M. Daniel Gremillet, rapporteur. La quatrième série de mesures consiste à encourager les investissements dans le secteur agricole et agroalimentaire.

L’article 5 crée le « livret vert », sur le modèle du livret de développement durable, pour drainer l’épargne vers le secteur agricole et agroalimentaire, afin de dégager des moyens nouveaux pour l’investissement.

L’article 7 étend le suramortissement Macron à l’ensemble de l’année 2016 pour les constructions ou rénovations de bâtiments de stockage ou de magasinage de produits agricoles ou alimentaires : la commission a étendu le bénéfice de cette mesure aux coopératives, qui assurent une part importante de la transformation des produits agricoles.

La cinquième série de mesures vise à alléger les normes qui pèsent sur la compétitivité des exploitations agricoles.

L’article 8 revient sur les excès dans la transposition des directives européennes concernant les installations classées : des progrès ont été enregistrés dans le secteur du porc et des volailles. Il s’agit de simplifier les procédures pour les installations dans le secteur bovin : l’enregistrement doit être privilégié, car la procédure est plus souple que la déclaration, tout en offrant des garanties élevées en matière de sécurité sanitaire et d’environnement.

L’article 8 bis, que j’ai fait adopter par la commission des affaires économiques, expérimente aussi jusqu’à la fin de 2019 un alignement strict des exigences en matière d’étude d’impact concernant les installations d’élevage sur les exigences de la directive communautaire, toujours dans le but de supprimer toute surtransposition.

L’article 12, enfin, prévoit qu’un plan de simplification des normes en agriculture et agroalimentaire soit adopté…

M. Charles Revet. Il y en a besoin !

M. Daniel Gremillet, rapporteur. … chaque année par le conseil supérieur d’orientation : la simplification ne doit pas concerner seulement l’administration ; elle doit être l’affaire de tous les acteurs de la vie agricole.

La sixième série de mesures tend à mener une action structurelle d’allégement des charges qui pèsent sur les agriculteurs.

L’article 9 met en place le dispositif d’allégement de charges patronales sur les salariés permanents de l’agriculture, qui avait été adopté en loi de finances pour 2012, mais jamais mis en œuvre. Or le relèvement de la fiscalité sur les carburants utilisés en agriculture avait à l’époque été mis en place pour financer cette mesure. Les agriculteurs ont donc payé, mais n’ont rien vu venir, car l’allégement des charges a été estimé non conforme au droit communautaire. L’obstacle européen ne me paraît pas insurmontable, si bien que je propose la réintroduction de cette mesure.

L’article 10 prévoit d’allonger de cinq à six ans l’exonération de charges sociales dont bénéficient les jeunes agriculteurs en début de carrière, ce qui va dans le bon sens.

L’article 11 permet aux agriculteurs de renoncer exceptionnellement à l’option de calcul de leur impôt sur la base de la moyenne triennale et de revenir à une imposition sur l’année 2015, pour ne pas les mettre en difficulté alors même que leurs revenus se sont effondrés.

Enfin, j’ai ajouté un article permettant aux agriculteurs installés sous forme sociétaire qui perçoivent le CICE de ne pas se voir privés du bénéfice de cette mesure pour la part correspondant aux apporteurs de capitaux extérieurs, qui ne participent pas par eux-mêmes à l’exploitation.

Voilà, monsieur le ministre, mes chers collègues, les dispositions que je demanderai au Sénat de voter. Bien entendu, aucune disposition à elle seule ne peut changer la donne radicalement dans le secteur agricole et agroalimentaire. Toutefois, c’est l’addition de ces mesures qui peut enclencher une nouvelle dynamique de compétitivité, dans le cadre d’une stratégie des « petits pas », mais, surtout, offrir de nouvelles perspectives aux agricultrices, aux agriculteurs et aux entreprises agroalimentaires de nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. Charles Revet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord, en préambule de mon intervention, me féliciter de la teneur de nos débats, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, lesquels visaient d’abord à répondre aux attentes des agriculteurs et à nous permettre de débattre, ensemble, de l’avenir de l’agriculture.

