M. Jean-Claude Lenoir. Il est très bien, M. Macron !

M. Gérard Cornu. Un mot sur le projet de loi Macron, énorme compilation disparate qui ne va pas manquer de donner du travail à toutes les professions qui vivent de la complexité, tandis que d’autres professions en meurent…

On peut encore évoquer, par exemple, le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi du ministre Rebsamen dont nous allons prochainement débattre au Sénat. Ce texte inquiète à juste titre les patrons, surtout les petits, qui craignent de nouvelles contraintes réglementaires. On y trouve notamment des mesures de simplification du compte pénibilité créé par la dernière réforme des retraites. Le dispositif était entré partiellement en vigueur au 1er janvier 2015. Il aura fallu que les représentants des employeurs, surtout ceux des PME, alertent pendant des mois les pouvoirs publics pour que ce dispositif soit simplifié sur la base des préconisations d’un rapport parlementaire.

Comment s’y retrouver dans ces revirements ? Quelle perte de temps ! L’instabilité juridique et fiscale non seulement nuit à la compétitivité de nos entreprises, mais aussi dissuade les entrepreneurs de créer leur société. N’est-ce pas désespérant ? Nos concitoyens vont jusqu’à nous demander de ne plus légiférer tellement ils ont peur de subir de nouvelles contraintes administratives !

Je crois qu’il faut arrêter de se payer de mots, de formules-chocs, de marketing politique. Il faut dire enfin la vérité, c’est-à-dire que l’on ne simplifie pas, que l’on ne gèle même pas la réglementation, mais, au contraire, que l’on continue de complexifier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli.

M. Didier Mandelli. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens moi aussi à remercier Élisabeth Lamure d’avoir proposé, au nom de la délégation sénatoriale aux entreprises, l’inscription à l’ordre du jour de cette question avec débat.

Par la circulaire du 17 juillet 2013 relative à la mise en œuvre du gel de la réglementation, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a remplacé le moratoire des normes du 6 juillet 2010 par le « gel de la réglementation » : toute nouvelle norme devra être « gagée » par la suppression ou l’allégement d’une norme ancienne. Désormais, le principe « une norme créée, une norme supprimée ou allégée » s’applique non seulement aux collectivités territoriales et au public, mais également aux entreprises.

L’objectif poursuivi par le Gouvernement est d’endiguer l’inflation normative et d’accélérer les simplifications. La critique de la prolifération et de la complexité des règles administratives est récurrente. Tous les gouvernements se sont emparés de cette question avec plus ou moins de succès – je serais tenté de dire plutôt moins…

La simplification administrative est nécessaire et encouragée par tous. Elle est attendue en premier lieu par les entrepreneurs. En effet, la complexité administrative actuelle est une source d’inégalité et un obstacle véritable à l’attractivité du territoire français.

Une réglementation simplifiée et claire est un élément primordial de compétitivité pour notre pays. Elle encourage l’esprit d’entreprise des jeunes Français et l’investissement des grands groupes internationaux en France. Elle accroît également la compétitivité des sociétés déjà présentes sur le marché mondial. Or, actuellement, la réglementation française, réputée complexe et instable, anéantit cet esprit d’entreprise et les projets d’investissement.

Dans un contexte de mondialisation des échanges et de concurrence accrue, les logiques de fonctionnement de l’entreprise et de l’administration peuvent apparaître opposées : le temps long de l’administration face à l’immédiateté du marché.

Pour les TPE et les PME, des tâches comme remplir la « paperasse » et assurer la gestion administrative s’avèrent chronophages. Selon une étude publiée par IPSOS en avril 2014, les dirigeants de TPE ou de PME estiment qu’il leur manque en moyenne trois heures et dix-huit minutes par jour pour accomplir l’ensemble de ces tâches administratives. Pour les TPE, la gestion des formalités administratives est d’autant plus problématique que, avec moins de dix salariés, la part globale de la ressource humaine dédiée à cette tâche est proportionnellement accrue. Comme l’a rappelé Élisabeth Lamure, l’OCDE a évalué à 60 milliards d’euros le coût de la complexité administrative pour les entreprises, ce qui, d’après le Forum économique mondial, classe la France au 130e rang sur 148 pays en termes de fardeau administratif ressenti par les entreprises.

