M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup a déjà été dit sur ce texte et je crois avoir moi-même exprimé avec clarté ma position dans cet hémicycle. Mon vote ne sera donc pas une surprise.

C’est pourquoi je me contenterai de revenir sur le principal changement introduit par le Sénat à ce projet de loi, à savoir que la décision définitive de rejet prononcée par l’OFPRA, après un appel éventuel devant la Cour nationale du droit d’asile, vaudra désormais obligation de quitter le territoire français, mesure introduite par amendement à l’article 14.

Cet amendement reflète bien l’incapacité de l’UMP à proposer une politique véritablement différente de celle du Gouvernement.

M. Stéphane Ravier. Certes, la disposition prévue va dans le bon sens, mais, pour l’UMP, cela relève de la posture. (Protestations sur les travées de l'UMP.) Il est clair que l’on aime à jouer les braves quand on est dans l’opposition, pour tenter de donner le change à ses électeurs en particulier et aux Français en général, tant de fois trahis...

Au-delà des arguties juridiques demeure la question principale, celle de l’exécution effective de cette fameuse obligation de quitter le territoire français. Tant que 90 % à 95 % des demandeurs déboutés pourront de facto se maintenir en France, la belle notion d’asile continuera d’être dénaturée pour rester un appel d’air permanent pour l’immigration clandestine.

Monsieur le ministre, vous vous êtes dit attaché à ce que les déboutés du droit d’asile quittent effectivement le pays. Reste que le maintien de tant de clandestins sur notre sol, ce scandaleux état de fait sur lequel prospèrent toutes sortes de profiteurs de la misère, tout cela doit beaucoup aux consignes que vous-même donnez aux préfets.

Cet amendement a également mis en lumière la profonde incohérence qui mine la crédibilité politique de ce qu’il est convenu d’appeler la « droite plurielle », qu’il s’agisse d’asile, d’immigration et de tous les grands sujets de société. En effet, comme l’a montré la position de notre collègue Mme Létard – qui a critiqué cet amendement, aussi timide soit-il –, cet attelage, à droite, comprend une aile centriste qui est essentiellement alignée sur la gauche.

Je pourrais tout autant mentionner, en dehors de la Haute Assemblée, M. Juppé ou Mme Kosciusko-Morizet... (Sourires narquois.) Depuis maintenant des décennies, ce courant a empêché toute réforme sérieuse lorsque l’UMP – ou les formations qui l’ont précédée – était au pouvoir.

Ce n’est donc pas l’UMP qui changera quoi que ce soit, car je rappelle une fois encore que nous ne faisons que transposer des textes européens que vos partis respectifs ont déjà adoptés à l’échelon communautaire ! Si seulement les obligations de quitter le territoire français étaient aussi bien exécutées que ne le sont ici les injonctions de Bruxelles, mes chers collègues ! (Exclamations.)

Pour que la situation en France change vraiment, il faut rompre avec certaines logiques, avec certaines postures et avec certains faux-semblants d’opposition ! Cessons de nous soumettre à ceux qui nous imposent l’accueil de toujours plus de réfugiés et nous imposeront bientôt des quotas d’immigrants, plus ou moins légaux, par pays ! Réveillons-nous avant qu’il ne soit trop tard et faisons enfin des lois pour ceux qui nous confient leurs suffrages, c’est-à-dire pour les Français d’abord ! (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. Michel Bouvard. Insupportable !

M. Stéphane Ravier. Vous êtes libre de quitter l’hémicycle si cela vous est insupportable !

Une sénatrice du groupe socialiste. Démagogie !

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour le groupe UDI-UC.

Mme Valérie Létard. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, maintenant que les donneurs de leçons se sont exprimés, tâchons de parler avec justesse d’un texte dont l’objectif est de servir l’intérêt général par des mesures applicables, et non de défendre des postures politiques. Mes propos visent M. Ravier. (Vifs applaudissements. – Très bien ! sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

Monsieur Ravier, vous qui nous accusez de postures, balayez devant votre porte ! Qu’avez-vous de concret à proposer, sinon des solutions inapplicables ? (Nouveaux applaudissements. – M. Stéphane Ravier proteste.)

Nous voilà donc parvenus au terme de l’examen du projet de loi relatif à la réforme du droit d’asile.