Pour ma part, je ne me suis jamais ni offusqué ni, comme l’a dit M. Lenoir,…

M. Stéphane Le Foll, ministre. … agacé des initiatives du Sénat,…

M. Jean-Claude Lenoir. Les apparences sont trompeuses ! (Sourires.)

M. Stéphane Le Foll, ministre. … encore faut-il que nous en débattions pour voir si elles font avancer les choses. Là est le sujet.

Nous partageons un constat, dans lequel vous avez été objectif, monsieur Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir. Comme d’habitude !

M. Stéphane Le Foll, ministre. On le dira comme ça ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Vous avez été objectif parce que vous avez précisé des choses. Il y a la PAC et tout l’arsenal des mesures, puis le marché. Vous l’avez dit, et chacun peut être un jour confronté à une crise de marché.

Je ne rappellerai pas qu’en 2008–2009 nous avons connu une crise laitière sans précédent, avec des grèves de la production de lait et épandage de lait dans les champs. Durant les débats – étant à l’époque député européen, je ne faisais pas vraiment partie de l’opposition –, j’ai veillé à la fois à discuter et à éviter, si je puis dire, de jeter de l’huile sur le feu.

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Du lait sur le feu !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Vous suivez et donc je le note.

Toutefois, je me rappelle de la demande consistant à dire que, pour régler cette crise, il fallait simplement un prix de 40 centimes le litre sur l’ensemble de l’Europe. J’avais toujours affirmé clairement que c’était impossible.

Nous pourrons tous être confrontés à une crise de marché.

Cette crise de marché, c’est le problème de la baisse des prix, qui remet en cause des structures agricoles dans certaines filières ; c’est le problème de la manière dont on aborde le marché pour être positionné sur des segments permettant de valoriser les activités et de créer de la valeur ajoutée afin d’éviter au maximum ce qui s’est déjà produit, c’est-à-dire que nous soyons concurrencés directement par d’autres productions ou d’autres producteurs à l’échelle mondiale.

Les trois filières de l’élevage qui sont aujourd’hui touchées – la viande bovine, le porc et le lait – ont d’ailleurs toutes des causes structurelles différentes.

La production porcine a été confrontée à une accumulation de choix et de situations qui remontent à dix ans au moins.

La filière bovine est aussi victime de manière collatérale de la situation de la filière laitière, avec des abattages de vaches de réforme et – cela vaut également pour la filière porcine – une consommation qui ne tire pas la production. Gardons bien cela à l’esprit : en cas d’augmentation de la production, la consommation est plus faible, avec des répercussions immédiates sur le prix du marché.

S’agissant du lait, comme l’a dit M. Lenoir, nous nous retrouvons sur un marché de dimension mondiale. Nos grandes entreprises laitières – je pense à celles de l’Ouest, mais aussi à celles qui sont implantées dans d’autres régions – sont exportatrices, elles contribuent à la force de l’industrie agroalimentaire française. Je parle en toute franchise : il faut prendre en compte le fait que l’impact de la mondialisation peut être plus ou moins important selon le « mix » pratiqué par chacune des entreprises, selon l’arbitrage fait entre les produits transformés et à haute valeur ajoutée, lesquels sont beaucoup moins dépendants des prix, et les produits dont les prix sont liés à la poudre et au beurre, et ont un impact direct sur les prix payés aux producteurs.

Vous faites, mesdames, messieurs les sénateurs, des propositions sur un deuxième élément fondamental, qui concerne l’organisation des filières. Le sujet est essentiel, car une telle organisation n’existe pas en France. Je rappelle qu’il n’y a plus d’interprofession laitière, que l’interprofession bovine fonctionne avec des difficultés énormes, qu’il n’existe pas d’interprofession dans la filière de la volaille – secteur dans lequel je souhaite que commence à se construire une interprofession, je pousse dans ce sens ! De même, aujourd'hui, avec la fin des quotas, dans la filière du sucre, qui est solide et forte, il n’existe pas d’interprofession.