Le choc de simplification annoncé en 2013 par le Président de la République, dans le prolongement du pacte national de compétitivité, a pour ambition de changer la vie quotidienne des entreprises, de stimuler l’activité économique, d’aider les entreprises à être compétitives et à créer de l’emploi.

Le 1er juin, monsieur le secrétaire d’État, vous avez annoncé une nouvelle série de mesures, dont cinquante-deux à destination des entreprises, ciblées par secteur : l’industrie, l’hôtellerie-restauration, les petits commerces et les entreprises agricoles. Cet inventaire, à la fois technique et sectoriel, va-t-il véritablement alléger le quotidien des chefs d’entreprise concernés et constituer un levier de croissance ?

Votre démarche de simplification mérite d’être saluée, même si l’on dénombre déjà 273 mesures depuis 2013 en faveur des entreprises. Attendue par les entrepreneurs, sera-t-elle efficace ? Pouvez-vous mesurer les fruits de cet effort de simplification ? Quel est son impact sur la croissance, la création d’emplois, l’innovation, la confiance des entreprises ? Il paraît hasardeux aujourd'hui d’en mesurer les effets, surtout si l’on se fie à la hausse continue du nombre de demandeurs d’emploi, critère essentiel aux yeux de nos concitoyens.

Les entreprises, pour naître, se développer et se transmettre, ont besoin non seulement d’un environnement administratif simplifié, mais également d’environnements juridiques et fiscaux stables. Or les changements successifs de fiscalité depuis 2012, les taxes et les impôts qui s’abattent sur les entreprises ne sont pas de nature à apporter une stabilité. Par ailleurs, le Gouvernement prône la simplification, alors qu’il crée le compte pénibilité, qui ajoute une nouvelle couche de complexité, bien qu’il ait ensuite été simplifié.

En conclusion, je dirai qu’il est essentiel de poursuivre la simplification de la vie des entreprises, qui est un objectif partagé par tous dans cet hémicycle. Toutefois, à mon sens, elle ne portera ses fruits que si elle est associée à un allégement significatif de la fiscalité des entreprises et du coût du travail, grâce à une baisse des charges salariales et patronales. Ce ne sera qu’à cette condition que les entreprises françaises innoveront et créeront de l’emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, le débat qui nous réunit cet après-midi est riche, précis et sans dogmatisme, ce dont je félicite les différents intervenants. Il va me permettre de clarifier un certain nombre de points et de vous donner des informations.

J’ajoute que, si le Sénat le souhaite, nous pourrons engager dans les mois qui viennent un travail ensemble, en particulier avec vous, madame Lamure, afin d’aller encore plus loin, plus vite et plus fort en matière de simplification des règles de la vie économique. Comme vous, je crois qu’il y va de la compétitivité de nos entreprises. C’est également une question d’équité vis-à-vis des petites entreprises, qui n’ont aucun moyen d’affronter la complexité administrative et qui subissent de plein fouet l’ensemble des normes, alors que les grandes entreprises, qui disposent des outils et des conseils pour y faire face, en tirent parfois des avantages concurrentiels. Il y va donc d’une certaine conception de la vie économique et des règles de concurrence, qui doivent être loyales.

M. Collin a évoqué Tocqueville. Il m’est alors revenu en mémoire cette phrase, dont vous venez de faire la démonstration, mesdames, messieurs les sénateurs : « Il y a plus de lumière et de sagesse dans beaucoup d’hommes réunis que dans un seul. » On pourrait corriger Tocqueville, en regrettant qu’il n’ait pas écrit « d’hommes et de femmes », dans la mesure où vous êtes à l’origine de ce débat, madame Lamure.

Avant de répondre aux questions qui m’ont été posées, je souhaite évoquer l’ensemble des problématiques de simplification, le champ du débat ayant été beaucoup plus large que la seule circulaire du 17 juillet 2013.

