M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Eh oui !

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Je pense aussi à Philippe Dallier, qui a utilisé l’enquête sur les aides personnelles au logement pour préparer des amendements tendant à étudier les modalités de création d’une base de données dans le but de connaître la surface des logements des allocataires et de lutter contre la fraude, ou encore les conditions dans lesquelles les revenus des parents pourraient être pris en compte dans l’attribution de l’aide personnalisée au logement, l’APL.

Je pense également aux propositions de Francis Delattre sur l’aide à la complémentaire santé pour les personnes âgées ou au rapport d’information d’Alain Houpert et Yannick Botrel sur la filière forêt-bois, qui a suscité beaucoup de débats et de réflexions depuis sa publication au mois d’avril dernier.

La semaine dernière, le directeur général de l’Agence des participations de l’État évoquait devant la commission des finances les conséquences de la mise en œuvre des recommandations de l’enquête demandée par Philippe Dallier et Albéric de Montgolfier sur le recours par l’État aux consultants extérieurs.

Nous ne nous bornons pas à utiliser les enquêtes que nous vous demandons, mais nous essayons de tirer profit de l’ensemble des travaux produits par la Cour des comptes, dans nos travaux de contrôle ainsi que dans le cadre des discussions législatives.

Ainsi, le rapporteur général, lors de l’examen du dernier projet de loi de finances rectificative, s’est fondé sur des rapports de la Cour des comptes pour approuver les modifications proposées dans les règles de fonctionnement du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, le FCTVA, ou encore la réforme du compte de commerce « Régie industrielle des établissements pénitentiaires ».

J’en profite pour signaler que le calendrier des travaux de la Cour des comptes ne permet pas toujours de les exploiter au mieux. C’est ainsi que nous avons reçu le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur la TVA après le vote du projet de loi de finances et du collectif budgétaire.

Nous avons reçu cette semaine un référé consacré au dispositif ISF-PME, qui aurait sans doute été utile à notre rapporteur général lorsqu’il a présenté, en collectif budgétaire, un amendement qui n’a pas été retenu, mais qui va dans le même sens que ce que préconise la Cour des comptes. Aurait-il eu plus de succès si l’analyse de la Cour avait été disponible au mois de décembre ? Je ne sais pas !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Sans doute !

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. L’évolution toujours plus positive des relations entre la Cour des comptes et le Parlement doit beaucoup à l’état d’esprit qui a été insufflé, il y aura quinze ans au mois d’août, par l’adoption de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF.

Les enquêtes demandées en application de l’article 58-2 de la LOLF ont conduit les magistrats à travailler avec les rapporteurs spéciaux à l’origine de la saisine.

Les auditions publiques organisées à la suite de la remise de ces enquêtes ont transformé les présidents de chambre en habitués de nos salles de réunion. Monsieur le Premier président, permettez-moi de saluer l’ensemble de ceux qui, à vos côtés, travaillent dans cet état d’esprit.

Le rapport public annuel n’est plus l’unique grand rendez-vous entre la Cour des comptes et le Parlement. Chaque année, le Premier président vient désormais nous présenter le rapport sur l’exécution budgétaire de l’année précédente, celui sur la certification des comptes de l’État et celui sur la situation et les perspectives des finances publiques.

Pour toutes ces raisons, je me réjouis de l’initiative conjointe du président du Sénat et du Premier président de la Cour des comptes visant à « marquer le coup » et à organiser au Sénat, pour les quinze ans de la LOLF, une journée d’étude consacrée aux apports de la comptabilité générale en matière de contrôle parlementaire et de transparence des comptes publics.

Mes chers collègues, je sais que vous êtes impatients de vous plonger dans la lecture des 1 335 pages du rapport que le Premier président vient de déposer sur le bureau du Sénat. (Sourires.)

M. le président. Nous allons maîtriser… (Nouveaux sourires.)

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Aussi, je conclurai en remerciant de nouveau le Premier président de la Cour des comptes de sa grande disponibilité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste, du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. Permettez-moi de saluer Albéric de Montgolfier et Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteurs généraux respectivement de la commission des finances et de la commission des affaires sociales, qui vont se plonger immédiatement dans ce document. (Sourires.)

