compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Pierre Caffet

vice-président

Secrétaires :

M. François Fortassin,

M. Jean-Pierre Leleux.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2015 n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.

3

Dépôt de rapports

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport relatif à l’accueil social sur les exploitations agricoles et à l’affiliation au régime agricole, ainsi que le rapport sur l’autonomie financière des collectivités territoriales au titre de l’année 2013.

Acte est donné du dépôt de ces rapports.

Ces documents ont été transmis respectivement à la commission des affaires économiques et à celle des affaires sociales pour le premier, à la commission des finances et à celle des lois pour le second.

M. Jean Desessard. Très bien !

4

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement
Discussion générale (suite)

Adaptation de la société au vieillissement

Adoption des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement (texte de la commission n° 211, rapport n° 210).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Georges Labazée, corapporteur.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement
Article 2 et rapport annexé

M. Georges Labazée, corapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, il est temps de clore le débat parlementaire sur ce texte, commencé à l’Assemblée nationale au mois de juillet 2014. Avec Gérard Roche, nous sommes fiers du travail accompli pour parvenir à un accord avec nos collègues députés, lors de la réunion de la commission mixte paritaire qui s’est tenue au Sénat le mercredi 2 décembre dernier.

Les conclusions de cette commission mixte paritaire aboutissent à un texte de compromis qui reprend de nombreux apports du Sénat. Je profite de cette tribune pour remercier une nouvelle fois Joëlle Huillier, rapporteur de l’Assemblée nationale sur ce texte, de son travail et de son ouverture d’esprit.

Selon une répartition des rôles que vous commencez à connaître, mes chers collègues, j’évoquerai plus particulièrement les questions de gouvernance et de résidences pour personnes âgées. Mon collègue Gérard Roche reviendra sur le volet du financement et sur l’article 32 bis de ce projet de loi. Il s’agissait en effet des derniers points de divergence entre nos deux assemblées.

En matière de gouvernance tout d’abord, la deuxième lecture a permis de rapprocher nos points de vue sur la conférence des financeurs et du conseil départemental de la citoyenneté et de l’autonomie, le CDCA.

Le texte issu de la commission mixte paritaire précise que peuvent être membres de la conférence des financeurs seulement les personnes physiques ou morales qui contribuent de manière effective au financement d’actions entrant dans son champ de compétence. Cette modification permettra de garantir que tous les acteurs, en particulier privés, ne puissent pas se désinvestir du financement des projets de prévention de la perte d’autonomie, tout en demeurant membres de la conférence.

De même, la commission mixte paritaire a précisé la composition des CDCA, qui avait été modifiée par un amendement de notre collègue Dominique Watrin adopté en séance publique. Elle est désormais suffisamment large pour y accueillir tous les acteurs de l’autonomie à l’échelon local, en particulier les organisations syndicales.

Enfin, la commission mixte paritaire a permis de rapprocher un peu plus nos deux assemblées au sujet du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge. Si le texte issu de la commission mixte paritaire instaure cette instance, conformément à la rédaction de l’Assemblée nationale, il reprend deux idées importantes à nos yeux.

D’une part, au sein du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, la formation spécialisée dans l’âge aura plus particulièrement pour mission de se rapprocher du Conseil national consultatif des personnes handicapées sur les aspects communs des politiques en faveur de l’autonomie, à l’image de ce que feront les CDCA dans les départements ; nous savons qu’un grand nombre de départements ont adopté des schémas départementaux pour l’autonomie. Nous demeurons convaincus que la question de l’autonomie, même si elle ne se traduit pas encore par la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale, appelle des réponses spécifiques nécessitant le travail en commun des acteurs du handicap et de ceux du vieillissement.

D’autre part, cette formation spécialisée devra également mener une réflexion sur l’assurance et la prévoyance en matière de dépendance, conformément à l’amendement de Jean-Noël Cardoux, que nous avons adopté lors de nos deux lectures au Sénat.

J’en viens maintenant au cadre juridique rénové des différentes catégories de résidences pour personnes âgées faiblement dépendantes. Comme je l’ai indiqué lors de la commission mixte paritaire, je me félicite de l’avancée que représente ce projet de loi en matière de clarification et de précision des trois catégories de résidences existantes : les résidences autonomie, les copropriétés avec services et les résidences-services. J’espère que la nouvelle distinction entre services spécifiques individualisables et non individualisables permettra de répondre aux problèmes rencontrés dans la gestion de ces résidences.

