compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Serge Larcher,

M. Philippe Nachbar,

Mme Valérie Létard.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures quinze.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Hommage aux victimes des intempéries dans les Alpes-Maritimes

M. le président. Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au nom du Sénat tout entier, je voudrais exprimer notre émotion et notre compassion à l’égard des trop nombreuses victimes de la catastrophe qui s’est abattue, dans la nuit de samedi à dimanche, sur le département des Alpes-Maritimes. (Mme la secrétaire d’État, ainsi que Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)

Nos pensées vont aux familles des victimes et à tous ceux qui ont été touchés par le déferlement des eaux.

Je tiens à exprimer notre solidarité à nos collègues du département ainsi qu’à tous les élus des territoires concernés.

Je réunirai ce soir l’ensemble des collègues de ce département pour faire le point de la situation, à la suite des différents contacts que j’ai eus avec le président du conseil départemental et certains des maires concernés. Ayons une pensée pour tous ceux qui ont vécu ce drame. (Mmes et MM. les sénateurs, Mme la secrétaire d’État observent un instant de silence.)

3

Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire

M. le président. Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je suis heureux de saluer la présence dans notre tribune d’honneur de M. Asser Kuveri Kapere, président du Parlement de Namibie, accompagné de son collègue, M. Johannes Nakwafila. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

Leur présence parmi nous fait suite au déplacement, en 2013, d’une délégation du groupe interparlementaire d’amitié France-Afrique australe, présidé par notre collègue Antoine Lefèvre, que je salue, de même que René Danesi, présent à ses côtés.

Au cours de leur séjour, nos collègues namibiens auront de nombreux entretiens de haut niveau sur les thèmes sensibles des ressources énergétiques et de l’élevage. Ils visiteront notamment un centre de recherche sur l’eau, un parc éolien ainsi que des établissements d’élevage.

Nous connaissons tous les enjeux liés à la lutte contre le changement climatique et savons à quel point la Namibie est affectée par ses conséquences. Nous connaissons et apprécions aussi la détermination de ce pays pour remédier aux effets des dérèglements climatiques.

Nous souhaitons, dans ce contexte, la plus cordiale bienvenue et de fructueux travaux à M. Kapere, et à la délégation qui l’accompagne. Nous espérons vivement pouvoir les accueillir de nouveau, le 6 décembre prochain, à l’occasion du volet parlementaire de la Conférence des Parties, la COP 21, qui se tiendra, sous l’égide de l’Union interparlementaire, au Sénat. (Applaudissements.)

4

Article additionnel après l'article 58 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de notre système de santé
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Modernisation de notre système de santé

Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote solennel par scrutin public sur le projet de loi de modernisation de notre système de santé (projet n° 406, texte de la commission n° 654, rapport n° 653 [tomes I et II], avis nos 627 et 628).

Avant de passer au vote, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits pour expliquer leur vote.

Je vous inviterai ensuite, mes chers collègues, à vous rendre en salle des Conférences pour voter et suspendrai la séance pendant la durée du scrutin, prévue pour une demi-heure maximum.

Je proclamerai enfin le résultat à l’issue du dépouillement, à seize heures trente, puis je donnerai la parole au Gouvernement.

Explications de vote sur l’ensemble

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de notre système de santé
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé, à raison d’un orateur par groupe, à sept minutes le temps attribué à chaque groupe politique, les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour le groupe CRC. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, durant deux semaines, nous avons examiné un projet de loi ayant pour ambition de moderniser notre système de santé.

Nous avions un défi considérable à relever compte tenu de la situation de la santé publique, notamment en termes d’offre de soins au regard des besoins de santé sur l’ensemble du territoire.

Or la logique qui nous a été imposée dès le départ a été le redéploiement et l’aménagement de l’offre de soins dans une enveloppe contrainte. En effet, le postulat qui fait consensus dans cet hémicycle, à l’exception de notre groupe, est qu’il faut restreindre les dépenses en matière de santé publique.

