M. Jean-François Husson. Nous allons vous le dire !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Qu’a-t-on à espérer de débattre inlassablement durant vingt mois – nous le faisons déjà depuis un bon moment et pendant encore neuf mois – sinon des difficultés supplémentaires ? Ce n’est pas en se donnant davantage de temps que l’on règle les problèmes délicats et les différends. Bien au contraire, il faut, à un certain moment, avoir la volonté de trancher et d’appliquer les textes. Vous nous avez suffisamment reproché l’instabilité institutionnelle !

M. Jacques Mézard. Elle n’a pas cessé !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Vous avez raison de dire qu’il faut sortir de ce tunnel de réformes. Allons maintenant vers la stabilité institutionnelle en décidant d’appliquer la loi et laissons les élus mettre en place les nouvelles intercommunalités dans les délais prévus.

Ces nouvelles organisations, plus proches des réalités vécues par nos concitoyens, sont attendues. La phase d’explication de neuf mois doit nous permettre de démontrer l’intérêt de ces nouveaux périmètres.

De plus, le degré d’engagement des CDCI dans les projets de fusion rendrait désormais contre-productif un report, même si la présente proposition de loi ne vise pas, fort heureusement, je l’ai bien constaté et j’en prends acte, à remettre en cause le contour de la nouvelle carte intercommunale.

Je ne peux cependant occulter le fait que ce texte comprend plusieurs implications qui ne peuvent attendre une année supplémentaire – je pense notamment à la définition des zones de revitalisation rurale.

En effet, comme vous le savez, le projet de loi de finances pour 2015 met en place de nouveaux critères de classement à compter du 1er juillet 2017, prolongeant d’autant la validité de l’actuel arrêté de classement.

Dès lors, l’hypothèse d’un report de la création effective des nouvelles intercommunalités, même d’un an, fragiliserait sérieusement le bénéfice des mesures d’exonération fiscale et sociale attachées à ce classement dans la mesure où elles ne reposeraient plus sur un arrêté en vigueur. Croyez-moi, les élus des zones concernées l’ont bien remarqué ; nombre d’entre eux sont dans l’attente et m’ont saisi de ce sujet.

Je sais également, comme l’a souligné M. Mézard, que le sort de certains élus communautaires, dont le mandat s’achèverait avant 2020, est source d’incertitudes, voire même de tensions. Mais je veux vous rappeler que la jurisprudence du Conseil constitutionnel ne permet pas, pour respecter le poids démographique de chaque commune au sein du nouvel EPCI, de maintenir l’ensemble des membres des conseils communautaires.

M. Jacques Mézard. Et quid de la baisse des dotations ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. En outre, j’estime que le délai supplémentaire proposé compliquerait encore le déploiement des projets intercommunaux et ralentirait la mise en œuvre de dispositions utiles à nos concitoyens.

De surcroît, un tel délai entraînerait immanquablement un affaiblissement inopportun de l’investissement public dans les territoires concernés, dans l’attente de la fusion effective.

Le Gouvernement, pleinement conscient de certaines problématiques découlant du processus de rationalisation de la carte intercommunale, a déjà apporté certains éléments de réponse. Au demeurant, il reste ouvert à l’élaboration de nouvelles dispositions facilitant la mise en œuvre des schémas.

Mesdames, messieurs les sénateurs, des dispositifs actuellement prévus par la loi NOTRe permettent d’apporter des réponses aux questionnements des élus.

Ainsi, certains font état de leur crainte qu’une partie des compétences exercées par les anciens EPCI ne soient pas reprises par le nouvel ensemble issu de leur fusion, ce qui entraînerait une diminution de l’intégration communautaire. Or la loi prévoit plusieurs dispositifs transitoires pour éviter une telle situation. Je veux profiter de cette tribune pour détailler certaines de ces mesures.

S’agissant des compétences optionnelles et facultatives, la loi prévoit une période transitoire permettant l’harmonisation des compétences des EPCI à fiscalité propre en cas de fusion.

