M. le président. L’amendement n° 50 est retiré.

Monsieur Abate, l’amendement n° 12 est-il maintenu ?

M. Patrick Abate. À M. Leleux, qui s’inquiète très justement des malveillances auxquelles pourraient se livrer de faux lanceurs d’alerte, qui seraient en réalité de sombres bandits, je fais observer que le cadre général défini par cet amendement prévoit des sanctions.

Cet amendement visant à fixer un cadre global, nous ne serions pas cohérents avec nous-mêmes en le retirant purement et simplement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Madame Jouve, l’amendement n° 36 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Mireille Jouve. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 36 rectifié bis est retiré.

Monsieur Abate, le sous-amendement n° 88 est-il maintenu ?

M. Patrick Abate. Nous ne pouvons pas retirer ce sous-amendement, vu que nous n’avons pas cessé d’évoquer l’importance des journalistes dans le dispositif – souvenons-nous de l’exemple dont a parlé Mme Blandin – et celle des alertes au sein du secteur public.

Il est vrai, madame la ministre, que le dispositif que vous proposez marque un progrès ; nous en convenons et nous serions un peu embarrassés de bloquer une avancée.

En revanche, j’aimerais obtenir une réponse à la question que je vous ai posée en ce qui concerne l’interprétation de l’expression « en dernier ressort ». Cette formulation ne porte-t-elle pas en germe, même si telle n’est pas votre volonté, l’impossibilité absolue d’une vraie protection ? En effet, quelle sera la protection s’il faut d’abord s’adresser à son chef de bureau, puis au supérieur de celui-ci, puis à son président-directeur général ? Il est tout de même un peu ennuyeux que nous n’ayons pas de réponse à cette question.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Une très bonne question !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Audrey Azoulay, ministre. Je remercie l’ensemble des orateurs qui se sont exprimés ; tous ont reconnu le progrès juridique manifeste qui sera accompli si l’amendement n° 73 rectifié est adopté.

J’en viens à votre question, monsieur Abate. La procédure de dernier ressort vise à accorder notre droit avec une jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, reprise par le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, qui sera bientôt soumis à l’examen du Parlement.

Plus précisément, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé, dans son arrêt du 12 février 2008 Guja c. Moldavie, que, « s’il importe que la personne concernée procède à la divulgation d’abord auprès de son supérieur ou d’une autre autorité compétente, la divulgation au public peut être envisagée en dernier ressort en cas d’impossibilité manifeste d’agir autrement ». À la lumière de cette décision, le Conseil d’État recommande une adaptation de notre droit visant en particulier à donner la priorité « aux canaux internes de diffusion, à l’intérêt public de l’information divulguée, à la pesée des risques que cette divulgation ferait encourir aux autorités publiques et aux intérêts qu’elles servent » ; il estime que la voie médiatique ne doit « être actionnée que de manière subsidiaire ».

En aucun cas cette procédure ne doit être un frein ; elle ne signifie nullement qu’un accord serait nécessaire pour passer à l’étape supérieure. Il s’agit seulement d’affirmer que la voie de l’alerte médiatique ne doit être empruntée qu’après qu’une autre a été tentée.

M. le président. Monsieur Abate, compte tenu de la réponse de Mme la ministre, que décidez-vous ?

M. Patrick Abate. Nous aurons de toute façon un rendez-vous législatif important sur le sujet. Nous ne sommes pas absolument convaincus que, sans viser la loi du 13 juillet 1983, on assure aux fonctionnaires une protection effective, mais nous entendons l’analyse de Mme la ministre. L’histoire et les citoyens jugeront…

Je crois comprendre de votre interprétation de la jurisprudence européenne, madame la ministre, qu’il ne faut pas entendre l’expression « en dernier ressort » au sens d’une gradation. Si un lanceur d’alerte juge en toute indépendance qu’il est dans l’incapacité de faire autrement, il n’aura pas à attendre pour avertir un journaliste. Sommes-nous bien d’accord sur ce point ?

Mme Audrey Azoulay, ministre. Oui !

