Mme la présidente. L'amendement n° 232, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 5 à 8

Supprimer ces alinéas.

II. – Après l’alinéa 10

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

« En cas de décision d'irrecevabilité ou de rejet de l'office, et saisi d'une demande en ce sens dans le délai de quarante-huit heures suivant la notification de cette décision par l'étranger maintenu en rétention qui entend former un recours contre cette décision devant la Cour nationale du droit d'asile, le président du tribunal administratif, s'il estime que la demande d'asile n'a pas été présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement, ordonne que l'intéressé soit autorisé à se maintenir sur le territoire français jusqu'à ce que la cour ait statué.

« Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue dans le délai et les conditions prévus au III de l'article L. 512-1 du présent code.

« À l'exception des cas mentionnés aux 3° et 4° de l'article L. 743-2, la mesure d'éloignement ne peut être mise à exécution avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures suivant la notification de la décision de l'office ou, en cas de saisine du président du tribunal administratif, avant que ce dernier ou le magistrat désigné à cette fin n'ait statué.

« Si l'injonction prévue au quatrième alinéa du présent article est prononcée, il est immédiatement mis fin à la rétention. L'autorité administrative compétente délivre à l'intéressé l'attestation mentionnée à l'article L. 741-1. L'article L. 561-1 est applicable.

III. – Alinéa 16

Après le mot :

rétention

insérer les mots :

et fait l’objet d’une décision négative de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides

La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le présent amendement a pour objet de revenir sur la modification que la commission des lois du Sénat a apportée à un aspect essentiel du dispositif relatif au contentieux de l’asile en rétention.

Si le droit pour les personnes placées en rétention de présenter une demande d’asile empêche que la France éloigne des personnes qui méritent sa protection, il est nécessaire que nous disposions des outils adaptés pour assurer l’exécution des mesures d’éloignement légalement prononcées et pour parer aux demandes dilatoires. Soucieux d’assurer cet équilibre, le Gouvernement a prévu trois mesures.

Tout d’abord, l’autorité préfectorale devra procéder, pour maintenir un demandeur en rétention, à un examen individuel destiné à vérifier que la demande d’asile a pour seul but de faire échec à une mesure d’éloignement.

Ensuite, si l’OFPRA considère que la demande d’asile nécessite un examen approfondi, l’étranger sera libéré et autorisé à se maintenir sur le territoire jusqu’à ce qu’il ait été définitivement statué sur sa demande.

Enfin, en cas de rejet de la demande d’asile, l’étranger pourra saisir le tribunal administratif d’un recours suspensif en urgence. Le juge administratif sera alors le juge de l’évidence : s’il considère que la demande d’asile n’a pas pour seul but de faire échec à la mesure d’éloignement, la personne retenue sera libérée ; s’il estime que la demande d’asile est dilatoire, l’éloignement pourra se poursuivre.

Toutefois, la commission des lois du Sénat a modifié ce dispositif d’une manière qui n’est pas anecdotique : elle a prévu que la décision de maintien en rétention pourrait être contestée dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa notification. En d’autres termes, que l’OFPRA ait statué ou non sur la demande d’asile, la personne concernée pourrait saisir quasi immédiatement le président du tribunal administratif de la seule décision de maintien en rétention.

Le Gouvernement est tout à fait hostile à cette disposition, et cela pour deux raisons. D’une part, elle est frontalement contraire à l’article 46 de la directive Procédures de 2013, qui prescrit un recours effectif après que l’OFPRA a statué. D’autre part, elle me semble très peu opérationnelle, dans la mesure où elle risquerait d’entraîner un enchevêtrement redoutable des procédures juridictionnelles en l’espace de quelques jours, voire une paralysie totale de l’action administrative, à rebours de l’objectif auquel répond le projet de loi. J’ajoute que le juge administratif se trouverait dans une position difficile, privé de l’éclairage de l’OFPRA au moment de statuer sur le recours formé contre la décision de maintien en rétention.