Pendant une période maximale d’un an, pour les compétences optionnelles, ou de deux ans, pour les compétences facultatives, les compétences des anciens EPCI à fiscalité propre continuent d’être exercées par le nouvel ensemble sur les anciens périmètres.

Ces délais donnent ainsi le temps nécessaire au nouvel EPCI à fiscalité propre pour réfléchir aux modalités selon lesquelles il souhaite exercer ou ne pas exercer les anciennes compétences des EPCI ayant fusionné. Le cas échéant, les communes disposent d’un délai suffisant pour déterminer les nouvelles modalités d’exercice de ces compétences.

À l’issue de celle période, la loi prévoit de nombreuses possibilités pour assurer la continuité de l’exercice de la compétence, telle sa reprise partielle par l’EPCI à travers, entre autres, la définition de l’intérêt communautaire.

Dans le même sens, le développement des mécanismes de mutualisation peut également permettre à des communes de maintenir une gestion intercommunale, tandis que d’autres continueraient d’exercer la compétence elles-mêmes. Ces aménagements doivent permettre d’assurer la continuité de l’exercice des compétences et la qualité du service rendu aux habitants.

De plus, le code général des collectivités territoriales prévoit déjà des possibilités de conventionnement entre communes et intercommunalités leur permettant de se confier réciproquement la gestion de certains services ou équipements. Ces dispositifs visent une gestion de proximité, adaptée à chaque territoire et permettant de ne pas modifier immédiatement l’existant.

Enfin, d’autres mesures de souplesse sont envisagées. Je pense, par exemple, à la question du PLUI. Le Gouvernement a bien identifié les problèmes susceptibles de se poser et travaille pour trouver une solution adaptée aux spécificités de nos territoires.

M. Jean-Claude Lenoir. On peut donc leur donner plus de temps !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le Parlement sera très bientôt saisi de cette question dans le cadre du projet de loi égalité et citoyenneté. Vous aurez donc l’occasion, mesdames, messieurs les sénateurs, d’en discuter et d’amender le texte si nécessaire.

D’autres mesures pourraient trouver leur place dans la prochaine loi de finances, notamment.

En matière fiscale, la loi prévoit déjà une harmonisation très progressive des taux en cas de fusion d’EPCI à fiscalité propre, puisque le lissage de ces derniers est échelonné sur une période de douze ans pour la fiscalité professionnelle unique.

Pour la TEOM, il est par ailleurs possible de maintenir, à titre transitoire, les taux antérieurement pratiqués en se fondant sur le niveau de service rendu, ce qui permet, là encore, de disposer du temps nécessaire pour réorganiser ce service et, éventuellement, les taux pratiqués.

Vous le constatez, des aménagements nombreux sont prévus pour permettre de réussir la nouvelle carte intercommunale.

Par ailleurs, je sais que l’attention des élus se porte également sur les conditions de fusion.

Sur tous ces sujets, le Gouvernement enverra dans les tout prochains jours aux préfets une circulaire, afin de leur rappeler tous les dispositifs d’ores et déjà existants, que j’ai rapidement évoqués, pour qu’ils puissent informer les élus.

De plus, je viens de saisir le ministre des finances pour qu’il mobilise les DDFIP, les directions départementales des finances publiques, afin qu’elles accompagnent fortement, et en faisant preuve de la plus grande disponibilité, les élus, tout particulièrement ceux des petites communes et intercommunalités, dans leurs travaux de simulations fiscales liées, c’est vrai, à l’évolution des périmètres intercommunaux.

Mon prédécesseur a indiqué aux préfets, dans une circulaire du 27 août dernier, qu’il convenait de limiter l’utilisation de la procédure dite du « passer outre » aux seuls cas de consensus avec la CDCI. Cette procédure doit être utilisée non pour passer en force contre la volonté des élus, mais lorsqu’elle est impérativement nécessaire pour appliquer convenablement la loi. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Elle doit donc être un élément de souplesse et non pas un acte d’autorité.