Sur tous ces sujets, les acteurs ont l’obligation de s’organiser afin de pouvoir discuter, arbitrer un certain nombre de choix, créer de la valeur ajoutée et développer des stratégies de contractualisation. Nous sommes d’accord, mais encore faut-il parvenir à convaincre les acteurs du terrain, qui ne sont pas tous toujours aussi enclins que nous à avancer vers ces organisations de filières, qui sont pourtant indispensables à la compétitivité de l’agriculture française.

Je l’ai déjà dit, il est également nécessaire de réfléchir à ce qui va faire la compétitivité pour l’agriculture française de demain, dans l’élevage en particulier. Je répète que notre capacité à mieux utiliser le potentiel de production fourragère de la France en vue de renforcer son autonomie sera à l’avenir un atout majeur. Il nous faut mettre en place des groupements d’intérêt économique et environnemental, il nous faut développer des stratégies de production qui vont associer différentes filières. Cet axe doit être essentiel dans la définition de notre stratégie pour l’avenir de l’agriculture française. Oui, elle a un avenir, car nous avons plus de potentiel que d’autres !

Je vais vous relater un épisode révélateur. Je me suis rendu début octobre en Russie pour y négocier la fin de l’embargo sanitaire de l’Europe. Il neigeait, les récoltes étaient terminées, il n’y avait plus rien à faire.

De retour chez moi, dans la Sarthe, je suis allé visiter une exploitation que je connais bien. Il y avait de l’avoine, du sorgho et de la féverole. Les couvertures de sol avaient une hauteur de plus d’un mètre !

J’en ai tiré une leçon : quand en Russie, tout est terminé et qu’on ne peut plus rien faire, chez nous, on peut encore faire beaucoup. Forts de cette certitude, nous pourrons développer des stratégies qui vont nous permettre d’être compétitifs.

Cela vient d’être dit, la crise a nécessité la mobilisation de l’État. Cette intervention, qui était conjoncturelle – je reviendrai sur les aspects structurels –, était nécessaire. L’aide a représenté 700 millions d'euros, auxquels s’ajoutent les 63 millions d'euros débloqués à l’échelon européen. Je rappelle que ces 63 millions d'euros n’auront absolument rien coûté à la France puisqu’il s’agit d’une recette exceptionnelle. Produit d’une sanction, cette somme provient des pénalités payées par les pays qui avaient dépassé leurs engagements en termes de production laitière.

Sur les 500 millions d'euros qui ont ainsi été débloqués à l’échelle européenne, nous avons bénéficié de 63 millions d'euros. Ils viendront s’ajouter aux 700 millions d'euros dégagés à l’échelon national, sur lesquels 100 millions d'euros sont destinés aux allégements de charges. Des crédits seront également utilisés pour la restructuration des dettes dans le cadre de « l’année blanche ».

Je l’ai dit clairement après voir eu une discussion avec le Crédit Agricole et le Premier ministre, il va falloir adapter notre système. Nous avions envisagé une « année blanche » sur tous les prêts, nous allons mettre en place une année blanche intermédiaire : le remboursement d’annuités de prêts spécifiques structurants sera reporté, mais il sera difficile d’étendre la pratique à la totalité des prêts et des emprunts.

Aujourd'hui, « l’année blanche » concerne quelque 400 dossiers. Il faut que nous allions au-delà pour permettre, en faveur des éleveurs, un aménagement de la dette qui soit adapté à chaque situation et qui prenne en compte les prêts de manière différenciée. Sur les allégements de charges sociales, la Mutualité sociale agricole, la MSA, je le dis encore une fois, fait un travail formidable. Elle est un atout précieux pour tous les agriculteurs !

