M. le président. Madame Gonthier-Maurin, l’amendement est-il maintenu ?

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Le débat est ouvert et va se poursuivre.

Je vais retirer mon amendement au profit de l’amendement n° 401 rectifié, car ses auteurs partagent manifestement le même souci que le nôtre, tout en proposant une rédaction plus souple, notamment à l’égard des communes.

Je retire l’amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 469 est retiré.

L'amendement n° 401 rectifié, présenté par MM. Carvounas, Assouline, Rome, Guillaume, Sueur, Leconte et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Vaugrenard, Marie et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :

Après l’article 23 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code du tourisme est ainsi modifié :

1° L’article L. 324-1-1 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Dans les communes mentionnées au premier alinéa de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, une délibération du conseil municipal peut rendre obligatoire, pour toute location d’un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, un enregistrement auprès de la commune. Lorsqu’elle est mise en œuvre, cette procédure d’enregistrement se substitue à la procédure de déclaration mentionnée au premier alinéa.

« La délibération fixe le nombre minimal de nuitées par an à partir duquel l’enregistrement est obligatoire. La commune délivre un numéro d’enregistrement au loueur par voie dématérialisée ou par tout autre moyen. » ;

2° Après les mots : « prévues par ces articles », la fin de l’article L. 324-2-1 est ainsi rédigée :

« . Elle obtient de lui, préalablement à la location du bien, une déclaration sur l’honneur attestant du respect de ces obligations ainsi que le numéro d’enregistrement mentionné à l’article L. 324-1-1 du présent code. »

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Nous ouvrons un débat au cours duquel nous allons examiner une série d’amendements qui peuvent contribuer à façonner un dispositif tout à fait pertinent.

Avec M. Carvounas et les membres du groupe socialiste et républicain, nous avons déposé le premier amendement de cette série dans le but de répondre à deux préoccupations que le Sénat vient de commencer à étudier, à savoir la question de la collecte de la fiscalité relative aux locations temporaires et celle de la conception que l’on a de la ville elle-même.

Ces sujets forment une sorte de synthèse du débat général qui nous réunit sur la République numérique.

D’un côté, il y a quelque chose de fantastique dans la révolution numérique. L’économie collaborative, en particulier, propose une dynamique qui encourage la solidarité et l’échange. On voit bien d’ailleurs comment les jeunes s’y engouffrent.

D’un autre côté, des prédateurs s’introduisent dans le système pour le pervertir et le détourner.

Au nom des valeurs de la République et de nos principes, il nous revient donc de maintenir un cap et de faire en sorte que ce détournement prenne fin, car il est le meilleur ennemi de l’économie collaborative !

Je le disais : les villes sont confrontées à deux difficultés dans la lutte qu’elles mènent contre les meublés illégaux, puisque c’est de cela qu’il s’agit.

Le premier problème concerne la collecte de fiscalité : il faut absolument que les villes puissent s’y retrouver et que l’on empêche le non-paiement de la taxe de séjour, donc des ressources qu’elle constitue.

En outre, depuis que ces pratiques illégales se développent, un second problème, lié à la conception même de la ville, est apparu : nous observons que des quartiers entiers se vident de leurs résidents et deviennent des « quartiers musées ». Or cela est inacceptable pour l’équilibre général des villes ! À Paris, nous vivons ce phénomène de manière très intense et cherchons à répondre à cette difficulté.

Avec cet amendement, nous proposons de donner aux communes qui le souhaitent des outils plus efficaces, qui leur assurent la traçabilité et une meilleure transparence des activités de location pour une courte durée de locaux meublés sur leur territoire.

Aussi, l’amendement tend à prévoir que les communes auront à l’avenir la faculté de mettre en place une procédure d’enregistrement du loueur. Cette procédure est laissée au libre choix des communes. Lorsque la mairie adoptera ce dispositif, le numéro d’enregistrement lui permettra de s’assurer que la personne qui loue le meublé a bien qualité pour agir, qu’il en soit propriétaire, ou, s’il en est locataire, qu’il ait obtenu l’autorisation de son propriétaire.

Dans sa délibération, la commune devra également déterminer si l’obligation d’enregistrement s’applique aux seules résidences secondaires, pour lesquelles l’obligation de déclaration à la commune existe déjà, ou bien si elle l’étend également aux résidences principales, ce qui est l’objet ici. Elle devra en outre fixer le nombre minimum de nuitées à partir duquel cette obligation s’appliquera.

