Mme Esther Benbassa. Aux termes de l’alinéa 36, les déclarations du demandeur devraient en principe être étayées par des éléments de preuve. Or l'instauration d'un tel principe modifierait la nature même du contentieux.

Le contentieux de l'asile est un contentieux non pas de l'établissement, mais de la probabilité. Comme le rappelle le HCR dans son Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, « dans la plupart des cas, une personne qui fuit arrive dans le plus grand dénuement et très souvent elle n’a même pas de papiers personnels. […] Si le récit du demandeur paraît crédible, il faut lui accorder le bénéfice du doute. »

La situation de précarité des demandeurs d'asile, les circonstances souvent extrêmes et précipitées de leur départ, l'instabilité régnant dans les pays fuis font que l’on ne saurait exiger d’eux qu'ils étayent leurs déclarations d'éléments de preuve. La nature du contentieux fait que la preuve est le plus souvent en réalité impossible à apporter. Il faudrait parfois se mettre au niveau des demandeurs d’asile, et ne pas se contenter d’élaborer des textes théoriques.

La logique du dispositif de cet alinéa est contraire à celle de la convention de Genève de 1951, qui se fonde sur le principe de la preuve par tous moyens et de l’intime conviction du juge de l’asile.

Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Prunaud, pour présenter l'amendement n° 178.

Mme Christine Prunaud. Nous demandons nous aussi la suppression de l’alinéa 36. Si le récit du demandeur d’asile paraît crédible, il faut lui accorder le bénéfice du doute.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Ces deux amendements visent à supprimer une disposition tendant à instaurer une présomption de crédibilité du demandeur d’asile qui coopère effectivement avec l’OFPRA, dont le récit est convaincant et concorde avec les éléments disponibles par ailleurs.

Cette disposition étant plutôt favorable au demandeur, à qui il n’est pas demandé d’apporter des preuves, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je fais miens les propos de M. le rapporteur. L’adoption de ces amendements rendrait le texte moins favorable aux demandeurs d’asile. Tel n’est pas l’objectif du Gouvernement, qui est soucieux de voir reconnus et confortés les droits des demandeurs d’asile. L’avis est donc défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 111 et 178.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les amendements nos 112 et 179 sont identiques.

L'amendement n° 112 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

L'amendement n° 179 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 37 à 40

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 112.

Mme Esther Benbassa. Le projet de loi prévoit que l’OFPRA puisse demander à la personne sollicitant l’asile de se soumettre à un examen médical, son refus ne faisant pas obstacle à ce qu’il soit statué sur sa demande. Un arrêté interministériel, pris après avis du directeur général de l’OFPRA, fixera les modalités d’agrément des médecins et celles d’établissement des certificats médicaux.

Nous considérons que cette volonté d’encadrer la pratique de la production d’un certificat médical devant l’OFPRA relève d’une injonction au demandeur, pouvant entraîner des dérives.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l'amendement n° 179.

Mme Cécile Cukierman. Comme notre collègue Esther Benbassa, nous considérons que le demandeur d’asile doit rester acteur de sa démarche. Il ne revient pas à l’OFPRA de lui adresser une injonction qui pourrait, in fine, être source de dérives.

Le « délai raisonnable » pour la détermination de la situation de vulnérabilité, dans le cas d’une mise en œuvre de la procédure accélérée, ne devra pas excéder les tout premiers stades de la procédure. Aussi serait-il particulièrement néfaste d’exiger l’obtention en urgence d’un certificat médical.

De plus, la parole de l’exilé est remplacée par un objet, le certificat médical, dépourvu de ce qui fonde la relation entre êtres humains. Le discours narratif et ses éléments discursifs, le témoignage et le parcours, comme les émotions qui l’accompagnent, la parole donnée sont ainsi mis à l’écart. Ils sont pourtant bien souvent indispensables pour mieux apprécier les situations individuelles.