À l’issue de la deuxième lecture, nos deux assemblées demeuraient opposées sur la question du versement aux résidences autonomie du forfait autonomie, créé par ce texte et destiné à financer des actions de prévention de la perte de l’autonomie.

L’Assemblée nationale avait prévu qu’il ne serait pas versé aux résidences percevant déjà le forfait de soins courants. Or nous avions estimé dès la première lecture que ces deux forfaits avaient des vocations différentes et qu’il était dommageable de priver certains foyers-logements de ce nouveau forfait. Sur ce point, c’est la vision du Sénat qui l’a emporté ! L’article 11, dans la rédaction qui vous est soumise, permet à l’ensemble de ces résidences d’être bénéficiaires du forfait autonomie.

Enfin, je veux évoquer deux points spécifiques sur lesquels l'Assemblée nationale et le Sénat ont chacun fait une concession.

La commission mixte paritaire a rétabli le texte de l’Assemblée nationale à l’article 22 sur la désignation de la personne de confiance. La rédaction du Sénat était plus restrictive et ne fixait aucune règle concernant la situation des personnes sous curatelle ou sous mandat spécial.

En revanche, nous avons finalement fait primer la rédaction du Sénat pour la récupération des prestations d’aide sociale sur les bénéficiaires des contrats d’assurance-vie, en supprimant le seuil de 30 500 euros en dessous duquel cette récupération n’était pas possible dans le texte du Gouvernement. Cela devrait permettre de sécuriser juridiquement les départements dans leurs actions récursoires.

Mes chers collègues, le texte que nous vous invitons à voter aujourd’hui pourra s’appliquer dès le mois de janvier prochain. Il est attendu par les personnes âgées, leurs proches et tous les professionnels qui les accompagnent. Mme la secrétaire d'État a indiqué que les textes d’application étaient en préparation depuis plusieurs mois. Cela devrait permettre de les publier rapidement après la promulgation de la loi. Gérard Roche et moi-même demeurerons vigilants sur leur portée.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, c’est presque avec regret que je vois l’achèvement de l’examen de ce texte, mais il faut bien mettre un terme à nos travaux ! (Sourires.)

Mme Catherine Génisson. Nous avons assez discuté ; il faut agir !

M. Georges Labazée, corapporteur. Je remercie l’ensemble des membres de la commission des affaires sociales, notamment son président, Alain Milon, qui nous a laissé beaucoup de latitude, à Gérard Roche et à moi-même. Je tiens également à saluer la capacité d’écoute de Mme la secrétaire d’État, ainsi que la disponibilité de ses collaborateurs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, corapporteur.

M. Gérard Roche, corapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, comme l’a souligné Georges Labazée, nous pouvons être satisfaits du travail accompli au cours de la navette parlementaire sur un texte consensuel. Ce projet de loi, malgré le manque d’ambition que certains lui prêtent, aura des répercussions certaines et rapidement mesurables sur la vie de nos concitoyens.

S’il me fallait définir une recette idéale de la commission mixte paritaire, j’y mettrais trois ingrédients : d’abord, un texte équilibré de la part du Sénat ; ensuite, une Assemblée nationale ouverte au dialogue ; enfin, un gouvernement à l’écoute, qui accepte de voir son texte initial évoluer, parfois substantiellement, jusqu’au dernier moment. Sur ce projet de loi, les trois ingrédients étaient réunis. Je tiens à remercier chaleureusement Georges Labazée, avec qui j’ai pu travailler dans une parfaite entente tout au long de cette année – on en vient presque effectivement à regretter que cela prenne fin, mais d’autres occasions se présenteront ! (Sourires.) –, et la rapporteur de l’Assemblée nationale, Joëlle Huillier, qui partage notre vision de terrain des enjeux relatifs au vieillissement. Je salue également Mme la secrétaire d'État et ses équipes, avec qui nos échanges ont été fructueux et réguliers. Cela fait maintenant plus d’un an que nous travaillons sur ce texte sur le vieillissement : nous avons pris un an de plus ! (Sourires.)