Permettez-moi de saluer d'abord la qualité de notre débat. Malgré la pression de l’actualité liée aux drames humanitaires en Méditerranée, nous avons gardé présent à l’esprit notre objectif : rendre au droit d’asile son unique vocation, qui est d’accueillir dans de bonnes conditions les personnes ayant besoin de la protection de la France, de le faire au mieux et de traiter en même temps, humainement mais fermement, tous ceux qui ont tenté le tout pour le tout en déposant une demande d’asile, alors même, quelquefois, que leur démarche d’immigration ne relevait pas de ce droit.

Monsieur le rapporteur, permettez-moi de saluer de nouveau la qualité de votre travail. Même si, sur un point, nos positions sont restées fortement divergentes, je me félicite des nombreuses clarifications et des avancées très utiles qu’aura permises l’examen de ce projet de loi par le Sénat : elles ont sensiblement amélioré le texte qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale.

Monsieur le ministre, je veux également saluer la qualité d’écoute et d’ouverture dont vous avez fait preuve. Vous êtes allé jusqu’à reprendre mon amendement « mort-né » sur la territorialisation de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, comme je l’avais suggéré au cours de la discussion générale.

Je pense que nous avons fait œuvre utile et j’espère vivement que la commission mixte paritaire, qui se réunira prochainement, permettra de déboucher sur un texte commun. Comme nous l’avons souligné de manière unanime, cette réforme est une première étape, essentielle dans la construction d’une politique d’ensemble cohérente de l’accueil des étrangers dans notre pays.

Je me réjouis également que le travail de concertation que mon collègue Jean-Louis Touraine et moi-même avons entrepris en 2013 et qui a débouché sur un rapport sur la réforme de l’asile, présenté au ministre de l’intérieur au mois de novembre de la même année, ait largement nourri les différentes mesures de ce projet de loi. Il me semble que l’objectif de raccourcissement des délais a été tenu.

Comme j’ai eu l’occasion de le rappeler au cours de nos débats, cet objectif doit d’abord être interprété positivement : notre réforme aura atteint son but lorsque la procédure accélérée permettra d’accorder très rapidement l’asile à ceux qui en ont besoin. À cet égard, l’absence de condition préalable de domiciliation, inscrite dans le texte grâce à l’amendement que nous avons déposé, l’obtention d’une carte de séjour « sans délai » une fois la protection accordée, votée également sur notre initiative, la possibilité d’entamer immédiatement une procédure de réunification familiale, adoptée par la commission des lois, sont autant de signes de notre volonté d’intégrer mieux et très vite les réfugiés et les bénéficiaires d’une protection.

Je me félicite également que nos débats aient permis d’introduire des propositions du rapport de Jean-Louis-Touraine et moi-même, qui nous semblaient essentielles pour assurer un traitement équilibré des demandes d’asile.

Je veux tout d’abord parler de la question des déboutés, qu’il me paraissait difficile de passer sous silence ou de renvoyer à un texte sur l’immigration irrégulière. Une personne déboutée du droit d’asile n’est pas dans la même situation qu’un étranger en situation irrégulière :…

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Exactement !

Mme Éliane Assassi. Oui, ce n’est pas pareil !

Mme Valérie Létard. … nous la connaissons, puisque nous avons traité sa demande, et nous savons bien que la renvoyer à la clandestinité ne réglera rien.

C’est la raison pour laquelle je me félicite que la commission des lois ait émis un avis favorable sur un amendement visant à mettre en place des centres dédiés aux déboutés et ajoutant au texte un article 14 bis. Selon moi, il s’agit d’une avancée considérable et j’espère que sa mise en œuvre, à titre expérimental dans un premier temps, qui devrait être lancée très rapidement, nous donnera l’occasion de mieux accompagner le retour des personnes déboutées du droit d’asile vers leur pays d’origine, chaque fois que cela se justifiera.