Enfin, dans le cas où la mairie choisira…

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. David Assouline. … d’affecter un numéro d’enregistrement au moment de la déclaration, ce numéro devra être demandé par tout service de mise en relation opérant en ligne avant la publication de l’annonce et devra être mentionné dans l’annonce.

Je donnerai quelques précisions complémentaires en explication de vote, mais je tenais à rappeler le cadre général du dispositif proposé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Dans un premier temps, la commission des lois a émis un avis réservé sur cet amendement, car celui-ci remet en cause la dérogation prévue pour les résidences principales : l’intéressé n’a pas à faire de déclaration préalable en mairie lorsqu’il souhaite louer son bien en tant que meublé de tourisme.

Toutefois, et cela a son importance, je souhaiterais porter à la connaissance du Sénat plusieurs éléments qui me conduiront, surtout à titre personnel, à voter cet amendement.

Tout d’abord, il semble que de nombreuses grandes villes européennes ont mis en place un dispositif similaire et que l’expérience soit positive. Je pense notamment aux villes de Berlin, Bruxelles et Amsterdam.

Ensuite, l’amendement présente un intérêt incontestable, celui de contribuer à faire sortir ces locations de « l’économie au noir » pour la porter enfin au jour. À ce titre, il s’inscrit dans la même logique que celle qui a vu l’adoption en commission de l’article 23 quater sur l’initiative de la commission des finances et qui traite de l’obligation pour les plateformes de déclarer les revenus perçus par les loueurs.

Enfin, s’il est vrai que la dérogation prévue au profit des résidences principales est remise en cause, cela ne concernera que les locations au-delà d’un certain nombre de nuitées. La question essentielle sera donc celle du niveau du seuil à fixer.

Gageons que les collectivités territoriales sauront faire preuve de sagesse pour concilier l’intérêt qui s’attache à la prévention de fraudes avec le souci d’éviter à leurs administrés des tracasseries pour des locations peu fréquentes.

Pour toutes ces raisons, et à titre personnel, je pense qu’il serait dommage d’empêcher la réflexion de se poursuivre sur le sujet en commission mixte paritaire. Or c’est ce qui se produirait si nous n’adoptions pas cet amendement !

Si la commission y est défavorable, je voterai, à titre personnel, pour l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à l’amendement, qui nous paraît équilibré.

Il s’agit d’un bon compromis entre la volonté d’accompagner l’essor de l’économie collaborative, qui montre la voie à de nouveaux usages que nos concitoyens réclament véritablement et qui répondent également à des besoins très concrets, notamment financiers, et l’utilisation totalement dévoyée qui en est faite par une minorité d’individus ou d’entreprises, qui font un usage systématique, voire quasi professionnel de ces outils pour en tirer une source de revenus.

À mon sens, il existe certaines lignes rouges à ne pas franchir quand on cherche à encadrer et à réguler un système, et cet amendement ne les franchit pas.

Monsieur le rapporteur, vous avez cité la ville de Berlin. C’est simple : Berlin a interdit Airbnb, si mes informations sont exactes. Aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous pose la question : souhaitons-nous vraiment interdire Airbnb à Paris ?

M. David Assouline. On y viendra tôt ou tard, si nous n’arrivons pas à encadrer ces pratiques !

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. La réponse est non ! Ce n’est d’ailleurs absolument pas l’objet de l’amendement, puisque celui-ci vise à lutter contre le contournement de la loi et le dévoiement de l’outil, notamment dans les zones tendues.

Monsieur le sénateur, vous proposez de laisser le libre choix aux communes. Cet aspect est très important, parce que les collectivités territoriales sont tout à fait en mesure d’évaluer les besoins qui existent en termes de politique publique de logement.

En réalité, le dispositif ne s’appliquera que dans les cas où les règles de changement d’usage des locaux viennent elles-mêmes à s’appliquer, c’est-à-dire dans les cas où il est nécessaire de transformer un logement affecté pour un usage personnel en un logement à usage professionnel, parce qu’un certain seuil de nuitées de location aurait été dépassé. Dans les faits, ces règles de changement d’usage ne sont en vigueur que dans une dizaine de villes en France, à savoir les communes de plus de 200 000 habitants et les départements de la petite couronne en Île-de-France.