L’une des pistes privilégiées pour y parvenir est l’instauration des groupements hospitaliers de territoire ou GHT, de même que le développement de l’ambulatoire, qui serait moderne et efficace face à l’immobilisme de l’hospitalisation classique, sans compter l’encadrement de la médecine de ville par les agences régionales de santé, les ARS. Mais c’est un leurre de dire que les groupements hospitaliers de territoire sont destinés à éviter la disparition des établissements au profit de leurs regroupements.

C’est faire fi du lien de proximité indispensable à une médecine humaine. Je rappelle qu’il s’agit, après déjà de nombreuses fermetures, de passer de 1 300 hôpitaux sur l’ensemble de notre territoire à environ 150 GHT !

Pour la psychiatrie, qui a été la première discipline à s’ouvrir au travail en réseau et aux collaborations interdisciplinaires, c’est la mort annoncée de la politique de secteur et la poursuite d’une vision sécuritaire de cette discipline, autant de raisons qui nous ont conduits à voter contre l’article 13 du projet de loi.

Pourquoi vouloir en réalité rendre obligatoires ces GHT, qui plus est à marche forcée ? En effet, les directeurs des ARS les mettent déjà en place, sans même attendre le vote de la loi !

N’est-ce pas essentiellement par souci de restreindre les budgets, puisque cette réforme se traduirait par environ 400 millions d’euros de dépenses en moins sur trois ans ?

Comment imaginer, dans ces conditions, répondre aux besoins de la population et aux souffrances des personnels de santé ?

Par ailleurs, vouloir opposer l’ambulatoire à l’hospitalisation sous prétexte de réduire les inégalités d’accès aux soins est, là encore, bien illusoire. Cela revient à demander plus aux familles en termes d’assistance, de relais… Or, vous le savez pertinemment, tous les patients ne peuvent s’appuyer sur des parents vivants, disponibles, capables financièrement et moralement de s’occuper d’eux.

Cela revient également à privatiser une partie de l’activité hospitalière tout en multipliant des soins infirmiers et de kinésithérapie, ce que dénonce la Cour des comptes.

Quant aux déserts médicaux, pensez-vous régler le problème en permettant aux médecins hospitaliers d’exercer jusqu’à soixante-douze ans ?

Toutes ces mesures s’inscrivent, de surcroît, dans un déni de démocratie puisque vous refusez l’instauration de contre-pouvoirs à ceux des directeurs d’ARS qui deviennent hégémoniques !

Les quelques mesures positives – ouverture de salles de consommation à moindre risque, suppression du délai de réflexion pour l’IVG, reconnaissance des centres de santé dans le parcours de soins, effort de transparence quant aux liens d’intérêt… – sont loin de suffire pour changer la donne, à savoir transformer cette loi en une loi-cadre de santé publique. D’autant que la majorité de droite a refusé un certain nombre de propositions qui allaient dans le bon sens et que nous avons soutenues.

Je pense, bien évidemment, au tiers payant généralisé en 2017, qui est une aide utile à l’accès aux soins, même si, dans les conditions d’aujourd’hui, c’est aussi une incitation à la généralisation des complémentaires, donc des assurances.

Je pense, également, à l’inscription, dans chaque région, d’un plan d’action pour l’accès à l’interruption volontaire de grossesse, élaboré par les ARS.

À ce propos, je voudrais dénoncer la manœuvre de la majorité de droite, qui a consisté à refuser de voter les mesures en faveur de l’avortement sous le prétexte qu’elles relevaient de la bioéthique ! (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.) Je laisse nos concitoyennes et concitoyens en juger.

Si nous sommes contre ce projet de loi, nous n’oublions pas la responsabilité de la droite dans la « casse » de la santé publique. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.) Nous ne mêlons donc pas nos voix aux leurs, eux qui défendent la loi « HPST » ou « Bachelot », et qui soutiennent toujours davantage de restrictions budgétaires. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Nos critiques sont diamétralement opposées, comme nous l’avons clairement exprimé au cours de ces deux semaines de débat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Je le redis ici, pour mon groupe, la région est bien le niveau pertinent concernant les questions de santé, tout comme le département l’est pour celles de la perte d’autonomie et de la petite enfance. C’est aussi le niveau de l’organisation de la formation professionnelle médicale et paramédicale.