M. Patrick Abate. On l’aura compris, nous ne sommes pas complètement satisfaits par la rédaction de votre amendement. Toutefois, le débat a été intéressant et nous n’allons pas nous opposer à une disposition qui représente un progrès ou freiner sa mise en œuvre au motif qu’elle ne répond pas complètement à nos aspirations.

Lors des prochains rendez-vous, nous serons particulièrement vigilants à ce que le dispositif soit mis en œuvre de manière très précise et résolue. Pour ce faire, il faut inverser la charge de la preuve, c’est-à-dire qu’il faudrait, à la limite, que le fonctionnaire ou le salarié, s’il ne lance pas l’alerte, soit poursuivi pour non-assistance à personne en danger. C’est dans cet esprit que nous avons déposé notre amendement et notre sous-amendement.

Cela étant, je retire le sous-amendement.

M. le président. Le sous-amendement n° 88 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 73 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 1er quater est rétabli dans cette rédaction.

Titre Ier

LIBERTÉ, INDÉPENDANCE ET PLURALISME DES MÉDIAS AUDIOVISUELS

Article 1er quater (supprimé)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias
Article 3 (Texte non modifié par la commission)

Article 2

La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi modifiée :

1° Après le deuxième alinéa de l’article 3-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le Conseil supérieur de l’audiovisuel veille à l’honnêteté, à l’indépendance et au pluralisme de l’information et des programmes, sous réserve de l’article 1er. Il s’assure que les intérêts économiques des actionnaires des éditeurs de services de communication audiovisuelle et de leurs annonceurs ne portent aucune atteinte à ces principes. » ;

2° À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 20-1 A, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « cinquième ».

M. le président. L'amendement n° 14, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pierre Laurent.

M. Pierre Laurent. Cet article est mal ficelé. On nous le présente comme un dispositif tendant à renforcer la protection des médias audiovisuels. Or on pourrait l’interpréter autrement : en confiant de nouveaux pouvoirs au CSA, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, on renforce le contrôle exercé sur les médias. Dans un texte consacré à l’indépendance de la presse, c’est un problème…

Sous cette forme et sans autre précision, l’article tel qu’il est rédigé ne nous convient pas. Il comporte un flou qu’il convient de dissiper. Le renforcement de l’indépendance des médias suppose en effet une autre disposition que celle-là.

Si notre amendement de suppression n’est pas adopté, nous présenterons un autre amendement tendant à renforcer l’indépendance des médias.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. L’article 2 précise la nature des compétences du CSA en matière d’indépendance de l’information, tout en tenant compte bien entendu de l’objet de la proposition de loi.

Monsieur Laurent, vous exprimez la crainte d’un contrôle excessif du CSA sur les entreprises audiovisuelles. Vous préféreriez confier le contrôle de la déontologie aux journalistes eux-mêmes.

Vous avez raison de vous interroger sur le sujet, puisque les diffuseurs audiovisuels ont eux-mêmes évoqué le risque d’un contrôle ex ante du Conseil supérieur de l’audiovisuel. C’est pour limiter le risque d’un contrôle inopportun du Conseil que nous avons modifié le texte de l’article 2 en commission. Parce qu’il me semblait important de bien préciser les compétences du CSA, nous avons notamment substitué le mot « veille » au mot « garantit » : désormais, le Conseil supérieur de l'audiovisuel « veille » à l'honnêteté, à l'indépendance et au pluralisme de l'information et des programmes.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Audrey Azoulay, ministre. L’actuelle rédaction de l’article 2, tout comme sa version initiale, se contente d’apporter des précisions sur le pouvoir général de recommandation que le CSA détient déjà. En effet, l’autorité de régulation fixe d’ores et déjà aux éditeurs un ensemble d’obligations déontologiques par le biais de son pouvoir de recommandation et de son pouvoir conventionnel.

Par cet article, le CSA est intégré dans le dispositif prévu en faveur de la protection de l’honnêteté, de l’indépendance et du pluralisme de l’information. Il me semble que la précision est utile : dans ce domaine, le CSA doit jouer le même rôle que celui qu’il remplit de façon plus générale en matière de respect des obligations déontologiques.

Je ne peux donc être que défavorable à l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.