Le Sénat était particulièrement attaché à ce que le volet financier de la réforme soit défini de la manière la plus transparente et la plus précise possible dans le texte. Sur ce point, la commission mixte paritaire nous a permis d’aboutir à un équilibre satisfaisant.

Conformément au souhait exprimé par le Sénat, au moins 28 % du produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, seront affectés aux conférences des financeurs pour des dépenses de prévention de la perte d’autonomie. Nous avons en revanche fait le choix d’assouplir légèrement le fléchage de la part du produit de la CASA consacrée à la réforme de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA : si 55,9 % y seront bien dédiés en 2016, puis 70,5 % au cours des exercices suivants, il nous a semblé préférable de ne pas rigidifier le dispositif à travers une définition des modalités d’utilisation de cette enveloppe qui aurait pu se révéler in fine contraignante pour les départements.

J’insiste sur le fléchage. Il doit rassurer les présidents des conseils départementaux, qui craignent toujours de se voir imposer des dépenses supplémentaires. D’ailleurs, leur préoccupation se justifie, compte tenu de l’état des finances des conseils départementaux.

J’en viens à un autre point de satisfaction, très important. Une section consacrée au soutien à l’investissement dans le secteur médico-social est créée au sein du budget de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA. Le Sénat défend depuis plusieurs années cette proposition visant à donner plus de lisibilité et de pérennité à la politique de soutien à l’investissement. Je suis heureux qu’elle se concrétise enfin dans ce texte. La nouvelle section sera alimentée, chaque année de la période de 2016 à 2018, à hauteur de 100 millions d’euros. Il conviendra par la suite de veiller à ce qu’une ressource dédiée soit définitivement consacrée au soutien à l’investissement.

La refondation du secteur de l’aide à domicile a occupé une place centrale dans les échanges sur le projet de loi. En première lecture, le Sénat avait introduit un article 32 bis, qui supprimait à un horizon de cinq ans le système de l’agrément au profit d’un régime unique d’autorisation rénovée. La solution envisagée par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, sur proposition du Gouvernement d’ailleurs, permet d’opérer le basculement vers le régime de l’autorisation dès la promulgation de la loi. Mais, en dissociant l’autorisation de la tarification administrée, elle préserve les départements et les services de bouleversements qui auraient pu être difficiles à supporter.

Le Sénat s’est finalement rallié à l’idée d’une mise en application la plus rapide possible du nouveau régime. De longs mois se sont écoulés depuis que le sujet a été mis sur la table. Les contours de la réforme sont donc connus de tous. De plus, retarder de plusieurs mois la mise en œuvre de l’article 32 bis, c’était prendre le risque d’assister à une multiplication des demandes d’agrément de la part de structures craignant de ne pas se voir délivrer l’autorisation départementale. Il semble que ce mouvement soit déjà à l’œuvre dans certains territoires. Nous devons le prendre très au sérieux, car il est révélateur de craintes, certes infondées, mais réelles.

Nous allons devoir réexpliquer clairement les objectifs de cette réforme. Non, la création d’un régime unique d’autorisation n’a pas pour effet de verrouiller le marché de l’aide à domicile ! Il s’agit simplement d’une mesure de cohérence. Lorsqu’ils interviennent auprès de publics fragiles, les services d’aide à domicile exercent une mission d’intérêt général très largement solvabilisée par la puissance publique. Ils doivent par conséquent relever pleinement du secteur médico-social, et non du secteur marchand.

Comme je l’ai indiqué, la création d’un seul régime d’autorisation ne s’accompagne pas de l’unification des règles de tarification des services d’aide à domicile. En deuxième lecture, le Sénat avait proposé que le cahier des charges qui leur sera applicable comporte un tarif national de référence ; cela aurait servi d’indicateur aux départements, aux services et aux usagers, sur le coût réel des prestations. La définition d’un tel tarif risquait cependant d’être longue, complexe et potentiellement source d’effets non désirés. Aussi la commission mixte paritaire a-t-elle fait le choix, plutôt que d’inscrire le tarif dans la loi, d’effectuer un renvoi, au sein du rapport annexé, à plusieurs tarifs nationaux de référence non opposables et de proposer une méthode de travail pour leur élaboration. Le sujet est important ; la variabilité des tarifs constitue un sujet de préoccupation récurrent pour les services et pour les observateurs du secteur.

