Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l'amendement n° 54.

M. Joël Labbé. Il a été fort bien défendu par Mme Didier.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l'amendement n° 178.

M. Jean-Claude Requier. L’article L. 611-9 du code de la propriété intellectuelle exclut de la brevetabilité les procédés essentiellement biologiques pour l’obtention des végétaux et des animaux.

En interdisant les brevets sur ces procédés qui font exclusivement appel à des phénomènes naturels comme le croisement ou la sélection, cette disposition devait protéger l’innovation en matière de modifications génétiques et, surtout, garantir l’accès de tous aux ressources naturelles. Or cette législation est contournée grâce aux nouvelles techniques de modification génétique. L’Office européen des brevets délivre ainsi des brevets sur de tels procédés.

L’article 4 bis, tel qu’il a été réécrit par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, ne permet pas d’interdire la brevetabilité des éléments qui constituent les produits exclusivement obtenus par des procédés essentiellement biologiques, ainsi que les informations génétiques qu’ils contiennent. Il ne permettra donc pas d’exclure de la brevetabilité des traits natifs naturellement présents et d’éviter les dérives constatées. C’est pourquoi nous proposons de revenir aux dispositions votées par notre assemblée en première lecture.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Nous avons volontairement supprimé en commission la fin de l’article 4 bis. La formulation que nous avions introduite au Sénat en première lecture, et que l’Assemblée nationale n’a modifiée qu’à la marge, présente, nous a-t-il semblé après réflexion – c’est l’avantage d’avoir deux lectures dans chaque assemblée –, un champ d’application trop large. Exclure de la brevetabilité les éléments et informations génétiques contenus dans les produits reviendrait en fait à interdire la brevetabilité de toute information génétique issue d’une matière vivante, quand bien même elle aurait été créée synthétiquement. L’INPI est à ce titre opposé à cette extension.

Notre texte mettrait par ailleurs en danger la recherche des industries semencières françaises.

La commission a donc émis un avis défavorable sur ces trois amendements identiques, qui tendent à réintroduire l’interdiction de breveter les gènes natifs.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Ces amendements visent à rétablir la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale en seconde lecture et donc à revenir sur la suppression opérée par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Le Gouvernement a exprimé son souhait de limiter le champ de la brevetabilité du vivant, afin de garantir un accès du plus grand nombre aux ressources génétiques. Les amendements étant susceptibles d’y contribuer, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.

Mme la présidente. La parole est à M. François Grosdidier, pour explication de vote.

M. François Grosdidier. Je soutiens ces amendements qui visent à revenir à la position qu’avait initialement adoptée le Sénat après de très longs débats, que nous n’allons pas recommencer. Si nous ne rétablissons pas le texte que nous avions voté en première lecture, nous permettrons la brevetabilité de découvertes qui ne sont pas issues de l’effort de recherche des firmes. Nous favoriserons ainsi un accaparement par certaines d’entre elles de particularités qui existent depuis toujours.

Les membres du groupe Les Républicains sont extrêmement soucieux de protéger les intérêts des cultivateurs. La valeur ajoutée de leur production, déjà souvent captée en aval par les réseaux de distribution,…

M. François Grosdidier. … risquerait d’être captée en amont par les fournisseurs, qui s’accapareraient de façon illégitime d’autres éléments que le fruit de leurs recherches.

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. On ne peut pas invoquer simplement la décision de la chambre de recours de l’Office européen des brevets sur la tomate ou le brocoli, puisqu’il existe des décisions qui vont dans le sens contraire. La difficulté est en effet que la jurisprudence est contradictoire : dans certains cas, elle protège la matière biologique obtenue ; dans d’autres cas, elle ne la protège pas.