M. Pierre Laurent. Il faut être conséquent : maintenir l’article 2 implique de renforcer le dispositif. Sinon, comment le CSA fera-t-il pour garantir l’indépendance et le pluralisme de l’information ? Sur quoi s’appuiera-t-il pour remplir sa mission ? Rappelez-vous du débat que nous venons d’avoir au sujet des chartes, mes chers collègues !

Si les moyens d’action des rédactions restent insuffisants et ne sont pas renforcés par la proposition de loi, le CSA ne pourra pas exercer sa compétence. Il ne suffit pas d’écrire dans un texte qu’il détient une compétence pour qu’elle s’exerce ; il faut lui donner les moyens de pouvoir l’exercer, sinon cela n’a aucun intérêt. J’entends d’ailleurs défendre un amendement allant en ce sens.

En attendant, après avoir entendu les explications et compte tenu des intentions, je retire cet amendement.

M. le président. L’amendement n° 14 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 13, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Après l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, il est inséré un article 2-…ainsi rédigé :

« Art. 2 -… – Une société des rédacteurs ou une société des journalistes est constituée dans toutes les sociétés ou entreprises éditrices de presse ou de communication audiovisuelle ou de communication au public par voie électronique employant au moins quinze journalistes ou rédacteurs. Le livre IV de la deuxième partie du code du travail s’applique aux membres de ces associations. Dans les sociétés ou entreprises éditrices de presse ou de communication audiovisuelle employant moins de quinze journalistes ou rédacteurs, des sociétés des rédacteurs ou une société des journalistes peuvent être créées par convention ou accord collectif de travail.

« Un décret en Conseil d’État détermine les sanctions applicables à toute personne ou structure s’étant rendue coupable d’obstruction à l’instauration d’une société des rédacteurs ou une société des journalistes dans le cas d’une instauration obligatoire. »

La parole est à M. Pierre Laurent.

M. Pierre Laurent. Je serai bref, dans la mesure où je viens d’expliquer pourquoi nous avons déposé cet amendement.

Pour renforcer l’indépendance des médias, nous voulons rendre obligatoire la création de sociétés de rédacteurs. Le contrôle de l’indépendance des rédactions ne peut pas être du seul ressort du CSA, il faut y associer un dispositif plus complet.

M. le président. L'amendement n° 65, présenté par Mmes Blandin, Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Après l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, il est inséré un article 2 … ainsi rédigé :

« Art. 2 … – Il est institué une commission nationale paritaire de déontologie du journalisme chargée de veiller à l’indépendance de l’information, des programmes et des rédactions. À cette fin, elle donne un avis sur les conventions conclues entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel et les éditeurs de service de télévision et de radio prévues par la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication pour garantir le respect de l’article 2 bis de la présente loi. Elle veille à ce que les intérêts économiques des éditeurs de services de communication audiovisuelle, de leurs actionnaires et de leurs annonceurs ne portent pas atteinte au respect de ces principes. Elle peut émettre des recommandations et demander au Conseil supérieur de l’audiovisuel d’adresser des mises en demeure ou des sanctions aux éditeurs de service qui ne respectent pas ces principes.

« Aucune indemnité ne peut être perçue au titre de la participation à la commission nationale paritaire de déontologie du journalisme.

« Un décret en Conseil d’État précise les modalités de fonctionnement de la commission nationale paritaire de déontologie du journalisme, ainsi que sa composition, de manière à assurer une représentation paritaire des représentants des employeurs et des salariés, ainsi que des femmes et des hommes. »

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. L’amendement a pour objet de confier à une instance nationale paritaire plutôt qu’au Conseil supérieur de l’audiovisuel la mission de garantir l’indépendance de l’information, des programmes et des rédactions. En effet, sans remettre en cause le travail du CSA, il n’en demeure pas moins que le pouvoir politique intervient dans la nomination de ses membres. Surtout, le nombre de ses missions ne cesse de s’accroître !

