M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur Vincent Eblé, permettez-moi tout d’abord d’excuser l’absence de Michel Sapin, retenu cet après-midi.

Vous avez eu raison de rappeler que la position de la France, notamment au mois de juillet dernier, a été claire et constante.

Nous avons tout fait pour nous opposer à la sortie de la Grèce de la zone euro et pour cela, nous avons effectivement demandé que l’on puisse intégrer dans un avenir qui aujourd'hui se rapproche des discussions sur la soutenabilité de la dette, après, ou en tout cas simultanément aux réformes qui lui sont demandées. Après plusieurs jours et une nuit de négociations, c’est la position qui a été prise le 13 juillet 2015, vous l’avez rappelé.

Que s’est-il passé depuis juillet dernier ? Le nouveau gouvernement d’Alexis Tsipras, issu des élections de septembre, a fait adopter et mis en œuvre des réformes profondes. Il s’est engagé à un assainissement indispensable des finances publiques et du système de retraites. Il s’est également engagé dans des réformes de l’administration publique, notamment fiscale. La France met à sa disposition tout son appui logistique pour aider la Grèce à se mettre au meilleur standard dans ce domaine.

La Grèce a tenu ses engagements. Il est donc légitime de passer à la deuxième phase, c'est-à-dire à la préparation de discussions sur la soutenabilité de la dette grecque. La France soutient une ligne, que certains refusent de franchir, en faveur d’une décote de la dette grecque. Mais de nombreuses marges de manœuvre existent, en jouant notamment sur des reports d’intérêt ou sur des allongements de maturité.

Nous ferons tout pour trouver des solutions durables et soutenables, notamment pour le peuple grec. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

classes bi-langues

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Michel Bouvard. Ma question s'adressait à Mme Vallaud-Belkacem, qui a eu la courtoisie de me prévenir de son absence. Elle concerne les classes bi-langues, sujet qui avait fait l’objet d’une réponse ironique à nos collègues du groupe UDI-UC il y a quelques jours, prétextant que la majorité sénatoriale considérait que tout allait bien.

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, nous sommes conscients de la faiblesse, pour ne pas dire du naufrage, de l’enseignement des langues dans notre pays. Cela entraîne une perte de compétitivité pour nos entreprises et d’attractivité pour notre tourisme.

C’est la raison pour laquelle nous sommes attachés à la réussite des classes bi-langues. Mme la ministre ayant annoncé leur maintien, mes questions sont simples et portent sur la transparence du dispositif de maintien. Les élus, les chefs d’établissement et les parents d’élèves seront-ils associés au choix des établissements maintenus ? Les moyens consacrés à ces classes bi-langues, notamment dans les territoires frontaliers, seront-ils les mêmes ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sylvie Goy-Chavent applaudit également.)

M. Jean-Marie Bockel. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, je vous remercie pour votre question qui nous permet de préciser l’action du Gouvernement en matière d’apprentissage des langues vivantes.

Nous sommes évidemment tout à fait favorables au bilinguisme, qui est un gage de réussite, mais qui est aujourd'hui souvent réservé à un nombre trop restreint d’élèves. C’est précisément pour cela que la réforme du collège a avancé d’une année, de la quatrième vers la cinquième, l’apprentissage de la deuxième langue vivante et que 25 % d’heures supplémentaires seront offertes aux collégiens pour cette deuxième langue vivante.

La stratégie nationale pour les langues vivantes est aujourd'hui en place, elle se décline et se coordonne. Je souhaite ici rappeler que les dispositifs bi-langues de continuité, qui permettent aux élèves ayant étudié une autre langue vivante que l’anglais en primaire de commencer l’anglais en sixième, sont tous maintenus. Les dispositifs bi-langues de contournement, par ailleurs utilisés parfois par certaines familles mieux informées, sont à l’inverse supprimés.

Vous vous interrogez sur des inégalités territoriales. Il est vrai qu’elles étaient en train de se développer,…

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. … et nous faisons tout aujourd'hui pour les limiter. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

M. François Grosdidier. Il faut répondre à la question ! Vous n’avez plus que vingt-huit secondes !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Je répondrai plus précisément à la question que vous posez concernant votre propre territoire dans votre académie, celle de Grenoble.

Le nombre de dispositifs bi-langues de continuité va plus que doubler. Ils passeront de 51 à 112. Un effort a également été fait en matière d’offre de l’italien, notamment dans le primaire : 80 écoles publiques proposeront ainsi un enseignement de l’italien à la rentrée 2016, soit 15 écoles publiques supplémentaires par rapport à la dernière rentrée.

