publique, et soutenir ainsi les entreprises de la filière forêt-bois, le tout grâce à des mesures de simplification et de définition des critères de performance pour la sélection de l’offre, en parallèle d’une formation accrue des maîtres d’ouvrage.

Le secteur bois sera donc pleinement pris en compte dans les modifications apportées au code des marchés publics. L’ordonnance est prévue pour le mois prochain.

Monsieur le président, je profite de cette dernière question pour rappeler que la politique gouvernementale de soutien à la filière bois vise à faire mentir Chateaubriand, selon lequel « les forêts précèdent les peuples, les déserts les suivent ». Nous voulons que le peuple et la forêt puissent coexister durablement, qu’il s’agisse de l’économie, du social ou de l’environnement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)