Vous proposez par ailleurs que la procédure soit systématiquement dématérialisée. C’est très important, parce qu’il faut absolument éviter de sombrer dans une complexité administrative et bureaucratique. Tout l’intérêt d’avoir recours à l’économie collaborative disparaîtrait, puisque l’une des raisons de son succès réside précisément dans le fait que c’est simple, facilement accessible et instantané !

Enfin, vous indiquez que les modalités précises d’application de la mesure seront laissées au choix de la commune et pourront donc varier d’une commune à l’autre. Ce point me semble également fondamental, car cela signifie que chaque commune pourra seule définir le seuil de nuitées à partir duquel l’enregistrement en tant que loueur sur une plateforme deviendra obligatoire.

Concrètement, le passage du statut de particulier à celui de professionnel dépendra du seuil de nuitées choisi librement par les communes. Seules ces dernières connaissent la réalité locale.

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Il s’agit effectivement d’un bon amendement, et je vais le voter.

Cela étant, je suis un peu sceptique sur le fait de laisser le nombre de nuitées à l’appréciation de chaque commune. Je serais personnellement favorable à un régime beaucoup plus dur en imposant au propriétaire, dès qu’il a manifesté la volonté de louer son bien, de demander le numéro d’enregistrement, et en imposant non seulement aux plateformes en ligne, mais aussi aux journaux de petites annonces – après tout, il n’est pas nécessaire de faire une distinction entre les deux – de le publier.

Sinon, cela restera très facile de frauder ! Si une commune décide de fixer un seuil de dix nuitées par trimestre – je donne ce chiffre uniquement à titre d’illustration –, le propriétaire pourra toujours dire qu’il restera en deçà de ce seuil, et il ne se passera rien de plus !

L’intention est certes bonne, mais je me demande si on ne va pas vider la mesure proposée de son efficacité en laissant trop de liberté. Aussi, je serais vraiment partisan d’être plus radical. Je le répète : je souhaite que nous imposions à tout propriétaire qui souhaite louer son bien de demander ce numéro d’enregistrement et aux plateformes en ligne et journaux de petites annonces de le publier. Sinon – et on y reviendra dans quelques instants – comment contrôler ?

Je pense qu’il faudrait que les plateformes en ligne transmettent, pour chaque propriétaire concerné, le nombre de nuitées pour lesquelles a été enregistrée une réservation. Nous allons d’ailleurs bientôt débattre d’un amendement sur ce thème, mes chers collègues, et vous verrez que Mme la secrétaire d’État nous dira alors qu’elle n’y est pas favorable, du moins c’est ce que je pressens ! Nous n’aurons donc aucun moyen de contrôle sur tout cela.

Dans la mesure où nous ne disposerons pas de ces moyens de contrôle à l’issue de l’examen du projet de loi, il serait préférable d’aller dès maintenant un peu plus loin en rendant la demande du numéro d’enregistrement obligatoire.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.

Mme Corinne Bouchoux. Nous allons soutenir cet amendement.

Mme la secrétaire d’État a bien planté le décor. Nous nous trouvons en effet dans une situation de plus en plus tendue, puisque certains jeunes, notamment, ne parviennent plus à se loger pour l’année, même s’ils sont très contents dans d’autres circonstances, c’est-à-dire lorsqu’ils partent en vacances, d’utiliser le système dont nous parlons ! C’est d’ailleurs toute la complexité de la question : selon les cas, on sort gagnant ou perdant d’un même système ! C’est typiquement le cas de certains jeunes, des jeunes actifs notamment, ou de publics fragiles financièrement.

Par ailleurs, une question très importante se pose : comment va-t-on calibrer le dispositif pour le faire vivre de manière équilibrée par la suite ? Mes chers collègues, il nous faut rester extrêmement raisonnables et prudents au cours de nos travaux. Oui, il faut de la régulation ! Oui, tout est une question d’équilibre ! Oui, il faut pouvoir se loger dans les grandes villes et empêcher tous les effets d’éviction dont on a parlé ! Mais, la question clé – je comprends très bien, du reste, les questions judicieuses posées par M. Dallier – est celle de savoir comment on peut réguler intelligemment le système sans inventer une usine à gaz qui posera plus tard davantage de problèmes que ceux que nous cherchons à résoudre aujourd’hui !

Pour toutes ces raisons, nous voterons en faveur de l’amendement tel qu’il est rédigé.