Mais cela suppose de partir des besoins de santé de la population, à l’opposé de la recherche prioritaire par le Gouvernement de la répartition de l’offre de soins la moins-disante.

Le moteur de notre projet est la démocratie concrétisée à tous les niveaux. Elle doit permettre d’exprimer les besoins de santé, mais aussi d’assurer un contrôle démocratique des décisions et de la mise en œuvre des réponses à ces besoins.

Ainsi, madame la secrétaire d’État, nous aurions souhaité voir figurer dans ce projet de loi l’arrêt immédiat des suppressions d’activité et des fermetures de services de santé, donc le renoncement aux GHT, la relance des services d’urgence dans chaque bassin de vie, la suppression des franchises, des forfaits et des dépassements d’honoraires, l’attribution de moyens spécifiques aux missions des centres de santé, la relance d’une médecine préventive avec le développement de la médecine scolaire et de la médecine du travail, qui nécessite des moyens humains et financiers, un pôle public du médicament, une loi de santé mentale digne de ce nom, ainsi que l’affirmation d’un soutien au remboursement par la sécurité sociale des soins prescrits, avec le retour à 80 % tout de suite et à 100 % pour les jeunes de moins de vingt-cinq ans et les étudiants, avant d’atteindre 100 % pour tous et pour tous les soins prescrits.

Évidemment, pour cela, il faut des moyens, et nous allons à présent vous donner quelques idées de recettes supplémentaires.

M. Hubert Falco. Heureusement que vous êtes là !

Mme Laurence Cohen. Ainsi, pourquoi ne pas soumettre au taux actuel des cotisations sociales employeurs les profits financiers ? Cela pourrait générer plus de 87 milliards d’euros de recettes et, en rendant moins profitable la finance, on ouvrirait la voie à une réorientation de l’économie vers la production de richesses réelles.

De manière plus pérenne, nous proposons de supprimer la CSG et de combiner cette suppression avec un mouvement général de hausse des cotisations patronales, associé à un dispositif de modulation des cotisations sociales employeurs incitant l’entreprise à adopter une gestion vertueuse à l’égard de l’emploi et des salaires. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. François Grosdidier. Il n’y a pas assez de chômage ?

Mme Laurence Cohen. Ces propositions constituent de véritables marqueurs de gauche qui font défaut dans ce projet de loi. C’est pourquoi nous voterons contre ce texte. (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Pour finir, mes chers collègues, j’ai davantage eu l’impression, durant ces quelques minutes, de me trouver dans une classe d’école maternelle…

M. François Grosdidier. Et nous devant une institutrice désagréable !

Mme Laurence Cohen.… ou dans un hall de gare que dans l’hémicycle… Mais il est vrai que vous êtes très nombreux aujourd’hui ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe socialiste et républicain. –Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme Catherine Génisson. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, pendant quinze jours, la Haute Assemblée a beaucoup travaillé sur le sujet de l’organisation de notre système de santé.

Au nom du groupe d’opposition sénatoriale, je remercie chaleureusement Mme la ministre de son écoute et de son engagement à défendre une République sociale : mieux prévenir, mieux soigner dans la proximité, renforcer les droits en intégrant le progrès médical, la recherche et l’innovation.

Je remercie également les rapporteurs, quand bien même nous avons été peu entendus sur le sujet de la modernisation sociale de notre système de santé.

Nos rapporteurs, d’ailleurs, n’ont pas toujours été suivis par une partie de la majorité sénatoriale – je pense, par exemple, à l’interruption volontaire de grossesse –, mais je dois aussi prendre acte du fait qu’ils se sont impliqués sur des enjeux de santé publique contre la majorité sénatoriale – je fais référence à leur soutien à l’expérimentation des salles de consommation à moindre risque.

Concernant l’analyse plus précise des débats, notre groupe acte la réécriture de l’article 1er qui, au-delà des principes généraux de prévention et de promotion de la santé, insiste sur la gestion du « risque santé » et met en évidence la notion de parcours de santé. Nous nous félicitons de la réintroduction de l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’analyse des politiques de santé, ainsi que de celle des enjeux de santé environnementale et de la référence aux exposomes.