L’adoption de ces trois amendements aurait pour conséquence d’interdire la brevetabilité d’un certain nombre de produits biologiques qui sont aujourd’hui considérés comme brevetables, conformément à la directive du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques. Je pense aux plantes servant au traitement d’affections dermatologiques, aux protéines animales antibactériennes ou aux composants du venin de serpent utilisés dans le traitement de la douleur. Ces nouveaux produits biologiques ne pourraient plus être protégés, ce qui nuirait aux progrès de la médecine et porterait préjudice à la recherche pharmaceutique et à notre industrie des semences, secteur très important dans notre pays.

Pour toutes ces raisons, je suis opposé à ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.

Mme Évelyne Didier. Ne confondons pas le gène natif et le procédé qui conduit à utiliser une qualité particulière. Je souhaiterais d’ailleurs que M. le rapporteur nous apporte une précision, car il a employé, pour me répondre, le mot « synthétiquement ». Or, selon moi, un élément qui se trouve naturellement dans une plante ou dans un animal n’est pas synthétique.

Si nous ne décidons pas que les gènes natifs ne peuvent plus être utilisés pour breveter le vivant, ils ne pourront plus être inclus dans d’autres recherches, à moins de payer à chaque fois des royalties à la première industrie qui aura déposé le brevet. De telles pratiques tueraient la recherche !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Je soutiens bien évidemment ces amendements.

Je rappelle que nous parlons ici de l’existant naturel à une micro-échelle, à l’intérieur des cellules, des organismes, etc. Notre collègue Yung, quant à lui, fait un plaidoyer pour l’invention. Nous l’entendons, mais ce n’est pas notre sujet : nous parlons de choses naturelles, découvertes et décrites avec précision grâce à des moyens d’investigation performants. Or ce n’est pas parce que vous avez décrit avec précision quelque chose que cette chose vous appartient, que vous avez le droit de la breveter et, surtout, d’exiger de l’argent de tous ceux qui voudront l’utiliser demain.

Je citerai un exemple très simple : l’amertume de la racine de gentiane. Pour l’instant, tout va bien. Imaginons qu’une firme américaine en décrive minutieusement les molécules, l’agencement des gènes et le pourquoi de l’expression de cette amertume, alors c’en serait fini de l’Avèze ou de la Suze, sauf à payer à Monsanto ou à Syngenta des royalties.

Mme Évelyne Didier. Exactement !

Mme Marie-Christine Blandin. C’est notre industrie, c’est notre artisanat, c’est notre bien commun que nous défendons.

Je signale que, nous, écologistes, qui ne sommes pas toujours main dans la main avec certaines industries semencières quand elles se mêlent de développer des OGM, avons été destinataires de leurs alertes, dont certaines sur mon territoire, par lesquelles elles appellent au secours. Elles nous expliquent que la brevetabilité d’éléments naturels compromettrait leur compétitivité à l’échelle internationale, car les grandes multinationales confisqueraient le vivant pour nous le revendre ensuite.

Mme Évelyne Didier. Très juste !

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Je voudrais dire à notre collègue Yung qu’il ne faut pas confondre les lettres et les mots.

Si, à partir d’un trait natif, la recherche pharmaceutique permet d’obtenir un nouveau produit, celui-ci pourra faire l’objet d’un brevet. Le trait natif, ce sont en quelque sorte les lettres – tout le monde doit pouvoir les utiliser – et le nouveau produit, les mots.

Mme Évelyne Didier. Très bon exemple !

M. Ronan Dantec. Surtout, ne privatisons pas l’alphabet, sinon le premier qui possédera la lettre A détiendra une puissance colossale ! Voilà pourquoi nous estimons qu’il faut revenir à l’article 4 bis tel qu’il était initialement rédigé.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Bizet, pour explication de vote.

M. Jean Bizet. J’ai déjà évoqué avec Richard Yung, qui fait partie du groupe de suivi au sein de la commission des affaires européennes, ces problèmes de propriété intellectuelle. Je tiens donc à soutenir cet amendement, qui se situe dans le droit fil de la directive du 6 juillet 1998, dont j’avais été voilà quelques années le rapporteur. Nous avions à l’époque réussi à trouver un équilibre.

