M. André Reichardt. Très bien !

M. René Vandierendonck, corapporteur. La deuxième disposition a trait à l’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires de l’ensemble des établissements publics de coopération intercommunale, ou EPCI, à fiscalité propre.

MM. Alain Gournac, Rémy Pointereau et Pierre-Yves Collombat. C’est la mort des communes !

M. René Vandierendonck, corapporteur. L’article 22 octies élargit à l’ensemble des EPCI à fiscalité propre le principe de la fixation par la loi avant le 1er janvier 2017 de modalités particulières pour l’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires.

Ce nouvel article généralise à l’ensemble des intercommunalités l’objet de l’article 54 de la loi MAPTAM, qui, sans même poser la question constitutionnelle, limitait le champ de cette innovation aux conseils des métropoles, en l’assortissant d'ailleurs de la remise d’un rapport préalable du Gouvernement au Parlement pour éclairer le législateur.

Comme nous le disions au moment de la discussion de la loi MAPTAM, il faut le rappeler avec force, le Sénat est favorable au suffrage universel direct communal et hostile à la supracommunalité ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC et du RDSE.)

La troisième disposition traite des conditions du transfert aux intercommunalités de la compétence en matière de plan local d’urbanisme.

M. Charles Revet. Entendez-vous, madame le ministre ?

M. René Vandierendonck, corapporteur. L’Assemblée nationale est revenue sur une disposition qui avait fait l’objet d’un consensus lors de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ALUR pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, sur l’initiative de M. Claude Bérit-Débat. Nous avions alors expliqué qu’il s’agissait d’envoyer un signal fort aux communes en leur donnant l’assurance, à travers l’instauration d’une minorité de blocage, que la recherche d’un accord primerait sur la contrainte.

M. André Reichardt. Très bien !

M. René Vandierendonck, corapporteur. Excepté ces trois « marqueurs idéologiques » inutiles, il me semble que les deux chambres peuvent trouver des points de consensus sur des thématiques majeures introduites par le texte visant une répartition équilibrée des compétences entre région, département et bloc communal, dans la logique du projet de loi, qui est bien la clarification des compétences entre les échelons territoriaux.

J’évoquerai maintenant le maintien d’un certain nombre de compétences de proximité des départements et l’intégration dans la loi d’une véritable compétence de ces derniers en matière de solidarités territoriales et humaines.

Le Premier ministre, ici même, avait rappelé l’importance du rôle des départements « pour assurer les solidarités sociales et territoriales, entre de grandes régions stratèges et le couple communes-intercommunalités ». Je donne acte au Gouvernement de la clarification de l’intervention des départements dans ce domaine, grâce à l’inscription d’une compétence en matière de solidarités territoriales et humaines, à l’article 24 du projet de loi.

Se félicitant de la philosophie globale de cet article, la commission des lois a précisé les missions de solidarité territoriale du département, en particulier en rétablissant, sur proposition de Jean-Jacques Hyest, la voirie parmi les compétences pour lesquelles il pourrait apporter une ingénierie aux communes et aux groupements qui le souhaiteraient.

M. René Vandierendonck, corapporteur. Réaffirmant ainsi sa position de première lecture, la commission des lois a également adopté, sans modification, le schéma d’amélioration de l’accessibilité des services publics et, avec modifications, l’article 26 relatif aux maisons de services au public.

La commission des lois salue en outre le dialogue fructueux sur les compétences de proximité du département, qui a abouti au maintien en première lecture au Sénat comme à l’Assemblée nationale, avec le soutien du Gouvernement, des compétences en matière de collèges et de voirie aux départements, respectivement aux articles 12 et 9.

À l’article 9, un amendement prévoyant que les régions pourront « participer au financement des voies et des axes routiers qui, par leurs caractéristiques, constituent des itinéraires d’intérêt régional et sont identifiés par le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires » a ainsi été adopté sur l’initiative du Gouvernement.

La commission a adopté les articles 12 et 9, sous réserve de modifications rédactionnelles.