Nous pensons importante l’introduction du concept de prévention partagée, qui doit permettre aux non-spécialistes de la prévention et aux publics cibles d’être responsabilisés en tant qu’acteurs force de proposition.

Nous regrettons que la majorité sénatoriale, en refusant le rétablissement de l’article 2, ne reconnaisse pas que l’école est un lieu privilégié de prévention.

La lutte contre le tabac a beaucoup occupé nos débats. À côté de plusieurs dispositions permettant une meilleure prévention, en particulier le rétablissement de mesures de lutte contre la fraude, nos débats ont porté sur la mise en place du paquet neutre. Notre groupe a affirmé avec force que cette mesure trouve sa légitimité dès lors que la recherche d’une harmonisation fiscale du prix du tabac au niveau européen est voulue, ce qui doit permettre de lutter contre les marchés parallèles. Nous connaissons l’engagement de Mme la ministre de la santé sur cette question. Par ailleurs, le Gouvernement a également la responsabilité de traiter la question du maintien de la situation des buralistes ; nous sommes attentifs aux propositions de notre collègue député Fréderic Barbier sur cette question.

Nécessité de synthèse oblige, j’en viens au chapitre relatif à la prévention. Notre groupe acte le rétablissement de la non-discrimination relative à l’orientation sexuelle concernant le don du sang et, je le répète, l’expérimentation des salles de consommation à moindre risque.

Nous avons eu de longs échanges concernant l’organisation de la médecine de proximité, articulée autour du médecin traitant. Notre groupe déplore le conservatisme de notre président-rapporteur (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), qui a dénigré la mise en place de communautés professionnelles territoriales de santé, alors même que cette disposition entérine le rôle premier des médecins, des acteurs de santé de terrain, qui sont les promoteurs de leur organisation territoriale, les agences régionales de santé ayant un rôle de validation.

De même, si le groupe socialiste se félicite du rétablissement du pacte territoire-santé permettant de proposer des solutions de rééquilibrage dans l’implantation des médecins sur nos territoires, il regrette le non-rétablissement du service public hospitalier. Cette absence constitue un point négatif lourd pour l’organisation de notre système de santé quand il s’agit de maintenir des garanties fondamentales – accessibilité financière, égal accès et permanence des soins – et quand l’ensemble des établissements de santé sont éligibles au service public hospitalier, dès lors qu’ils répondent aux garanties exigées.

Nous actons aussi le maintien des groupements hospitaliers de territoire, contrairement à nos collègues. La mutualisation de projets médicaux hospitaliers doit être au service de l’optimisation qualitative des soins.

M. Didier Guillaume. Très bien !

Mme Catherine Génisson. Le groupe socialiste et républicain note positivement la décision de la Haute Assemblée de supprimer le délai de réflexion de sept jours pour accéder à l’interruption volontaire de grossesse, d’autoriser la possibilité pour les sages-femmes de pratiquer une IVG médicamenteuse et d’ouvrir la possibilité aux centres de santé, dès lors qu’existe un environnement chirurgical, de pratiquer les IVG instrumentales.

Nous nous félicitons que, grâce à un amendement du Gouvernement, soient précisés les moyens de proposer en permanence des solutions adaptées aux personnes handicapées et à leur famille afin, notamment, d’éviter les ruptures de parcours.

Nous soutenons aussi avec intérêt la proposition du Gouvernement d’expérimenter l’organisation de la filière visuelle : médecins ophtalmologistes, orthoptistes, opticiens, la spécialité d’optométrie n’ayant pas été reconnue en tant que telle. Nous serons très attentifs à l’évaluation de cette expérimentation.

Par ailleurs, nous avons salué la volonté du Gouvernement de reconnaître un nouveau droit : l’accès de nos concitoyens au droit à l’oubli, à la suite de la guérison de pathologies cancéreuses. Le débat a été passionné, et si la loi a obligation de prendre en compte les résultats du progrès médical, elle ne doit pas pour autant en être le prescripteur.