Vous avez évoqué, mesdames, messieurs les sénateurs, non seulement le stock des normes existantes, mais aussi le flux, c'est-à-dire tout ce qui vient s’ajouter à des volumes de complexité importants. Je rappelle cependant que les politiques de simplification ne sont pas nouvelles. En préparant ce débat, je lisais que, dès le 26 septembre 1953, un décret a établi la nécessité de simplifier les formalités administratives. En 1983 a été créée une commission pour la simplification des formalités incombant aux entreprises. Je ne vais pas continuer la chronologie, mais cela montre qu’on en parle depuis très longtemps. Or personne n’a jamais vu les résultats concrets des politiques menées en la matière.

Instruit de ce paradoxe – les efforts, renouvelés depuis très longtemps, sont suivis de conséquences assez faibles –, j’ai décidé, au moment où le Premier ministre de l’époque, Jean-Marc Ayrault, et le Président de la République m’ont demandé de mettre en place des outils pour réussir la simplification en direction de la vie économique, de faire, comme vous-mêmes l’avez fait voilà peu de temps, un tour d’Europe des pays qui mènent depuis quelques années – un peu moins de dix ans pour la plupart d’entre eux – des politiques de simplification, avec des résultats plus ou moins importants.

Outre l’Allemagne – vous avez cité le Normenkontrollrat, qui s’accompagne d’autres dispositifs –, nous nous sommes rendus en Angleterre, en Belgique, aux Pays-Bas, au Danemark… Nous avons commencé, sagement et modestement, à regarder comment il fallait s’y prendre pour réussir une politique de simplification. De ce petit tour d’Europe, nous avons tiré quelques principes qui fondent la politique que je m’apprête à évoquer.

Le premier principe, le plus important, est que cette politique ne peut être que collaborative. La délégation sénatoriale aux entreprises partage d’ailleurs ce point de vue puisqu’elle va à la rencontre des entreprises. La politique de simplification ne peut pas être décidée par les administrations. Ce n’est pas à elles de faire ce qui les arrange, en considérant que c’est cela la simplification. La politique de simplification part de la complexité vécue par les entreprises et des cibles de complexité qu’elles-mêmes désignent et auxquelles il faut s’attaquer parce qu’elles polluent leur vie quotidienne.

Ce travail se fait au sein du Conseil de la simplification pour les entreprises, que la plupart d’entre vous ont évoqué, et qui n’est finalement qu’une fabrique à simplifier. Cette instance réunit un peu plus d’une centaine d’entreprises en ateliers réguliers autour de dix moments clés de la vie de l’entreprise : sa création, la déclaration fiscale et sociale, le recrutement, l’import-export… Je ne vais pas énumérer toute la liste de ces groupes de travail ; je rappelle juste que ces ateliers sont composés de représentants de grandes et de petites entreprises, non pas forcément ceux qui appartiennent aux niveaux hiérarchiques les plus élevés – le président ou la présidente de la société –, mais plutôt ceux qui sont en butte à la complexité : il peut s’agir des comptables, pour ce qui concerne les déclarations fiscales et sociales, ou des responsables des ressources humaines, quand il y en a un, s’agissant du recrutement ou de la formation.

Dans un premier temps, on y recense ce qui est vraiment vécu comme un problème à traiter. Dans un second temps, on y travaille avec l’administration, ce qui permet de préinstruire toutes les mesures qui seront annoncées. Il y a donc tout un travail, mené par le Conseil de simplification, de préparation collaborative des décisions. Il s’agit de vérifier non seulement que les décisions qui seront prises correspondent bien aux souhaits des entreprises, mais aussi qu’elles permettront réellement de leur simplifier la vie.

Avec ce travail préalable à l’annonce de mesures se met en place une « mini-révolution », en tout cas une manière nouvelle de produire de la norme. En effet, si je résume notre culture en matière de fabrication de la norme jusqu’à présent – pour nous, comme pour les gouvernements qui nous ont précédés – : on décide d’une orientation bonne pour le pays et les entreprises, puis on découvre, bien souvent lors de la mise en œuvre de la norme, ses effets pervers ou inattendus. Soit, au mieux, la mesure s’applique mais ne produit pas les résultats escomptés, soit, au pire, on ne peut pas l’appliquer.