D’autres propositions importantes issues de ce rapport sur la réforme de l’asile ont trouvé leur place au Sénat. Je pense en particulier, comme je l’ai rappelé tout à l’heure, à l’expérimentation de la territorialisation de l’OFPRA. L’adoption d’un schéma d’orientation directif des demandeurs d’asile, associé à la création de futures grandes régions, conduit logiquement à se poser la question d’une organisation déconcentrée de l’OFPRA. Celle-ci devra se faire progressivement, afin de tenir compte des efforts importants demandés par la mise en place de la réforme en cours. Le corollaire de cette déconcentration à venir, c’est bien évidemment la possibilité pour la Cour nationale du droit d’asile de se rendre elle aussi dans les territoires, ce que permet l’adoption de notre amendement sur les missions foraines à l’article 10 du projet de loi.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi également de me réjouir que la discussion en séance publique ait permis de réintroduire dans le texte les critères d’évaluation de la vulnérabilité. Sur ce sujet, je n’ignore pas la position de la commission des lois, qui estime que le rappel de l’article de la directive est suffisant. Pour ce qui me concerne, j’ai le sentiment que, parfois, une piqûre de rappel n’est pas inutile, d’autant que, au quotidien, tout le monde n’aura pas forcément le texte de la directive sous les yeux.

Enfin, sur notre initiative également, le Sénat a réintroduit, d’une manière plus opérationnelle que par le biais de la conférence territoriale de l’action publique – la CTAP –, la consultation des collectivités compétentes en matière d’habitat dans l’élaboration des schémas régionaux qui viendront décliner le schéma national d’accueil des demandeurs d’asile. Ce point n’est pas négligeable si nous voulons assurer une meilleure répartition de l’accueil entre les territoires et permettre une meilleure acceptabilité sociale des centres d’hébergement par la population d’une commune.

Si je considère que le bilan de nos débats est largement positif, il me reste néanmoins un regret. Vous l’aurez compris – nous en avons longuement débattu –, il s’agit de l’introduction, à l’article 14 du texte, de l’alinéa 17, lequel dispose qu’une décision de l’OFPRA et de la CNDA pourrait valoir obligation de quitter le territoire français. Je reste convaincue que cette mesure, si elle devait être adoptée définitivement, serait dommageable, en termes tant d’efficacité que de délais. Ce n’est pas une posture ! J’estime tout simplement qu’un tel dispositif ne serait pas fonctionnel.

J’ai cependant accepté de retirer l’amendement de suppression de cet alinéa déposé par mon groupe, contre votre engagement, monsieur le président de la commission des lois, de revoir ce dispositif, en tenant compte des propositions de M. le ministre sur les obligations de quitter le territoire français et des positions de l’Assemblée nationale. Je compte sur votre volonté de parvenir à une solution acceptable par tous !

C’est dans ces conditions et avec cette réserve que le groupe de l’UDI-UC adoptera le projet de loi relatif à la réforme du droit d’asile, ainsi qu’il a été amendé par la Haute Assemblée.

En effet, je veux le répéter en conclusion de mon propos, l’urgence est bien de sauver notre droit d’asile. Il s’agit de faire en sorte que, ainsi rénovée et tout évitant qu’elle ne soit détournée de son objet, la procédure nous permette d’accueillir plus rapidement les personnes recevant la protection de la France. Rendre notre dispositif plus souple, plus proche des territoires, plus opérant, tout en réduisant les délais excessifs qui nuisent à sa lisibilité, c’est certainement la meilleure manière de réussir la réforme de l’asile.

Au reste, cela ne constitue qu’une partie d’une politique plus globale de l’accueil des migrants qui frappent aux portes de l’Europe.

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !

Mme Valérie Létard. L’instauration de quotas, les navires mobilisés en Méditerranée, le renforcement du régime FRONTEX, l’agence européenne pour la gestion de la coopération aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne, de la politique de codéveloppement avec les pays d’origine (M. le président de la commission des lois acquiesce.) et de départ des centaines de milliers de migrants massés sur les côtes libyennes sont autant de questions que nous devons traiter à l’échelon européen. À côté d’une nécessaire politique européenne de l’asile, le défi qui est posé est bien celui de la prise en compte, de manière solidaire entre nos pays, de l’immigration de la pauvreté, laquelle ne doit pas être l’affaire que de quelques-uns et demande des réponses urgentes et équitables. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendlé, pour le groupe UMP. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Catherine Troendlé. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, je commencerai par rappeler à M. Ravier que nous sommes tous des législateurs responsables et éclairés.