Vous avez dit, madame la secrétaire d’État, qu’il n’était pas question d’accorder une brevetabilité aux gènes natifs. Nous sommes donc totalement en phase sur le sujet.

Je pense que l’équilibre n’est pas facile à trouver, mais je voterai l’amendement de Richard Yung.

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. M. Bizet est tellement pressé qu’il a grillé les étapes ; nous n’en sommes pas encore à l’amendement n° 201… (Sourires.)

Je vais insister une dernière fois sur l’importance de la décision que nous allons prendre aujourd’hui. Il ne faut surtout pas confondre la notion d’invention, qui est un acte de création véritable et qui, de ce fait, peut être brevetée – je pense notamment aux matières synthétiques, quelles que soient nos réserves à cet égard –, et celle de découverte, qui correspond à la compréhension d’un mécanisme naturel, ce qui ne peut évidemment être breveté. C’est dans ce champ-là que nous nous trouvons !

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 43, 54 et 178.

(Les amendements sont adoptés.) – (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 4 bis, modifié.

(L'article 4 bis est adopté.)

Article 4 bis
Dossier législatif : projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages
Article 4 quater (Texte non modifié par la commission)

Article 4 ter

Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa de l’article L. 613-2-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La protection définie au premier alinéa du présent article ne s’étend pas aux matières exclusivement obtenues par des procédés essentiellement biologiques définis au 2° de l’article L. 611-19, dans lesquelles l’information génétique est contenue et exerce la fonction indiquée. » ;

2° L’article L. 613-2-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La protection définie au premier alinéa du présent article ne s’étend pas aux matières biologiques exclusivement obtenues par des procédés essentiellement biologiques définis au 2° de l’article L. 611-19. »

Mme la présidente. L'amendement n° 201, présenté par M. Yung, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article L. 613-2-3 du code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La protection conférée par un brevet relatif à une matière biologique dotée, du fait de l'invention, de propriétés déterminées ne s'étend pas aux matières biologiques dotées de ces propriétés déterminées, obtenues indépendamment de la matière biologique brevetée et par procédé essentiellement biologique, ni aux matières biologiques obtenues à partir de ces dernières, par reproduction ou multiplication. »

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. L’actuelle rédaction de l’article 4 ter n’est pas satisfaisante, précisément pour les raisons qui ont été développées lors de l’examen des trois amendements précédents. En effet, celle-ci limite de façon excessive la protection conférée par un brevet relatif à une matière biologique.

Lors de la première lecture, nous avions souhaité interdire au titulaire d’un brevet relatif à une matière biologique obtenue par des procédés techniques, c’est-à-dire avec une intervention et une valeur ajoutée humaines, si j’ose dire – par exemple, le génie génétique –, de revendiquer un droit sur une matière biologique identique obtenue par des procédés essentiellement biologiques, c’est-à-dire obtenue par des procédés naturels, comme le croisement ou la sélection.

L’adoption de cet amendement compléterait utilement le principe de l’interdiction de breveter le vivant qui est posé à l’article 4 bis.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Cet amendement tend à revenir sur la rédaction que nous avons proposée en commission au sujet de la limitation de la protection conférée par un brevet sur une matière biologique. Il vise à rétablir le texte adopté par le Sénat en première lecture.

Sous réserve d’une contestation de mon interprétation, je crois que cet amendement est satisfait par la rédaction de la commission. Si l’article 4 ter n’est pas identique au texte que nous avions adopté en première lecture, c’est tout simplement parce que nous avons intégré des corrections rédactionnelles apportées en commission par les députés en deuxième lecture.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Cet amendement vise à réintroduire une disposition essentielle pour limiter le champ de protection du brevet, en interdisant le brevetage de matières biologiques obtenues par des procédés essentiellement biologiques. Cette rédaction constitue un bon point d’équilibre entre protection de l’innovation et libre accès aux ressources génétiques.

Pour ces raisons, le Gouvernement est favorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Bizet, pour explication de vote.