M. François Grosdidier. Et l’allemand ?

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Monsieur Michel Bouvard, si l’on est de bonne foi, ces éléments concrets et précis permettent de mettre fin aux polémiques (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) et de considérer que l’effort du Gouvernement est net en la matière. Le conservatisme, dans ce domaine comme dans d’autres, n’est pas le meilleur conseil. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Nouvelles exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Claude Lenoir. Langue de bois !

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour la réplique.

M. Michel Bouvard. Monsieur le secrétaire d'État, preuve de ma bonne foi, avant de poser cette question, j’ai pris la peine de faire un état des lieux.

Ma préoccupation actuelle concerne la transparence du système : il faut connaître les critères sur lesquels se font les choix,…

Un sénateur du groupe Les Républicains. Absolument !

M. Michel Bouvard. … ainsi que les moyens consacrés. Or nous sommes dans l’opacité la plus totale.

M. Michel Bouvard. Puisque vous avez eu la délicatesse d’évoquer la situation de l’italien, permettez-moi de parler du collège de Modane, qui se trouve à six kilomètres de la frontière avec l’Italie.

Les moyens reçus cette année par le principal du collège ont été divisés par deux.

M. Michel Bouvard. Cela signifie que deux fois moins d’enfants pourront apprendre l’italien, alors qu’ils habitent, j’y insiste, à six kilomètres de la frontière avec l’Italie. Or nous sommes dans la continuité linguistique : ce sont les autorités diplomatiques italiennes qui financent, dans le cadre d’une convention franco-italienne, l’enseignement de l’italien dans le primaire.

Aujourd'hui, il faut plus de transparence :…

M. Michel Bouvard. … les parents d’élèves et les élus doivent être associés aux décisions si nous voulons que celles-ci soient opérantes sur le territoire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

reconnaissance de la nationalité française aux tirailleurs sénégalais

M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger.

M. Gilbert Roger. Ma question s'adressait à M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur.

J’attire l’attention du Gouvernement sur la dette de la France à l’égard des tirailleurs sénégalais, qui souhaitent que l’État français leur reconnaisse la nationalité française.

Depuis le début du siècle, les unités de tirailleurs coloniaux, improprement appelés « tirailleurs sénégalais », ont combattu pour la France en participant aux côtés de leurs frères d’armes français à tous les conflits dans lesquels était engagé notre pays. Ces anciens combattants d’outre-mer ont mérité la reconnaissance de la France. Or, en fait de reconnaissance, ils se sont vu priver de la nationalité française au moment de l’indépendance de leur pays d’origine.

La possibilité a cependant été donnée, par la loi de 1960, aux personnes originaires des pays de l’Afrique noire et de Madagascar de faire reconnaître leur nationalité française par déclaration. Mais cette possibilité a été supprimée en 1973, puis remplacée par la procédure de réintégration par déclaration, qui, elle-même, a été supprimée en 1993.

Désormais, les anciens ressortissants de ces territoires désirant reprendre la nationalité française doivent recourir à la procédure de droit commun de la réintégration.

Beaucoup d’anciens combattants ont ainsi perdu leur nationalité française sans s’en rendre compte : ils s’en sont aperçus à l’occasion d’une démarche de renouvellement de leurs documents d’identité. Leur déception fut alors particulièrement vive.

Les conditions de résidence en matière de nationalité exigent que l’intéressé fixe en France le centre de ses intérêts. Elles ont ainsi écarté de la reconnaissance de la nationalité française un grand nombre de personnes qui ne souhaitaient pas faire venir en France leur famille ou n’en avaient pas les moyens financiers, alors même qu’elles y résidaient et manifestaient pour la France un réel attachement.

Aussi, je souhaiterais savoir si le Gouvernement est prêt à reconnaître à ces quelques centaines de tirailleurs sénégalais la nationalité française. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mmes Corinne Bouchoux et Sophie Primas ainsi que MM. Alain Bertrand et Michel Bouvard applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des anciens combattants et de la mémoire.

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire. Monsieur Gilbert Roger, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de M. le ministre de l’intérieur, le code de la nationalité relevant de son ministère.

Vous avez attiré l’attention du Gouvernement sur la dette de la France à l’égard de ceux qu’il est convenu d’appeler « les tirailleurs sénégalais ».

Je souhaite avant tout affirmer que ces anciens combattants, à l’instar de tous les anciens combattants ayant consacré une partie de leur jeunesse et, souvent, versé leur sang, au nom de la liberté, en portant l’uniforme militaire de notre pays, bénéficient des droits liés à cette situation. Notre pays leur est éternellement reconnaissant.