La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, la présentation du rapport public annuel marque l’un des temps forts de l’assistance au Parlement dans le contrôle de l’action du Gouvernement, mission confiée à la Cour des comptes par l’article 47-2 de notre Constitution.

Rythmée par les différentes publications de la Cour, cette mission s’effectue tout au long de l’année et revêt une importance majeure dans le contexte que nous connaissons. La ressource publique est devenue rare et les déficits sont élevés. Plus que jamais, il est nécessaire de tracer les voies d’une action publique plus économe.

La contribution de la Cour des comptes est, de ce point de vue, essentielle, en particulier pour la sphère sociale qui représente, je le rappelle, près de la moitié de nos finances publiques.

C’est pourquoi la commission des affaires sociales porte toujours un très grand intérêt aux analyses et propositions de la Cour, qu’elles figurent dans le rapport public annuel, le rapport annuel sur les lois de financement de la sécurité sociale, les rapports de certification, les rapports thématiques ou les enquêtes qui sont effectuées à notre demande.

Le rapport que vient de nous présenter le Premier président fait le point, au sortir de la période budgétaire, sur la situation des finances publiques.

Alors que nous constatons, sur ce sujet, une tendance du Gouvernement à se satisfaire de résultats limités, la Cour apporte quelques tempéraments bienvenus.

Le déficit ne s’est que faiblement réduit en 2015, alors que persistaient les « effets de traîne » du choc fiscal des années précédentes. La Cour constate que les baisses de prélèvement décidées pour 2015 représentaient 14 milliards d’euros, mais qu’elles ont, en partie, été neutralisées par 10 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires résultant de mesures décidées antérieurement.

Le premier bilan du pacte de responsabilité, en termes d’allégements des charges fiscales et sociales, apparaît donc encore bien mince, au moment où certains voudraient exiger des entreprises davantage de contreparties en termes d’emplois.

Car, au-delà des comptes publics, c’est bien la situation de l’emploi qui nous préoccupe tous, et c’est autour de cette problématique d’actualité que je centrerai mon intervention.

Sur ce terrain, notre pays est en situation d’échec majeur : 90 000 chômeurs de plus en 2015,…

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. … et 475 000 depuis 2011.

Notre dynamisme démographique, dont il faut, par ailleurs, se réjouir, bien qu’il soit fragilisé lui aussi, n’est pas seul en cause, loin de là. La France se distingue surtout par une faiblesse préoccupante de la création d’emplois, puisque seulement 57 000 emplois ont été créés en deux ans dans le secteur privé.

Autre sujet d’inquiétude : alors que le chômage est massif, l’évolution des coûts salariaux semble déconnectée de cette situation, consacrant ainsi un dualisme, désormais bien ancré, du marché du travail.

Nos voisins, qui ont fait des choix différents, ont vu leur situation s’améliorer. Ainsi, sur la même période, l’Italie a créé près de 300 000 emplois, l’Allemagne plus de 480 000, et l’Espagne 650 000.

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Comment ne pas faire le lien entre l’état des finances publiques, le choix d’une augmentation massive des prélèvements pour y répondre et la situation de l’emploi ?

Nous pouvons trouver matière à réflexion dans certaines analyses de ce rapport public annuel et dans d’autres travaux récents de la Cour.

La multiplication du nombre de contrats aidés et la création d’emplois publics ne sont que de piètres palliatifs, qui ont, de surcroît, pour effet d’alourdir encore les charges publiques.

Le montage de dispositifs complexes n’a pas davantage stimulé la création d’emplois. Je constate que la Cour partage, sur le contrat de génération, le diagnostic de la commission des affaires sociales, qui en déplore l’échec depuis deux ans. Souvenez-vous de cette phrase devenue célèbre : « Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup ! » (Mme Françoise Férat et M. Jacques Legendre opinent.)

En 2013, le Gouvernement s’était fixé comme objectif la création de 500 000 binômes pendant le quinquennat. Nous n’en sommes qu’à un peu plus de 50 000.