Vous avez cité le compte pénibilité. Je l’ai dit plusieurs fois, je considère que les assemblées ont eu raison de voter un dispositif relatif à la pénibilité, qui existe d’ailleurs dans la quasi-totalité des pays européens. Toutefois, si le texte initial voté par le Parlement était parfait, il était également inapplicable. Nous avons donc travaillé à le simplifier.

Le deuxième principe consiste à anticiper l’application des textes avant de les proposer. C’est mieux que d’annoncer des mesures et de découvrir après coup qu’elles sont difficiles à mettre en place, d’autant que présenter des « paquets » de cinquante mesures tous les six mois, cent mesures par an, moins de deux cent cinquante mesures au total ne suffira pas à simplifier la vie des entreprises. Ce travail doit être systématique et s’inscrire dans la durée, car il faudra bien plus d’un quinquennat pour le mener à bien, ce qui signifie que cette méthode doit perdurer malgré les alternances politiques.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je formule de nouveau la proposition que je vous faisais voilà quelques minutes. Nous avons travaillé récemment avec la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales. Nous l’avons reçue au ministère, en mettant sur la table l’ensemble des chantiers sur lesquels nous travaillons. Si vous y voyez un intérêt, madame Lamure, nos équipes sont tout à fait prêtes à travailler avec la délégation aux entreprises, qui peut nous aider à accélérer un certain nombre de chantiers, voire à nourrir notre réflexion d’idées que nous n’aurions pas.

Vous m’avez interrogé très précisément sur la mise en œuvre de la circulaire du 17 juillet 2013, qui édicte la règle du « un pour un », laquelle prévoit que tous les décrets, et seulement les décrets, visant, à compter de cette date, à créer une charge nouvelle pour les particuliers, les entreprises ou les collectivités territoriales s’accompagnent de la suppression d’une charge équivalente.

Sur la période concernée, soit de septembre 2013 à mai 2015, environ 1 100 textes réglementaires, ordonnances, décrets et arrêtés – je vous donnerai bien volontiers des détails supplémentaires si vous en avez besoin –, sont entrés dans le périmètre visé par la circulaire du 17 juillet 2013. Ces textes concernent pour l’essentiel les entreprises et, pour une partie beaucoup moins significative, les collectivités territoriales et les particuliers.

Si l’on considère l’origine des dispositions soumises à la cellule constituée au sein du secrétariat général du Gouvernement pour veiller à l’application de cette circulaire, on s’aperçoit qu’un tiers d’entre elles proviennent du ministère de l’économie, un cinquième du ministère des affaires sociales et un autre cinquième du ministère de l’écologie. Pour les entreprises, les gains nets sont d’un peu plus de 1,5 milliard d’euros. La règle du « un pour un » a donc joué en leur faveur. Quant au gain total, qui concerne les entreprises, les collectivités et les particuliers, il tutoie les 3 milliards d’euros.

Comment ces gains sont-ils mesurés ? Chaque ministère, au moment où il rédige un projet de décret, joint une étude d’impact estimant le coût que celui-ci représente et proposant des suppressions de charges équivalentes. Le secrétariat général du Gouvernement veille à la cohérence et, donc, à l’équilibre entre ce qui est proposé et ce qui est supprimé.

Que prenons-nous en compte dans le calcul du coût ? Premièrement, les charges administratives, c'est-à-dire l’ensemble des procédures, qu’elles soient ponctuelles ou récurrentes, que représentent les nouvelles règles. C’est ce qu’on appelle l’« impôt papier ». Deuxièmement, les coûts de mise en conformité, c'est-à-dire l’ensemble des investissements engagés pour se mettre en accord avec les nouvelles règles envisagées. Troisièmement, certains coûts particuliers, notamment les obligations de détention en fonds propres.

L’estimation de l’ensemble de ces coûts répond à deux exigences. Premièrement, on monétise en euros et on doit justifier les hypothèses retenues. Deuxièmement, on utilise une méthode qui donne des résultats à l’étranger, notamment en Allemagne et aux Pays-Bas – on pourrait passer des heures à en discuter –, celle du standard cost model.