M. Stéphane Ravier. J’en doute !

Mme Catherine Troendlé. De ce point de vue, nous avons bien compris que le traitement de l’asile, qui est un sujet d’une grande gravité, ne pouvait s’accommoder de postures politiques. Je ne suis pas sûre qu’il en soit de même pour vous ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. Stéphane Ravier. Redescendez parmi les mortels !

Mme Catherine Troendlé. Mes chers collègues, alors que, jour après jour, l’actualité nous montre, de manière bien triste, le désarroi de ces milliers de migrants qui tentent de franchir les frontières européennes pour chercher refuge, notre pays, la France, a le devoir, avec ses partenaires européens, de trouver des solutions humanitaires.

Parmi ces solutions se trouve bien évidemment la politique d’asile.

Cette démarche s’inscrit dans un processus historique qui remonte au Moyen-Âge, lorsqu’un persécuté pouvait se réfugier dans un monastère ou un couvent, en vertu de la tradition des « impunités ». (M. Stéphane Ravier s’exclame.) Il faudra attendre la Révolution française pour que la France offre l’asile aux personnes persécutées au nom de leur combat pour la liberté.

Héritage de la protection des persécutés, le droit d’asile est inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946. Depuis lors, la France a toujours su offrir sa protection aux opprimés et aux victimes des régimes bafouant les droits de l’homme.

Force est de constater que la procédure d’asile est aujourd’hui à bout de souffle et ne répond plus à ses véritables enjeux. Sa vocation a été dévoyée et elle a été transformée en véritable machine à légaliser des clandestins. C’est pourquoi il est nécessaire et urgent d’entreprendre une réforme de l’asile, afin de donner du sens au droit d’asile, pour mettre fin aux détournements et aux dérives des procédures.

Notre attention doit se porter de manière prioritaire sur les personnes venant de pays à haut risque, comme c’est le cas aujourd’hui. Nous devons préserver la dignité de ces personnes, qui sont en souffrance et dans une grande détresse, et répondre rapidement aux autres demandeurs par une reconduite hors des frontières.

Pour bénéficier de l’asile en France, il faut apporter les preuves des persécutions subies, démontrer que les conditions de vie sont inhumaines dans le pays d’origine.

En effet, mes chers collègues, il ne faut pas confondre immigration politique et immigration économique. Ce fut, d’ailleurs, le préalable de l’excellent travail réalisé par le rapporteur, M. François-Noël Buffet, et le rapporteur pour avis, M. Roger Karoutchi. (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.)

C’est pourquoi nos exigences doivent être maximales et optimales. L’objectif est de pouvoir accorder rapidement l’asile à ceux qui en ont besoin.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très juste !

Mme Catherine Troendlé. La difficulté que posent aujourd'hui notre droit et la situation de fait à laquelle nous sommes confrontés tient à la procédure, qui a été dévoyée.

Si le projet de loi vise, sans véritable efficacité, à accélérer les procédures, il n’apporte aucune solution tendant à un meilleur contrôle des entrées sur le territoire et ne contient ni mesures ni moyens pour procéder rapidement à la reconduite rapide à la frontière de tous les déboutés. C’est ce que la Cour des comptes a récemment mis en lumière, chiffres à l’appui. Ces chiffres, nous les connaissons tous : chaque année, dans notre pays, environ 40 000 personnes sont déboutées et 75 % des demandes d’asile en moyenne sont rejetées. Or ces déboutés ne sont quasiment pas renvoyés dans leur pays d’origine.

Forts de ce constat, nous devons tous convenir que notre système présente un caractère attractif. Le simple fait de solliciter l’asile équivaut, pour les demandeurs, à l’obtention, à moyen terme, d’un titre de séjour. Voilà pourquoi le nombre de demandeurs ne cesse d’augmenter.

Par conséquent, notre groupe se satisfait des travaux du Sénat, qui ont permis d’améliorer ce texte par l’introduction de deux principes importants à nos yeux : l’insertion des bénéficiaires d’une protection et l’éloignement des personnes déboutées de leur demande d’asile.

Pour ce faire, nous avons réduit les délais de traitement des dossiers et les avons inscrits dans la loi. Ainsi, les décisions de l’OFPRA devront être rendues dans les trois mois, au lieu de six mois actuellement, pour les procédures normales, dans les quinze jours en cas de procédure accélérée et dans un délai de quatre-vingt-seize heures pour les demandes d’asile en rétention.