Telles sont les instructions que, depuis mon arrivée au ministère, j’ai données aux préfets pour la période de clôture des schémas : ils doivent faire preuve d’une grande souplesse et tenir compte de l’avis de l’ensemble des élus, pour peu que ces derniers soient d’accord entre eux, ce qui n’est pas toujours le cas.

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Enfin, d’autres difficultés ont été recensées ces derniers mois. Je suis prêt à y travailler avec vous et à trouver les bonnes solutions.

Actuellement, une fusion d’EPCI implique nécessairement une harmonisation des taux d’abattement de la taxe d’habitation dès la première année de mise en œuvre. Une telle situation peut entraîner des évolutions fiscales non souhaitées. Une modification de ce dispositif, par exemple, dans le projet de loi de finances pour 2017, pourrait permettre d’apporter, si nécessaire, un correctif opportun.

De même, pour ce qui concerne le versement transport, il est aujourd’hui possible pour un EPCI d’en moduler le taux selon le territoire durant cinq ans, voire de le fixer à zéro, ce qui permet une mise en place progressive, en fonction du calibrage du service souhaité et de l’histoire des intercommunalités.

Dans ce cadre, et pour répondre à une attente exprimée localement, nous pouvons envisager d’augmenter, dans la prochaine loi de finances, cette période jusqu’à douze ans, voire réfléchir à des zonages durables. Sur tous ces sujets, je suis tout à fait disposé à travailler avec le Parlement pour résoudre les difficultés techniques apparues sur le terrain.

Vous le constatez, la position du Gouvernement est simple et claire : garder, pour nos territoires et nos populations, l’ambition inscrite dans les lois de réforme territoriale, tout en y apportant, le cas échéant, les correctifs nécessaires, et en demeurant à l’écoute des élus locaux, ainsi, bien sûr, que des parlementaires.

Cependant, afin que les nouvelles intercommunalités puissent disposer des services nécessaires sans tarder, il importe que le calendrier de mise en œuvre des nouveaux périmètres soit tenu. Il y va de la stabilité institutionnelle que j’appelais de mes vœux voilà un instant et de la nécessité d’appliquer une loi qui a été votée. C’est tout de même la moindre des choses !

Enfin, vous m’avez personnellement et amicalement interpellé, monsieur Mézard. Pour ma part, je veux vous dire que nous partageons une amitié que rien ne peut entacher, même si nos visions sont parfois différentes, ce qui n’est d’ailleurs pas le cas en l’espèce. Je suis membre de l’exécutif, tandis que vous représentez le pouvoir législatif. En mon âme et conscience, je considère qu’il serait néfaste de donner davantage de temps à une réforme dont la mise en place doit encore prendre neuf mois. Un délai de vingt mois irait au-delà de la période de raison. Je vous rassure, je ne renie rien de nos combats passés ni des positions que j’ai prises. S’il fallait le refaire, je n’hésiterais pas un instant, d’autant que, sur les sujets essentiels, à savoir les départements et la défense du Sénat, nous avons triomphé.

S’agissant de l’intercommunalité, vous savez combien j’y suis personnellement attaché, puisque, en d’autres temps déjà, au sein d’un autre gouvernement, j’avais créé les communautés de communes. Je pense que tout cela va dans le bon sens. Ce n’est pas parce que nous sommes amis que nous devons automatiquement être du même avis.

Enfin, je vous rassure sur un dernier point : personne ne m’a donné d’instruction. C’est, en mon âme et conscience, la position que je défends au nom du Gouvernement. J’espère que, à défaut de vous convaincre totalement, les précisions que je vous ai apportées sur les possibilités d’assouplissement, ainsi que ma grande disponibilité pour trouver les bonnes solutions sur un certain nombre de sujets, vous auront rassuré.