M. le président. La parole est à M. Yves Rome, pour explication de vote.

M. Yves Rome. Je me félicite de la qualité de cet amendement, qui apporte une réponse à un triple risque : tout d’abord, le risque encouru par la profession hôtelière, ensuite, le risque auquel sont exposées les communes qui subissent une perte de recettes, enfin, le risque de tensions sur le logement auxquelles conduisent les pratiques actuelles.

L’amendement représente une première étape, mais il nous faudra aller plus loin, de mon point de vue. Si je reconnais une vertu à cet amendement, c’est d’avoir posé le principe de l’économie collaborative – vaste sujet ! -, dont le numérique favorise un développement très important.

Il est également primordial de parvenir à déterminer où se situe la frontière entre ce qui relève de la dimension collaborative et ce qui relève de l’économie au sens large. En effet, de ce point de vue, l’économie collaborative comporte des risques importants qui, là encore, nous ont été signalés par les hôteliers, ceux-ci voyant leur activité régresser, à Paris en particulier, au profit des plateformes.

Enfin, je suis aussi assez sensible aux arguments développés par notre collègue Philippe Dallier lorsqu’il propose d’obliger les plateformes à déclarer au fisc les affaires qu’elles auront permises,…

Mme Corinne Bouchoux. Très juste !

M. Yves Rome. … mais nous y reviendrons un peu plus tard.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. La vertu que l’on doit reconnaître à notre amendement, c’est qu’il est équilibré et semble recueillir l’assentiment de tous.

Monsieur Dallier, nous partageons une certaine radicalité sur ce sujet.

M. Philippe Dallier. Mais pas sur tous les sujets ! (Sourires.)

M. David Assouline. Non, sur ce sujet en particulier !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ou peut-être ne parlez-vous pas de la même radicalité ! (Nouveaux sourires.)

M. David Assouline. Pour ma part, je me situe dans une double radicalité : je suis un fervent partisan de l’économie collaborative et, au nom de cette conviction, j’estime que tout ce qui vient pervertir ce modèle ou le détourner est dangereux et constitue l’ennemi principal de cette économie !

Mon amendement tend à fixer un cadre. Vous verrez, mes chers collègues, que je compte bientôt vous proposer un autre amendement tout aussi équilibré (M. Philippe Dallier rit.), qui vise à retenir un seuil de cent vingt jours de location pour déterminer si la location d’une résidence principale relève d’une activité commerciale ou non.

Vous le verrez au fur et à mesure de nos débats, nous cherchons à élaborer un dispositif cohérent.

Ensuite, pour ce qui est de la perception de la fiscalité et du recouvrement de la taxe de séjour, nous allons bien voir ce que la Haute Assemblée va décider. En tous les cas, monsieur Dallier, vous allez pouvoir vous exprimer sur ces amendements en tant que rapporteur pour avis de la commission des finances. D’après moi, que ce soit aujourd’hui ou lors de l’examen du prochain projet de loi de finances, il faudra bien que l’on adopte un système, faute de quoi le reste du dispositif risque d’être sans efficacité !

En m’exprimant ainsi, je ne parle pas seulement de Paris. Nous avons déjà conclu, à la Ville de Paris, des accords dans ce domaine, mais il est préférable, selon nous, d’introduire un dispositif équilibré dans la loi et de faire en sorte que notre expérience se généralise.

J’ai d’ailleurs vu que M. Juppé montait aussi au créneau à Bordeaux, notamment à la veille du prochain Euro. Et, au-delà de Berlin, qui a choisi sa propre voie, on voit bien qu’il s’agit d’une problématique essentielle pour les grandes métropoles et les grandes villes, que ce soit à New York ou Barcelone, par exemple. Les métropoles se doivent d’agir de manière énergique – ce sujet me tient beaucoup à cœur – pour que subsistent dans les villes un parc locatif destiné notamment aux étudiants et des petites surfaces, ce qui n’est aujourd’hui plus le cas !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 401 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 23 ter.

Les deux amendements suivants, faisant l’objet d’une discussion commune, n° 128 rectifié, présenté par M. Navarro, et n° 403 rectifié, présenté par MM. Chiron et Lalande, ne sont pas soutenus.

L'amendement n° 468, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 23 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, les mots : « de plus de 200 000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne » sont remplacés par les mots : « de plus de 100 000 habitants et à celles de l’unité urbaine de Paris ».