M. Jean Bizet. C’est vrai que je me suis exprimé un peu rapidement précédemment, mais cela fait partie de ma nature… (Sourires.)

Je ne tiendrai peut-être pas des propos aussi aimables tout à l’heure à l’adresse de Mme la secrétaire d’État, mais je dois dire que je suis d’accord avec son argumentation sur l’amendement de M. Yung, qui me paraît proche de la perfection et équilibré. Je regrette que l’analyse du rapporteur soit différente sur ce point. Pour ma part, je le redis, je soutiens cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 201.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 4 ter est ainsi rédigé.

Article 4 ter
Dossier législatif : projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages
Article 5 (Texte non modifié par la commission)

Article 4 quater

(Non modifié)

Après l’article L. 412-1 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 412-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 412-1-1. – La vente, la détention en vue de la vente, l’offre de vente et toute cession, toute fourniture ou tout transfert, à titre gratuit ou onéreux, de semences ou de matériels de reproduction des végétaux d’espèces cultivées destinés à des utilisateurs non professionnels ne visant pas une exploitation commerciale de la variété ne sont pas soumis à autorisation préalable. »

Mme la présidente. L'amendement n° 17 rectifié, présenté par Mme Primas, MM. Cardoux, Gremillet et Chasseing, Mme Di Folco, MM. Kennel et Charon, Mmes Imbert et Deroche, MM. Vasselle, Chaize et Genest, Mmes Mélot et Morhet-Richaud, M. Karoutchi, Mme Cayeux, M. Cornu, Mmes Deromedi, Duchêne et Deseyne, MM. Gournac, Vaspart, Chatillon, G. Bailly, Pinton, Mayet, Mouiller, Milon et Raison, Mmes Lamure et Estrosi Sassone, MM. Houel et Pierre, Mme Lopez et MM. Bouchet, Rapin, B. Fournier, Lefèvre, Pellevat, Husson et Savin, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Sophie Primas.

Mme Sophie Primas. L’article 4 quater prévoit que les échanges de semences entre non-professionnels dans un but non commercial ne sont pas soumis à autorisation.

Cette rédaction introduit une certaine confusion. D’une part, cet article vise le code de l’environnement, alors que le régime des échanges de semences relève soit du code de la propriété intellectuelle, soit du code rural et de la pêche maritime. D’autre part, il laisse à penser que les échanges ordinaires de semences sont soumis à autorisation. Or je crois que tel n’est pas le cas : les opérateurs peuvent échanger librement entre eux des semences, à titre gratuit ou onéreux, dès lors que celles-ci ont fait l’objet d’une inscription au catalogue. Nous aurons certainement une discussion à ce sujet avec mon collègue Grosdidier… Indiquer que certaines formes d’échanges sont exonérées d’autorisation entraîne, je le répète, une certaine confusion, puisque cette exonération concerne a priori tous les échanges.

Pour ces raisons, nous proposons la suppression de cet article.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Bignon, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement de suppression, mais à un moment où elle n’avait pas encore pris connaissance de l’amendement n° 310, qui a été déposé, je le dis sans insolence, un peu tardivement par le Gouvernement. Or l’amendement du Gouvernement corrige le dispositif en le plaçant au bon endroit dans le code rural et de la pêche maritime et en ne visant que les échanges à titre gratuit.

Au vu de ce nouvel amendement, je demande avec beaucoup de gentillesse à Mme Primas de bien vouloir retirer son amendement au profit de la réécriture proposée par le Gouvernement, qui sécurise le dispositif.

M. Jean-Louis Carrère. Ce serait sage !

Mme la présidente. Madame Primas, l'amendement n° 17 rectifié est-il maintenu ?

Mme Sophie Primas. Bien que m’appelant Sophie, je ne fais pas toujours preuve de sagesse… (Sourires.)

Madame la présidente, si Mme la secrétaire d’État et M. le rapporteur n’y voient pas d’inconvénient, ces amendements pourraient-ils faire l’objet d’une discussion commune ? Ma décision sur le retrait éventuel de mon amendement dépendra en effet des arguments qui seront échangés.