Nous avons eu des débats récemment encore à l’Assemblée nationale sur la situation du Régime social des indépendants, ou RSI. Il faut le dire de concert, la MSA fonctionne, et elle fonctionne bien ! C’est grâce à elle que les agriculteurs peuvent, cette fois encore, bénéficier de 180 millions d'euros d’allégements de charges, dont 50 millions d’euros sur les cotisations MSA, 90 millions d'euros sur le calcul de l’assiette sur les cotisations de l’année n-1 – j’ai cru entendre parler de ce sujet –, 45 millions d'euros au travers de la baisse de l’assiette minimale des cotisations, ajustée pour l’agriculture au niveau de celui qui est pratiqué pour les artisans. C’était le minimum. C’est fait et cela coûte 45 millions d'euros !

Des crédits d’urgence ont été mobilisés sur la promotion, pour 10 millions d'euros. Nous avons renforcé à hauteur de 30 millions d'euros supplémentaires le soutien à l’investissement avec le plan de compétitivité et d’adaptation pour les exploitations agricoles, ou PCAE. Ils viennent s’ajouter aux 56 millions d'euros initialement prévus, soit au total 86 millions d'euros, afin d’aider l’élevage à investir, en particulier dans les bâtiments d’élevage. Ce renforcement des aides de l’État permettra, avec le PCAE, c'est-à-dire les régions et les fonds du deuxième pilier, d’atteindre 350 millions d'euros d’argent public pour l’investissement dans l’agriculture. Cela peut permettre de lever le fameux milliard d'euros par an qui avait été souhaité par le syndicalisme agricole pour favoriser l’investissement. Et il y a, en effet, besoin de soutenir l’investissement pour améliorer la compétitivité.

Ce sont également 30 millions d'euros supplémentaires qui iront aussi aux abattoirs, au travers du programme d’investissements d’avenir, le PIA. Le plan de soutien permet également un abondement de 30 millions d’euros en 2015 pour ce que l’on appelle les mesures agroenvironnementales et climatiques, qui sont nécessaires en particulier en Normandie. Lorsque je m’y étais rendu, la demande était très forte pour favoriser l’adaptation notamment dans les zones où le handicap n’est pas compensé et dans les zones d’herbage qui bénéficiaient auparavant de la prime herbagère agro-environnementale, ou PHAE, et dans un certain nombre de départements. Cet effort a, d’ailleurs, été salué par les communiqués d’un certain nombre de chambres d’agriculture, je pense notamment à celle de Poitou-Charentes.

Nous avons revu la fiscalité incitative sur la méthanisation. Nous avons modifié la déduction pour aléas, ou DPA : le débat vient d’avoir lieu ; il s’agit de modifications très importantes, que nous avions annoncées avec le Premier ministre et que nous mettons en œuvre dans le cadre de la loi de finances rectificative.

J’ai bien compris les propositions que vous faites, mesdames, messieurs les sénateurs. Nous sommes d’accord, tant il est besoin d’assurer aux agriculteurs, lorsque leurs revenus et les prix sont rémunérateurs, une épargne utilisable de manière souple, au moment où les prix sont moins rémunérateurs – c’est tout l’enjeu – et où l’on peut aussi enclencher des processus contracycliques en fonction des situations de marchés, voire en fonction des aléas climatiques.

C’est ce qui nous a fait retenir des propositions, que je souhaite voir adopter ici au Sénat lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, sur l’accélération des investissements et sur les installations d’élevage et de stockage, des effluents d’élevage, en particulier, pour les adaptations sur les zones vulnérables.

La réforme fiscale sur le forfait agricole est un vrai et très important sujet. Longtemps reporté, il figure dans le projet de loi de finances rectificative. Nous pouvons ensemble faire le constat que cela va dans le bon sens. Vous l’avez dit, monsieur Lenoir. Sur le sujet, il y a donc unanimité. Nous allons pouvoir avancer au cours du prochain débat sur le projet de loi de finances rectificative.

Tous ces éléments ont nécessité la mise en place des fameuses cellules d’urgence dans tous les départements. Je tiens à saluer le travail de tous : l’administration, les chambres d’agriculture, les centres de gestion, tous ont été mobilisés pour assurer le traitement de tous ces dossiers.