Notre groupe regrette que la majorité sénatoriale n’ait pas accepté un amendement gouvernemental délimitant les conditions du don d’organe. Si le principe de « consentement présumé » est acté par la majorité de nos collègues, beaucoup d’interrogations ont été soulevées concernant l’information ou la place de la famille, quand bien même le sujet de la famille n’est pas traité dans la loi actuellement. Il est dommage que la majorité sénatoriale n’ait pas accepté que l’année 2016 soit une année de débat d’autant plus nécessaire que la demande de greffons est très prégnante.

Mais c’est sur le sujet de l’organisation de la médecine de proximité que nous avons exprimé une opposition frontale avec les rapporteurs et la majorité sénatoriale, je veux parler de la généralisation du tiers payant, qui constitue une mesure technique, mais aussi une mesure de justice sociale.

L’enjeu essentiel de cette disposition est de garantir, ou du moins de favoriser, l’accès aux soins de certains de nos concitoyens qui peuvent être amenés à y renoncer pour des raisons financières.

Nous connaissons les pratiques de certains médecins généralistes qui trouvent des solutions pour que l’argument financier ne soit pas un obstacle à la consultation. Mais l’absence de recours aux soins se situe souvent en amont de l’entrée dans le cabinet du médecin.

Nous écoutons les arguments des médecins généralistes quand ils expriment leur inquiétude face à la surcharge administrative que cette mesure peut engendrer. Cependant, Mme la ministre a été catégorique quant aux conditions d’application de cette disposition, mettant en particulier en avant la production d’un rapport le 31 octobre 2015. Ce rapport doit présenter un état des lieux de la situation actuelle et dégager des propositions pour la mise en place d’un dispositif permettant un paiement rapide du ticket modérateur.

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Catherine Génisson. Enfin, la médecine ambulatoire est et reste un exercice libéral dans un cadre socialisé.

Je termine en indiquant que nous aurions pu traiter de nombreux sujets. Nous avons notamment apprécié les dispositions relatives à la démocratie sanitaire.

Au-delà du constat d’un certain nombre d’acquis, notre groupe estime que le compte n’y est pas au vu de tout ce qui n’a pas été accepté par la majorité sénatoriale ! Forts de ce constat, nous ne pouvons pas voter le texte tel qu’il est issu des travaux de la Haute Assemblée et nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour le groupe écologiste.

Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, nous tirons un bilan en demi-teinte de l’examen en première lecture au Sénat de ce projet de loi.

D’un côté, notre groupe se félicite du caractère très constructif du débat et du fait que la défense de la santé publique ait pu rassembler, à de nombreuses reprises, par-delà les appartenances politiques. Le texte adopté en juillet par la commission des affaires sociales a été nettement amélioré en séance plénière.

Avec vingt-cinq amendements adoptés, le groupe écologiste du Sénat se satisfait d’avoir fait progresser le débat sur un certain nombre de points.

Concernant la santé environnementale, tout d’abord, alors qu’en France plus de 80 % des dépenses remboursées par l’assurance maladie sont consécutives à des affections chroniques dont l’apparition et l’aggravation sont, le plus souvent, liées à nos modes de vie et à la pollution de notre environnement, il est salutaire que le Sénat ait rétabli, à l’article 1er, la mention de l’exposome et qu’il ait permis que le plan national « santé environnement » soit placé au cœur de la stratégie nationale de santé.

Notre groupe se réjouit également de l’adoption de l’amendement « amiante », qui permettra la mise à disposition du public, sur un site internet en accès libre, de la liste des rapports annuels d’activité des diagnostiqueurs de présence d’amiante, ainsi que des résultats de leurs analyses. Nous nous félicitons aussi que l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, soit désormais appelée à remettre au Gouvernement un rapport sur l’identification des substances ayant un effet de perturbateur endocrinien et sur leurs effets cumulatifs.

L’adoption d’une demande de rapport sur la présence de nanomatériaux dans les médicaments et les dispositifs médicaux, le rétablissement de l’interdiction du bisphénol A –bien qu’elle soit désormais plus circonscrite – dans les jouets ou encore l’extension à l’ensemble des causes de pollution atmosphérique de la possibilité, pour le Gouvernement, de fixer par décret des règles générales d’hygiène sont également des avancées à saluer.