À ce titre, je me félicite que le Gouvernement ait respecté l’engagement pris au Sénat lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 de mettre en place un nouveau fonds complémentaire de restructuration des services d’aide à domicile d’un montant de 25 millions d’euros. Cette mesure permettra de donner un nouveau souffle aux structures les plus en difficulté pendant la montée en charge de la loi. Les associations d’aide et de maintien à domicile font actuellement état de leurs difficultés financières.

Quels sont les chantiers qui s’ouvrent désormais devant notre assemblée ?

À court terme, c’est la correcte application de la loi et sa bonne compréhension qui doivent nous occuper. Georges Labazée et moi-même l’avons indiqué lors de la réunion de la commission mixte paritaire, nous sommes prêts à assurer le « service après-vente » du texte, notamment auprès des élus départementaux, afin de répondre aux questions, d’apaiser les craintes et de renforcer l’adhésion autour des différents volets de la loi.

À plus long terme, nous ne pourrons nous priver d’une réflexion sur la question du reste à charge dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD. Il s’agit là pourtant d’un sujet essentiel, qui n’aura été traité qu’à la marge dans ce texte, en votant un fonds d’investissement.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le corapporteur.

M. Gérard Roche, corapporteur. Or il nous faudra bien trouver un moyen d’alléger le poids financier que représente l’entrée en EHPAD pour les personnes âgées et pour leurs familles.

Je remercie les mêmes personnes que Georges Labazée. Ainsi, je suis sûr de n’oublier personne ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite d’abord saluer le travail remarquable des corapporteurs de ce texte au nom de la commission des affaires sociales, MM. Gérard Roche et Georges Labazée.

Vous vous êtes tous deux investis de manière constructive et pragmatique. Vous êtes parvenus, au fil des étapes parlementaires, à bâtir des positions justes, fidèles à vos convictions, car vous en aviez avant de vous engager dans ce travail, des positions fondées sur des objectifs communs, à commencer par celui de faire avancer, de perfectionner et de faire aboutir ce projet de loi. Vous avez formé un binôme réjouissant, tant sur le plan politique que sur le plan humain.

Je tiens également à saluer la présence vigilante, bienveillante et constante du président de la commission des affaires sociales, M. Alain Milon, tout au long de l’examen de ce texte.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite enfin remercier chacun de vous de la richesse des échanges que nous avons eus, que ce soit en séance ou lors des auditions réalisées par la commission.

Ce parcours parlementaire nous a permis de donner le jour à un texte fort, qui marquera l’histoire de la prise en charge collective de la perte d’autonomie. Ce projet de loi restera le témoin d’un engagement politique soutenu en faveur du bien vieillir et de la protection des plus vulnérables.

Cet engagement se traduit par un effort financier important. Ce sont plus de 700 millions d’euros qui viendront financer les mesures du présent projet de loi après leur montée en charge.

Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des dispositions de ce texte ; au terme de deux lectures, elles sont bien maîtrisées par nous tous.

Je profiterai de ma présence ici pour souligner tout l’intérêt de l’examen de ce texte par la Haute Assemblée, forte de son expérience locale et de sa connaissance des problématiques de terrain.

Vous avez souhaité renforcer le soutien aux proches aidants, qui acquièrent, grâce à ce texte, une reconnaissance et un droit nouveau : le droit au répit.

Vous avez voulu aller plus loin en transformant le congé de soutien familial en congé de proche aidant. Le proche aidant d’une personne âgée pourra ainsi bénéficier d’un congé d’une durée de trois mois renouvelable et fractionnable, éventuellement sous forme de temps partiel. C’est là une avancée positive. Elle permettra au monde du travail d’être plus sensibilisé aux difficultés rencontrées par les aidants, afin de mieux les intégrer au fonctionnement des entreprises. Nombre de proches mènent de front leur activité professionnelle et leur rôle d’aidant. Une meilleure prise en compte de leurs difficultés, de leur quotidien et de leurs besoins est nécessaire, afin d’améliorer leur bien-être personnel, bien-être qu’ils tendent souvent à négliger, au moment où le dévouement génère de l’épuisement.

