M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Nous pensons – et c’est justement un ajout de la commission – qu’obliger les accords de branche à comprendre un accord de méthode applicable aux négociations en entreprise montre que les branches ont un rôle support pour un certain nombre d’entreprises qui d’elles-mêmes ne peuvent pas avoir toutes les clés pour rédiger.

La branche a donc un vrai rôle support pour les PME et les ETI. Nous le croyons ! C’est pourquoi l’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Il s’agit également d’un avis défavorable.

Nous pouvons être étonnés : en regardant l’objet de l’amendement, on remarque que ses auteurs s’opposent au principe de faveur et à une prérogative nouvelle donnée à l’accord de branche…

Les alinéas 13 et 14 prévoient justement qu’un accord de méthode défini au niveau de la branche s’applique aux entreprises. C’est la réalité !

M. Dominique Watrin. Mais il n’y a pas d’effet juridique !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Par ailleurs, en ce qui concerne la question précise que vous m’avez posée au sujet du décret en Conseil d’État relatif aux informations liées à la consultation annuelle sur la situation économique et financière de l’entreprise, il sortira dans les prochains jours.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 613.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 323 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 332
Pour l’adoption 24
Contre 308

Le Sénat n’a pas adopté.

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 612, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 21 et 22

Rédiger ainsi ces alinéas :

« La convention ou l’accord est conclu pour une durée indéterminée, sauf stipulation contraire.

« Lorsque la convention ou l’accord arrive à expiration, il poursuit ses effets à durée indéterminée à défaut de conclusion d’une nouvelle convention ou d’un nouvel accord conclu dans le même champ d’application et stipulant sa vocation à se substituer au précédent. » ;

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Cet amendement vise à réaffirmer le caractère indéterminé de la durée des accords collectifs conclus, tout en laissant la possibilité, pour les partenaires sociaux, de signer des accords à durée déterminée.

Les dispositions actuellement prévues par le code du travail, en particulier son article L. 2222–4 portant sur la détermination de la durée des conventions et accords, prévoient que les conventions et accords collectifs sont conclus pour une durée déterminée ou indéterminée.

Quant à lui, l’article 7 du projet de loi instaure, en l’état, une durée maximale de validité de cinq ans.

Cela pose problème, car, dans un contexte économique où le rapport de force est défavorable aux salariés, il s’agit d’une disposition régressive pour ces derniers, puisque tous les cinq ans les accords signés pourront être remis en cause par des dispositions moins favorables.

De plus, il est impensable que la convention cesse de produire ses effets, dès lors qu’elle arrive à expiration.

La seule éventualité d’un retour en arrière tous les cinq ans contreviendrait clairement à l’esprit même des accords de branche, puisque la négociation collective résulte des luttes sociales, qui ont émaillé l’histoire du pays.

Les conventions et accords doivent être synonymes de progrès social et, en aucune manière, de régression.

Cela ne contribuera qu’à mettre, une fois de plus, les salariés en situation défavorable.

En effet, dans ce cas de figure, l’employeur aura tout intérêt à ne pas signer un accord avant les cinq ans et, ainsi, revenir à une page vierge.

Les salariés devront à nouveau se battre, afin d’obtenir a minima ce qu’ils avaient auparavant. Compte tenu du contexte économique, ces derniers seront lésés dans le cadre d’un rapport de force inégalitaire.

Garantir l’intérêt des salariés est de notre devoir. Ils sont la clef de voûte de notre économie. Aujourd’hui et demain, ils font et feront l’avenir économique de la France. Les défendre, c’est créer les conditions d’une meilleure santé économique de notre pays.

M. le président. L’amendement n° 411, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher, est ainsi libellé :

Alinéa 21

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Cet amendement s’inscrit dans la même tonalité.

Il y a, aujourd’hui, une possibilité de conclure des accords à durée indéterminée.

Il s’agirait, maintenant, d’accords à durée déterminée de cinq ans.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Oui ! Un quinquennat !

M. Jean Desessard. J’espère que le rapporteur va m’expliquer en quoi cinq ans, c’est mieux qu’indéterminé.

Il va me dire que c’est plus court…

M. Olivier Cadic. Pas forcément !

M. Jean Desessard. Ah bon ? Une durée de cinq ans me semble plus courte qu’une durée indéterminée, non ?

Une durée indéterminée présente l’avantage de pouvoir négocier quand on le souhaite.

J’ai donc quelques interrogations.

Pour un salarié, il est tout de même préférable d’avoir un contrat à durée indéterminée, plutôt qu’un contrat à durée déterminée.

Si on prend la même logique, c’est mieux d’avoir un accord à durée indéterminée qu’un accord à durée déterminée !

Peut-être existe-t-il une explication cachée, que Mme la ministre va nous révéler ?

Je suppose que cela a été discuté avec la CFDT…

Mme Myriam El Khomri, ministre. Pas seulement !