Mme la présidente. L'amendement n° 113, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéas 38 à 40

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 723-5. – Lorsque le demandeur n’est pas en mesure, pour des raisons médicales et/ou psychologiques, de rapporter les violences subies, de préciser son parcours d’exil, les raisons de sa demande d’asile, il peut fournir un certificat médical réalisé par un professionnel de santé de son choix attestant de son état et des difficultés rencontrées. » ;

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Il s’agit d’un amendement de repli visant à préciser l’objet du certificat médical pouvant être demandé par l’OFPRA.

En effet, nous considérons que l’exigence d’un certificat médical ne peut être justifiée que dans quelques hypothèses, notamment lorsque le demandeur n’est pas en mesure, pour des raisons médicales et/ou psychologiques, de rapporter les violences subies, de préciser son parcours d’exil et les raisons de sa demande d’asile. Dans ce cas, il pourrait fournir à l’OFPRA un certificat médical, délivré par le professionnel de santé de son choix, attestant de son état et des difficultés rencontrées.

En outre, il importe que l’ensemble des acteurs du soin, et non pas seulement un petit nombre de médecins agréés qui ne connaîtraient pas forcément la situation du demandeur, puissent apporter leur attestation, l’existence d’une relation de confiance étant un préalable nécessaire.

Mme la présidente. L'amendement n° 180, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 38 à 40

Rédiger ainsi ces alinéas :

« Art. L. 723-5. – L’Office français de protection des réfugiés et apatrides, sous réserve du consentement du demandeur, peut prendre toute mesure pour permettre l’examen médical du requérant sur des signes de persécutions ou d’atteintes graves qu’il aurait subies dans le passé.

« Cet examen médical est financé sur des fonds publics et dans le respect des droits du patient, selon les règles de l’expertise médicale.

« Le fait de refuser cet examen n’empêche pas l’autorité compétente de prendre une décision sur la demande de protection. » ;

La parole est à Mme Christine Prunaud.

Mme Christine Prunaud. Cet amendement tend à prévoir que le demandeur d’asile devra consentir à subir un examen médical, celui-ci étant financé sur des fonds publics, et qu’un refus de sa part ne fera en aucun cas obstacle à ce que l’autorité statue sur la demande de protection.

Cet amendement vise à transposer l’article 18 de la directive 2013/32/UE et à apporter des garanties en cas de non-coopération du demandeur d’asile.

Mme la présidente. L'amendement n° 59, présenté par M. Leconte, Mme Tasca, M. Sueur, Mme Jourda et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 38

Après les mots :

L’office peut

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

, sous réserve du consentement du demandeur, soumettre celui-ci à un examen médical portant sur les signes de persécutions ou d’atteintes graves qu’il aurait subies.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement vise à introduire deux garanties essentielles concernant l’examen médical, prévues dans l’article 18 de la directive Procédures.

En premier lieu, il s’agit de consacrer explicitement le principe du consentement du demandeur à l’examen médical. M. le rapporteur a indiqué que cette précision n’était pas utile, car le texte prévoit que le demandeur peut refuser cet examen. Toutefois, il y a une différence de nature entre la possibilité pour le demandeur de refuser l’examen et la recherche de son consentement. Le refus éventuel constitue un acte du demandeur, en l’occurrence l’émission d’une réponse négative, tandis que la recherche du consentement requiert une démarche de l’OFPRA. Ce sont bien des actes différents. C’est la raison pour laquelle il nous semble indispensable d’inscrire dans le texte le principe du consentement du demandeur d’asile, préalable indispensable à tout examen médical.

En second lieu, il s’agit de préciser que l’examen médical porte sur les signes de persécutions ou d’atteintes graves que le demandeur aurait subies. Nous souhaitons ainsi garantir que l’examen médical sera bien en lien avec la demande de protection et qu’il ne pourra avoir d’autres objectifs.