Dans ces conditions, le Gouvernement propose de rétablir le texte initial du projet de loi, qui est seul conforme au droit de l’Union européenne ; s’il n’était pas entendu, la France se trouverait en infraction par rapport à des dispositions impératives de la directive Procédures, sans compter que le dispositif imaginé par la commission des lois compromettrait la fluidité de l’action de l’administration en matière d’éloignement.

Mme la présidente. L'amendement n° 79, présenté par M. Leconte, Mme Tasca, M. Sueur, Mme Jourda et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 9, seconde phrase

Supprimer les mots :

dans un délai de quatre-vingt-seize heures

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Le présent amendement a pour objet de supprimer le délai d’examen d’une demande d’asile présentée en rétention à l’OFPRA de 96 heures, introduit dans le projet de loi par la commission des lois.

En effet, la fixation de délais relève du domaine réglementaire, me semble-t-il. Actuellement, elle est fixée à l’article R. 723-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, CESEDA. Nous proposons donc d’en rester là.

Mme la présidente. L'amendement n° 83, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 10

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« En cas de décision de rejet, d’irrecevabilité ou de clôture prononcée par l’office, le président de la Cour nationale du droit d’asile ou le président de la formation de jugement qu’il désigne à cette fin, saisi d’un recours contre cette décision dans un délai de trois jours ouvrés suivant sa notification à l’étranger maintenu en rétention, statue dans un délai de trois jours ouvrés.

« L’exécution de la mesure d’éloignement ne peut intervenir avant l’expiration du délai de recours ou avant la notification de l’ordonnance du président qui peut mettre en œuvre les dispositions de l’article L. 733-2 ou renvoyer à une audience selon les modalités du deuxième alinéa de l’article L. 731-2. Dans ce dernier cas, il est immédiatement mis fin à la rétention et l’autorité administrative compétente délivre à l’intéressé l’attestation mentionnée à l’article L. 743-1. L’article L. 561-1 est applicable.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Au travers de l’amendement n° 83, nous abordons la question, plus complexe, de la possibilité de recours contre une décision de l’OFPRA laissée à un demandeur placé en rétention. Nous proposons une mesure qui s’appuie sur la CNDA et, en particulier, sur les dispositions qui lui permettent d’ores et déjà de rendre des ordonnances.

En effet, les directives européennes prévoient deux types de recours lorsque l’étranger maintenu en rétention dépose une demande l’asile.

D’une part, il institue un recours accéléré sur la légalité de la mesure de rétention décidée par l’autorité administrative. Le texte adopté par la commission des lois satisfait à cet objectif.

D’autre part, il prévoit un recours effectif contre les décisions de refus d’asile, y compris les décisions d’irrecevabilité et de clôture, qui examine en fait et en droit la demande et qui, s’il ne confère pas à l’intéressé le droit de se maintenir pendant l’examen du recours, doit lui permettre de demander à une juridiction le droit de rester, conformément à l’article 46-6 de la directive 2013/32/UE.

Or, sur ce point, le texte adopté par la commission des lois ne prévoit plus de recours effectif contre le refus d’asile.

La CNDA étant le juge naturel des décisions de l’OFPRA, y compris des décisions d’examens en procédure accélérée et des décisions du préfet, il est logique de lui conférer la compétence contre les décisions de rejet, en prévoyant un examen par un juge unique, dans un délai de trois jours ouvrés, compatible avec la rétention.

Le contrôle du juge pourrait ainsi se limiter à vérifier si la demande n’est pas manifestement irrecevable ou ne présente pas d’éléments sérieux, auquel cas il statuerait selon les dispositions de l’article L. 733-2, c’est-à-dire selon les ordonnances qui donnent à la CNDA le droit de rendre des ordonnances. À défaut il déciderait de renvoyer à une audience, selon les modalités prévues à l’article L. 731-2.