M. Jean Desessard. Peut-être pourrez-vous nous dire, sans trahir le secret des négociations, quel est l’intérêt de la CFDT à refaire la discussion tous les cinq ans et à ne pas laisser la possibilité d’accords à durée indéterminée ?

Là, c’est par défaut : si on lit exactement le texte, on voit qu’on peut fixer une durée, mais par défaut, c’est cinq ans.

On pourrait penser le contraire et fixer, par défaut, une durée indéterminée, comme pour un contrat de travail.

Vous, vous mettez que, par défaut, c’est cinq ans !

M. le président. L'amendement n° 305, présenté par Mme Lienemann, MM. Cabanel et Labazée, Mme Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Godefroy et Jeansannetas, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 22

Remplacer les mots :

cesse de produire ses effets

par les mots :

s’applique jusqu’à la conclusion d’une nouvelle convention ou d’un nouvel accord

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mes collègues du groupe socialiste et républicain et moi-même pouvons très bien comprendre qu’au regard des fréquentes mutations dans les entreprises, on souhaite une renégociation plus régulière des conventions collectives, ce qui explique le délai de cinq ans.

Pour autant, nous sommes très attachés à ce que les salariés soient assurés que le dialogue social se déroule dans la sérénité.

Pour cela, il faut qu’ils demeurent sous l’emprise des accords collectifs en vigueur et que la négociation du nouvel accord se déroule dans des conditions sécurisées.

Cela vaut d’ailleurs aussi bien pour les employeurs que pour les salariés.

La loi étant faite non pas pour régler des situations idéales, mais pour prévoir et anticiper le règlement de problèmes éventuels, il nous paraît quelque peu aventureux de compter sur une négociation anticipée systématique des nouvelles conventions avant l’expiration des précédentes.

C’est pourquoi notre amendement vise à la fois à éviter une situation de vide juridique et à s’assurer que la protection des salariés est pérennisée après l’expiration des conventions. (M. Didier Guillaume applaudit.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission a donné des avis défavorables sur ces trois amendements.

Actuellement, il est en effet prévu que les accords soient à durée indéterminée. Le rapport Combrexelle pointait que l’élément de confort que procurait le caractère indéterminé était néfaste pour la vitalité du dialogue social.

Dans l’idée de le revitaliser, il apparaît pertinent de prévoir une borne à titre supplétif, les partenaires sociaux gardant la possibilité de déterminer la durée de l’accord, y compris une durée indéterminée. À défaut d’accord entre eux, c’est cette durée de cinq ans qui sera retenue.

En revanche, prévoir le caractère indéterminé à titre supplétif n’aurait pas incité les partenaires à se mettre autour de la table régulièrement.

Telle est la logique ayant animé la commission dans sa majorité, qui rejoint d’ailleurs la philosophie du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement a également donné trois avis défavorables.

Aujourd’hui, sans clause précise, il faut savoir qu’un accord est considéré comme étant à durée indéterminée.

Quel est le résultat ? Il y a 240 branches qui n’ont pas négocié depuis plus de dix ans. L’objectif de ce texte est donc de rendre le processus de négociation plus dynamique.

Aussi, nous avons choisi de dire qu’à défaut de clause dans l’accord, celui-ci a une durée de cinq ans. Seulement, une clause peut prévoir qu’il s’agit d’un accord à durée indéterminée, d’un accord à durée plus courte ou à durée plus longue.

Cette précision est essentielle, car la persistance d’accords de branche qui ne sont pas négociés sur plusieurs années pénalise les salariés, notamment des plus petites entreprises, sur la question des salaires, de la formation, bref, sur des sujets très concrets.

L’enjeu est donc bien de rendre la négociation plus dynamique. C’est pourquoi Jean-Denis Combrexelle préconisait que tous les accords soient à durée déterminée. Nous avons retenu une solution un peu différente, que je viens de vous décrire, mais nous avons aussi la volonté de dynamiser le processus.

Par ailleurs, madame Lienemann, l’idée n’est pas de créer un vide juridique, mais d’inciter les acteurs à se mettre autour de la table, soit pour prolonger l’accord, ce qu’ils peuvent tout à fait décider, soit pour négocier un autre accord. Il faut donc qu’ils se mettent d’accord sur une clause au moment de la signature. Je le répète, il peut s’agir d’une durée indéterminée, mais nous avons la volonté de les forcer à se mettre autour de la table plus régulièrement.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. J’ai bien entendu les arguments tant de M. le rapporteur que de Mme la ministre, mais, pour notre part, nous nous efforçons justement de tenir compte de la situation dans les entreprises, que nous connaissons bien, et de celle du mouvement syndical et de sa capacité à engager des discussions à l’intérieur des entreprises.

À travers notre amendement, nous souhaitons garder une protection pour les secteurs fragiles. Dire que pousser à des négociations tous les cinq ans revient à dynamiser, cela vaut pour un monde idéal, avec des structures développées et des représentations syndicales fortes. Or, vous le savez, tel n’est pas le cas aujourd’hui, et dans les secteurs les plus fragiles, les salariés n’y gagneront pas. Il faut donc les protéger quand ils n’ont pas la capacité d’engager un véritable dialogue social.