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’objet de cet amendement est simple : il vise à élargir le périmètre d’application des dispositions de l’article L. 631-7 du code de l’urbanisme, qui traite du régime d’autorisation et de régulation des activités de location de locaux meublés destinés à l’habitation, de manière répétée, pour de courtes durées, à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, ainsi que l’article le définit de façon précise.

Pour être clair, il s’agit essentiellement des locations réalisées sur des plateformes du même type que celle dont on parle depuis ce matin, et que je ne nommerai pas, pour suivre les recommandations de M. le rapporteur ! (Sourires.)

Aujourd’hui, seules les villes de plus de 200 000 habitants et les villes de la petite couronne parisienne sont soumises à cette législation. Or, nous le savons, nombre de villes de plus de 100 000 habitants sont aussi concernées par le développement de ce type d’offre, notamment en zone touristique. Ainsi, Nîmes, Tours, Clermont-Ferrand, Aix-en-Provence, Rouen, pour n’en citer que quelques-unes, pourraient demain faire le choix de réguler cette offre si l’amendement était adopté.

Par ailleurs, le périmètre de cette mesure est actuellement limité à la petite couronne parisienne. Or, dans de nombreux textes, et notamment quand il est question du logement, nous raisonnons désormais selon le critère de l’unité urbaine de Paris. Par cohérence, nous proposons donc d’appliquer ces dispositions à l’échelon de l’unité urbaine de Paris.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous voulons donner la possibilité à un plus grand nombre de villes d’agir efficacement contre le développement à outrance de l’offre de certaines plateformes, qui contribuent à sortir nombre de logements du parc locatif, alors même que le marché est en crise, faute de logements disponibles pour les habitants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Tout d’abord, je rappellerai que les dispositions de l’amendement n° 401 rectifié, que nous venons d’adopter, s’appliqueront dans les villes de plus de 200 000 habitants. Ce seuil a été adopté par consensus, puisque le Sénat s’est mis d’accord pour voter l’amendement. En abaissant à 100 000 habitants le seuil de population des communes pouvant mettre en place une obligation de déclaration des locations de meublés de tourisme, nous ne parviendrions pas à un tel accord.

Ensuite, j’observe que l’abaissement proposé ne présente pas un lien très direct avec l’objet du présent texte.

Enfin, je considère que nous avons trouvé un équilibre satisfaisant à ce stade avec ce seuil de 200 000 habitants, car celui-ci ne remet pas trop en cause la politique de location des meublés de tourisme. En revanche, en l’abaissant à 100 000 habitants, je crois que l’on toucherait de manière plus profonde à cette politique.

Pour toutes ces raisons, je vous serai reconnaissant, ma chère collègue, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, je me verrais contraint d’émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, non pas parce nous ne parviendrions pas à un accord, mais bien parce qu’il ne me paraît pas opportun et potentiellement fragile sur le plan juridique.

Aujourd’hui, la loi impose aux propriétaires de résidence secondaire dans les villes de plus de 200 000 habitants de demander une autorisation administrative en cas de changement d’usage, c’est-à-dire lorsque le local d’habitation devient un local à usage commercial. Cela se justifie par le souci d’un intérêt public supérieur, qui est celui de la préservation de l’habitat résidentiel. On voit bien que cet intérêt public supérieur doit être mis en balance avec le droit de propriété.

Si, comme vous le proposez, madame la sénatrice, on choisissait de franchir une ligne supplémentaire en abaissant le seuil de population à 100 000 habitants, cela aurait des incidences économiques.

Par ailleurs, la loi ALUR, qui a introduit l’obligation de la demande d’autorisation administrative, n’a que deux ans d’existence. Il n’est donc pas possible de mesurer l’impact dans la durée des nouvelles règles de changement d’usage mises en place pour des villes de taille moyenne.

La prudence me semble devoir s’imposer sur le sujet. Commençons par les plus grandes métropoles qui le souhaitent avant d’aller plus loin !

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. J’aurai au moins contribué à ouvrir le débat !

Je pense malgré tout que la question se pose dans ma région et, dans la mesure où il y a assez peu de risques que mon amendement soit adopté, chers collègues (Sourires.), je vais le maintenir !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 468.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 402 rectifié, présenté par MM. Chiron et Lalande, et l'amendement n° 30 rectifié quater, présenté par M. Commeinhes, Mmes Hummel et Deromedi, M. Lefèvre, Mme Lopez et MM. Trillard, Gremillet, Houel, Chasseing, Savary, Vasselle et Husson, ne sont pas soutenus.