Pour les décrets, ce dispositif fonctionne. Il a produit les résultats dont je vous ai fait part, mais la franchise m’oblige à dire que ce n’est qu’un premier pas et qu’il est très insuffisant. En effet, il faudrait que cette règle soit étendue à l’ensemble de la production normative, en particulier aux textes de loi. C’est pourquoi, au 1er juillet 2015, un comité impact entreprises, ou CIE, sera créé, à l’image du Normenkontrollrat en Allemagne ou du Regulatory Policy Committee en Angleterre, composé de représentants du monde économique et de personnalités qualifiées.

Ce comité pourra donner un avis sur les conséquences microéconomiques pour les entreprises d’un texte de loi. Il ne s’agira bien évidemment pas d’un avis sur l’opportunité du texte en question. Vous, parlementaires, êtes libres de voter le texte que vous voulez, mais les projets de loi que vous examinez sont normalement accompagnés d’études d’impact, de plus ou moins bonne facture, d’ailleurs. Ces études d’impact seront examinées par le CIE, qui pourra considérer que l’impact sur le fonctionnement quotidien des entreprises de certaines mesures a été sous-estimé ou au contraire correctement appréhendé. Vous pourrez donc voter la loi en étant parfaitement éclairés sur les conséquences très concrètes qu’elle pourra avoir.

Je précise que ce CIE relèvera d’une mission supplémentaire confiée au Conseil de la simplification pour les entreprises. Pour l’instant, il n’est pas prévu que son avis soit obligatoire ; le Gouvernement aura seulement la faculté de le saisir ou non. Néanmoins, il représentera un progrès considérable dans la fabrique de normes nouvelles ; la règle du « un pour un », actuellement valable pour les décrets, sera ainsi étendue à la production législative.

Vous avez par ailleurs insisté, madame Lamure, sur l’effort qu’il convient de faire en direction des PME. J’appelle à ce sujet votre attention sur les annonces qui ont été faites hier en direction de ces entreprises. Trois éléments importants de simplification ont notamment été évoqués.

Premièrement, une réflexion sur les seuils a été engagée. Comme vous le savez, les conséquences sociales et fiscales entraînées par le seuil de 50 salariés vont être gelées pendant trois ans. Les seuils de 9, 10 et 11 salariés seront également globalisés en un seuil unique de 11 salariés.

Par ailleurs, cela n’a pas été dit mais j’y insiste, vous n’êtes pas sans savoir que certaines entreprises éprouvent des difficultés à calculer les seuils, hésitant parfois à inclure les apprentis dans le décompte ou se demandant encore comment y faire figurer les temps partiels. Tout un travail de clarification des méthodes de calcul des seuils nous a été demandé par le Conseil de la simplification pour les entreprises ; nous comptons le réaliser d’ici à la rentrée prochaine.

Deuxièmement, dès le mois de janvier 2016, le dispositif dit d’« aide publique simplifiée » sera mis en place pour l’ensemble des entreprises, principalement pour les PME qui touchent des aides publiques. À cette date, ces entreprises n’auront plus aucune pièce justificative à fournir à l’administration de Bpifrance. Dans le courant de l’année prochaine, ce dispositif sera ensuite étendu à l’ensemble des aides publiques de l’État, voire des collectivités territoriales. Ces entreprises pourront solliciter un subventionnement uniquement avec leur numéro SIRET, comme cela leur est déjà possible dans le cadre de la procédure des marchés publics simplifiés. Elles s’épargneront ainsi le passage de la première enveloppe pour justifier de leur identité, à la condition, bien sûr, que les donneurs d’ordre, c’est-à-dire les communes, les départements ou les régions, utilisent le dispositif de marché public simplifié. Il leur suffira pour cela de se rendre sur une place de marché numérique, qui, dans la quasi-totalité des cas, offre ce produit. Cette méthode pour ouvrir la commande publique aux petites entreprises – je le dis devant les membres de la chambre représentant les collectivités territoriales, parce que ce dispositif n’est pas assez connu – est particulièrement appréciée de celles qui en bénéficient déjà.