Je pense notamment aux tests médicaux ou aux tests mesurant la réaction physique du demandeur à des images pornographiques parfois imposés à des demandeurs d’asile se disant persécutés en raison de leur orientation sexuelle. De telles méthodes n’ont heureusement jamais été utilisées en France, mais elles l’ont été aux Pays-Bas. La Cour de justice de l’Union européenne les a condamnées, considérant que le droit à l’intégrité physique et mentale et le droit au respect de la vie privée sont violés lorsque les États membres recourent à des méthodes intrusives et humiliantes.

En prévoyant que l’examen médical portera sur les signes de persécutions ou d’atteintes graves que le demandeur aurait subies, cet amendement vise à prévenir ce type de dérives.

Tel est le double objet de cet amendement, qui, je le rappelle, tend à inscrire dans le projet de loi des garanties prévues par les directives européennes.

Mme la présidente. L'amendement n° 61, présenté par M. Leconte, Mme Tasca, M. Sueur, Mme Jourda et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 38

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Si aucun examen médical n’est réalisé conformément au premier alinéa, l’office informe le demandeur qu’il peut, de sa propre initiative et à ses propres frais, prendre les mesures nécessaires pour se soumettre à un examen médical portant sur des signes de persécutions ou d’atteintes graves qu’il aurait subies.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement vise à prévoir le cas où l’OFPRA ne sollicite pas le demandeur pour un examen médical.

Nous souhaitons permettre au demandeur de réaliser, à ses propres frais, un examen médical portant sur les signes de persécutions ou d’atteintes graves qu’il aurait subies. L’inscription dans la loi de cette garantie supplémentaire pour le demandeur constituera une transposition d’une disposition de la directive Procédures.

Mme la présidente. L'amendement n° 9 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 39

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les résultats des examens médicaux sont pris en compte par l’office parallèlement aux autres éléments de la demande.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Le présent amendement a pour objet de préciser, s’agissant de l’examen médical, que les résultats de ce dernier ne constituent qu’un élément d’évaluation de la situation du demandeur parmi d’autres, conformément aux directives européennes. Cet examen médical ne doit pas devenir un outil coercitif, attentatoire aux libertés individuelles.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Conformément à la directive Procédures, le texte a introduit la faculté pour l’OFPRA de requérir du demandeur d’asile de se soumettre à un examen médical. La directive précise que, dans ce cas, l’examen est aux frais de l’État. Elle prévoit également que le demandeur peut de lui-même produire un certificat médical, à ses frais.

La commission des lois a émis un avis défavorable sur l’ensemble des amendements faisant l’objet de la discussion commune.

Les amendements nos 180 et 59 encadrent le recours à un examen médical à la demande de l’OFPRA, en précisant qu’il est soumis au consentement du demandeur et que cet examen porte uniquement sur les signes de persécutions ou d’atteintes graves que le demandeur aurait subies.

Ces amendements sont en partie satisfaits par l’article 7, qui précise que le refus de se soumettre à un examen médical ne fait pas obstacle à ce que l’OFPRA examine la demande.

De surcroît, en visant seulement le cas où le demandeur aurait subi des persécutions ou des atteintes graves, ces amendements restreignent le champ possible de l’examen médical. Celui-ci doit en effet pouvoir être demandé par l’OFPRA en vue de prévenir des persécutions, comme c’est parfois le cas pour des fillettes encourant un risque d’excision.

Les amendements n° 113 et 61 traitent de l’examen médical effectué sur l’initiative du demandeur : le premier vise à substituer cet examen à l’examen médical à la demande de l’OFPRA ; le second prévoit d’inscrire dans la loi la diffusion d’une information sur cette faculté.

L’amendement n° 61 a déjà fait l’objet d’un avis défavorable en commission. En effet, s’il appartient à la loi d’encadrer le recours par l’OFPRA à l’examen médical, il revient au pouvoir réglementaire de préciser les informations à fournir au demandeur si elles ne concernent pas la mise en œuvre d’un droit constitutionnellement garanti.