Mes chers collègues, je vous rappelle que les amendements nos 602 et 603 rectifié tendant à insérer des articles additionnels après l'article 23 ter sont réservés jusqu'à la fin de l'examen du texte.

Articles additionnels après l'article 23 ter
Dossier législatif : projet de loi pour une République numérique
Articles additionnels après l'article 23 quater

Article 23 quater (nouveau)

Après le chapitre Ier du titre Ier de la troisième partie du livre Ier du code général des impôts, il est inséré un chapitre 0I bis ainsi rédigé :

« Chapitre 0I bis

« Déclaration automatique sécurisée des revenus par les plateformes en ligne

« Art. 1649 quater AA. – I. – Les opérateurs de plateformes en ligne au sens de l’article L. 111-7 du code de la consommation adressent à l’administration fiscale une déclaration mentionnant, pour chacun de leurs utilisateurs présumés redevables de l’impôt en France, les informations suivantes :

« 1° Pour une personne physique, le nom, le prénom et la date de naissance de l’utilisateur ;

« 2° Pour une personne morale, la dénomination, l’adresse et le numéro Siren de l’utilisateur ;

« 3° L’adresse électronique de l’utilisateur ;

« 4° Le statut de particulier ou de professionnel caractérisant l’utilisateur sur la plateforme ;

« 5° Le montant total des revenus bruts perçus par l’utilisateur au cours de l’année civile au titre de ses activités sur la plateforme en ligne, ou versés par l’intermédiaire de celle-ci ;

« 6° La catégorie à laquelle se rattachent les revenus bruts perçus ;

« 7° Toute autre information définie par décret, à titre facultatif ou obligatoire.

« Cette déclaration est adressée annuellement par voie électronique, selon des modalités fixées par décret.

« Une copie de cette déclaration est adressée par voie électronique à l’utilisateur, pour les seules informations le concernant.

 « II. – Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret. »

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous abordons maintenant un article introduit dans le texte à la suite de l’adoption en commission d’un amendement de notre collègue Philippe Dallier.

Une fois n’est pas coutume (Sourires.), nous souscrivons parfaitement à l’esprit de cet article. En effet, nous considérons que les revenus tirés de l’activité de location par l’intermédiaire des plateformes doivent être, comme tout autre revenu, soumis à l’impôt.

Nous préférons le dispositif de l’article 23 quater à celui qui sera proposé tout à l’heure par le groupe socialiste et républicain, car son amendement opère une distinction selon le niveau de revenu tiré de cette activité.

Pour notre part, nous estimons que la règle fiscale ne doit pas faire l’objet d’une application à géométrie variable et que l’impôt devrait être, lui, plus progressif.

Nous considérons ainsi, tout comme M. le rapporteur, qu’il est de la responsabilité des plateformes, support de ces activités lucratives, de fournir toutes les données utiles à l’administration fiscale.

Nous voterons en faveur de cet article, car il contribue à lutter efficacement contre la fraude fiscale, tout en regrettant qu’une certaine société, dont je tairai le nom une fois de plus, continue d’avoir recours à des techniques d’optimisation fiscale grâce à son implantation en Irlande où l’impôt sur les sociétés est bien moindre qu’en France. Quelle ironie !

La tâche qui incombe au législateur dans sa lutte contre l’évasion fiscale est immense et dépasse largement la question des revenus tirés de la location de courte durée.

De son côté, le Gouvernement demande la suppression de l’article, au motif qu’il faudrait laisser du temps au temps. Pourtant, l’article 87 de la loi de finances pour 2016 prévoit d’ores et déjà d’imposer aux plateformes de fournir une information à leurs utilisateurs sur leurs obligations en matière fiscale et sociale, et ce à compter du 1er juillet 2016.

À partir du mois de janvier 2017, elles devront également fournir aux utilisateurs un récapitulatif du montant brut des transactions dont elles ont connaissance au titre de l’année précédente. Si les utilisateurs peuvent avoir connaissance du montant brut de ces transactions, nous estimons que l’administration fiscale doit, au même titre qu’eux, pouvoir disposer de ces informations !