Confier la tâche de garantir l’indépendance de l’information à une instance comprenant des représentants des employeurs et des salariés, ainsi que des représentants de l’État, sur le modèle de la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels, éviterait tout risque de soupçon, contribuerait à établir un cadre et à retenir des critères et constituerait le modèle le plus pertinent pour faire respecter les règles de déontologie et contrôler les éventuelles pressions politiques ou économiques que pourraient subir les journalistes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. L’amendement de Mme Blandin vise à créer une instance nationale chargée de la déontologie des journalistes.

Tout d’abord, je voudrais faire remarquer que cette mesure ne correspond pas au choix initial des auteurs des deux propositions de loi.

Ensuite, et surtout, cette piste n’a fait absolument l’objet d’aucune expertise. Dans le temps qui nous était imparti, c’est-à-dire depuis que ces textes ont été inscrits à l’ordre du jour des assemblées, nous n’avons pas eu les moyens d’étudier le sujet plus en détail.

Je note également qu’une telle disposition ne fait pas l’objet d’un accord unanime. En effet, elle n’a pas été évoquée par les directeurs de l’information des médias que la commission a auditionnés, même si elle résulte d’une demande exprimée par de nombreux syndicats de journalistes.

Le dispositif proposé soulève en outre un certain nombre d’interrogations. D’une part, on ne connaît pas les moyens dont cette instance pourrait disposer. Disposerait-elle de services spécifiques ? D’autre part, on ne connaît pas les pouvoirs dont elle pourrait se prévaloir pour déterminer si, par exemple, les chaînes sont bien indépendantes des actionnaires et des annonceurs.

Je ne pense pas non plus que l’heure soit à la création de nouvelles autorités indépendantes.

Enfin, le Conseil supérieur de l’audiovisuel est une autorité indépendante dotée de services et de pouvoirs de contrôle. Une simple commission nationale paritaire ne pourrait pas exercer sa mission de la même manière que le Conseil sauf, encore une fois, à créer une autorité dotée de moyens importants, ce qui aurait pour effet de mettre cette instance en concurrence avec le CSA, du moins pour ce qui concerne l’audiovisuel.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement, tout comme sur l’amendement n° 13.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Audrey Azoulay, ministre. Le Gouvernement préfère s’en tenir à la logique retenue dans la proposition de loi : le CSA doit veiller à l’existence des chartes et des comités d’indépendance ou de déontologie, selon la dénomination retenue ; il doit également disposer d’un pouvoir de sanction en cas de non-respect de ces obligations de moyen. Il faut que ces chartes existent et que ces comités soient mis en place.

Le Gouvernement n’est donc pas favorable à ce que la mise en place de sociétés de journalistes au sein de chaque entreprise de presse ou audiovisuelle soit rendue obligatoire, dans la mesure où ces sociétés doivent pouvoir conserver la liberté d’organiser leur rédaction selon leur volonté.

Le Gouvernement est également défavorable à la création d’une commission nationale paritaire de déontologie, d’autant qu’il semblerait, d’après le dispositif de l’amendement, que des représentants de la presse puissent en être membres, ce qui en ferait un conseil de presse. Or ce sujet a déjà suscité des débats et n’est absolument pas mûr.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote sur l’amendement n° 65.

Mme Marie-Christine Blandin. Je vais maintenir mon amendement pour le principe, même si j’ai parfaitement entendu les propos tenus par Mme la rapporteur sur l’absence d’expertise dont aurait fait l’objet ce dispositif.

J’ajoute être complètement d’accord avec ceux d’entre nous qui considèrent qu’il ne faut pas mettre en place de nouvelles autorités ou des comités Théodule, dans la mesure où nous nous trouvons dans une période où il faut faire des économies.

Cela étant, mes chers collègues, je vous alerte sur le fait que l’on crée de nouvelles missions, qu’on les confie à des autorités existantes, sans pour autant leur fournir des effectifs supplémentaires. Et, après, on parlera des difficultés au travail !

Je comprends qu’il faille refuser de créer des organismes supplémentaires, mais il faut avoir en tête que l’instauration de nouvelles missions sans effectifs supplémentaires est synonyme pour ces autorités de nouvelles difficultés en perspective.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Les deux amendements qui ont été présentés, même si l’un d’entre eux a déjà été rejeté, renvoient à des débats anciens.