Troisièmement, des annonces ont été faites sur le titre emploi-service entreprise. Objectivement, pour l’instant, ce dispositif ne marche pas très bien. Il s’agit d’une mesure qui était jusqu’alors un peu confidentielle et au périmètre limité. Je dirais même que son intérêt, notamment pour ce qui concerne les déclarations de cotisations sociales, était trop faible. Son utilisation sera donc élargie aux entreprises de moins de vingt salariés, et il sera plus intéressant d’y recourir. L’acte de recrutement des petites entreprises se verra donc facilité de manière considérable. Montre en main, en effet, une petite entreprise dénuée de service de ressources humaines met trois heures à embaucher un salarié. Avec ce dispositif, l’ensemble des déclarations nécessaires à l’embauche se fera de manière sécurisée et en un peu moins de cinq minutes.

Concernant la question des études d’impact européenne, je confirme que nous travaillons étroitement avec l’Allemagne et les Pays-Bas, notamment, en direction de M. Timmermans, premier vice-président de la Commission européenne, chargé de la simplification, afin de veiller à ce que la norme européenne soit de meilleure qualité et qu’elle soit produite après consultation obligatoire du monde économique, au lieu qu’elle sorte directement des cerveaux de l’administration bruxelloise. Il y aura là encore, à n’en pas douter, des progrès réalisés dans l’élaboration de la norme.

J’en viens à la question très importante des contrôles. Comme vous le savez, Frédérique Massat, députée de l’Ariège, mène actuellement une mission sur la question des contrôles agricoles. Elle remettra son rapport dans les tout prochains jours, dans lequel elle proposera au Gouvernement des mesures concrètes. Si j’en ignore la liste exacte, je peux néanmoins vous dire qu’il s’agira principalement de privilégier les contrôles sur pièces dans les exploitations, au lieu des contrôles sur place ; d’harmoniser les interprétations de la réglementation par les corps de contrôle ; de mieux coordonner autour du préfet les capacités de contrôle – Dieu sait qu’il est important, pour les petites entreprises, de ne pas voir les contrôleurs défiler chez elles chaque semaine et les empêcher de travailler – ; de rédiger une charte nationale des contrôles. En matière de contrôle, en effet, jurisprudence à Albi n’est pas nécessairement jurisprudence à Lille, par exemple, ce qui n’est pas normal : l’administration est une et indivisible ; même décentralisée, elle doit appliquer à peu près les mêmes règles.

Plusieurs orateurs ont également parlé de la surtransposition. L’importance du dispositif annoncé lundi dernier, qui s’applique désormais directement, a été soulignée. Ce dispositif est inspiré du système allemand dit de « double corbeille ». En Allemagne, en effet, le premier texte de transposition reste le plus proche possible du texte de la directive. Un débat législatif est organisé quelques mois après pour corriger ou adapter des dispositions du texte de transposition, voire en ajouter. J’aurais été assez partisan de la transposition de ce système en droit français, mais cela n’a pas été possible, malheureusement, pour des raisons assez complexes. Néanmoins, le système que nous avons mis en place me semble donner toutes les garanties de transparence sur les questions de surtransposition.

Aujourd’hui, on surtranspose de bonne foi, sans s’en rendre compte. L’administration peut en effet présenter au Parlement un texte qui ne précise pas les éléments confinant à la surtransposition ; les parlementaires eux-mêmes peuvent amender au cours de leurs débats le texte qui leur a été soumis et tendent ainsi, là encore de bonne foi, à le surtransposer, introduisant ainsi des dispositions entraînant des distorsions de concurrence.

Désormais, un texte de base – la transposition a minima de la directive – sera d’abord soumis aux assemblées. Il sera suivi d’un second texte, accompagné obligatoirement d’une étude d’impact, qui en identifiera les éventuelles surtranspositions. Vous avez tout à fait le droit, en effet, de surtransposer un texte, en acceptant les propositions du Gouvernement ou en le complétant de vous-mêmes, pourvu que vous le fassiez en toute connaissance. Avec l’étude d’impact, vous pourrez ainsi mesurer les distorsions de concurrence entre les entreprises françaises et les entreprises étrangères que l’adoption de certaines dispositions pourrait entraîner.