Je souhaite que les textes contribuent à créer une vie communale, intercommunale et locale plus riche et plus dense, ce dont le Sénat ne pourra naturellement que se féliciter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi présentée par le groupe du RDSE pourra-t-elle aider les élus locaux à adapter aux territoires les nouvelles intercommunalités, créées pour respecter les seuils de la loi NOTRE ?

Mme Françoise Laborde. Nous en sommes convaincus, car nous leur proposons, s’ils le souhaitent, davantage de temps pour s’organiser.

Cette proposition de loi est le fruit des rencontres de terrain et des liens que nous avons, au quotidien, avec les élus. Je vous le promets, nous n’avançons rien sans vérification préalable.

Pour mener à bien la rationalisation des périmètres des intercommunalités, les schémas départementaux de coopération intercommunale ont été arrêtés le 31 mars 2016 et l’arrêté préfectoral fixant le périmètre de l’intercommunalité sera pris avant la fin de cette année. L’entrée en vigueur de cet arrêté définitif de périmètre est fixée par circulaire au 1er janvier 2017. Or, une fois les schémas validés dans les délais légaux, il est clairement nécessaire d’ouvrir la possibilité d’accorder un délai supplémentaire aux collectivités pour organiser administrativement et techniquement leur fusion. Nous n’imposons rien, nous rendons possible. Cela s’appelle accorder de la liberté. C’est ce dont ont le plus besoin les territoires et les élus locaux de ce pays.

La création de nouvelles intercommunalités issues de fusions se heurtera à des difficultés d’harmonisation et de gouvernance qu’il faut anticiper afin de permettre le succès ! La réorganisation prendra du temps, car les études d’impact budgétaires et fiscales des projets de périmètre ne pourront pas tout régler sur le terrain.

Le réagencement des compétences exercées par les communautés fusionnées, lequel passe par la mise en place des convergences entre les compétences communes ou la réintégration à une commune de certaines compétences très liées à un contexte local, soulèvera de lourdes questions administratives et financières que la collectivité devra gérer.

Concernant les ressources humaines, la réorganisation et l’harmonisation des conditions de travail des équipes administratives et techniques dans les nouvelles intercommunalités ne se régleront pas intégralement pendant la durée des consultations.

L’aménagement du territoire intercommunal et la répartition des services et des équipements sont autant d’éléments qui doivent également être anticipés.

De nombreux maires et présidents d’intercommunalité ont fait remonter, lors de diverses consultations, les difficultés réelles qu’ils rencontrent pour procéder à des simulations financières et à des audits dans les délais prévus, qui sont actuellement trop contraints. Or les fusions impliquent aussi de réfléchir à de nouveaux choix fiscaux, quand les intercommunalités fusionnées relèvent de régimes de fiscalité différents.

Enfin, la gouvernance de ces nouvelles intercommunalités et le choix de la répartition des sièges entre les communes membres de la nouvelle intercommunalité doivent être préparés minutieusement. Il faut être particulièrement vigilant à la participation effective des plus petites communes aux décisions prises par la nouvelle collectivité.

Ces quelques constatations corroborent l’idée que la fusion d’intercommunalités est une opération subtile et que des délais trop contraints peuvent remettre en cause des projets pertinents de fusion, paralyser l’action publique et s’avérer très coûteux. Je le dis, notre proposition de loi ne remet pas en cause la taille des communautés de communes ni l’application de la loi votée. Elle a pour objectif d’allonger le délai de mise en œuvre des nouvelles intercommunalités, si celles-ci le souhaitent.

Elle permettra aux CDCI de rendre possible le report d’un an de la date d’entrée en vigueur de l’arrêté définitif du préfet de mise en œuvre du schéma, date qui passera du 1er janvier 2017 au 1er janvier 2018. Simple question de bon sens !

Elle permettra également aux élus de préparer dans de bonnes conditions la mise en place, sur le terrain, des nouvelles intercommunalités issues de fusions, avant l’application de l’arrêté du préfet qui sera dans ce cas différé d’un an.