Quant à l’amendement n° 113, en supprimant l’examen médical à la demande de l’OFPRA, son adoption priverait le demandeur d’une garantie dans la mesure où, conformément à la directive, cet examen est pris en charge par l’État, contrairement à celui qui est réalisé sur l’initiative personnelle du demandeur.

Enfin, l’amendement n° 9 rectifié vise à préciser que les résultats de l’examen ne sont qu’un élément d’évaluation parmi d’autres. Cela est exact, mais encore faut-il en tenir effectivement compte, comme le Conseil d’État vient de le rappeler dans une décision du 10 avril dernier. Il ne paraît donc pas nécessaire d’introduire cette précision dans la loi.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Les amendements proposés ont trait à l’examen médical sur demande de l’OFPRA.

Les amendements nos 112 et 179 visent à la suppression de cet examen ; le Gouvernement y est défavorable.

Cet examen, qui ne présente pas un caractère obligatoire, peut en effet être très utile pour établir la réalité des sévices subis par le demandeur. Cet examen aura lieu avec l’accord du demandeur d’asile et un refus n’entraînera pas par lui-même le rejet de la demande d’asile.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement n’est pas favorable aux amendements nos 180 et 59, qui visent à préciser des éléments déjà pris en compte par le Gouvernement, mais dont l’inscription dans la loi réduirait le champ de l’examen médical. Or cet examen peut avoir pour objet d’établir l’absence de sévices subis par les fillettes dont la protection est demandée au titre d’une menace d’excision.

Pour la même raison, il me semble que l’amendement n° 61 peut être retiré.

Le Gouvernement n’est pas non plus favorable à l’amendement n° 113. La possibilité pour l’OFPRA de prescrire un examen doit coexister avec le droit du demandeur de soumettre un certificat, indépendamment de toute demande de l’OFPRA.

En revanche, l’amendement de précision n° 9 rectifié est utile et reçoit l’avis favorable du Gouvernement.

Je tiens enfin à préciser les raisons de notre avis défavorable sur l’amendement n° 59, qui tend à mentionner expressément le consentement du demandeur d’asile aux examens médicaux qui peuvent lui être demandés par l’OFPRA. Cette disposition est, aux yeux du Gouvernement, satisfaite, puisque la notion de consentement ressort déjà de l’alinéa 39 de l’article 7. Par ailleurs, l’amendement limite le champ de tels examens à l’identification des signes de persécutions ou d’atteintes graves qu’aurait subies le demandeur d’asile. Une telle disposition me paraît trop réductrice. En effet, l’examen médical visé à l’article L. 723-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pourra être demandé lorsqu’une protection a été sollicitée pour des fillettes exposées à un risque de mutilations sexuelles et pour s’assurer qu’elles n’ont pas déjà subi de telles mutilations. Ce dispositif, qui participe de la protection de ces jeunes filles, est indissociable des dispositions de l’article 19 du projet de loi concourant à prémunir ces dernières contre des atteintes à leur intégrité après l’octroi de la protection.

Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Ces amendements, dont je ne comprends pas très bien l’objet, m’étonnent quelque peu.

J’ai rédigé plusieurs rapports sur le droit d’asile et l’immigration, et j’ai reçu à ce titre beaucoup de responsables d’associations qui se plaignaient que les visites médicales étaient trop rapides, inconséquentes ou incomplètes. Selon eux, il convenait de mieux rechercher un certain nombre d’éléments, telle l’existence de maladies chroniques, de risques épidémiologiques ou d’autres risques.

Prévoir que des personnes demandant le droit d’asile sur notre territoire devront subir une visite médicale, sachant que des risques peuvent exister, compte tenu de la situation sanitaire de certains pays d’origine, n’a tout de même rien d’exorbitant ! En quoi le fait de demander l’établissement d’un certificat médical serait-il attentatoire à la dignité ou à la liberté du demandeur d’asile ? Si ce dernier est malade ou présente un risque, il faut le soigner !