Mme la présidente. J’appelle donc en discussion l'amendement n° 310, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 661-8 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La cession, la fourniture ou le transfert, réalisé à titre gratuit, de semences ou de matériels de reproduction des végétaux d'espèces cultivées à des utilisateurs finaux non professionnels ne visant pas une exploitation commerciale de la variété n'est pas soumis aux dispositions du présent article. »

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. La législation en vigueur sur les échanges de semences n’opère pas de distinction claire entre les semences destinées à un usage professionnel et celles qui sont utilisées par des jardiniers amateurs. Cette absence de précision laisse planer une incertitude quant à la possibilité, pour les jardiniers, d’échanger des variétés de plantes, des légumes en particulier. En effet, celles-ci ne remplissent pas forcément le critère d’homogénéité génétique requis pour inscrire des variétés commerciales au catalogue officiel.

Pour autant, je rappelle que, en pratique, les services de contrôle compétents en la matière ne pénalisent pas les dons de semences ou de plants entre jardiniers voisins. Cette pratique d’échanges gratuits, pour des personnes qui ne feront pas commerce de leurs plantations ou de leurs productions, permet pourtant de préserver une biodiversité cultivée.

Le présent amendement prévoit donc d’exonérer clairement les cessions et transferts à titre gratuit pour les amateurs d’obligation d’inscription au catalogue et de certification technique des lots. Il répond ainsi aux légitimes préoccupations soulevées à l’instant par Mme Primas.

L’amendement du Gouvernement lève les ambiguïtés en replaçant la disposition dans l’article du code rural et de la pêche maritime adapté. Il prévoit simplement une exception à cet article sans plus utiliser le terme juridique « d’autorisation », qui paraît effectivement peu approprié. J’espère, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous pourrez vous y rallier.

L’article 4 quater ainsi rédigé permettra d’apporter des éléments de sécurisation juridique des conditions d’échanges de semences, en réponse aux attentes d'un certain nombre d’acteurs de la préservation de la biodiversité cultivée.

Mme la présidente. J’appelle également en discussion les sous-amendements identiques nos 311 et 316.

Le sous-amendement n° 311 est présenté par MM. Labbé et Dantec, Mme Blandin, M. Poher et les membres du groupe écologiste.

Le sous-amendement n° 316 est présenté par M. Grosdidier.

Ces deux sous-amendements sont ainsi libellés :

Amendement n° 310, alinéa 3

Après le mot :

gratuit

insérer les mots :

ou onéreux

La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter le sous-amendement n° 311.

M. Joël Labbé. L’amendement du Gouvernement replace à juste titre cette disposition dans le code rural et de la pêche maritime, mais il omet de préciser qu’elle s'applique également aux échanges à titre onéreux. Voilà pourquoi nous avons déposé ce sous-amendement.

Des associations distribuent en France et en Europe une grande collection de semences de variétés anciennes issues, pour la plupart, de l’agriculture biologique, actuellement interdites à la vente en raison des contraintes excessives posées par le système du catalogue officiel. Elles fournissent essentiellement le marché des jardiniers amateurs, qui compte quelque 14 millions de personnes. Or ceux-ci ont manifesté ces dernières années, on le sait, un regain d’intérêt pour les variétés potagères anciennes et les légumes dits « oubliés ».

L’inscription des variétés au catalogue officiel est une procédure d’autorisation préalable de mise sur le marché similaire à celle qui s’applique aux médicaments, aux OGM, aux pesticides. Cette procédure d’autorisation préalable des variétés est lourde, coûteuse et très contraignante. Elle a d’ailleurs eu pour conséquence de rendre illégales des variétés anciennes tombées dans le domaine public. Or si cette procédure d’autorisation peut se justifier pour les utilisateurs professionnels, elle n’est pas du tout justifiée lorsque les variétés de semences sont destinées à des jardiniers amateurs.