Il faudra certainement que la profession soit capable de se rassembler pour faire des propositions concrètes en matière de déontologie. Cela fait des années que j’entends sans arrêt des avis différents sur le sujet. On peut, par exemple, créer une commission, comme vous le proposez, ma chère collègue. J’ai reçu à plusieurs reprises des personnes qui m’ont suggéré la même chose. Les assises de la presse auraient pu faire émerger une instance de ce type.

On a également abordé la question du statut des rédactions. On a même parlé d’une loi. Si les rédactions étaient constituées en entités juridiques, cela simplifierait en effet beaucoup nos débats.

Pour autant, déposer des amendements sur un dispositif qui a sa propre cohérence ne me paraît pas pertinent. Et la cohérence dans cette loi, mes chers collègues, c’est le CSA ! Je sais qu’il existe une certaine méfiance à son égard, mais attention à ne pas trop charger la barque ! Il faut arrêter de répéter qu’il n’est pas une autorité indépendante, alors même que nous avons restauré son indépendance en prévoyant que ses membres sont forcément désignés de façon consensuelle grâce à un vote à la majorité des trois cinquièmes.

Cela étant, les amendements posent des questions importantes. S’il faut réclamer davantage d’effectifs pour le CSA, madame Blandin, faisons-le au moment de l’examen du budget. Ce sera en effet à l’ordre du jour. En attendant, je pense sincèrement que créer une instance dont les missions seraient à peu près identiques à celles du CSA ne tient pas la route dans le contexte actuel, qui plus est si personne n’en définit la composition ou les missions et ne consulte l’ensemble de la profession concernée.

À mon sens, votre amendement est plutôt un amendement d’appel, et j’invite nos collègues à ne pas l’adopter.

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.

M. Pierre Laurent. Il me semble dommage de ne pas adopter ces amendements, parce que, je le répète, ils constituent le meilleur moyen pour que l’article 2 ne demeure pas un vœu pieux.

M. Pierre Laurent. En l’occurrence, l’amendement de Mme Blandin n’a pas pour objet de créer une autorité indépendante de plus, puisqu’il est question de créer une commission nationale paritaire de déontologie.

Pour vraiment avancer sur le sujet, il faudrait marcher sur nos deux pieds. On peut certes faire jouer un rôle à l’autorité indépendante qu’est le CSA, mais il faut aussi donner des pouvoirs supplémentaires aux journalistes pour qu’ils puissent exercer leur rôle au sein de la profession.

Comme je l’indiquais précédemment, je note là une contradiction : lorsqu’on évoque les comités d’entreprise, on nous répond que ce n’est ni le lieu ni le moment d’en parler mais que les journalistes doivent vraiment disposer de davantage de pouvoir ; quand on débat de la manière de leur en donner davantage, on nous rétorque que ce n’est pas non plus le moment d’en discuter !

Quitte à adopter un article qui confie au CSA la mission de garantir l’indépendance et le pluralisme de l’information, faisons en sorte de voter un dispositif qui lui donne vraiment les moyens de l’exercer en accroissant le pouvoir d’autorégulation de la profession sur ces questions.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 65.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 51, présenté par MM. Assouline et Guillaume, Mme Blondin, M. Carrère, Mmes D. Gillot et Lepage, MM. Magner et Manable, Mme S. Robert et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3, première phrase

Supprimer les mots :

à l'honnêteté,

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Il n’est pas opportun de confier au CSA le soin de veiller à l’honnêteté de l’information et des programmes, au même titre qu’il veillera à l’avenir à leur indépendance et au pluralisme. Un tel contrôle par l’instance de régulation me semble de nature à permettre la remise en cause d’une ligne choisie, par exemple, par la presse d’opinion. On peut parfois juger cette presse malhonnête, mais elle doit pouvoir jouer son rôle !

Rien n’est moins subjectif que le terme « honnêteté » appliqué au traitement de l’information. D’ailleurs, il n’est nulle part prévu dans la loi de 1986 que le CSA a, au titre de ses missions, le devoir de contrôler l’honnêteté de qui que ce soit ou de quoi que ce soit !

Mme Audrey Azoulay, ministre. Si !