Tous les responsables d’associations que j’ai pu rencontrer dans le passé dénonçaient le manque de moyens pour effectuer les contrôles médicaux et nous demandaient de nous battre pour en obtenir davantage. Certains demandaient même que les visites médicales soient plus approfondies et portent sur des éléments qui, aujourd’hui, ne font pas l’objet d’investigations. Il ne s’agit bien sûr pas de rendre les résultats de l’examen médical déterminants pour le traitement de la demande d’asile, mais soyons conscients du problème de santé publique que poserait la suppression de toute visite médicale !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. La préoccupation sanitaire est tout à fait légitime, mais elle n’a rien à faire à l’article 7 ! (Mmes Esther Benbassa et Éliane Assassi approuvent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.

M. Robert del Picchia. Pour les Français qui vont travailler dans certains pays étrangers, passer une visite médicale est obligatoire pour obtenir le visa. Je trouve naturel que les personnes qui demandent l’asile en France soient soumises à une telle obligation.

M. Jean-Yves Leconte. Une telle disposition n’a pas sa place à cet endroit du texte !

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 112 et 179.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 113.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 180.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 59.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Monsieur Leconte, l'amendement n° 61 est-il maintenu ?

M. Jean-Yves Leconte. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 61 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 9 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Article 7 (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la réforme du droit d'asile
Discussion générale

3

Dépôts de rapports

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre :

-le rapport sur la mise en application de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises ;

-le rapport sur la mise en application de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire ;

-le rapport sur la mise en application de la loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle ;

-le rapport sur la mise en application de la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et à sécuriser la vie des entreprises.

Acte est donné du dépôt de ces rapports.

Ils ont été transmis à la commission des finances et à la commission des affaires économiques, ainsi qu’à la commission des affaires sociales pour le deuxième.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.)

PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

4

Article 7 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la réforme du droit d'asile
Article 7

Réforme de l'asile

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la réforme de l’asile.

Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons l’examen des amendements à l’article 7.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à la réforme du droit d'asile
Article additionnel après l'article 7

Article 7 (suite)

Mme la présidente. L'amendement n° 62, présenté par M. Leconte, Mme Tasca, M. Sueur, Mme Jourda et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 44

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’aucun entretien personnel n’est mené en application du 2°, des efforts raisonnables sont déployés pour permettre au demandeur de fournir davantage d’informations.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Le projet de loi prévoit que l’OFPRA pourra se dispenser d’organiser un entretien personnel si des raisons médicales durables et indépendantes de la volonté du demandeur le justifient. Cette disposition se comprend aisément, mais elle aura pour conséquence de priver les demandeurs affaiblis par la maladie de la possibilité de faire valoir leurs arguments au cours d’un entretien. Ils subiront ainsi une sorte de « double peine ».

Nous proposons donc que l’OFPRA doive, s’il n’organise pas d’entretien personnel, déployer des efforts raisonnables pour permettre au demandeur de fournir davantage d’informations sur sa demande. Il s’agirait d’une garantie importante pour les demandeurs. Notre formulation est en outre conforme à celle de l’article 14 de la directive Procédures.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission émet un avis défavorable.

On comprend bien l’objectif, mais la rédaction, même si elle reprend une formulation de la directive Procédures, pose problème, car elle tend à créer une obligation pour l’OFPRA sans en définir les contours de manière suffisamment précise. On ne sait pas comment cette obligation pourrait être remplie.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Le Gouvernement émet un avis favorable. Il souscrit à cette proposition visant à inscrire dans notre droit une disposition de la directive Procédures, qui est en outre conforme à la pratique actuelle de l’OFPRA.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 62.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 63, présenté par M. Leconte, Mme Tasca, M. Sueur, Mme Jourda et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 44

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L’absence d’entretien personnel en application du 2° n’influe pas dans un sens défavorable sur la décision de l’office.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement vise à inscrire dans la loi une garantie prévue par l’article 14 de la directive Procédures, à savoir que l'absence d'entretien personnel pour cause de maladie du demandeur n'influe pas dans un sens défavorable sur la décision de l’OFPRA.