Il reste à souligner, mais nous y reviendrons abondamment, qu’il subsiste une divergence d’appréciation sur la compétence de proximité en matière de transports scolaires et de transports à la demande, que le débat doit permettre d’éclairer.

La commission a également supprimé ce matin l’article 8 ter, prévoyant l’évolution des périmètres de transports urbains, dans l’attente des éléments complémentaires qui seront certainement présentés par le Gouvernement au cours de nos débats.

Le maintien d’importantes compétences aux départements s’est accompagné, pour le Sénat, d’une volonté de renforcer les compétences stratégiques de la région en matière de développement économique, d’aménagement du territoire, ainsi que d’emploi et de formation.

Sur ces points, deux principes ont guidé les travaux de la commission des lois du Sénat en deuxième lecture.

D’une part, nous avons cherché à respecter tous les équilibres qui avaient été établis dans la loi MAPTAM, notamment la répartition des rôles au sein du couple région-métropole dans le champ du développement économique. Les soixante-dix heures de débat que M. Hyest a courageusement…

M. Charles Revet. Et pleinement !

M. René Vandierendonck, corapporteur. … assumées seul en attestent.

D’autre part, nous avons insisté pour que le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité du territoire, le SRADDET, et le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation, le SRDEII, soient bien le résultat d’une procédure de co-élaboration.

À l’article 3, sur la compétence relative aux aides aux entreprises, les deux chambres convergent globalement vers la mise en place d’un dispositif qui vise utilement à donner une responsabilité prépondérante à la région en la matière, comme l’appellent de leurs vœux MM. Queyranne, Jurgensen et Demaël dans leur rapport.

Sur la question de l’emploi, le Sénat avait, en première lecture, attribué aux régions une compétence en matière de service public de l’emploi.

La commission salue les évolutions opérées par l’Assemblée nationale, sur la proposition de Mme la rapporteur pour avis Monique Iborra. Néanmoins, elle a rétabli l’ambition décentralisatrice retenue par le Sénat en première lecture en matière d’emploi.

Elle a également adopté, sous réserve d’amendements de précision, le dispositif introduit par l’Assemblée nationale à l’article 3 ter, visant à confier à la région une compétence de coordination, sur son territoire, des acteurs du service public de l’emploi.

Enfin, tout en conservant la suppression de la clause de compétence générale des régions, la commission des lois a supprimé les ajouts de l’Assemblée nationale en matière de pouvoir réglementaire des régions, en raison des difficultés constitutionnelles et juridiques fortes qu’ils soulevaient.

Cher Jean-Jacques Hyest, en latin, tandem veut dire « enfin ». J’ai été heureux et fier que vous teniez le guidon, car, comme pour la loi MAPTAM, nous étions d’accord sur la destination ! (Sourires.)

Il s’agissait de redonner au Sénat le « premier mot » en matière de représentation constitutionnelle des collectivités territoriales,…

M. Charles Revet. Très bien !

M. René Vandierendonck, corapporteur. … de clarifier les compétences des régions et des départements, de renforcer l’intercommunalité en privilégiant l’incitation contractuelle plutôt que la norme unilatérale et rigide, et de regretter la désynchronisation entre le débat sur la poursuite de la décentralisation et celui sur la déconcentration. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il faut reconnaître que les collectivités locales sont mises à rude épreuve.

M. André Reichardt. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. Elles sont touchées par une baisse sévère de leurs dotations, alors que, depuis vingt ans, on a quasiment fait disparaître leur autonomie fiscale, aujourd'hui réduite à pas grand-chose pour les régions et les départements, et à guère plus pour les communes. La situation était bien différente dans les années quatre-vingt.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est vrai !

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. On a supprimé la vignette pour les départements,…

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. … puis la part « salaires » de la taxe professionnelle, pour créer finalement un « truc », la fameuse CVAE, ou cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, dont les collectivités ne savent pas ce qu’elle leur rapportera chaque année…

M. René-Paul Savary. C’est vrai !

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. Les collectivités locales doivent maintenant subir un projet de réforme institutionnelle que l’on veut mettre en place au pas de charge, sans tenir compte de la réalité des territoires ni du sentiment d’abandon des territoires ruraux et péri-urbains. On veut instaurer de nouvelles intercommunalité, vastes, parce que cela « fait bien ».