La crise est profonde puisque près de 40 000 dossiers ont été déposés. Le constat que vous faisiez, monsieur Gremillet, sur la profondeur de la crise a trouvé sa traduction concrète dans le nombre de dossiers déposés. Plus de 20 000 sont d’ores et déjà traités par les cellules d’urgence et 10 000 dossiers feront l’objet d’un paiement d’ici à la fin du mois de décembre.

L’enjeu était très important, en particulier dans un certain nombre de filières extrêmement touchées, dont la filière porcine, qui vit aujourd'hui des difficultés. Les 10 000 dossiers prioritaires qui seront payés relèvent de la filière porcine et de la filière bovine. Nous aurons ensuite à traiter les dossiers liés au lait, qui sont aussi importants.

Tout cela nécessitera aussi un travail plus structurel, de moyen terme et de long terme : sur la contractualisation, sur l’organisation des filières, sur la segmentation, sur la remise à plat des cotations dans la viande bovine comme dans la viande porcine, sur les signaux, que l’on va mettre à disposition des acteurs, sur le prix.

Vous avez parlé, monsieur Gremillet, de Plérin, ce marché de 10 000 porcs par semaine. Il devient compliqué de fixer un prix pour le porc. Je le dis au Sénat pour la première fois, d’ici à la semaine prochaine, nous ferons sur ce sujet des propositions spécifiques prenant en compte l’ensemble des éléments qui doivent être travaillés. Nous traiterons de la contractualisation, de la segmentation, de la cotation, en particulier pour la viande bovine, ainsi que de la fixation et de l’émission d’indicateurs de prix, pour la filière porcine, notamment ; c’est absolument indispensable aujourd’hui.

M. Charles Revet. C’est urgent !

M. Stéphane Le Foll, ministre. J’en suis d’accord !

Il faut travailler, vous l’avez d’ailleurs souhaité. Vous proposez que les consommateurs puissent demander la justification de l’origine, l’idée n’est pas mauvaise en soi. Nous avons maintenant une traçabilité avec le label « Viandes de France ». La viande de France commence à être parfaitement identifiée grâce au petit logo hexagonal apposé sur les pots de rillettes ou sur les jambons proposés par un certain nombre de grandes entreprises ainsi que sur la viande bovine.

C’est un atout qui va être de plus en plus important. Il faut le conforter, car cela va dans le bon sens, même s’il est toujours compliqué de dire au consommateur qu’il peut demander l’origine du produit, sachant qu’elle doit être indiquée. Sur ce sujet, je suis tout à fait prêt à entendre les propositions du Sénat. Je veux farouchement défendre cette identité d’origine, laquelle a nécessité un contrat. Le label s’appuie sur l’endroit où est « né » l’animal. Qu’on s’entende bien sur le sens du mot : au-delà de « né », il faut comprendre « élevé, abattu et transformé en France ».

Pourquoi a-t-il été impossible d’aboutir sur la question de l’origine dans d’autres pays européens ? Parce que les pays qui sont non des pays où naissent les animaux, mais des pays d’engraissement et d’abattage voulaient réduire l’origine indiquée sur le produit au pays où l’abattage avait eu lieu. Nous pouvons tous nous accorder pour dire que cela ne fait pas l’origine d’un produit !

M. Charles Revet. En effet !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Tous ensemble nous pouvons dire qu’avec le label « Viandes de France » nous avons donné une traçabilité qui part de la naissance de l’animal et se poursuit par l’élevage, l’abattage et la transformation. C’est ce qui donne sa qualité et sa traçabilité au produit.

Je suis un fervent défenseur de cet accord qui a été trouvé au niveau d’INTERBEV. Je l’avais annoncé il y a déjà deux ans. On l’avait présenté lors du Salon de l’agriculture en 2014. Cette étiquette commence à être connue et reconnue. Il faut que nous soyons tous ensemble des artisans de son développement.