Vous évoquez plus précisément le vœu de quelques-uns de se voir reconnaître la nationalité française qu’ils ont perdue lors de l’indépendance de leur pays d’origine où ils résident. En fait, votre question porte en elle-même, monsieur le sénateur, les éléments de réponse.

Vous avez rappelé à juste titre les décisions de la Cour de cassation et les précisions apportées par le législateur. Notre droit de la nationalité prend aujourd'hui en compte ces situations particulières.

En effet, le code de la nationalité française prévoit une voie d’accès spécifique pour toute personne ayant eu la nationalité française. Ainsi, l’accomplissement de services militaires dans une unité combattante de l’armée française peut justifier une dérogation à la condition de stage posée par les procédures de naturalisation.

En revanche, la condition de résidence en matière de nationalité exige que l’intéressé fixe en France le centre de ses intérêts. Cette disposition relève du code précité, qui ne souffre aucune interprétation. Déroger à cette règle, même dans le cas des personnes ici visées et dont les mérites sont avérés, suppose de mesurer tous les enjeux, car cela touche à la cohérence d’un droit qui s’est façonné au fil de notre histoire.

Tels sont les éléments de réponse que je pouvais vous apporter, monsieur le sénateur. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu jeudi 26 mai, à quinze heures, et seront retransmises sur France 3, Public Sénat et le site internet du Sénat.

Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

9

Mises au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.

M. Martial Bourquin. Monsieur le président, j’étais retenu dans ma circonscription par une réunion organisée par le préfet au sujet de l’implantation d’une future clinique, lors des scrutins nos 221 et 222 portant respectivement sur le sous-amendement n° 317 rectifié bis et sur les amendements identiques nos 104 rectifié quater et 299 au projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

Fidèle à mon combat pour lutter contre toutes les formes de pollution qui sévissent dans mon département et mettent à mal les rivières comtoises et conformément à l’amendement n° 213 rectifié ter que j’avais cosigné lors de la première lecture de ce texte, je souhaitais voter contre, et non pas m’abstenir, lors du scrutin n° 221 et m’abstenir pour ce qui concerne le scrutin n° 222.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.

M. Jean-Louis Carrère. Retenu dans ma circonscription par la visite du ministre de l’agriculture pour aborder le thème de la grippe aviaire – les Landes sont très impactées ! –, je vous adresse, monsieur le président, la même requête que mon collègue et ami Martial Bourquin.

Aussi, je vous demande de bien vouloir prendre en considération cette demande de rectification de vote.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. N’ayant pu être présent à temps dans l’hémicycle, retenu par une réunion, je vous adresse moi aussi la même requête, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Ma requête est identique à celle de mes collègues, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je vous adresse également à la même requête, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda.

Mme Gisèle Jourda. J’exprime moi aussi la même demande, monsieur le président.

M. le président. Acte est donné de ces mises au point, mes chers collègues. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique du scrutin.

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Candidatures à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

Cette liste a été publiée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.

11

 
Dossier législatif : proposition de loi précisant les modalités de création d'une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue
Discussion générale (suite)

Stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs

Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi précisant les modalités de création d'une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue
Article unique

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi précisant les modalités de création d’une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue, présentée par MM. Gérard Longuet, Christian Namy et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 522, texte de la commission n° 595, rapport n° 594).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Gérard Longuet, coauteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Gérard Longuet, coauteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier le groupe Les Républicains d’avoir accepté d’inscrire dans sa niche parlementaire l’examen de cette proposition de loi, qui aurait pu, qui aurait dû être portée par le Gouvernement.

M. Jean-Claude Lenoir. Tout à fait !

M. Gérard Longuet. Je remercie également celles et ceux qui ont accepté de cosigner ce texte, lui donnant ainsi toute son importance : notre débat concerne non pas seulement les élus de la Meuse et de la Haute-Marne, monsieur Namy, mais, au travers de la filière nucléaire, l’ensemble de notre pays.

Je voudrais aussi remercier le rapporteur, Michel Raison, qui, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, a conduit avec célérité et pertinence les travaux sur ce texte issu d’un travail collectif. En effet, je ne prétends pas avoir la compétence scientifique pour traiter tous les problèmes liés au nucléaire. C'est la raison pour laquelle ce texte emprunte beaucoup au travail réalisé par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, notamment par son président, le député Jean-Yves Le Déaut.

C’est une vieille affaire ; c’est une longue affaire. C’est une belle histoire, puisqu’elle a associé tous les courants politiques ayant gouverné notre pays depuis 1991, avec la volonté de donner enfin une situation stable aux déchets ultimes de la production nucléaire française.