Il ne s’agit nullement de remettre à plus tard le règlement de cas de figure difficiles, comme certains ont pu le soutenir, mais bien d’utiliser ce délai facultatif pour préparer les changements majeurs que représente l’harmonisation des fiscalités, des compétences et des services. En effet, tout cela ne peut être totalement réglé durant une consultation de seulement quelques mois.

Par ailleurs, les consultations au sujet des projets d’arrêtés de périmètre pourront également aboutir plus facilement à des accords, grâce à la possibilité de délai ouverte par la proposition de loi, « goutte d’huile » apportée aux rouages de la négociation, pour reprendre les termes de M. le rapporteur.

Ne l’oublions pas, l’intercommunalité, coopérative de communes, est un outil. Par conséquent, c’est un devoir de laisser les élus mener à leur terme leur réflexion sur l’organisation technique et administrative de cet outil. Il est également important de créer – ou de recréer – un climat de confiance avec eux, en leur redonnant le droit à la réflexion ! Nous souhaitons ainsi assurer le renforcement de l’action et du fonctionnement des nouvelles intercommunalités.

Sans fine réflexion sur l’organisation de la gouvernance ou des compétences, il est impossible de mener à bien les missions pour lesquelles a été créée l’intercommunalité. En adoptant ce texte, la Haute Assemblée défendra une nouvelle fois une certaine conception de la démocratie locale, fondée sur la confiance et la responsabilité de chacun, mais surtout sur la liberté des élus locaux de ce pays. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot.

M. Jean-François Longeot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d’abord, permettez-moi de saluer le conseil municipal des jeunes de Saint-Hilaire-de-Riez, commune de Vendée, accompagnés par leur maire, M. Laurent Boudelier. (Applaudissements.)

Je tiens aussi à saluer l’initiative du groupe du RDSE et de son président, Jacques Mézard, qui a déposé sur le bureau de notre assemblée cette proposition de loi, dont l’objectif est d’adapter aux réalités des territoires les enjeux de la nouvelle carte intercommunale, en laissant un temps suffisant de planification aux élus pour la mise en œuvre des nouvelles intercommunalités.

Ce texte prévoit, si la commission départementale de la coopération intercommunale le propose dans le cadre d’un vote à la majorité simple, de différer du 1er janvier 2017 au 1er janvier 2018 l’entrée en vigueur de l’arrêté prévu dans la loi NOTRe créant les nouvelles intercommunalités.

Le texte, modifié par la commission des lois, précise que la CDCI intervient sur la saisine du préfet ou du cinquième de ses membres et fixe au 31 juillet 2016 le terme du délai ouvert pour décider d’un report.

Il est important de prendre garde à ne pas rouvrir les sujets liés à la loi NOTRe. Or il s’agit ici de procéder à un simple ajustement, non de revenir sur l’esprit de cette loi, et de répondre à un cas qui n’avait pas été prévu par cette dernière.

La possibilité de repousser d’un an supplémentaire le délai pour la mise en œuvre des nouvelles intercommunalités de plus de 15 000 habitants semble intéressante. Cela permettrait en effet aux élus de disposer du temps nécessaire à la mise en place de fusions parfois complexes, tout en provoquant le dialogue entre ces derniers et l’État.

De plus, ce nouveau délai pourrait permettre de réfléchir à des questions annexes liées aux intercommunalités. Je pense notamment à la fiscalité.

J’ajoute qu’il ne s’agit pas non plus d’une nouvelle demande sénatoriale, puisque la date limite de mise en place préconisée par la Haute Assemblée lors des débats sur la loi NOTRe était déjà le 1er janvier 2018. Néanmoins, dans le cadre du compromis trouvé entre le Sénat et l’Assemblée nationale en commission mixte paritaire, cette date n’avait pas été retenue.

Si, pour la direction générale des collectivités locales, le délai initialement prévu ne pose aucun problème, l’Association des maires de France, lors de l’examen parlementaire, avait alerté sur le risque d’une mise en œuvre des schémas départementaux de coopération intercommunale, les SDCI, dans des délais très contraints, qui laissent peu de temps au dialogue entre les élus et l’État.