Nous avons appliqué, en matière d’asile et de droit de séjour, l’adage « fraus omnia corrumpit », toute fraude entraîne le rejet systématique de la demande d’asile. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.) Mes chers collègues, voilà une belle occasion de rappeler que l’enseignement du latin et du grec est primordial ! (Sourires.)

Mme Catherine Troendlé. Nous avons permis de rendre immédiates les obligations de quitter le territoire français pour les déboutés, le rejet de la demande d’asile valant obligation de quitter le territoire français.

Nous avons appliqué strictement la directive européenne Retour, en réduisant de trente jours à sept jours le délai de départ volontaire fixé à l’étranger à l’égard duquel une obligation de quitter le territoire a été prononcée. Parallèlement, nous n’avons pas autorisé un débouté à engager une autre procédure pour bénéficier d’un titre de séjour.

Nous avons également borné le concept d’« inconditionnalité de l’accueil » dans les hébergements d’urgence à la jurisprudence du Conseil d’État : tout débouté ne peut plus bénéficier de l’hébergement auquel il avait droit durant la procédure.

Enfin, nous avons décidé l’expérimentation d’une déconcentration de l’OFPRA, par la création d’antennes permanentes dans les départements confrontés à un fort afflux de demandeurs d’asile, ainsi que la mise en place d’audiences foraines pour la CNDA.

Notre préoccupation, qui est celle de beaucoup de Français, est d’arriver à donner une situation humainement acceptable à des migrants fuyant leur pays à cause de guerres, de crimes arbitraires et de discriminations violentes.

Je remercie vivement, au nom de mon groupe, le rapporteur, M. François-Noël Buffet, et le rapporteur pour avis, M. Roger Karoutchi, de leur excellent travail, de leur écoute et de leur détermination à rendre ce texte efficace et respectueux de la dignité humaine. (Bravo ! sur les travées de l’UMP.)

Le groupe UMP votera ce projet de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à exprimer ma fierté d’avoir été le chef de file du groupe socialiste dans ce débat. Ce texte, dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, fait progresser notre droit d’asile.

Réduction des délais d’instruction, renforcement des droits du demandeur d’asile à travers la présence d’un tiers à l’entretien, recours suspensifs, organisation de l’accueil des réfugiés sur l’ensemble de notre territoire : voilà autant d’avancées que la Haute Assemblée a conservées et je m’en félicite.

Comme l’ont souligné plusieurs de mes collègues, un certain nombre d’autres avancées ont vu le jour au cours de nos débats grâce au rapporteur, à Valérie Létard et au travail de l’ensemble des groupes. La modification de la composition du conseil d’administration de l’OFPRA, la possibilité de déconcentration des services de cet organisme et les missions foraines de la CNDA sont autant d’améliorations des garanties que nous nous devons de saluer.

Je songe également à l’amélioration de l’articulation, sur l’initiative du rapporteur, entre l’exigence du secret des sources dans des cas sensibles et le principe du contradictoire au cours des audiences de la CNDA.

Enfin, il faut souligner la recherche d’une plus grande rapidité en matière de réunification familiale.

Toutefois, ces avancées ne doivent pas cacher l’inquiétude qui est la nôtre au moment de nous prononcer sur ce texte. Je pense en particulier à la position de la majorité sénatoriale sur l’obligation de quitter le territoire français automatique.

Selon le rapporteur, il faut envoyer un « message » aux demandeurs d’asile. Or la loi n’est ni un message ni un communiqué de presse : la loi doit être efficace et opérationnelle.

M. Éric Doligé. Tout de même !

M. Jean-Yves Leconte. Il nous est impossible d’être favorables à ce que vous proposez, pas seulement pour des raisons de droit et d’efficacité. En effet, vous laissez supposer que, sur cette question, nous faisons preuve de laxisme.

Je vous invite à comparer le nombre de déboutés du droit d’asile en France et en Allemagne, ainsi que celui des reconduites à la frontière, et à nous dire lequel de ces deux pays rencontre le plus de difficultés.