Je tiens également à saluer la reconnaissance juridique que vous avez apportée aux structures d’hébergement temporaire qui permettent, sur un même lieu, le répit de l’aidant et la prise en charge médico-sociale de l’aidé. Ces lieux permettent à l’aidant de véritablement prendre du repos dans un espace de loisir, tout en lui assurant la prise en charge de son proche par une équipe professionnelle. Ce type d’établissement ouvre des perspectives nouvelles pour le répit des proches aidants, comme un moment créateur de lien social et de relation entre les générations.

Je tiens par ailleurs à souligner votre engagement en faveur de la diversification de l’offre d’hébergement à destination des personnes âgées. Au fil du parcours, les besoins et les aspirations évoluent. C’est pourquoi le présent projet de loi prévoit de donner aux personnes âgées le choix du modèle d’habitat qui leur convient.

Les résidences-services constituent une réponse adaptée, une étape intermédiaire pour des personnes âgées pour lesquelles la vie au domicile est devenue plus difficile sans pour autant justifier une entrée en EHPAD. Vous avez ainsi été pleinement engagés dans le travail qui a permis, d’une part, de définir le cadre juridique de ces résidences-services, notamment pour les personnes âgées, et, d’autre part, de sécuriser les pratiques contractuelles entre les gestionnaires et les résidents. Il s’agit là d’une avancée importante à la fois pour le développement de ce secteur économique et pour la protection des consommateurs.

J’en viens au volet de l’aide à domicile. Vous avez nourri la refondation du secteur, qui, sous des aspects particulièrement techniques, interpelle un sujet profondément humain : celui de l’accompagnement des publics fragiles et de la qualité de cet accompagnement.

Vous avez courageusement investi un sujet éminemment complexe : la dualité des régimes juridiques des services d’aide et d’accompagnement à domicile intervenant auprès de publics fragiles.

Je tiens à saluer cette initiative prise en première lecture et à rappeler que, si nous avons pu travailler de manière aussi constructive et avec autant de fluidité, c’est parce qu’un travail de réflexion avait été mené en amont par Jean-Marie Vanlerenberghe et Dominique Watrin dans leur rapport paru en 2014.

Le Gouvernement a suivi votre démarche en proposant un nouveau dispositif en deuxième lecture à l’Assemblée nationale. Grâce aux échanges et aux amendements adoptés, le dispositif a pu être enrichi pour permettre une souplesse et apporter de nouvelles garanties de transparence et d’égalité de traitement pour le secteur, tout en positionnant clairement, sans charges supplémentaires, le département en pilote de la structuration de ces services médico-sociaux sur son territoire. Ce dispositif permet ainsi l’accès à l’offre de services aux personnes âgées où qu’elles se trouvent sur le territoire et une meilleure lisibilité.

Ce qui nous rassemble sur ce texte, c’est la conviction que nous devons aujourd’hui moderniser et élargir nos protections collectives, au moment où notre société doit relever de nouveaux défis, en particulier celui du vieillissement.

Le texte soumis à la commission mixte paritaire témoigne de ce rassemblement, puisqu’il avait d’ores et déjà été adopté conforme aux deux tiers. Le travail mené par les rapporteurs des deux assemblées a été remarquable et mené en grande et bonne intelligence. (M. Jean Desessard s’exclame.) Cette implication a permis d’aboutir, au fil des accords, à un texte équilibré et renforcé, par les apports à la fois du Sénat et de l’Assemblée nationale.

À cette occasion, je me félicite que vos réticences initiales aient pu être levées pour permettre l’adoption du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge. La formation « âge » de ce Haut Conseil répond pleinement aux aspirations qui étaient les vôtres, avec le « Haut Conseil de l’âge ». Je souhaite véritablement que la formation « âge » du Haut Conseil devienne une référence en termes de réflexion, de prospective, une véritable ressource pour les politiques publiques. La dimension intergénérationnelle du Haut Conseil viendra amplifier le mouvement. Elle a démontré tout son intérêt et permettra à chaque formation de gagner en ampleur et en pertinence.

Je me réjouis également que l’entrée en vigueur du régime d’autorisation rénovée soit maintenue au 1er janvier 2016. Cela offrira plus de lisibilité au secteur et aux départements.