Les préconisations de la Cour qui appellent à une refonte du dispositif rejoignent donc pleinement les préoccupations de la commission des affaires sociales.

L’efficacité de l’action publique, ce n’est pas seulement celle des dispositifs, c’est aussi celle des organisations. Nous avons ainsi pris note du constat dressé par la Cour sur le Fonds de solidarité. Elle propose de transférer ses missions à une structure mieux à même de recouvrer de façon effective les montants dus par les fonctionnaires au titre du financement des allocations pour les chômeurs non indemnisés. Monsieur le Premier président, l’ACOSS nous semble aussi pouvoir remplir cette mission.

Évoquant l’exercice budgétaire 2016, la Cour des comptes indique que l’un des risques principaux d’écart à la prévision résulte de la « surestimation des économies attendues de la nouvelle convention d’assurance chômage ». Le Gouvernement a en effet intégré dans ses prévisions 800 millions d’euros au titre de la réforme de l’indemnisation du chômage.

Le rapporteur général de la commission des affaires sociales, Jean-Marie Vanlerenberghe, avait émis de fortes réserves sur les économies attendues des régimes à gestion paritaire, UNEDIC et retraites complémentaires, estimées à 4 milliards d’euros sur la période 2015-2017, en l’absence de toute disposition concrète permettant d’y parvenir.

Force est de reconnaître que les négociations sur les retraites complémentaires ont abouti à un accord qui porte une véritable réforme, ambitieuse et structurante. Les économies attendues à court terme dépendent d’un niveau d’inflation qui risque de ne pas être atteint, mais les fondements de la réforme à moyen terme ont été posés. Je rappelle que la Cour des comptes avait d’ailleurs établi un rapport particulièrement éclairant sur ce point l’an passé.

Les partenaires sociaux, même fortement incités par le Gouvernement, pourront-ils aboutir à une réforme comparable de l’assurance chômage, un sujet sur lequel la Cour des comptes s’est également prononcée très récemment ? Les négociations sur la nouvelle convention d’assurance chômage, qui s’ouvriront le 22 février prochain, seront à cet égard décisives.

Avec un déficit de 4,4 milliards d’euros et une dette de près de 26 milliards d’euros en 2015, la situation financière de l’assurance chômage n’est plus tenable. Une réforme est d’autant plus nécessaire que ce déficit comporte une part structurelle non négligeable, mise en lumière par les travaux de l’UNEDIC.

La commission des affaires sociales souscrit entièrement au constat du Gouvernement selon lequel, « en l’absence d’efforts raisonnables à court terme, la pérennité du régime pourrait être remise en cause ».

Les pistes tracées dans le rapport du Gouvernement sur la situation financière de l’assurance chômage sont claires : réduction de la durée d’indemnisation, dégressivité des allocations, baisse du ratio d’indemnisation par jour cotisé, baisse du plancher d’indemnisation et hausse des cotisations. Aucune de ces mesures prises isolément n’apportera, à l’évidence, de réponse durable à la situation financière de l’assurance chômage : comme pour les retraites complémentaires, c’est un panier de mesures qui devra être mis en place.

Cependant, une hausse des cotisations, qui alourdirait le coût du travail, serait contradictoire avec le renforcement des allégements décidé voilà deux ans. La commission des affaires sociales n’y est donc pas favorable.

Cette réforme devra surtout être mise au service du retour à l’emploi, au moyen d’une indemnisation à la fois protectrice et incitative.

Pour conclure, je voudrais souligner de nouveau l’apport des travaux de la Cour des comptes à la nécessaire analyse des liens étroits entre les finances publiques, la protection sociale et la situation de l’emploi. Au sein du Parlement, chacun y réagira selon sa sensibilité et en tirera ses propres conclusions. En tout cas, la Cour des comptes apporte à la réflexion et au débat une contribution que, au nom de la commission des affaires sociales, je tiens à saluer une nouvelle fois ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC, du groupe écologiste, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. Monsieur le Premier président, monsieur le rapporteur général, je vous remercie pour ce rapport et, au-delà, pour les relations étroites que la Cour des comptes entretient avec le Sénat ; le concours de votre institution contribue notamment à éclairer les travaux de nos commissions et de nos délégations.