Sur le plan de l’accès aux droits, ensuite, le Sénat a, sur notre proposition, rendu automatiques l’ouverture et le renouvellement des droits à la couverture maladie universelle complémentaire pour les allocataires du RSA socle. Il s’agit d’une victoire non négligeable, qui était très attendue, étant donné que plus de 36 % des personnes éligibles à la CMU complémentaire n’y ont pas recours, parce qu’elles sont confrontées à une double procédure extrêmement complexe.

Je me félicite à mon tour du travail intergroupes que nous avons pu mener sur le droit à l’oubli, lequel doit permettre aux anciens malades du cancer de souscrire des emprunts bancaires. Grâce à deux amendements que nous avons déposés avec plusieurs autres groupes, le Sénat en a élargi la portée : l’avenant à la convention Aeras signé fin mars par le Gouvernement et les assureurs de santé pour mettre en œuvre le droit à l’oubli a désormais valeur législative et des décrets d’application sont prévus pour définir les sanctions en cas de manquement à cette obligation. Par ailleurs, le délai maximal au-delà duquel aucune information médicale ne peut être recueillie en cas de pathologie cancéreuse est désormais fixé à dix ans au lieu de quinze, et même à cinq ans pour les enfants.

La réintroduction du programme régional d’accès à la prévention et aux soins – le PRAPS – dans le schéma régional de santé, conformément aux objectifs du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté, est également une bonne nouvelle en matière d’accès aux soins. Il en va de même de la meilleure évaluation par le Gouvernement des risques psychosociaux et des pathologies auxquels sont confrontés les aidants familiaux.

Enfin, sur le sujet de l’égalité quels que soient le genre et l’orientation sexuelle, notre groupe se félicite de la réintroduction de l’objectif d’égalité entre les femmes et les hommes dans la définition des politiques de santé, mais aussi du rétablissement de diverses mesures importantes relatives à l’IVG et de la possibilité ouverte aux homosexuels de donner leur sang dans les mêmes conditions que le reste de la population.

Sur tous les thèmes que je viens d’évoquer, notre groupe souhaite vivement que la poursuite du parcours législatif de ce texte permette de préserver les acquis en matière de santé environnementale et de lutte contre la précarité.

Sur le don d’organes, sujet crucial sachant que 20 000 malades sont en attente d’une greffe, nous espérons que la suite de la navette permettra de trouver un compromis satisfaisant, dans la sérénité.

D’un autre côté, notre groupe regrette très fortement que, à l’issue des débats au Sénat, le projet de loi marque, sur plusieurs points très importants, un recul par rapport au texte adopté par l’Assemblée nationale.

Par exemple, nous déplorons que l’on ait profité de l’examen d’un texte relatif à la santé pour donner un coup de canif à la loi Évin, au travers d’un amendement qui fait fortement reculer l’encadrement de la publicité pour l’alcool, alors que celui-ci est responsable de 50 000 morts par an. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

De même, le recul sur le paquet de cigarettes neutre nous paraît très négatif. La mise en place de ce dispositif dans d’autres pays a significativement réduit l’attractivité du paquet de cigarettes et des marques de tabac, et par là même l’envie de fumer, notamment chez les jeunes. On le sait, un tiers des fumeurs réguliers sont des jeunes.

Sur ces points, chacun a pris ses responsabilités ! Ces deux amendements sont pour nous inacceptables. Nous regrettons aussi fortement le rejet de la généralisation du tiers payant, dans une société en pleine crise, où les ruptures de situation sont rapides, imprévisibles et peuvent concerner tous les citoyens, y compris ceux qui se sentent à l’abri des difficultés.

En conclusion, le texte adopté en séance plénière présente des avancées, mais trois décisions concernant le tabac, l’alcool et le tiers payant font que nous ne pouvons pas le voter. Les écologistes se mobiliseront à l’Assemblée nationale pour maintenir ces avancées, mais aussi pour soutenir le rétablissement du tiers payant, de l’intégralité du dispositif de la loi Évin et de la mise en place du paquet neutre.

Le groupe écologiste du Sénat s’abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)