Nous avons créé une plateforme à l’exportation, car nous devons être mieux organisés. Il faut aussi un développement des filières locales pour la consommation locale. J’entends un certain nombre de candidats aux élections régionales – qui ne sont pas dans « l’arc républicain » – proposer comme solution pour l’agriculture le « consommer local ». Il faudrait leur rappeler tous ensemble que ce qu’ils se targuent de faire, nous l’avons déjà mis en œuvre ! Nous n’avons pas de leçons à recevoir d’un certain nombre de candidats qui n’y connaissent pas grand-chose ! Car cet achat local, ce développement de la consommation locale, ils sont déjà en cours !

Il faut, bien sûr, que chacun, en tant qu’élu local, continue de développer la promotion des produits de son terroir. Nous avons mis au point un guide, nous avons élaboré des stratégies. Toujours afin d’améliorer les choses, nous allons diffuser des fiches « achat » à l’intention des gestionnaires de restauration collective.

J’en viens à la question de la compétitivité. Ce débat, nous l’avons déjà eu à de multiples reprises et je suis parfaitement d’accord avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs. Nous vous transmettrons un rapport établi à ma demande par l’Inspection générale de l’agriculture. Il fait des comparaisons en termes de compétitivité en s’appuyant sur un seul critère, le fameux taux de couverture, lequel consiste à rapporter ce que l’on importe et ce que l’on exporte et à intégrer des données qui remontent à dix ans. Une dégradation signifie qu’il y a un problème de compétitivité, qu’il soit en termes de positionnement ou de prix.

On s’aperçoit que certaines filières ont enregistré des dégradations colossales. Ainsi, pour la filière volaille, le taux de couverture, qui était de 130 % il y a dix ans, est tombé autour de 35 %. Cela veut dire que les importations ont beaucoup augmenté…

M. Charles Revet. Importations dont on ne connaît pas l’origine !

M. Stéphane Le Foll, ministre. … et que les exportations ont considérablement diminué. Il y a un vrai problème de compétitivité.

C’est aussi le cas pour la filière de la viande porcine, même si le taux de couverture y est resté supérieur à 100 %. Tout cela prouve que nous avons un problème de compétitivité-coût – qu’il a fallu redresser. Tel était l’objectif du pacte de responsabilité et de solidarité et du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ou CICE.

Je rappelle que la totalité des aides et des baisses de charges dont ont bénéficié la filière agricole et la filière agroalimentaire en application du pacte de responsabilité et de solidarité et du CICE représentent l’équivalent du budget de l’agriculture ! En 2016 et en 2017, les deux branches recevront près de 4 milliards d'euros : l’agriculture se verra dotée de 1,8 milliard à 2 milliards d'euros, tandis que l’industrie agroalimentaire aura droit au même montant.

C’est un effort. On peut toujours le contester et dire qu’il faut faire plus. Je veux souligner que c’est la première fois que de tels choix sont faits pour améliorer la compétitivité. Nous rattrapons petit à petit notre retard en matière de compétitivité-coût, en particulier vis-à-vis de l’Allemagne. Celle-ci a, dans le même temps, pris des décisions sur la revalorisation et la mise en place d’un SMIC dans le domaine agroalimentaire, qui faisait énormément défaut. Cette décision nous permet de combler notre retard en termes de compétitivité.

Une fois cela fait, il nous faut être capable d’investir et de structurer nos filières pour utiliser nos atouts et redresser les balances commerciales agricoles, qui ont beaucoup souffert depuis une dizaine d’années. Leur redressement est un enjeu de l’avenir de notre agriculture. Il est également lié, comme je l’ai déjà dit, à la question de l’autonomie fourragère et à la structuration de l’agriculture. Il faudra aussi faire des économies, notamment sur les charges opérationnelles.