Si ce quatrième projet de loi depuis 2012 a cependant une utilité, c'est, comme René Vandierendonck l’a dit, celle de clarifier les compétences de chacun des niveaux de collectivités. Enfin ! Jean-Pierre Raffarin avait essayé de le faire,…

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. … mais cela n’avait pas donné de bons résultats, chaque niveau de collectivités ayant voulu garder toutes ses compétences.

Aujourd’hui, les moyens ayant diminué, on peut espérer que les compétences soient véritablement clarifiées. C’est, à mon avis, plus important que de vouloir, à tout prix, supprimer des collectivités, en faisant fi de l’histoire de notre pays et de la volonté évidente des élus locaux de mieux mutualiser les politiques publiques.

Avec mon excellent corapporteur René Vandierendonck, qui a davantage travaillé que moi (Sourires.),…

M. Charles Revet. Allons, vous cherchez des compliments !

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. … nous partageons la même conception du rôle des collectivités locales. L’un comme l’autre, nous avons une longue expérience de la vie et des réalités quotidiennes de celles-ci. Vous êtes nombreux à être dans le même cas, mes chers collègues, et il est bon que nous puissions tous donner notre avis et faire part de notre vécu.

René Vandierendonck a évoqué les compétences essentielles des régions et des départements. J’insisterai, à mon tour, sur une étape essentielle de la décentralisation en matière d’accompagnement vers l’emploi.

Ce n’est pas rendre service aux demandeurs d’emploi que de déconnecter le développement économique, la formation professionnelle et l’emploi ou l’enseignement supérieur. Ce n’est pas possible, ce n’est pas tenable !

On ne peut donc que regretter la timidité de l’Assemblée nationale sur ce sujet, mais il existe certainement des marges de progression. Ce volet relève d’une troisième étape de la décentralisation, le reste ressortissant simplement à l’organisation des territoires.

J’en viens au volet communal et intercommunal. Nous devons réaffirmer, comme vous l’avez fait, madame la ministre, que la commune doit demeurer la cellule de base de la démocratie locale et qu’elle est plus que jamais indispensable, si l’on ne veut pas distendre encore un peu plus le lien social et sacrifier d’immenses pans de notre territoire.

On peut toujours faire de loin l’éloge des élus locaux, mais ce sont eux qui font vivre la démocratie locale ! S’ils n’étaient pas là, les choses seraient encore plus compliquées ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC et du RDSE.)

Ainsi que le Sénat l’a exprimé à plusieurs reprises, nous rejetons comme funeste l’idée de « supra-communalité » et tous ses avatars en matière de représentation, tels qu’envisagés par l’Assemblée nationale. Je vous renvoie volontiers au rapport Raffarin-Krattinger, mais aussi au rapport Belot, que vous citez souvent d’ailleurs souvent, madame la ministre, sans peut-être les avoir entièrement lus…

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ah si ! Je les ai lus en entier !

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. Alors, vous n’avez pas tout retenu ! (Rires.)

La loi sur les communes nouvelles votée par le Parlement – je rappelle l’échec de la loi dite Marcellin, qui avait été une première tentative – devait permettre des regroupements volontaires de communes. Toutefois, cela ne sera jamais la panacée. Nous ferons d’ailleurs bientôt le bilan, et nous verrons alors combien de communes nouvelles ont été créées. Cela étant, il ne faut pas se précipiter pour dresser des bilans, ni changer la loi avant qu’elle ait été votée, comme cela arrive parfois… (Sourires.)

Quoi qu’il en soit, le texte proposé par la commission des lois sur ce sujet, qui a fait l’objet de tant de réformes menées généralement sur des durées assez longues, réaffirme le principe de l’intercommunalité, regroupement de communes indispensable pour exercer certaines compétences. Ces communes ont conscience de la nécessité de regrouper leurs forces pour assurer une meilleure efficacité de leur action, tout en espérant faire quelques économies, ce qui ne s’est pas encore vérifié jusqu’à présent.