Par ailleurs, on pourrait voir apparaître des compétences dites « orphelines », en cas de fusion bloc par bloc, auquel cas la création de syndicats intercommunaux spécifiquement dédiés serait nécessaire. Effectivement, les projets préfectoraux de SDCI privilégient majoritairement l’élargissement des périmètres intercommunaux par la fusion bloc par bloc. Or créer un nouvel EPCI à fiscalité propre par le regroupement de communautés préexistantes est une opération délicate qu’il convient de préparer minutieusement pour en assurer la réussite.

En relevant le seuil de l’intercommunalité de 5 000 à 15 000 habitants, l’article 33 de la loi NOTRe augmente les compétences des intercommunalités, permet la diminution du nombre de syndicats intercommunaux et entraîne des économies de gestion pour ce qui concerne les services utilisés au quotidien par nos concitoyens.

L’article unique de la présente proposition de loi tend donc à favoriser l’adaptation des enjeux de la nouvelle carte intercommunale aux réalités des territoires, en laissant un temps suffisant de planification aux élus pour la mise en œuvre des projets les plus complexes. Il s’agit de donner de la souplesse aux communes, en limitant le caractère contraignant du calendrier imposé par la loi NOTRe.

En conclusion, je citerai, une fois n’est pas coutume, François Mitterrand, qui disait : « il faut laisser du temps au temps » ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Christian Favier.

M. Christian Favier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au cours de nos débats sur le projet de loi NOTRe, de nombreux intervenants, sur toutes les travées de cet hémicycle, s’étaient interrogés sur la pertinence d’ouvrir une nouvelle phase dite « de rationalisation de la carte intercommunale ».

Ils notaient, comme nous, que les intercommunalités actuellement en place venaient de se constituer et n’avaient pas encore eu le temps de construire des programmes d’actions dans leurs domaines de compétences,…

M. Jean-Michel Baylet, ministre. C’est vrai !

M. Christian Favier. … pas plus qu’elles n’avaient encore permis aux élus de se connaître et d’apprendre à travailler ensemble. Le président Larcher déclarait lui-même alors que les collectivités territoriales avaient besoin de stabilité.

D’autres intervenants s’interrogeaient sur le rythme de cette nouvelle concentration des territoires qui ne laissait pas le temps nécessaire à la réflexion sur les nouveaux projets de territoire, ainsi que sur les politiques publiques communes à mettre en œuvre.

Enfin, bon nombre se demandaient s’il fallait instaurer un relèvement du seuil minimal d’habitants, relançant le débat déjà ouvert en 2010 sur la pertinence d’un seuil aussi désincarné, ne prenant pas assez en compte les réalités géographiques des territoires non plus que le travail déjà mis en œuvre dans les intercommunalités existantes, ni même certains projets en construction.

Malgré ces interrogations, critiques et désaccords, au moment de l’adoption du texte, toutes ces remarques furent balayées, et les sénatrices et sénateurs du groupe CRC se retrouvèrent bien seuls à voter contre les articles relançant un nouveau processus de regroupement intercommunal.

Depuis, les projets de schémas départementaux de coopération intercommunale sont en cours d’adoption, et chacun sait que beaucoup de critiques se font jour. Cependant, en de nombreux endroits, en vertu de la règle de la majorité qualifiée en vigueur au sein des comités départementaux, ce sont les projets préfectoraux qui sont finalement adoptés, malgré les nombreux désaccords.

Ainsi, en Isère, trois communes ont décidé de former au 1er janvier 2016 la commune nouvelle des Abrets-en-Dauphiné. Le conseil municipal de cette dernière demande son rattachement à la communauté d’agglomération du Pays voironnais contre l’avis du préfet, qui prévoit son rattachement à la communauté de communes de Bourbre-Tisserands. La commission départementale de la coopération intercommunale doit donc se prononcer sur ce rattachement. Or, sur les cinquante-trois membres de la CDCI, vingt-sept, soit la majorité, votent contre la prescription du préfet. C’est tout de même le projet du préfet qui sera mis en œuvre, car ce vote ne dégage pas la majorité qualifiée des deux tiers.