Si le juge décide un renvoi, cela a pour conséquence la libération et la délivrance d’une autorisation de maintien sur le territoire avec une possibilité d’assigner à résidence pour prévenir la fuite du demandeur qui fait l’objet d’une mesure d’éloignement.

Les dispositions prévues par cet amendement me semblent correspondre à la préoccupation de répondre à une demande d’asile d’une personne placée en rétention, tout en respectant le principe de recours suspensif affirmé par le droit européen. Elles font de la CNDA le seul juge de l’asile, en utilisant, pour aller vite, les possibilités de rendre des ordonnances que la loi confère déjà à cette instance. Le juge pourra ainsi déterminer si la demande d’asile est irrecevable, auquel cas la personne sera alors rapidement éloignée.

En tout cas, tout demandeur d’asile en rétention pourrait déposer une demande de recours devant la CNDA, comme tout autre demandeur d’asile.

Mme la présidente. L'amendement n° 228, présenté par M. Buffet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Remplacer les mots :

quatrième à avant-dernier

par les mots :

deuxième à cinquième

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos 196, 232, 79 et 83.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’amendement n° 228 est un amendement de coordination.

Les amendements nos 196 et 83 visent à instaurer, selon des modalités différentes, un recours en urgence devant la CNDA dans le cas où le demandeur est placé en rétention.

L’amendement n° 196 tend à supprimer le nouveau recours ouvert en urgence sur la décision du maintien en rétention devant le juge administratif de droit commun pour lui substituer un recours en urgence devant la CNDA. Ce recours devant la Cour nationale du droit d’asile devrait être présenté dans un délai de trois jours et cette instance disposerait de sept jours pour statuer. En cas de renvoi à la formation collégiale, il serait mis fin à la rétention.

La commission ayant déjà écarté un amendement similaire, dans la mesure où le délai de sept jours prévu par la CNDA risque de prolonger la rétention, elle émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 196.

L’amendement n° 83 vise à conserver le recours devant le juge administratif contre la décision de maintien en rétention et à prévoir un recours en urgence devant la CNDA. Saisi dans les trois jours suivant la notification de la décision de l’OFPRA, le président de la cour ou le président de la formation de jugement désigné à cette fin statuerait lui-même en trois jours. Là encore, en cas de renvoi à la formation collégiale, il serait mis fin à la rétention du demandeur, qui pourrait toutefois être assigné à résidence.

Si les délais ne sont plus compatibles avec ceux de la rétention, reste la question des moyens, ce qui avait conduit la commission à tenter l’expérimentation pour l’asile à la frontière – nous avons voté tout à l'heure sur ce point –, mais non pour la rétention. En effet, contrairement au contentieux de l’asile à la frontière, très concentré sur Roissy, le contentieux en rétention peut avoir lieu sur l’ensemble du territoire.

C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 83.

L’amendement n° 232 tend à revenir sur l’anticipation du recours contre la décision de maintien en rétention dès sa notification, décidée par la commission, en ouvrant le recours contre cette décision seulement après que la décision de l’OFPRA est intervenue.

Je le rappelle, la commission avait avancé la possibilité de ce recours, considérant qu’eu égard aux effets sur l’examen de la demande d’asile du maintien en rétention – procédure accélérée et caractère non suspensif du recours devant la CNDA –, il importait que cette décision puisse être contestée le plus rapidement possible.

La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 232.

Enfin, l’amendement n° 79 vise à supprimer le délai de 96 heures inscrit dans la loi par la commission, qui a estimé nécessaire de signifier ainsi la volonté du législateur de contenir les délais d’instruction par l’OFPRA. Par conséquent, l’avis de la commission est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 196, 79, 83 et 228 ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Les amendements nos 196 et 83 tendent à confier une compétence à la CNDA pour connaître du contentieux de l’asile en rétention. Les auteurs de ces amendements prévoient à la fois un délai de trois jours ouvrés, un délai de jugement soit de trois jours ouvrés, soit de sept jours, et la compétence du juge statuant seul à la CNDA. Ils prévoient également que si le juge unique décide de renvoyer à la formation collégiale, il est alors mis fin à la rétention.