Je tiens par ailleurs à remercier M. Cabanel pour ses propos aimables sur le travail effectué à propos des apprentis, notamment mineurs. Nous allons en effet développer un système extrêmement intéressant, qui s’appliquera dans de nombreux cas, et qui présume la bonne foi des entreprises. On ne peut pas travailler autrement ! Auparavant, en effet, quand elles employaient un apprenti mineur, les entreprises devaient demander à l’inspection du travail l’autorisation de le faire travailler sur une machine dangereuse ou en hauteur. Désormais, elles n’auront qu’à remplir une déclaration pour ce faire, sans attendre l’autorisation explicite de l’administration, laquelle disposera par ailleurs de toutes les statistiques nécessaires à la conduite des contrôles qu’elle jugera utiles.

M. Watrin a posé une question très importante sur le lien entre simplification et déréglementation. Ce n’est pas qu’une question de philosophie politique, d’ailleurs ; elle se pose sur toutes les travées de cet hémicycle. La réponse doit donc être extrêmement précise. En effet, si l’on veut inscrire la politique de simplification dans la durée, ma conviction personnelle est qu’elle ne doit pas être mélangée avec la déréglementation. La simplification est un combat au nom du droit, et non pas pour moins de droit. C’est un combat qui doit rendre le droit lisible, pour qu’il soit efficace.

Les assemblées sont libres ; le débat public, les choix collectifs peuvent décider certaines formations politiques à remettre en cause certains droits. Mais c’est un autre sujet ; il ne s’agit pas là de simplification. Certains voudraient par exemple voir passer le code du travail de 3 500 à 50 pages. Cette décision n’a rien à voir avec de la simplification ; elle relève d’un choix collectif, formé librement, chacun étant libre de ses convictions. La simplification, je le répète, est un combat au nom du droit. Croyez-moi, il y a assez à faire en la matière pour ne pas la polluer avec des objectifs qui ne sont pas les siens.

M. Collin, qui a illustré son propos en évoquant Tocqueville, a insisté sur les déclarations demandées aux entreprises et sur la lourdeur administrative. J’appelle son attention sur le programme « Dites-le-nous une fois », dont les bases juridiques permettant de le mettre en œuvre, pour l’essentiel, à compter du 1er janvier 2017 – même si, d’ici là, quelques applications anticipées sont prévues – ont été adoptées en conseil des ministres il y a une quinzaine de jours. Ce programme permettra aux entreprises françaises de ne jamais plus donner de pièce justificative – fiscale, sociale, comptable notamment – à une administration, quelle qu’elle soit, si une autre administration en dispose déjà.

Ce programme requiert la mise en place de nombreux outils informatiques, que nous sommes en train d’élaborer. Il représentera une petite révolution dans la vie des entreprises : la plupart de leurs démarches administratives actuelles disparaîtront, les pièces justificatives qu’elles requièrent ayant déjà été envoyées à une administration ou une autre.

M. Canevet a insisté sur la nécessité d’inscrire cette politique dans la durée. Il a tout à fait raison. Le précédent ministre britannique chargé de ces questions, camarade de classe, témoin de mariage et bras droit au parti conservateur de David Cameron, m’a confié un jour qu’il travaillait à la simplification depuis dix ans, mais qu’il en restait encore au moins pour cinq ans. Il ne faut donc pas se leurrer : en France aussi, nous en avons pris pour quinze ans ! Il est donc plus que nécessaire d’inscrire ce travail dans la durée.

M. Vaspart nous a interrogés sur le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi. De mon point de vue, il contient des éléments de simplification, mais je n’entrerai pas plus avant dans le débat, ce texte devant être examiné bientôt au Sénat.

M. Durain a été franc – il a eu raison – lorsqu’il a abordé la question de la pénibilité. Nous avons beaucoup épaulé Christophe Sirugue, Gérard Huot et Michel de Virville pour rendre ce dispositif efficace et corriger la première version, qui était insuffisante.