Ce n’est pas le moindre des paradoxes aujourd'hui que de constater l’exigence de dialogue à laquelle ce débat parlementaire satisfait très largement, alors qu’il s’agit de gérer des déchets de réacteurs nucléaires – cinquante-huit réacteurs sont en activité –, qui – je parle là sous le contrôle de mon collègue Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques – ont été de tout temps installés par les présidents et gouvernements successifs sans qu’il y ait jamais eu de débat parlementaire les autorisant à proprement parler. Cette discussion est une innovation réjouissante : un sujet majeur concernant la vie de tous nos compatriotes est débattu cet après-midi au Sénat et le sera prochainement, je l’espère, à l'Assemblée nationale.

C’est en 1991, lorsque le député Christian Bataille porte, au nom du Gouvernement, le projet de loi – M. Strauss-Kahn est alors ministre de l’industrie – que s’ouvre enfin le débat sur la façon de traiter les déchets de haute activité à vie longue. Je ne reviendrai pas sur la totalité du débat, souhaitant être très précis sur la question de la réversibilité.

Dès le 26 novembre 1993, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l’ANDRA, a signifié au conseil général de la Meuse que son sous-sol lui permettait d’accepter l’une des hypothèses de stockage souterrain des déchets nucléaires à haute activité à vie longue, un sous-sol contenant de l’argilite, plus exactement du banc Callovo-Oxfordien – mes connaissances géologiques s’arrêtent à peu près là ! Il se porte donc candidat, tout comme d’ailleurs – les limites départementales ne correspondant pas nécessairement à des limites géologiques – le département voisin de la Haute-Marne, qui vote également le principe d’accueillir un laboratoire d’étude sur le stockage souterrain des déchets nucléaires.

Dans le département de la Meuse, la décision a été prise à l’unanimité, avec, cependant, une réserve majeure, qui a été défendue avec obstination, et qui l’est encore aujourd'hui bien sûr, par la totalité des élus du département, à savoir le principe de la réversibilité.

Pourquoi ce principe ?

D’une part, nous n’avons aucune certitude absolue en termes de sécurité. C’est donc une raison suffisante pour poser le principe de la réversibilité. Même si nous éprouvons le plus grand respect pour les scientifiques, nous avons quand même le droit d’observer et de tirer des leçons de l’expérience.

D’autre part, le stockage souterrain peut un jour utilement, économiquement, entrer en concurrence avec d’autres solutions pour les déchets nucléaires de haute activité à vie longue. Je ne pense naturellement pas à l’entreposage, qui est le fait de stocker les déchets sur le site même de production, une situation provisoire, même si cela dure trente ou quarante ans, mais je songe à la séparation-transmutation, qui serait une réutilisation des colis de déchets ultimes pour produire de nouveau de l’énergie.

Comme le département de la Meuse veut à la fois concilier la garantie de la sécurité et l’opportunité éventuelle que représente la possibilité d’utiliser différemment ces déchets, nous avons toujours défendu le principe de la réversibilité. Ce principe, qui ne figurait pas dans la loi de 1991, est mentionné à l’article 3 de la loi du 28 juin 2006, qui a été adopté par les deux chambres du Parlement : la loi fait obligation de définir par la loi la réversibilité avant tout préalable à l’autorisation d’une activité de stockage. Car la réversibilité est une conception assez complexe.

La première idée de bon sens, c’est de dire que les colis de déchets doivent être récupérables. On voit bien ce que cela signifie : il faut pouvoir aller les rechercher là où ils sont, c'est-à-dire à moins 450 mètres, dans des galeries, et pouvoir, le cas échéant, les ressortir. La récupérabilité est un service minimum de la réversibilité.

Tout l’intérêt de cette proposition de loi, qui émane d’un travail collectif – je n’en suis pas l’auteur exclusif, tant s’en faut ! –, c’est de montrer que la réversibilité doit tenir compte de facteurs globaux liés à la construction même du site de stockage : en particulier la construction progressive, la flexibilité des installations – les installations doivent permettre de descendre les colis de déchets, mais aussi de les remonter –, le fractionnement des galeries pour pouvoir isoler progressivement telle ou telle partie du dépôt et les rouvrir pour la ressortir. Nous proposons donc une définition de la réversibilité très ouverte sur le plan technique, mais aussi sur les plans scientifique et sociologique.