Sans nul doute, partout en France, lorsque les conseils municipaux seront saisis des propositions du préfet, bon nombre n’adopteront pas celles-ci, mais leur vote ne sera alors pris en compte que si le préfet en fait le choix, car il a tout pouvoir en ce domaine.

Notons à ce propos que le débat sur le seuil d’habitants, seuil fixé par le Gouvernement à 20 000 puis finalement ramené par le Parlement à 15 000, est bien loin derrière nous. En fait, cette disposition n’a pour ainsi dire jamais été un critère retenu par les préfets.

M. Jacques Mézard. Tout à fait !

M. Christian Favier. Les projets de regroupements sont en fait souvent bien plus larges. On parle maintenant d’« intercommunalités XXL », avec parfois plusieurs dizaines de communes regroupées, jusqu’à 200 même, et rassemblant plusieurs dizaines de milliers d’habitants.

M. Jacques Mézard. L’obésité mène au diabète !

M. Christian Favier. Il paraît que ces nouveaux territoires regrouperaient alors les communes d’un même bassin de vie, sans d'ailleurs que celui-ci soit vraiment défini à partir du croisement de plusieurs données objectives.

Les flux de population habitat-travail sont souvent pris en compte dans la définition de ces nouveaux territoires, mais ils ne peuvent être considérés comme la seule donnée pertinente. Ils s’apparentent plus à une donnée de zone de chalandise des entreprises actuellement implantées, comme s’il s’agissait d’un aménagement figé, sur lequel nous décidions de ne pas agir, considérant sans doute qu’il ne pourra plus évoluer. De plus, la prise en compte du seul rythme de vie lié à l’emploi renvoie au triptyque bien connu « boulot-transport-dodo », qui laisse peu de place à la vie et ne rend compte de la situation que d’une partie de la population.

En fait, ces projets d’intercommunalité correspondent davantage à des territoires de consolidation des situations acquises de développement, sans porter la moindre volonté politique de perspective d’évolution fondée sur des projets partagés prenant en compte les besoins, dans le cadre d’un aménagement du territoire harmonieux et équilibré, et répondant aux multiples attentes de la population dans son ensemble.

Ces projets de nouvelles intercommunalités ne laissent par ailleurs que peu de place aux élus de nos communes et excluent de la réflexion et de la décision les citoyens eux-mêmes.

Dans ce contexte, en lisant le titre de la présente proposition de loi, nous étions enclins à la soutenir, car il nous semblait alors qu’elle pouvait donner plus de temps pour éventuellement modifier les projets préfectoraux.

Or il n’en est rien. Ce texte ne fait que permettre de reculer d’un an, non pas la mise en œuvre de la définition des nouvelles intercommunalités, mais seulement le délai de mise en place de certaines d’entre elles. Comme le précise d’ailleurs l’exposé des motifs, il s’agit uniquement de laisser du temps afin de permettre de régler les difficultés résultant de projets particulièrement complexes.

Nous regrettons les limites de ce texte, qui ne remet donc nullement en cause le nouveau processus de rationalisation de la carte des intercommunalités que nous avions refusée et qui va réduire leur nombre de près de 40 % – 39 % avez-vous dit, monsieur le ministre.

Aussi, malgré nos remarques et nos désaccords, et pour ne pas rajouter de la difficulté aux élus qui sont aujourd'hui, il faut bien le dire, confrontés à l’incohérence d’une loi sous bien des aspects quasiment inapplicable en l’état, nous nous abstiendrons, tout en rappelant notre ferme opposition à cette évolution autoritaire de notre organisation territoriale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du RDSE.)