Les référentiels de branche nous offrent désormais les moyens, si les branches jouent le jeu – leurs premières réactions indiquent que ce devrait être le cas –, de faire entrer ce droit social important dans les faits. Une étude de l’OCDE montre, et ce n’est pas suffisamment souligné, que les critères de pénibilité retenus dans notre pays existent déjà ailleurs en Europe. Nous n’avons donc rien inventé. Mais il faut faire en sorte que ce droit soit d’application simple pour les entreprises. Tel est déjà le cas, et certains éléments de simplification figurent dans le projet de loi présenté par M. Rebsamen.

M. Cadic a fait référence à des témoignages de jeunes entrepreneurs français implantés en Grande-Bretagne qui trouveraient trop compliqué d’exercer leur activité en France. Pour ma part, je préfère m’en tenir à certains éléments : selon la dernière étude du Wall Street Journal, la France réalise actuellement de très gros progrès et se classe à la septième position mondiale en matière d’accueil des start-up ; d’autres organismes nous placent même en deuxième position !

Peut-être certains dispositifs fiscaux sont-ils plus lourds que chez nos voisins d’outre-Manche. Mais chacun voit midi à sa porte ! La France est l’un des pays les plus accueillants pour les start-up au monde. Le nouveau régime des plus-values de cession, mis en place après l’épisode malheureux de la « révolte des pigeons », est l’un des plus intéressants en Europe. On peut donc parfaitement créer une entreprise et réussir en France !

M. Cornu a soulevé une question pertinente : pourquoi la France a-t-elle tendance à surtransposer ? En réalité, ce serait plutôt à moi de vous le demander, mesdames, messieurs les sénateurs ; après tout, c’est bien vous qui votez les lois ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) En matière de complexité, nous sommes tous, Gouvernement et Parlement, sur le même bateau. Par exemple, le projet de loi Macron, qui se composait d’environ 200 articles à l’origine, en compte près de 400 après son examen par les deux assemblées. Nous avons donc tous, membres du Gouvernement et parlementaires, des efforts à faire pour avoir la main un peu moins lourde lorsqu’il s’agit d’ajouter des textes à des textes !

La revue des normes, sur laquelle M. Mandelli m’a interrogé, fait partie de nos propositions. Elle sera utile aux entreprises et résultera d’une méthode collaborative. Il appartiendra au Conseil national de l’industrie d’effectuer ce travail de revue des normes résultant de surtranspositions de ces dix dernières années et de proposer des mesures de simplification.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je pense que notre dispositif est sérieux, même si vous avez le droit de le critiquer.

Toutefois, comme je le répète souvent à mes collaborateurs, nous devons combler une lacune. Nous ne pourrons convaincre l’administration, les parlementaires et les entreprises de la sincérité et de l’efficacité de nos efforts qu’à la condition de développer des outils d’évaluation indépendants. Ce n’est pas au Gouvernement de s’attribuer un autosatisfecit ! Et ce n’est pas non plus aux parlementaires, qui sont soumis au jeu des majorités politiques, de faire ce travail d’évaluation. Il faut des organismes indépendants, à l’instar de ce qui se pratique à l’étranger.

Nous préparons actuellement un cahier des charges. Je pense que l’effort de simplification sera déjà suffisamment important d’ici à la fin de l’année pour pouvoir procéder à une évaluation indépendante à ce stade. Nous confierons à quelques universités françaises le soin de mesurer les effets microéconomiques et, si possible, macroéconomiques de la simplification sur la vie quotidienne des entreprises. À mon avis, ils seront massifs ! En Grande-Bretagne, la simplification et la réduction des charges administratives ont permis d’économiser un peu plus de 2 milliards d’euros par an. Et le chiffre n’est pas très éloigné en Allemagne. Je pense que nous pouvons faire mieux. Un certain nombre de réformes structurelles, par exemple sur la fiche de paie ou la déclaration sociale nominative, permettent de réaliser des gains de compétitivité importants.

J’espère pouvoir revenir devant la Haute Assemblée l’an prochain, par exemple pour participer à un débat comme celui d’aujourd'hui, et convaincre les parlementaires, évaluation indépendante à la main, de l’intérêt et de l’efficacité de cette politique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE. – Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains applaudissent également.)