Huissiers, veuillez reconduire M. le Premier président et M. le rapporteur général de la Cour des comptes.

(M. le Premier président et M. le rapporteur général de la Cour des comptes sont reconduits selon le cérémonial d’usage. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste, du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures quinze, est reprise à onze heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Jacqueline Gourault.)

PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République du Mali
Discussion générale (suite)

Traité de coopération en matière de défense avec le Mali

Adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République du Mali (projet n° 483 [2014-2015], texte de la commission n° 359, rapport n° 358).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d'État.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République du Mali
Article unique (début)

Mme Annick Girardin, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée du développement et de la francophonie. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le traité de coopération en matière de défense entre la France et la République du Mali dont j’ai l’honneur de proposer la ratification à la Haute Assemblée a été signé à Bamako le 16 juillet 2014.

Conclu après l’intervention française et la tenue d’élections démocratiques dans ce pays, ce traité refonde le cadre juridique de notre coopération avec le Mali en matière de sécurité et de défense. Il s’inscrit dans le droit fil des huit autres accords renégociés avec autant de pays africains partenaires, qui sont aujourd’hui entrés en vigueur. Comme eux, il traduit l’évolution de nos relations avec un pays ami – en l’occurrence, le Mali – et le continent africain en général.

La sécurité de l’Afrique et la sécurité de l’Europe sont indissociables, à l’égard tant du terrorisme que du trafic d’êtres humains ou d’autres trafics.

L’attaque qui a visé, une semaine après le 13 novembre 2015, un hôtel international de Bamako, est venue nous le rappeler douloureusement.

Ce traité, qui concerne le domaine de la défense, participe d’un dessein, celui de notre avenir commun, et porte sur les intérêts stratégiques de long terme de la France et de son partenaire.

À l’instar des accords entrés en vigueur avec d’autres États africains, c’est un traité simple, transparent, et, surtout, global. Je le résumerai en quelques points.

Il s’agit d’un texte unique pour le nouveau cadre juridique de notre relation de défense.

Il ne comporte pas de « clause de sécurité » prévoyant l’intervention des forces armées françaises en vue du maintien de l’ordre intérieur. Ce type de clause ne correspond plus ni à la situation de l’Afrique d’aujourd’hui ni à la politique de la France.

Par ailleurs, aucune clause d’assistance « automatique » n’est prévue en cas d’agression extérieure. Notre politique affirme nettement la volonté de voir prédominer les systèmes de sécurité collective des Nations unies et de l’Union africaine.

En outre, c’est un accord global, afin que la coopération de défense puisse couvrir toute activité convenue d’un commun accord entre les parties en fonction de leurs intérêts communs, notamment pour la sécurisation des espaces frontaliers et la lutte contre le terrorisme.

Enfin, ce traité est rédigé sous une forme réciproque permettant de couvrir juridiquement et dans des conditions identiques aussi bien le statut et les activités des membres du personnel français au Mali que ceux des personnels maliens en France.

Ce traité est tourné vers le soutien au développement des capacités militaires africaines, dans le cadre du système de sécurité collective que le continent construit pas à pas. Il traduit une relation marquée du sceau de la confiance et du partenariat, afin que nos intérêts communs soient au mieux garantis et que nous puissions construire ensemble les conditions de la stabilité et de la paix en Afrique.

Tel est, madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le sens de ce traité en matière de défense avec le Mali, proposé aujourd’hui à votre approbation.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Nougein, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, ce matin, nous devons examiner un traité de coopération de défense avec le Mali, signé le 16 juillet 2014 à Bamako. Ce traité revêt une importance particulière : l’armée française joue toujours un rôle de premier plan dans ce pays au titre de l’opération Barkhane.

Quel est le contexte de cet accord ?

En premier lieu, je rappellerai très brièvement les événements ayant conduit à l’intervention française.

En avril 2012, le MNLA, le Mouvement national de libération de l’Azawad des Touaregs, allié à des groupes djihadistes, proclame l’« indépendance » du Nord-Mali. Le MNLA est bientôt débordé et vaincu par les groupes djihadistes. Entre-temps, à Bamako, un coup d’État entraîne le départ du président Amadou Toumani Touré.