M. Bruno Sido. C'est le moins que l’on puisse dire !

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. J’ai relu les débats sur la loi de 2010. Elle fut très critiquée par certains, notamment en ce qui concerne les seuils des intercommunalités, mais aussi le rôle des préfets, les compétences obligatoires. Il faut avouer que, rétrospectivement, cette loi paraît presque timide, et équilibrée.

M. Martial Bourquin. C'est beaucoup dire !

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. Elle a permis, après d’autres, une avancée considérable en matière d’intercommunalité.

Le seuil de 5 000 habitants alors retenu a permis que tout le territoire soit couvert par 2 134 intercommunalités. À peine deux ans après la création des plus récentes d’entre elles, voilà qu’on entend en diviser le nombre par deux, sans aucune justification, sans aucune étude d’impact sérieuse.

Si l’idée était, à l’origine, de confier aux intercommunalités certaines attributions des départements en « délestant » ceux-ci des collèges et des routes au profit de la région, il faut oublier cet épisode. Sinon, il aurait fallu, au moins, rétablir les conseils d’arrondissement.

Nous voyons que la proximité doit demeurer le maître mot de cette architecture territoriale. Mes collègues du groupe socialiste l’ont bien compris, qui ont déposé un amendement visant à abaisser le seuil des intercommunalités. L’Assemblée nationale a dû établir des dérogations multiples qui, certes, peuvent convenir à quelques départements « hyper-ruraux »,…

Mme Jacqueline Gourault et M. Jacques Mézard. Ah !

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. … pour reprendre l’expression de notre collègue Alain Bertrand, mais certainement pas aux secteurs ruraux des départements comptant une métropole ou une partie fortement urbanisée.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C'est le contraire !

Mme Jacqueline Gourault. Mais si, cela fonctionne !

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. Non, cela ne fonctionne pas ! Je vous l’expliquerai le moment venu, ma chère collègue !

M. Pierre-Yves Collombat. De toute façon, ça ne sert à rien !

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. C’est pourquoi la commission, comme en première lecture, vous propose de maintenir en l’état le seuil de 5 000 habitants, en tenant compte des communes de montagne (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l’UDI-UC.) et des îles.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C'est déjà le cas !

Mme Jacqueline Gourault. Il ne faut pas oublier l’île d’Yeu pour M. Retailleau !

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. Cessons de charger les communautés de compétences obligatoires, même si nous proposons de progresser dans ce domaine. Je pense notamment à la question du traitement des déchets, qui ne peut aujourd'hui être réglée dans un cadre communal.

Vous le savez bien, madame la ministre, de nombreux problèmes vont se poser en matière d’eau ou d’assainissement. Si la volonté existe, les choses pourront se faire dans le cadre des compétences optionnelles actuelles, mais, je le redis, cessons de multiplier les compétences obligatoires !

M. André Reichardt. Très bien !

M. Alain Gournac. C'est le bon sens !

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. Nous avons eu de nombreux contacts avec les élus locaux, et pas seulement ceux qui s’expriment en leur nom, si vous voyez ce que je veux dire… (Rires.)

Mme Jacqueline Gourault. M. le rapporteur est contre le monde associatif !

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. Je vise non pas l’association qui regroupe toutes les communes de France, mais plutôt ses sous-filiales ! (Sourires.)

Nous avons ressenti une profonde inquiétude des élus face à une réforme dont ils ne comprennent ni la pertinence, ni surtout le tempo infernal. Chacun sait que la réussite d’une politique, surtout quand il s’agit des élus locaux, passe plus par la persuasion que par l’autorité imposée. On l’a bien vu en 2010. Les mariages forcés ne sont jamais une bonne solution.

D’ailleurs, on peut se demander si la meilleure formule passe obligatoirement par des fusions de communautés, pour correspondre le mieux possible à des bassins de vie.

Dans certains cas, faute d’autre solution, des territoires ruraux pertinents seront absorbés par une communauté d’agglomération ou une communauté urbaine, ce qui ne correspond pas à un bon aménagement du territoire. (M. Éric Doligé opine.)