Je m’en remets favorablement à vos conclusions concernant l’affectation de 100 millions d’euros par an à l’aide à l’investissement dans les EHPAD. Ce soutien renouvelé à l’investissement permettra de réduire le reste à charge des résidents, dont nous mesurons tous les besoins aujourd'hui.

Je prends également acte de votre volonté de voir le forfait autonomie réparti à l’ensemble des résidences autonomie, y compris celles qui perçoivent d’ores et déjà le forfait de soins courants. Si la volonté initiale était d’éviter un « saupoudrage » des crédits, j’entends votre souhait de faire en sorte que l’ensemble des établissements s’engagent véritablement à mener des actions de prévention.

Je retiens aussi votre volonté d’attribuer aux départements la possibilité d’un recours en récupération de l’aide sociale à l’hébergement sur les contrats d’assurance-vie, et ce dès le premier euro de prime versée à partir de soixante-dix ans.

Enfin, sur le sujet de l’affectation de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie aux différentes mesures de ce projet de loi, vous avez également trouvé une juste voie.

Les parlementaires que vous êtes, forts d’expériences locales, avaient souhaité sécuriser encore plus la compensation des réformes de l’État aux conseils départementaux. Le Gouvernement avait déjà porté une vigilance particulière à ce sujet en affectant dans le projet de loi initial une fraction de la CASA à la compensation de la réforme de l’APA incluant également le droit au répit.

Vous avez souhaité aller encore plus loin en affectant un pourcentage de la CASA à la prévention de la perte d’autonomie. Vous avez également entendu les limites que cette sécurisation pouvait avoir, notamment en termes de souplesse de gestion pour les départements, en supprimant à l’article 38 la sous-répartition aux différents volets de la réforme de l’APA.

Grâce au travail que vous avez mené, la loi pourra, comme le Président de la République et le Premier ministre s’y sont engagés à plusieurs reprises, être votée et promulguée avant la fin de cette année.

Certaines dispositions dépendent de décrets d’application dont les principaux ont d’ores et déjà été élaborés et soumis aux instances consultatives obligatoires. Elles entreront en vigueur, si ce n’est au 1er janvier, du moins au cours des premiers mois de l’année 2016, dès la publication des textes.

L’enjeu, pour le Gouvernement comme pour les élus, sera ensuite de diffuser sur le terrain notre connaissance du texte et des dispositions qu’il contient, afin que chaque citoyen prenne connaissance des droits nouveaux auxquels il est désormais éligible – je pense ici tout particulièrement à la revalorisation de l’allocation personnalisée d’autonomie, à la création du droit au répit ou encore à l’adaptation des logements – et que chaque acteur puisse s’approprier les nouveaux dispositifs introduits, qu’il s’agisse de la conférence des financeurs, de la réforme des régimes juridiques des services d’aide et d’accompagnement à domicile ou de la tarification des EHPAD.

L’entrée en vigueur du texte est une première et grande étape. Elle nous invite d’ores et déjà à poursuivre la réflexion et à construire les chantiers futurs. Les besoins sont grands, et le Gouvernement restera pleinement mobilisé sur les enjeux liés à la perte d’autonomie.

Aujourd’hui, le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement est à l’aube de devenir une belle et grande loi sociale.

Grâce à cette loi, nous agissons pour que la protection sociale et la solidarité continuent de progresser. Nous donnons les moyens aux personnes âgées d’anticiper et d’accompagner la perte d’autonomie. Nous reconnaissons le rôle de ces millions de proches aidants et contribuons à leur apporter une pause nécessaire à leur bien-être. Nous construisons une société plus juste, animée par le souci de l’autre, dans le respect de son histoire, de ses droits et de ses aspirations. Nous portons un regard plus ouvert sur la vieillesse, qui constitue une période de la vie rythmée par la participation citoyenne et la création de lien social. Nous mobilisons l’ensemble de la société pour qu’elle s’adapte, intègre et échange avec ses aînés.

Pour toutes ces raisons, ce texte constitue une véritable avancée pour la vie de nos concitoyens et l’avenir de notre société. C’est pourquoi je vous invite à adopter les conclusions de la commission mixte paritaire qui vous sont soumises aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi qu’au banc de la commission.)