La meilleure façon de répondre à la question sensible des déboutés du droit d’asile est de garantir à ces derniers des délais d’examen rapides. Nous ne pouvons plus accepter les délais de plus de deux ans, qui étaient la norme jusqu’en 2012. (Mme Catherine Troendlé acquiesce.) Grâce à ce texte, nous les ramènerons à huit mois au maximum et à trois mois dans le meilleur des cas. Si les demandes sont légitimes, elles seront reconnues au bout de trois mois.

Il est en effet plus facile d’organiser le retour de personnes installées sur notre territoire depuis trois mois ou huit mois que depuis deux ans. C’est là le cœur du problème : rien ne sert de créer des obligations de quitter le territoire français automatiques si celles-ci sont inopérantes et ajoutent des procédures aux procédures.

Un autre recul porte sur le droit du travail. Dans ce domaine d’ailleurs, le texte issu des travaux du Sénat n’est pas conforme au droit européen.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Mais non !

M. David Assouline. Vous le savez bien !

M. Jean-Yves Leconte. La directive exige en effet que les demandeurs du droit d’asile puissent accéder au marché du travail après neuf mois.

La meilleure chose que puisse offrir au pays qui l’accueille celui qui quitte son lieu de vie parce que sa sécurité n’est plus assurée et qu’il ne lui reste que sa tête, ses bras et ses pieds, c’est sa force de travail. Refuser ce droit à un demandeur qui a été présent neuf mois sur notre territoire, c’est ne pas être tout à fait prêt à l’accueillir.

Aux avocats qui plaident auprès de la CNDA et qui manifestent en ce moment même devant le Sénat, je tiens à témoigner que nous avons entendu leurs préoccupations sur la question du juge unique. Cependant, c’est bien ce qui se passe dans de nombreux pays et les ordonnances rendues par la CNDA s’apparentent déjà à une décision d’un juge unique, sans contradictoire. Désormais, le principe du contradictoire sera garanti.

Nous avons également entendu leurs inquiétudes quant aux procédures accélérées. Un certain nombre de mesures inscrites dans ce texte permettront à la CNDA de revenir aux procédures normales, si elle l’estime nécessaire. Nous serons vigilants sur toutes ces questions, mais nous considérons que l’amélioration des délais que permet le texte répond aux exigences du droit.

Je remercie non seulement les agents de l’État, ceux de l’OFPRA et les rapporteurs de la CNDA, mais également tous les avocats, les juges de l’asile, la CIMADE, les associations d’accueil de terrain, ceux qui assurent des permanences juridiques, le Service jésuite des réfugiés, le JRS, et la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale, la FNARS. Tous ont été mobilisés sur ce texte. Bien plus, tous se mobilisent jour après jour pour l’accueil des demandeurs d’asile.

Leur engagement atteste que la question de l’asile ne se limite pas à un rapport entre l’État et le demandeur. C’est bien la France, dans son ensemble, qui est mobilisée sur le terrain, à travers ces associations, pour marquer son attachement au droit d’asile et le faire vivre au quotidien sur l’ensemble du territoire.

Au regard des réserves que j’ai émises sur le droit du travail et sur l’obligation de quitter le territoire français automatique, le groupe socialiste ne pourra apporter ses voix à la majorité sénatoriale.

M. Jean Bizet. C’est dommage !

Mme Esther Benbassa. Cela peut arriver !

M. Jean-Yves Leconte. Toutefois, compte tenu des avancées qui figuraient dans le texte initial et que le Sénat a conservées et de celles que la Haute Assemblée a apportées, le groupe socialiste s’abstiendra. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Dallier. Ce n’est pas très courageux !

M. Jean-Claude Lenoir. Oui, vous n’êtes pas très courageux !

M. Jean-Yves Leconte. Nous espérons que la commission mixte paritaire sera l’occasion de faire entendre la voix du Sénat, celle-là même qui s’est exprimée à l’occasion de l’examen de ce texte et que nous avons tous signalée, dans un esprit constructif. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Nous nous abstiendrons, parce que certaines des dispositions de ce texte sont inacceptables ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

Nous nous opposons à de tels reculs ! Nous voulons un texte conforme au droit européen, mais nous voulons aussi que les avancées positives réalisées au Sénat soient prises en compte dans le texte final. Nous voulons faire en sorte que la commission mixte paritaire aboutisse.