J’imagine que cet amendement connaîtra le même sort que le précédent, mais, sachant l’attachement du rapporteur à la directive Procédures, je persévère...

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission persévère dans son avis défavorable. S’il est en effet important que l’OFPRA applique le principe affirmé par les auteurs de l’amendement et adopte des dispositions réglementaires en ce sens, il ne semble pas opportun de faire figurer cette précision dans la loi, car cela pourrait créer un nouveau moyen à l’appui des recours devant la CNDA.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Le Gouvernement persévère, quant à lui, dans son avis favorable. (Sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 63.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 114 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

L'amendement n° 181 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 47, seconde phrase

Remplacer les mots :

dont il a une connaissance suffisante

par les mots :

qu'il maîtrise couramment

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 114.

Mme Esther Benbassa. Il va de soi qu’on ne peut pas exiger du demandeur d’asile qu’il coopère avec l’administration et livre tous les éléments probants permettant d’étayer sa demande si on ne lui donne pas les moyens de s’exprimer pleinement dans sa langue. Les distorsions dans l'expression entraînées par le recours à un interprète peuvent être lourdes de conséquences, induire des malentendus, des contradictions, des imprécisions. Nous considérons donc qu’il est capital que le demandeur soit entendu dans une langue qu’il maîtrise couramment.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l'amendement n° 181.

Mme Cécile Cukierman. Comme cela vient d’être souligné, le récit du demandeur d’asile est l’élément essentiel de l’entretien qui permet d’examiner sa situation individuelle. C’est sur la base des faits relatés lors de cet entretien que se joue une partie de sa vie future. Or il n’est pas rare que des personnes, notamment celles qui ne bénéficient pas d’un suivi en CADA, ne disent presque rien au cours de l’entretien. Certaines ont besoin de temps pour raconter leur histoire, l’officier devant qui elles se trouvent pouvant leur rappeler l’autorité qui les a persécutées dans le pays d’où elles viennent.

La question de la langue dans laquelle les demandeurs s’expriment est primordiale. Pour que le demandeur puisse étayer sa demande dans les meilleures conditions possibles, il convient de lui permettre de s’exprimer dans la langue de son choix. Autoriser l’emploi d’une langue dont le demandeur d’asile n’a qu’une « connaissance suffisante » risque de nuire à l’effectivité de l’entretien. Il est en effet possible de s’exprimer de manière fluide dans une langue sans pour autant être complètement à l’aise avec celle-ci, a fortiori dans ce genre de situation. Il faut maîtriser les nuances d’une langue pour exprimer son ressenti, son vécu.

C’est pourquoi nous proposons de remplacer la notion de connaissance suffisante de la langue par celle de maîtrise courante de la langue.

Je profite de l’examen de ces amendements pour soulever la question de l’interprétariat, qui est un élément indispensable dans le parcours du demandeur d’asile. Plusieurs associations nous ont signalé des dérives, l’interprétariat étant trop peu encadré au sein de l’OFPRA. Vous n’êtes pas sans savoir qu’il s’agit d’une profession : personne ne s’improvise interprète. Les exigences liées à la formation et à l’encadrement des interprètes devant l’OFPRA devraient être réajustées et améliorées. Le risque est que, en cas de traduction maladroite ou insuffisamment précise par l’interprète, l’officier de protection et le demandeur d’asile ne parviennent pas à se comprendre, ce qui peut avoir de graves conséquences, telles que la disqualification de la demande ou le soupçon de fraude ou de demande infondée.