Le Gouvernement n’est absolument pas favorable à un dispositif aussi complexe, dans la mesure où celui-ci ajouterait une charge supplémentaire à la CNDA. J’attire une nouvelle fois l’attention du Sénat sur le fait que confier sans cesse de nouvelles compétences à la Cour nationale du droit d’asile revient à faire un véritable saut dans l’inconnu et à entraver l’efficacité de cette réforme et des dispositifs qu’elle propose.

Il n’est pas envisageable de conférer une telle compétence à la CNDA. Cette juridiction le reconnaît d’ailleurs elle-même, puisqu’elle ne peut juger au fond dans des délais aussi contraints, et ce quelles que soient les modalités que vous prévoyez. Non seulement elle n'a aucune expérience des procédures d'urgence, mais elle est une juridiction nationale, dont le siège est à Montreuil.

Il faudrait, par conséquent, soit organiser les déplacements et les escortes de personnes en rétention vers ce siège, soit prévoir des audiences foraines, soit généraliser à proximité de ces lieux de rétention des visioconférences. De telles contraintes matérielles et financières rendent difficilement envisageables d’attribuer une telle compétence à la CNDA.

En outre, le dispositif que vous envisagez aura un impact sur la durée de la rétention. En effet, allonger les délais de recours et de jugement de six jours à plus de dix jours ouvrés augmenterait d’autant le délai de rétention de la personne concernée. Il nous a semblé beaucoup plus rationnel de laisser un tribunal administratif, juge de l’urgence et de l’évidence, le soin de statuer sur la décision de maintien en rétention. Cela correspond à la fois au cœur de métier de cette juridiction, qui statue déjà sur les décisions de placement en rétention, et à son organisation logistique, dès lors qu’existent dans toutes les juridictions administratives des permanences en juge unique, qui pourraient utilement connaître ce contentieux.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 196 et 83.

Par ailleurs, la commission des lois a souhaité faire figurer dans la loi un délai d’instruction par l’OFPRA de la demande d’asile en rétention de 96 heures, ce délai étant jusqu’à alors fixé par voie réglementaire. Il s’agit d’un délai techniquement court pour l’Office, comme pour les centres de préfecture et les centres de rétention ; il conduit d’ailleurs, dans certains cas, à recourir à un entretien par visioconférence. Ce délai permet de ne pas prolonger indument la rétention.

Je suis favorable à ce que nous nous en tenions au cadre légal actuel, qui prévoit la fixation par voie réglementaire du délai d’instruction de la demande d’asile en rétention. Cela laisse beaucoup plus de souplesse au pouvoir réglementaire pour adapter le cas échéant les délais applicables à l’OFPRA.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 79, qui vise à revenir aux dispositions approuvées en la matière en commission des lois.

Enfin, l’amendement n° 228 est un amendement de coordination. Compte tenu des modifications apportées par la commission des lois sur le contentieux de l’asile en rétention, le Gouvernement n’est pas favorable au nouveau dispositif propre à ce contentieux, qui est contraire à la directive Procédures.

Par voie de conséquence, j’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 196.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 232.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 79.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 83.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 228.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 9, modifié.

(L'article 9 est adopté.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous avons examiné 135 amendements au cours de la journée ; il en reste 111.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 9 (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la réforme du droit d'asile
Discussion générale

5

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 19 mai 2015, à quatorze heures trente, le soir et la nuit :

Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la réforme de l’asile ;

Rapport de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois (n° 425, 2014 2015) ;

Texte de la commission (n° 426, 2014 2015) ;

Avis de M. Roger Karoutchi, fait au nom de la commission des finances (n° 394, 2014 2015).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à minuit.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART