Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 202.

Mme Audrey Azoulay, ministre. Il nous faut concilier deux politiques publiques, chacune légitime, chacune importante, celle qui favorise les énergies renouvelables et celle qui protège le patrimoine culturel.

Aujourd’hui déjà, dans les différentes procédures d’implantation des éoliennes, l’architecte des Bâtiments de France intervient absolument partout, qu’il s’agisse de sites classés, de secteurs sauvegardés, d’une AVAP, c’est-à-dire une aire de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine, aux abords des monuments historiques. Que la hauteur de l’éolienne soit supérieure ou inférieure à 12 mètres, sa consultation est systématique.

Mme Françoise Férat, rapporteur. Tout va bien, alors !

Mme Audrey Azoulay. Elle ne l’est pas hors des espaces protégés.

Il me semble par conséquent que la disposition prévue à l’article 33 bis A est déjà satisfaite, sans qu’il soit besoin d’ajouter cette contrainte supplémentaire pour une implantation située à moins de dix kilomètres. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement demande la suppression de cet article.

Mme la présidente. L'amendement n° 147, présenté par Mmes Blandin, Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer le mot :

site

par le mot :

ensemble

Cet amendement a été précédemment retiré.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements restant en discussion ?

Mme Françoise Férat, rapporteur. Il n’est évidemment pas dans notre intention de condamner les énergies renouvelables et, donc, de renoncer à l’éolien.

Mme Françoise Férat, rapporteur. Il s’agit simplement de trouver un équilibre entre les uns et les autres, et non de privilégier les uns au détriment des autres. Par ailleurs, cette disposition ne concerne pas l’ensemble de notre territoire.

Après vous avoir entendue, madame la ministre, il me semble qu’il n’y a pas de débat. Vous venez d’indiquer que, chaque fois qu’il y avait un projet d’éolienne, l’architecte des Bâtiments de France donnait un avis. Nous ne souhaitons pas autre chose !

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Dans les espaces protégés !

M. Gilbert Barbier. Au-delà de dix kilomètres, il n’intervient pas !

Mme Françoise Férat, rapporteur. Cela ne signifie pas dans notre esprit que l’ABF émettra systématiquement un avis négatif. Il jugera au cas par cas, en fonction de la covisibilité.

Je rappelle que c’est la commission de la culture qui a été saisie au fond sur ce texte et que notre responsabilité et notre devoir consistent à prendre les précautions d’usage, ni plus ni moins.

M. Gilbert Barbier. Très bien !

Mme Françoise Férat, rapporteur. Nous recherchons l’équilibre.

Je croyais que le droit actuel comportait très peu de règles encadrant l’implantation des éoliennes aux abords des sites patrimoniaux, je suis aujourd’hui rassurée. C’est d’ailleurs pour cette raison que la commission avait jugé nécessaire de mettre en place un régime d’autorisation.

Si l’ABF doit donner un avis, cet article est donc opportun et les amendements de suppression inutiles.

M. Roland Courteau. Un avis simple ou un avis conforme ? C’est là toute la différence !

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Allizard, pour explication de vote.

M. Pascal Allizard. Je suis très ennuyé.

Au début du mois d’avril, dans le cadre de la présidence néerlandaise de l’Union européenne, s’est tenue une conférence parlementaire sur l’énergie – j’y représentais le Sénat – au cours de laquelle la question du bouquet énergétique des pays de l’Union a été centrale. Il faut bien avoir présent à l’esprit que l’énergie éolienne fait partie des ressources énergétiques sur lesquelles l’ensemble des pays doit travailler. Il convient également de tenir compte des résultats de la COP 21 et des délibérations que nous aurons à prendre dans quelques semaines à ce sujet.

Je me rappelle que, voilà quelques mois, lors d’une réunion de la commission de la culture, s’est affichée à l’écran la photographie de la cathédrale de Coutances dominée et écrasée par une éolienne. Il s’agissait d’un pur montage qui ne correspondait à rien. Pour bien connaître et aimer Coutances, je peux témoigner que cela n’existe pas.

M. Pascal Allizard. Comme je l’ai dit lors de la réunion de la commission, j’y ai vu l’expression des motivations d’un lobby anti-éolien et fort peu raisonnable.

Si nous donnons suite à l’avis conforme de l’architecte des Bâtiments de France, nous nous exposons ni plus ni moins à un démantèlement complet de la filière éolienne en France et à sa négation.

M. Pascal Allizard. C’est pour cela que, n’en déplaise aux membres de la commission de la culture et à ses rapporteurs, cette disposition ne me paraît pas très raisonnable.

Il a été question des plages normandes au début de l’examen de cet article. Élu du Calvados, j’ai siégé au conseil général pendant pratiquement dix-sept ans. Au début des années deux mille, le département s’est doté d’un schéma de l’éolien…

M. Pascal Allizard. … et, par la concertation avec les acteurs locaux, est parvenu à déterminer les espaces naturels sur lesquels on pouvait implanter des éoliennes.

Si, à l’échelon national, nous n’avions pas tergiversé pendant tant d’années sur le sujet,…

M. David Assouline. Bien sûr !

M. Pascal Allizard. … peut-être aurions-nous choisi des champs d’éoliennes, comme l’ont fait les pays ibériques ou les pays scandinaves, au lieu de miter le territoire et de barguigner à chaque fois sur les espaces où les implanter.

Exiger un avis conforme de l’architecte des Bâtiments de France reviendrait à donner une victoire aux opposants aux éoliennes. Ce serait un enterrement de première classe. Je le répète, il ne me semble pas raisonnable de faire droit à cette demande.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. Il est toujours possible, si un projet d’implantation pose problème, de classer le cône de vue.

Ainsi, dans le département du Loiret, Maurice Genevoix avait un bureau qui donnait sur les bords de Loire. Comme il était question de faire passer un pont à cet endroit, et alors même que l’écrivain était déjà décédé depuis dix ans, le ministère de la culture a classé le cône de vue, affirmant que, si le pont avait existé, il n’aurait pas écrit ses romans. Comme quoi, on peut aller très loin !

C’est Mme Voynet qui a obtenu l’autorisation de classer ce cône de vue. C’est bien la preuve qu’il y a toujours moyen d’empêcher la réalisation d’une opération lorsque quelqu’un a un certain pouvoir. Évidemment, les quarante académiciens lui ont emboîté le pas avec grand plaisir et la décision a été prise.

Par conséquent, si une éolienne gêne vraiment quelqu’un, il suffit de demander au ministre de la culture de classer le cône de vue, à condition que Maurice Genevoix ait vécu dans le département concerné… (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.

M. Patrick Abate. Je comprends l’argument de Mme la rapporteur et son souci empreint de responsabilité culturelle et architecturale, que nous partageons tous. Cependant, le périmètre de dix kilomètres me paraît suffisamment large…

M. Roland Courteau. C’est énorme !

M. Patrick Abate. … pour qu’il suffise à nous inciter à ne pas y être favorables.

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Eblé, pour explication de vote.

M. Vincent Eblé. Je ne sais pas si Maurice Genevoix n’aurait pas écrit ses romans si un pont s’était trouvé dans son cône de vue. Peut-être en aurait-il écrit d’autres ou ceux-ci auraient-ils été différents. Cet exemple montre bien que, dans cette affaire, tout est relatif.

Aucune conception patrimoniale ne peut vouloir interdire l’érection d’un monument moderne dans un paysage ; cela n’a aucun sens. D’un point de vue historique d’ailleurs, il n’y a pas de modernité, il n’y a que des différences de chronologie.

Pour avoir longtemps siégé à la commission supérieure des monuments historiques, dans la section patrimoine industriel, scientifique et technique, je peux vous dire que des éoliennes sont classées. Bien entendu, il ne s’agit pas d’éoliennes de dernière génération. Reste que les éoliennes les plus anciennes sont protégées au titre des monuments historiques.

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Vincent Eblé. Arrêtons avec cette conception patrimoniale figée qui ne correspond à aucune réalité !

Madame la rapporteur, permettez-moi de vous dire que, ici, nous ne sommes pas en commission de la culture : nous sommes dans l’hémicycle, en séance publique. (Mme la rapporteur s’exclame.) Nous venons de commissions différentes. Pour ma part, je suis membre de la commission des finances, comme certains de mes collègues ; d’autres appartiennent à la commission des lois. Il s’agit pour nous non pas de défendre je ne sais quelle vision culturelle d’un tourisme figé, mais d’articuler des exigences différentes.

Mme Françoise Férat, rapporteur. C’est pathétique !

M. Vincent Eblé. Évidemment, nous sommes tous des défenseurs de l’exigence culturelle, mais nous devons aussi tenir compte des exigences économiques, environnementales et écologiques. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. La culture n’est pas à côté de l’économie, de l’écologie ou du reste. S’il faut absolument défendre l’idée d’un développement de l’énergie éolienne, ce n’est pas uniquement pour une raison économique, c’est parce qu’il y va de la vie même des êtres humains. De ce point de vue, il n’y a pas plus culturel.

Nous sommes tous des défenseurs acharnés de la culture. Ce projet de loi nous permet de déterminer comment protéger et réguler, comment ne pas laisser les forces du marché envahir tout l’espace, comment traiter de façon spécifique la création. Mais ceux qui soutiennent cet article instrumentalisent la question culturelle dans le seul domaine du patrimoine. Or, quand il s’est agi de faire face à tous ceux qui spolient la création – moteurs de recherche, multinationales… –, je ne les ai pas entendus dire qu’il fallait protéger la culture. En revanche, quand il s’agit de mettre en difficulté l’écologie, un domaine vital pour nous – qui n’est plus une question de choix économique, mais qui est un enjeu dont la société a enfin compris l’importance –, ce n’est pas pareil ! D’ailleurs, si nous en sommes réduits à une discussion aussi étriquée, c’est parce que nous avons tardé à prendre le tournant des énergies renouvelables. Si nous l’avions fait au bon moment, je vous assure qu’aujourd’hui ce débat serait différent. Cessons d’être en retard et d’opposer ce qui ne peut pas l’être !

Bien entendu, il faut des règles. Je suis cependant convaincu que, si des outils informatiques – algorithmes ou autres – nous permettaient de nous représenter concrètement les effets de la règle des dix kilomètres, on s’apercevrait qu’il n’est pas possible d’implanter des éoliennes et de développer cette énergie.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. La discussion qui a lieu illustre bien la dualité entre le développement des énergies renouvelables, qui est souhaité par tous, et l’implantation d’éoliennes dans des sites peu éloignés des monuments historiques et des sites protégés. Ce débat est complexe et la décision difficile à prendre.

À titre personnel, j’ai défendu la position d’un avis conforme de l’ABF dans un périmètre de dix kilomètres. En effet, dans un avenir proche, l’éolien va se développer de façon importante et on trouvera des éoliennes partout. C’est très bien ainsi, nous n’y sommes pas opposés.

Mme Françoise Férat, rapporteur. Bien sûr que non !

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Je ne partage pas l’avis de Mme Blandin, dont les propos sont stigmatisants.

À proximité d’un patrimoine historique, la prudence est de mise.

Il faut avouer que, dans les relations entre les élus locaux, les administrations et les ABF, le calme et la sérénité ne sont pas toujours au rendez-vous. C’est une litote… (Sourires.)

Cet article prévoit l’avis de l’ABF. Peut-être que, petit à petit, la confiance pourra s’instaurer entre les pouvoirs publics et les ABF. Je rappelle que certaines éoliennes atteindront plus de 200 mètres, certaines les atteignent déjà. Sans précaution, on peut les voir se développer et altérer les espaces protégés.

Mme la ministre a rappelé qu’il y avait déjà un avis de l’ABF, mais celui-ci concerne l’implantation d’éoliennes dans le périmètre de l’espace protégé. Là, il s’agit d’une covisibilité. Certes, cela concerne une distance de dix kilomètres, mais, au regard de la hauteur potentielle des éoliennes – 200 mètres –, celle-ci n’est pas si importante que ça.

Pour ma part, je suis favorable au maintien de l’avis des ABF dans un esprit de dialogue – il va de soi que les ABF n’interdiront pas toutes les éoliennes –, lors de cette phase de montée en puissance des éoliennes qui durera quelques années. Nous pourrons ensuite travailler sur les dimensions des éoliennes – cela a déjà été tenté –, car certaines ne seront pas gênantes. En l’occurrence, pour l’instant, nous n’avons pas cette précision. C’est la raison pour laquelle je préconise la prudence.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Il est certainement un peu tard pour prendre une disposition de cette nature. Les plus anciens d’entre nous, qui étaient là au moment nous avons légiféré sur les éoliennes – je me demande si ce n’était pas au temps de la loi Barbier –, se rappellent que nous avions introduit dans la loi un critère important, celui de l’impact paysager des éoliennes sur le territoire, qu’accompagnaient toute une série de dispositions.

J’aimerais bien que l’on m’explique en quoi une éolienne n’a pas, à quelque endroit où elle est implantée, un impact paysager. Compte tenu de sa taille et de sa dimension, c’est inévitable ! Aujourd’hui, on voudrait aller beaucoup plus loin en prenant en compte l’existence du patrimoine inscrit ou protégé et la notion de covisibilité.

Monsieur le rapporteur, vous l’avez dit vous-même, il existe déjà des dispositions qui donnent pouvoir à l’ABF d’émettre un avis favorable ou défavorable, mais seulement dans le périmètre du monument. Or l’essentiel n’est-il pas justement de veiller à l’impact de l’implantation d’une éolienne dans cette zone ? Il ne me paraît donc pas pertinent d’aller au-delà de la réglementation et de la loi en vigueur.

Dans le département dont je suis l’élu, compte tenu des distances, les plateaux s’étendent presque à l’infini. De fait, aujourd’hui, il faudrait faire disparaître la totalité des éoliennes qui sont construites.

M. Alain Vasselle. Ainsi, une forge a été classée dans une petite commune rurale. Lorsque, de cette forge, on regarde à l’horizon, on aperçoit au moins quarante ou cinquante éoliennes.

Si cet article est adopté, il y aura, demain, une situation inégale sur le territoire entre les éoliennes qui auront été implantées avant le vote de ce texte et celles qui le seront après. Nos concitoyens auront le sentiment d’une certaine iniquité. Vont alors rebondir et se développer de nouveau des polémiques : ceux qui auront des éoliennes à proximité de leur bien immobilier verront la valeur de celui-ci se déprécier et ceux qui auront l’avantage d’avoir une éolienne hors du champ de leur bien bénéficieront d’un avantage au moment de la vente de ce dernier.

Par conséquent, il ne me semble pas judicieux d’aller aussi loin. C’est la raison pour laquelle je voterai les amendements de suppression.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Requier. En première lecture, j’avais défendu l’amendement de Gilbert Barbier, dont l’objet était de prévoir l’avis conforme de l’ABF dans un rayon de dix kilomètres autour des monuments historiques. Depuis lors, ont été ajoutés en commission les biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.

Quel était l’esprit de cet amendement ? Il ne s’agissait pas d’interdire l’installation d’éoliennes dans un périmètre de dix kilomètres : la notion pertinente était celle de covisibilité. Lorsque vous allez de Toulouse à Narbonne, vous voyez à Avignonet-Lauragais une éolienne derrière une église.

M. Roland Courteau. C’est le parfait contre-exemple !

M. Jean-Claude Requier. Ces éoliennes sont utiles, mais elles ne sont pas très belles !

L’idée est non pas de tout interdire mais d’interdire les installations trop visibles qui gâchent le paysage. Je ne veux pas entrer dans le débat « pour ou contre les éoliennes » ou faire de la philosophie écologique. Il est légitime de construire des éoliennes ; mais il y a des lieux, quand même, où il vaut mieux s’en dispenser.

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.

M. Roland Courteau. Je l’ai dit en première lecture, mon cher collègue, le cas d’Avignonet-Lauragais, entre Castelnaudary et Toulouse, est malheureusement un contre-exemple.

Comme je l’ai indiqué précédemment, le dispositif en vigueur satisfait pleinement aux exigences de la protection du patrimoine. Que l’ABF donne un avis simple, je suis d’accord ; prévoir un avis conforme, ce serait lui accorder un droit de veto. Est-ce bien ce que nous voulons ? N’appartient-il pas au préfet, et à lui seul, d’être le garant de l’équilibre des différentes politiques publiques ?

Il existe en France 44 000 à 45 000 monuments historiques, classés ou inscrits. La règle des dix kilomètres s’appliquant, cela signifie que l’avis conforme serait requis dans un très grand nombre de cas.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est très juste !

M. Roland Courteau. Autre question : comment une filière d’énergie renouvelable peut-elle investir et se développer si la législation change tous les six mois ?

M. Georges Labazée. Tout à fait !

M. Roland Courteau. À modifier sans cesse les règles, nous nous enfonçons dans l’instabilité législative la plus totale. La visibilité, pour les investisseurs, est alors proche de zéro.

J’avais indiqué, en première lecture, qu’il était préférable que l’on puisse traiter les situations problématiques au cas par cas, plutôt que d’énoncer des principes généraux d’interdiction. Je persiste et signe ! C’est là, me semble-t-il, la voie de la sagesse, celle qui permettra de protéger notre patrimoine et nos paysages tout en favorisant le développement des énergies renouvelables.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 4, 66 rectifié ter, 130 rectifié bis et 202.

(Les amendements sont adoptés.)

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme la présidente. En conséquence, l'article 33 bis A est supprimé.

Madame la ministre, mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose que nous prolongions la séance pour achever l’examen du projet de loi. Si, vers une heure, je constate que nous ne pourrons pas terminer nos travaux, je lèverai la séance et nous les reprendrons demain matin. Si vous souhaitez que le texte soit voté cette nuit, je vous invite à adopter un rythme un peu plus soutenu…

Article 33 bis A
Dossier législatif : projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine
Article 34 (Texte non modifié par la commission)

Article 33 bis

I. – (Supprimé)

II. – Le code de l’environnement est ainsi modifié :

1° L’article L. 211-1 est complété par un III ainsi rédigé :

« III. – La gestion équilibrée de la ressource en eau ne fait pas obstacle à la préservation du patrimoine hydraulique, en particulier des moulins hydrauliques et de leurs dépendances, ouvrages aménagés pour l’utilisation de la force hydraulique des cours d’eau, des lacs et des mers, protégé soit au titre des monuments historiques, des abords ou des sites patrimoniaux remarquables en application du livre VI du code du patrimoine, soit en application de l’article L. 151-19 du code de l’urbanisme. » ;

2° L’article L. 214-17 est complété par un IV ainsi rédigé :

« IV. – Les mesures résultant de l’application du présent article sont mises en œuvre dans le respect des objectifs de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine protégé soit au titre des monuments historiques, des abords ou des sites patrimoniaux remarquables en application du livre VI du code du patrimoine, soit en application de l’article L. 151-19 du code de l’urbanisme. »

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc, sur l'article.

M. Alain Marc. Cet article comporte des dispositions préservant le patrimoine des moulins. Il s’agit du troisième patrimoine bâti en France, avec un total de 60 000 moulins.

Cette nouvelle rédaction permet de prendre en compte l’impératif de préservation de ce patrimoine, notamment hydraulique, tout en respectant celui d’une gestion équilibrée de la ressource en eau, à laquelle les propriétaires de moulins sont attachés, dans le respect de la directive-cadre sur l’eau et de la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques.

Trop d’abus et de destructions, notamment de seuils de moulins, sont aujourd’hui causés par une application excessive du dogme de la continuité écologique, au mépris des considérations économiques, culturelles, énergétiques et historiques. L’article 33 bis, de ce point de vue, présente une solution équilibrée.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 2 est présenté par Mme Di Folco.

L'amendement n° 5 est présenté par Mmes Blandin, Bouchoux et les membres du groupe écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

L’amendement n° 2 n’est pas soutenu.

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l'amendement n° 5.

Mme Marie-Christine Blandin. Je rebondis sur ce que vient de dire mon collègue Marc, qui a dénoncé le grand nombre d’abus et de destructions. Oui, vous avez raison, cher collègue ! Certains techniciens, sur le terrain, inspirés par la nécessité de préserver la continuité écologique des flux piscicoles, sont allés trop loin dans la destruction de ce patrimoine. Je suis la première à le reconnaître.

Mme Marie-Christine Blandin. Je n’en tire cependant pas les mêmes conclusions que vous. Ces techniciens ont eu tort, mais leur erreur vous conduit à adopter des positions excessives, qui se retrouvent dans la rédaction du présent texte. Celui-ci privilégie en effet complètement les moulins aux dépens de la continuité écologique. Or un travail est en cours, mené de façon conjointe par les ministères de la culture et de l’écologie, pour remettre à plat cette question, qui touche à la fois au patrimoine et à la restauration de la continuité écologique. Une mission du Conseil général de l’environnement et du développement durable est également à l’œuvre.

Je vous recommande de lire l’objet de l’amendement de Mme Di Folco, avec qui je n’ai pas échangé, mais qui est excellent. Il montre comment le présent texte, s’il était adopté dans son actuelle rédaction, contribuerait à altérer la qualité de l’entretien des moulins sans favoriser la modernisation de leur équipement, par exemple en passes à poissons.

Je propose donc, au regard des avancées du dialogue dont j’ai parlé entre les deux ministères, de supprimer cet article, tout en reconnaissant que des excès ont été commis. Je mise sur le fait que le rétablissement du dialogue rendra inutile l’article tel qu’il est écrit, sachant qu’il dit quand même le contraire de ce qui figure dans le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité.

La commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun. Mais si nous votons aujourd’hui l’article 33 bis tel qu’il est rédigé, je parie que la nouvelle lecture dudit projet de loi détricotera de nouveau ce que nous construisons, et qui a déjà été déconstruit. On ne va pas continuer comme ça indéfiniment !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Férat, rapporteur. Nous sommes nombreux, dans cette assemblée, à avoir été sensibilisés aux difficultés rencontrées par les moulins, dont l’existence est aujourd’hui menacée par l’application non raisonnée des règles relatives tant à la gestion équilibrée de la ressource en eau qu’à la restauration de la continuité écologique des cours d’eau.

L’objectif de cet article est donc de concilier ces deux principes avec celui de la préservation des seuils de moulins, qui sont effectivement protégés au titre du code du patrimoine.

Vous noterez d’ailleurs, chers collègues, qu’une définition a été apportée, afin que l’application de l’article soit bien limitée aux moulins et ne puisse pas, en particulier, être étendue aux barrages.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Audrey Azoulay, ministre. Même avis défavorable.

J’ajoute simplement que nous travaillons avec les fédérations des moulins et le ministère de l’environnement depuis maintenant quelques semaines sur le sujet.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Je me réjouis vraiment de la position de notre rapporteur et de Mme la ministre.

J’ai écouté avec beaucoup d’attention Mme Blandin, qui a d’ailleurs parlé de manière très nuancée. J’avais été très heureux de l’entendre nous dire, à propos des éoliennes, que le respect de la culture ne devait pas être utilisé contre l’écologie. C’était très pertinent !

S’agissant des moulins, je comprends votre préoccupation, chère collègue, qui est celle de la continuité des cours d’eau. Dans le même temps, il est sage que cet article préserve explicitement un patrimoine magnifique. Dans mon département du Loiret, qui a déjà été cité, il existe des moulins absolument admirables sur des rivières comme le Loiret ou le Betz – les riverains de cette dernière nous ont d’ailleurs interpellés en première lecture. Ce texte n’a naturellement aucune incidence sur l’attention qui doit être accordée à la continuité des cours d’eau lorsque le problème se pose.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Allizard, pour explication de vote.