Je suis également convaincu que les gains de productivité réalisés par les agriculteurs ne peuvent continuer, à travers les achats qu’ils font, d’être autant redistribués. Il faut que l’agriculture en conserve une partie ! Je n’ai, pour ma part, jamais entendu les entreprises du machinisme agricole se plaindre. Ce n’est pas un mal : cela crée de l’emploi ! Mais il faut tout de même des limites. Alors que ces entreprises font du résultat, les agriculteurs se trouvent dans la situation que nous connaissons. Les entreprises du secteur phytosanitaire, qu’elles soient grandes ou petites, ne se plaignent pas non plus ; les agriculteurs, eux, sont en difficulté.

Dès lors, la réduction des charges opérationnelles par des stratégies d’agro-écologie s’avère elle aussi absolument indispensable pour restaurer la compétitivité de notre agriculture. C’est là que l’économie et l’environnement se rejoignent ; c’est là que, ensemble, nous devons faire des efforts pour avancer sur cette piste qui a été ouverte par la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.

Je voudrais préciser deux points. Tout d’abord, je n’ai jamais surtransposé de directive européenne. Ensuite, quant aux zones vulnérables et à la qualité des eaux, ce contentieux était malheureusement en cours devant la justice européenne. Cela nous a obligés, en réponse à la Commission européenne, à redéfinir les zones vulnérables. Nous avons cherché, je l’avais dit ici même, à réduire l’impact en termes de surfaces de cette redéfinition, en la fondant sur les bassins hydrographiques : nous avons fait en sorte que les pentes où aucune ressource en eau ne pourrait être polluée de quelque manière que ce soit soient exonérées et, enfin, qu’une partie des effluents d’élevage, en particulier les fameux fumiers pailleux, qui sont solides, puisse être stockée naturellement en plein champ sans que les agriculteurs soient obligés d’investir. C’était tout de même le minimum ; c’est ce que nous avons fait !

Avec les plans d’action qui sont mis en œuvre, on a permis, en particulier en Bretagne, de réduire le nombre de zones d’excédent structurel, ce qui doit demeurer l’un de nos objectifs.

Nous avons également continué à simplifier la réglementation concernant les installations classées pour la protection de l’environnement, ou ICPE, sans rien changer à leur objectif environnemental. Cela correspond aux demandes que vous avez exprimées dans vos présentations de la proposition de loi, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission. Bien sûr, nous avons besoin de cette simplification. Quant aux ICPE, les procédures d’enregistrement appliquées dès 2014 dans le secteur porcin ont montré – en Bretagne, lieu emblématique – que cette mesure fonctionne, qu’elle assouplit les délais et qu’elle permet aujourd’hui de mettre en place des projets plus simplement, et ce sans qu’aucun recours ait été déposé, alors qu’entre 90 et 95 projets ont été réalisés dans cette région.

Cela apporte la preuve que nous répondons à la fois à l’objectif environnemental et à l’objectif de simplification. Ces deux objectifs ne sont donc pas contradictoires, bien au contraire. Nous allons par conséquent poursuivre cette démarche dans le secteur de la volaille, ainsi que dans le domaine de la viande bovine.

Le travail de simplification est donc en cours ; il doit permettre de réduire les délais. Ceux-ci sont en effet encore trop longs pour un jeune investisseur qui voudrait à la fois soutenir sa production et investir en capacité pour la développer.

Voilà ce que je tenais à vous dire sur ce sujet, mesdames, messieurs les sénateurs. Il me faut seulement rappeler que, dans ce débat, nous devons bien évidemment nous montrer capables de définir, ensemble, les contours des mesures nécessaires pour répondre à la difficulté que traversent les agriculteurs aujourd’hui.

Des discussions auront lieu, bien sûr, au sujet des amendements que vous avez évoqués, monsieur le rapporteur. À mon sens, tout débat doit être utile à une seule chose, répondre à une seule question : comment maintenir une agriculture française qui soit à la fois une agriculture de production, une agriculture qui prenne en compte l’environnement et, surtout, une agriculture qui assure, sur tous nos territoires, la présence d’agriculteurs aux revenus suffisants ? Vous tous le savez bien, mesdames, messieurs les sénateurs : on a besoin de l’agriculture pour faire vivre la ruralité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)