M. David Assouline. J’ai peut-être mal lu le texte…

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Nous avons déjà eu ce débat en commission. Il nous est apparu difficile de confier au CSA la mission de veiller à l’honnêteté de l’information. Malgré tout, ce principe doit rester un objectif incontournable.

La commission a donc décidé de s’en remettre à la sagesse du Sénat et souhaite entendre l’avis du Gouvernement sur ce point.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Audrey Azoulay, ministre. L’article 28 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dispose que « la délivrance des autorisations d'usage […] pour chaque nouveau service diffusé par voie hertzienne terrestre […] est subordonnée à la conclusion d'une convention passée entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel au nom de l'État et la personne qui demande l'autorisation ». Avant de lister les différents points sur lesquels portent les conventions, la loi prévoit bien que celles-ci doivent être conclues « dans le respect de l'honnêteté et du pluralisme de l'information et des programmes et des règles générales fixées en application de la présente loi ». Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs souligné que ces conventions devaient impérativement respecter cette obligation.

La notion d’« honnêteté » appliquée à l’information vise évidemment à créer, non pas un contrôle sur la presse d’opinion – cela n’a jamais été appliqué en ce sens –, ce qui serait par ailleurs absolument en dehors du rôle du CSA, mais une obligation de vérifier le bien-fondé et les sources de l’information et d’être comptable du fait que l’information incertaine doit être présentée au conditionnel. Elle vise aussi à créer l’obligation pour l’éditeur de services, par exemple, de ne pas modifier le contenu et le sens des images grâce aux procédés technologiques dans le cadre des émissions d’information et d’en avertir le public, lorsqu’il le fait, dans le cadre des émissions qui ne sont pas des émissions d’information. Ce sont des engagements auxquels souscrivent les éditeurs au moment de la signature d’une convention avec le CSA et qui sont déjà prévus par notre droit.

À mon sens, le respect de l’honnêteté des programmes et de l’information figure déjà de façon générale parmi les missions du CSA lorsqu’il conclut des conventions avec les éditeurs. C’est pourquoi le Gouvernement vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. Monsieur Assouline, l'amendement n° 51 est-il maintenu ?

M. David Assouline. Le problème est que le passage de la loi de 1986 que vous venez de nous lire, madame la ministre, vise les conventions passées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel. L’article 2 de la présente proposition de loi que je souhaite amender vise, quant à lui, l'honnêteté « de l'information et des programmes ». La rédaction retenue laisse entendre que le CSA pourra agir à l’avenir de manière plus réactive et plus régulière, ce qui peut susciter de sa part un certain interventionnisme. Or on a déjà pu voir combien les journalistes, les syndicats, voire les responsables d’entreprises de presse ont du mal à accepter que le CSA dispose d’une compétence en la matière. On a également pu l’entendre dans cet hémicycle.

Quand il est question de confier des missions au CSA en matière d’indépendance, de pluralisme ou de liberté de l’information, les choses sont relativement claires. Tout le monde souhaite également que l’honnêteté de l’information et des programmes soit garantie. Néanmoins, on peut craindre que le CSA ne se livre à des interprétations sur l’honnêteté des programmes qui ne conviennent pas à tout le monde.

En d’autres termes, madame la ministre, vous n’avez fait que décliner dans votre intervention ce qui est communément accepté dans le secteur audiovisuel, comme le fait qu’il est interdit de réaliser des montages en utilisant des images tronquées ou qu’il est obligatoire de vérifier ses sources.

S’agissant de la presse, il m’arrive fréquemment de penser, compte tenu de mes idées politiques, que certains titres sont tout simplement malhonnêtes. Pour autant, c’est leur droit de l’être d’une certaine façon, puisqu’ils relèvent de la presse d’opinion. Je ne voudrais pas que l’introduction du terme « honnêteté » dans le texte puisse entraîner des abus.

Cela étant, puisque vous me le demandez, madame la ministre, je retire mon amendement. J’ai posé le problème. J’espère qu’aucune controverse ne naîtra demain d’avis pris par le CSA sur le fondement de ce texte et qui porteraient atteinte à la liberté des journalistes et de la presse d’opinion.