La crise s’accélère au début du mois de janvier 2013, des groupes armés terroristes se mettant en mouvement vers le sud du pays. Dès lors, à la suite d’une demande d’aide formulée par le président du Mali, la France engage, avec le soutien de huit pays alliés, l’opération Serval, afin de stopper l’offensive des terroristes et de rétablir l’intégrité et la souveraineté du pays.

Cette opération a été un succès militaire, permettant de repousser les groupes djihadistes et de récupérer 200 tonnes d’armement et de munitions, ainsi que des explosifs dans l’Adrar des Ifoghas.

Mes chers collègues, en cet instant, j’ai à cœur de louer le professionnalisme, l’engagement et le courage de nos soldats. Permettez-moi, en tant qu’élu de la Corrèze, de saluer le 126e régiment d’infanterie de Brive, qui a participé à l’opération Serval.

MM. Charles Revet, Jean-Claude Requier et Jeanny Lorgeoux. Tout à fait !

M. Claude Nougein, rapporteur. Aujourd’hui, la situation au Mali s’est améliorée, même si elle reste fragile, comme les événements récents de Bamako l’ont tristement rappelé.

Sur le plan sécuritaire, l’opération Barkhane, qui a pris la relève de l’opération Serval, peut s’appuyer sur le G5 Sahel, c’est-à-dire une coopération étroite entre cinq pays du Sahel : Mauritanie, Mali, Niger, Tchad et Burkina Faso. L’opération Barkhane est ainsi totalement transfrontière, ce qui est la seule manière de lutter efficacement contre les groupes djihadistes.

Toutefois, cette opération ne peut à elle seule venir à bout des terroristes, comme l’a encore démontré la récente attaque contre un camp de la MINUSMA, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali, à Tombouctou. Elle n’emploie en effet que 3 000 à 3 500 hommes pour un territoire plus grand que l’Europe, et il est impossible de poursuivre les djihadistes dans les pays limitrophes du nord du Sahel. La situation en Libye est ainsi particulièrement préoccupante.

En outre, la MINUSMA, force de l’ONU établie par la résolution 2100 du Conseil de sécurité, est un acteur important dans la stabilisation du pays, avec plus de 8 000 militaires essentiellement africains et 1 050 policiers. Toutefois, on peut regretter qu’elle ne joue pas un rôle opérationnel fort, lequel est toujours assumé par les troupes françaises.

Enfin, les quelques centaines d’hommes de la Mission de formation de l’Union européenne au Mali, ou EUTM Mali, apportent également un soutien utile à la reconstruction des forces armées maliennes.

Si l’ensemble de ces forces militaires permet ainsi à l’État malien de subsister et de fonctionner, elles ne peuvent prétendre apporter une réponse à long terme aux problèmes qui touchent ce pays.

Le premier problème est d’ordre politique. Les accords d’Alger, signés entre la République du Mali et la Coordination des mouvements de l’Azawad, la CMA, le 20 juin 2015 à Bamako grâce à la médiation algérienne, commencent certes à se concrétiser avec la création effective de patrouilles mixtes et le début d’une fusion des cantonnements des soldats. Mais la faiblesse des avancées politiques depuis la signature de l’accord révèle sa grande fragilité et les ambiguïtés sur lesquelles il repose.

Le second problème réside dans la situation agricole et économique précaire d’une grande partie du Sahel, qui favorise le recrutement de jeunes par les groupes terroristes.

Une partie de la solution tient évidemment à l’efficacité de l’aide au développement. Lors de la conférence de Paris du 22 octobre 2015, 3,2 milliards de dollars ont été annoncés par les bailleurs du Mali pour les années 2015-2017. La France a promis 360 millions d’euros. Malheureusement, cet effort significatif n’est pas une garantie de réussite si ces crédits ne vont pas au bon endroit au bon moment, et, pourrait-on ajouter, dans de bonnes mains.

J’en viens maintenant au traité de défense lui-même.