Prenons garde, en réduisant drastiquement le nombre de communautés, à ne pas commettre des bévues ou à ne pas choisir de mauvaises solutions.

À ce stade de la discussion, je n’évoquerai pas le statut de la Corse. Vous avez certes expliqué, madame le ministre, pourquoi le Sénat n’avait pu être saisi de ce bouleversement institutionnel. Notre assemblée représente pourtant les collectivités locales, n’en déplaise à certains, pour qui le Sénat ne représente plus rien !

Je ne parlerai pas non plus de la gestation difficile de la métropole du Grand Paris (M. Roger Karoutchi rit.), ni de l’aménagement numérique, des compétences partagées ou de la transparence financière des collectivités. Sur ces sujets, il n’y a pas de désaccord entre nous.

J’espère que le texte qui sortira de nos travaux confortera la décentralisation, l’équilibre de nos territoires, la commune, institution à laquelle nos concitoyens demeurent attachés malgré les coups de boutoir que lui portent des experts autoproclamés et des comités Théodule qui ne connaissent pas la réalité du terrain, et l’approche non pas conservatrice, mais pragmatique, qui a toujours été celle du Sénat, en sa qualité de vrai représentant des collectivités locales de la République ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – MM. Gérard Collomb et Michel Delebarre applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce projet de loi aurait pu constituer une nouvelle étape de la décentralisation, pour plus de rationalité et de coordination de l’action publique, mais aussi plus d’équité entre les territoires : autant de thèmes auxquels nous sommes très attachés au Sénat, parce que nous les vivons au quotidien dans nos départements.

Nous regrettons que ce texte ne soit pas allé plus loin, au moins en matière de culture et de sport, et qu’il n’ait que très partiellement répondu aux ambitions affichées ; je sais exprimer là un sentiment très répandu dans cet hémicycle.

La commission de la culture, de l’éducation et de la communication s’était saisie en première lecture de l’article 12, pour argumenter contre le transfert des collèges aux régions. Sur ce point, le texte n’a heureusement pas été modifié à l’Assemblée nationale. Nous étions très nombreux à souhaiter le maintien des collèges dans le giron des départements.

Il n’en a pas été de même pour les transports scolaires ; aussi notre commission s’est-elle à nouveau saisie d’une partie du titre Ier, qui vise au « développement équilibré des territoires ». Nous avons examiné l’article 8, relatif aux compétences régionales en matière de transports scolaires. La commission des lois a bien voulu nous suivre dans le refus du transfert de la gestion des transports scolaires aux régions ; j’en remercie ses rapporteurs.

En revanche, concernant le titre III, qui vise à « garantir la solidarité et l’égalité des territoires », je veux vous alerter, une fois encore, sur l’importance d’adopter une position volontariste sur les compétences dans les domaines de la culture et du sport.

En effet, la version initiale du projet de loi, à l’article 28, rangeait la culture et le sport parmi les compétences partagées entre l’État et les collectivités locales.

Le Gouvernement nous a présenté cette disposition comme une « avancée », sinon une garantie, alors que c’est tout simplement une évidence, le simple constat de ce qui existe aujourd’hui : la culture et le sport sont, de facto, des compétences partagées, et personne n’imagine sérieusement qu’il en aille autrement. Tous les échelons institutionnels de notre pays y ont leur part, tout simplement parce que faire du sport, organiser des compétitions, lire, dessiner, visiter un site patrimonial, travailler dans une commune qui valorise ses monuments, aller au cinéma ou encore acheter un jeu vidéo concerne peu ou prou tout le monde, à toutes les échelles géographiques. Il n’y a donc, à ce titre, aucune raison que les compétences en matière de culture ou de sport relèvent d’un seul échelon institutionnel.

Sortons néanmoins un peu de notre « cuisine institutionnelle », où l’on en arrive parfois à regarder comme une avancée ce qui n’est que le constat de l’évidence. Que se passe-t-il en matière de culture et de sport ? Partout, aujourd’hui, les institutions sont en repli ; des centres d’art, des conservatoires de musique ferment ; des festivals sont annulés faute de moyens.