Je rappelle que le droit européen fait référence à « une exploitation commerciale ». Ici, il ne s’agit pas de grand commerce ; il est juste question de pouvoir rentrer dans ses frais. Légalisons donc ces échanges en ajoutant « à titre onéreux » !

Mme la présidente. La parole est à M. François Grosdidier, pour présenter le sous-amendement n° 316.

M. François Grosdidier. Avant de présenter mon sous-amendement, je souhaiterais dire quelques mots sur l’amendement n° 17 rectifié, qui me paraît excessivement dangereux.

En discutant avec Sophie Primas, je me suis rendu compte que nous n’avions pas la même interprétation. En revanche, avec Daniel Gremillet, autre signataire de l’amendement de suppression, nous sommes d’accord sur l’essentiel. Nous devons donc prendre le temps de débattre, car je pense que nous pouvons nous rejoindre.

De quoi s’agit-il ? Il existe deux types de transactions. L’une est pratiquée par les cultivateurs à titre professionnel. Les semences, d’aucuns le contesteront – mais ce n’est pas le sujet –, doivent alors figurer au catalogue, même si aucun catalogue n’embrassera jamais toute la biodiversité. L’autre est pratiquée par les jardiniers amateurs, qui entretiennent la biodiversité potagère, sachant qu’elle est différente en Bretagne, en Lorraine ou en Auvergne.

Des associations procèdent à des échanges de semences à titre gratuit ou à titre onéreux, mais, dans ce dernier cas, la vente n’a aucun but lucratif : elle est destinée à garantir le bon fonctionnement de l’association et à permettre au dispositif de pouvoir continuer à exister. Dans la mesure où rien ne distingue les deux types de transactions, cette dernière pratique est illégale. Ainsi, si je veux acheter des semences pour faire pousser des pommes de terre ou des tomates en Bretagne ou en Lorraine, je suis un délinquant !

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Il ne faut pas exagérer !

M. François Grosdidier. L’adoption de l’amendement visant à supprimer l’article 4 quater aboutirait à cette situation. En effet, cet article ne prévoit pas seulement les échanges. Il concerne « la vente, la détention en vue de la vente, l’offre de vente et toute cession, toute fourniture ou tout transfert, à titre gratuit ou onéreux ».

Inscrire la disposition prévue par cet article au sein du code de l’environnement, du code de la propriété intellectuelle ou du code rural et de la pêche maritime n’est pas le problème. Nous, législateur, pouvons aussi bien l’inscrire dans un code ou dans un autre. Il s’agit d’appliquer une douzaine de directives ayant fait l’objet d’une transposition par un décret non codifié.

Nous voulons maintenir, comme le souhaitent un certain nombre d’entre nous, l’obligation de l’inscription au catalogue de toutes les semences cultivées à des fins commerciales, mais aussi permettre l’échange à titre onéreux des semences par des jardiniers amateurs, qui sont effectivement des millions en France. L’amendement du Gouvernement pourrait le permettre, à condition de prévoir les échanges à titre onéreux, et pas uniquement à titre gratuit.

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. François Grosdidier. Sinon, le système ne sera pas viable et la biodiversité potagère disparaîtra, ce qui constituerait un véritable paradoxe à l’heure où nous examinons un projet de loi pour la reconquête de la biodiversité. Nous pourrions donc ainsi parfaitement concilier les différents points de vue.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les sous-amendements identiques nos 311 et 316 ?

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Ces deux sous-amendements visent à préciser que l’exemption d’inscription au catalogue s’étend aux échanges effectués à titre onéreux. À mon sens, il est tout à fait essentiel d’inclure ces échanges. C’est même la condition d’acceptabilité de l’amendement du Gouvernement.

Le dispositif cherche en particulier à préserver d’anciennes variétés, figurant aujourd’hui dans le domaine public et proposées à destination de jardiniers amateurs. En excluant les échanges à titre onéreux, on risque de favoriser une forme de concurrence déloyale, face à des entreprises ayant investi pour des inscriptions au catalogue.