Sur le plan scientifique, car il faut pouvoir les mettre en œuvre les éventuelles solutions à venir. Imaginez donc, la construction de ce laboratoire va durer plus de cent ans. Pendant cette période minimale, nous avons le devoir absolu de tirer les leçons de l’expérience concrète.

Le débat public qui a eu lieu en 2013 a fait ressortir une idée forte, venue de la base, à savoir une période expérimentale industrielle grandeur nature de cinq ans, afin de juger de l’efficacité du système.

Nous sommes donc dans une logique de partenariat, de transparence : un organisme public déconnecté de toute préoccupation en termes de réussite économique, l’ANDRA, des partenaires exigeants, l’Autorité de sûreté nucléaire, la Commission nationale d’évaluation, et, naturellement, l’IRSN, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, sur le plan technique, avec une dimension internationale, l’application de directives européennes, le partenariat avec Euratom, mais également avec l’Agence de l’OCDE pour l’énergie nucléaire. Nous sommes dans un système ouvert et transparent. Et, sur le plan sociologique, la réversibilité est la conséquence de cette transparence : elle doit pouvoir être possible à tout instant.

Un dernier point : la réversibilité doit être soutenue d’un point de vue économique. À cet égard, je salue l’initiative du Gouvernement d’avoir fixé un premier coût d’objectif du projet Cigéo. Mais il est évident qu’il y a un lien entre l’activité nucléaire productrice d’énergie et de chiffre d’affaires, et donc productrice de marges permettant de financer le stockage et l’évolution de celui-ci, étant donné qu’elle finance la recherche, et ce texte sur la réversibilité.

Nous voici donc au début d’une phase de responsabilité au cours de laquelle, grâce à l’adoption de cette proposition de loi, préalable à la demande préalable de création, la DAC, le projet va pouvoir être lancé. Un nouveau rendez-vous législatif interviendra ensuite, en sorte que cette question d’une gravité exceptionnelle sera en permanence sous le contrôle du Parlement. Nous y reviendrons tout à l’heure lors du débat sur les amendements.

Je ne veux pas conclure sans remercier celles et ceux de nos collègues qui participent à cet exercice de responsabilité. Nous savons produire de l’électricité, mais nous savons également en assumer les conséquences ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Rémy Pointereau, vice-président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, ainsi que MM. Yves Détraigne et Christian Namy applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Raison, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je félicite Gérard Longuet pour sa sérénité, son pragmatisme et pour le talent pédagogique dont il a une nouvelle fois fait preuve.

Il nous revient cet après-midi, en nous prononçant sur la proposition de loi déposée par lui-même et Christian Namy, de statuer sur l’opportunité de poursuivre le projet Cigéo de stockage des déchets radioactifs en couche géologique profonde à Bure, entre la Meuse et la Haute-Marne.

Cette proposition de loi est la dernière étape du long processus de lancement du projet Cigéo, ouvert par la loi du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs. Cette loi, qui a retenu le stockage en couche géologique profonde comme solution de gestion à long terme des déchets radioactifs, a eu deux conséquences principales : elle a lancé le projet Cigéo ; elle a imposé que ce stockage soit réversible, et que les conditions de la réversibilité soient définies dans une loi ultérieure, dont l’adoption serait le préalable au lancement du chantier de stockage profond. En application de cette loi, une nouvelle autorisation législative est donc nécessaire à la poursuite du projet. Or nous disposons aujourd’hui de tous les éléments nous permettant d’adopter un nouveau texte.

Un débat public a été organisé en 2013 sur le projet Cigéo par la Commission nationale du débat public, dont l’une des conclusions principales fut l’idée d’un nouveau jalonnement du projet, intégrant une étape de stockage pilote : c’est seulement à l’issue de cette étape que la décision de poursuivre la construction du stockage et de procéder à son exploitation courante pourrait être prise. L’objectif est de tester la faisabilité des conditions de stockage et, le cas échéant, de les adapter, notamment pour ce qui est de la technique de descente des containers.

Ce débat a également permis de définir la notion de réversibilité ; ce principe, dont la loi a fait une condition de la réalisation du projet, sera à n’en pas douter au centre de nos discussions.

En effet, la réversibilité est la clé de la proposition de loi. Elle ne doit pas être entendue comme un synonyme de récupérabilité : elle désigne la capacité à offrir à la génération suivante des choix sur la gestion à long terme des déchets radioactifs, qu’il s’agisse de sceller les ouvrages de stockage ou de récupérer les colis de déchets. Cette réversibilité est assurée notamment par les caractéristiques du développement du stockage, qui est progressif et flexible – un terme employé à propos d’un autre texte actuellement soumis au Parlement… (Sourires.)