Le Gouvernement se félicite de maintenir les crédits de la culture pendant trois ans. Nous lui en savons gré, mais nous savons aussi que le passage du « rabot » de l’État sur les dotations aux collectivités locales entraînera une diminution souvent brutale des crédits alloués aux projets, à l’activité culturelle : c’est d’abord cela que l’on constate dans les territoires, qu’il s’agisse des bibliothèques, des théâtres, des musées.

Je ne voudrais pour rien au monde, cependant, que l’on voie en moi une donneuse de leçons : la crise concerne toutes les institutions, et nous comprenons fort bien la nécessité des économies budgétaires. Mais c’est justement quand la ressource est rare qu’il faut l’utiliser à meilleur escient, qu’il faut renforcer la concertation et l’organisation stratégique des moyens.

Nous touchons là au cœur du travail législatif que nous avons accompli au Sénat en première lecture. La loi ne doit pas se contenter d’affirmer que la compétence est partagée en matière de culture, de sport et de tourisme ; il faut encore qu’elle en organise l’exercice conjoint et qu’elle donne un peu de contenu à ces compétences.

Tel est le sens des conférences territoriales thématiques de l’action publique, les CTAP, « sport » et « culture », dont nous avons proposé la mise en place et que vous avez accepté de maintenir dans le texte, messieurs les rapporteurs de la commission des lois, ce dont je vous remercie encore une fois vivement. Nos collègues députés de la commission des affaires culturelles nous avaient d’ailleurs suivis, mais pas ceux de la commission des lois, non plus que le Gouvernement.

On nous dit que rien n’empêchera les CTAP de constituer des commissions thématiques et qu’il faut leur laisser toute liberté à cet égard. Mais que se passera-t-il quand elles ne le feront pas ? Au lieu d’un exercice conjoint de la compétence partagée, on aura plutôt une mise en œuvre disjointe et dispendieuse des politiques culturelles, fondée sur un partage des compétences « à la carte », où chacun fera comme il l’entend, sans concertation et avec force doublons. Les dossiers « culture » et « sport » seront examinés en dernier dans les CTAP, il n’y aura pas de coopération ni d’économies d’échelle, et encore moins de solidarité et d’égalité des territoires, pour reprendre l’intitulé crâne du titre III de ce projet de loi.

De même, quand nous avons proposé d’écrire dans la loi que la CTAP doit veiller à la continuité des politiques publiques en matière de culture, de sport et de tourisme, on nous a répondu que ce sera de toute façon le cas, puisque la CTAP aura un rôle de coordination, et qu’il n’est donc nul besoin de l’écrire…

Madame la ministre, mes chers collègues, un tel argument sera trop faible pour être opposé à tous ceux qui ne verront dans cette CTAP qu’une coquille vide, qu’une instance aux contours imprécis et aux missions si floues qu’elle pourra exister sur le papier sans jamais se saisir des sujets importants.

Ne gaspillons donc pas nos moyens, organisons davantage les compétences, qui, si elles relèvent de différents échelons institutionnels, participent directement à la construction de notre vie sociale, collective ! Des initiatives existent depuis quelques années pour construire des politiques culturelles concertées : je pense en particulier à la conférence régionale consultative pour la culture, créée en 2009 en Pays de Loire, ainsi qu’à d’autres chartes régionales. En tant que législateur, nous devons encourager les collectivités à aller dans ce sens, en systématisant la mise en place d’un cadre qui leur permette de débattre plus précisément des questions de culture et de sport.

J’y reviendrai lors de l’examen du titre III, en vous présentant à nouveau des amendements tenant compte de la position de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale. Je tenais cependant à le dire dès la discussion générale : la culture et le sport ont besoin non pas seulement de bonne volonté, mais de volontarisme.

M. Charles Revet. Tout à fait !

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. La crise est aiguë, engageons-nous davantage en faveur de ce qui consolide la vie en société : c’est une défenseur ardente de la décentralisation qui vous le dit ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP, ainsi que sur les travées du RDSE.)