Premier élément, ce traité n’a rien d’original dans son contenu. Inspiré du modèle des Status of Forces Agreement, ou SOFA, de l’OTAN, il est quasiment identique aux huit autres accords signés au cours des années 2008-2012 avec le Togo, le Cameroun, le Gabon, la République centrafricaine, l’Union des Comores, Djibouti, la Côte d’Ivoire et le Sénégal. Ces accords mettent en place une coopération de défense fondée sur le respect mutuel de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des États. En particulier, ils ne comportent pas de clause publique ou secrète d’assistance automatique contre les menaces intérieures ou extérieures.

Dans le cas du Mali, le nouveau traité remplace un accord de coopération militaire du 6 mai 1985, dont l’objet est essentiellement limité à la mise à disposition de coopérants militaires techniques français. Cet accord est aujourd’hui obsolète, dans la mesure où il est rédigé de manière unilatérale et reflète ainsi un état des relations entre la France et les pays africains désormais révolu.

Deuxième élément, le nouveau traité ne se substitue pas à l’accord par échange de lettres des 7 et 8 mars 2013, conclu pour assurer la sécurité juridique de l’intervention française au Mali, dans le cadre de l’opération Serval. En vertu de l’article 25 du nouveau traité, les actions menées dans le cadre de l’opération Barkhane continueront ainsi à relever de l’accord de 2013, plus favorable aux troupes françaises sur le plan de la sécurité juridique.

Pour le reste, le nouveau traité précise les principes généraux sur lesquels se fonde le partenariat de défense et de sécurité, en prenant en considération deux dimensions nouvelles : la dimension régionale africaine de la mission de coopération militaire confiée aux forces françaises et la dimension européenne.

Les domaines de la coopération mise en œuvre dans ce cadre sont ensuite énumérés. Ils couvrent notamment les échanges d’informations entre les forces et la formation des soldats maliens dans des écoles françaises ou des écoles soutenues par la France. Je rappelle que la coopération de défense conduite au Mali par la direction de la coopération de sécurité et de défense du ministère des affaires étrangères et du développement international se décline actuellement en sept projets, dont une école à statut international à Bamako, et représente un budget de 4,6 millions d’euros. Je ne peux ici que souligner l’importance cruciale de cette coopération militaire structurelle et regretter la réduction continue des moyens qui lui sont affectés au sein du budget.

M. Claude Nougein, rapporteur. Le traité comporte ensuite des dispositions détaillées sur le statut des personnels engagés dans la coopération et fixe les règles de compétence juridictionnelle en cas d’infraction commise par un coopérant. Il précise notamment que, dans le cas où elle serait prévue par la loi, la peine de mort ne serait ni requise ni prononcée.

En conclusion, cet accord modernise et améliore notre coopération militaire avec le Mali. Il contribuera ainsi, modestement, mais de façon concrète, à la sécurité d’un pays et d’une région dont la stabilité est aujourd’hui un enjeu de premier ordre pour notre pays et le monde. C’est pourquoi la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées s’est prononcée en faveur de son approbation.

Le débat de ce matin est l’occasion de renouveler notre soutien à cette coopération, qui est un facteur de stabilisation et, à terme, de paix pour le pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC, du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Leila Aïchi.

Mme Leila Aïchi. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous le reconnaissons, l’objectif affiché de cet accord, à savoir donner un cadre juridique à notre coopération militaire avec le Mali afin de l’aider à se reconstruire, est indéniablement positif.

Est, en revanche, sujet à caution le fait de savoir si ce traité se donne les moyens d’une telle ambition. En n’abrogeant aucune des dispositions de l’accord par échange de lettres des 7 et 8 mars 2013 qui régit l’opération Serval, cette convention n’engage aucune stratégie de redéfinition de notre action en cours au Mali.

Certes, j’entends bien que la présente convention traite uniquement de la coopération militaire, sujet distinct de l’opération Serval. Toutefois, dans l’optique qui est celle de cet accord, une consolidation des forces de défense maliennes, dans le cadre d’une articulation plus fine entre les deux textes, aurait été souhaitable. L’intervention française, même justifiée, n’a pas vocation à être pérenne.