Nous ne souhaitons donc pas inverser la règle : l’accord doit être, pour nous, à durée indéterminée, sauf clause contraire, afin de ne pas fragiliser les salariés.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. En l’occurrence, madame la ministre, le rapport dont nous avons parlé hier ou avant-hier serait utile.

Dans les 240 branches qui n’ont pas renégocié un accord, les salariés sont-ils pénalisés ou avantagés ? Là est la question !

Il aurait été intéressant de savoir ce qui a bloqué la demande de négociation. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.)

Quand les gens sont contents, ils ne demandent rien ; quand ils sont mécontents, ils demandent à renégocier.

M. Jean Desessard. On ne sait pas exactement si l’absence de négociation dans ces branches est un signe de stabilité sereine, bienheureuse, ou un signe de blocage de la part de l’une ou l’autre des parties.

Pour ma part, je manque d’éléments sur ce point. Je ne vous en tiens pas rigueur, madame la ministre, car j’aurais pu moi-même faire les démarches et travailler la question.

En l’état, je retire mon amendement, car je suis circonspect.

M. le président. L’amendement n° 411 est retiré.

La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.

M. Dominique Watrin. Pour notre part, nous maintenons notre amendement, car ce point est important.

Je partage ce que vient de dire notre collègue Jean Desessard sur la complexité du sujet, qui n’appelle pas forcément de recette miracle. À tout le moins, nous devons éviter de faire en sorte que les salariés ne se retrouvent du jour au lendemain en ayant perdu un nombre considérable d’avantages individuels acquis. C’est bien le fond de la question.

Je mène cette réflexion parce que je suis concerné par un cas précis dans ma circonscription. La papeterie Reno de Medici, RDM, remet en question l’accord d’entreprise pour revenir à l’accord de branche, moins avantageux, sous prétexte que l’entreprise n’a pas reçu l’aide qu’elle avait demandée auprès de la BPI pour financer des investissements.

En l’occurrence, il s’agit non pas d’une volonté de dynamiser la négociation, mais d’une décision brutale de l’employeur, qui veut faire payer aux salariés un problème de financement auprès d’un organisme bancaire. Aujourd’hui, un bras de fer juridique est engagé, car il ne s’agit pas de problèmes secondaires : la prime d’ancienneté passe de 20 % à 15 %, les primes de nuit passent de 25 % à 15 %, la perte du treizième mois, la majoration des jours fériés passe à 50 % au lieu de 100 %, etc.

Notre amendement a pour objet de prémunir les salariés contre cette brutalité, en faisant en sorte que l’accord continue à produire ses effets en attendant la conclusion d’un autre accord. C’est déjà un bon garde-fou.

Après est posée la question du maintien des avantages individuels acquis, or, dans ce projet de loi, j’ai remarqué que ces avantages étaient réduits à la portion congrue, c’est-à-dire à la seule question des rémunérations, en particulier de la rémunération mensuelle. Pourtant, je viens de citer bien d’autres sujets qui peuvent être sources de reculs sociaux.

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Olivier Cadic. J’appuie la démarche de M. le rapporteur et de Mme la ministre.

D’après l’expérience que j’ai eue, en Norvège ou en Suède, des discussions avec les partenaires sociaux, ce rendez-vous régulier est vu comme un signe de vitalité pour le dialogue social. C’est important. Il permet aussi de se confronter ensemble aux problématiques que l’on peut rencontrer.

Monsieur Watrin, je ne comprends pas bien votre argumentation. Depuis le début de la discussion, vous ne cessez de nous expliquer que vous êtes contre l’inversion de la hiérarchie des normes. En l’occurrence, vous êtes en présence d’une entreprise qui propose de meilleures conditions que la branche…

M. Dominique Watrin. Non, c’est l’inverse !

M. Olivier Cadic. C’est pourtant ce que vous avez dit, donc j’étais un peu étonné. Vous dites que l’accord de branche était moins favorable que l’accord d’entreprise…

M. Dominique Watrin. Ce n’est pas ce que je voulais dire.

M. Olivier Cadic. C’est ce que j’avais compris, donc je vous remercie de la clarification.

Cela étant, il est nécessaire de prévoir une réévaluation régulière des accords, ce qui permet d’évoluer en cas de coup dur. C’est ainsi que la flexibilité est justifiée en Norvège. Il importe de prévoir des rendez-vous, par exemple tous les trois ans, pour anticiper les problèmes en changeant certaines dispositions. Mettre un tel cadre dans les textes me semble donc judicieux.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Le groupe socialiste et républicain avait souhaité que des garanties soient prévues pour que les salariés ne se retrouvent pas, avant la signature de la nouvelle convention, dans une situation où la précédente convention ne serait pas respectée.

Comme nous ne faisons pas tous la même évaluation de la réponse du Gouvernement, je me propose de retirer l’amendement n° 305, que j’avais moi-même déposé au nom du groupe.

À titre personnel, j’étais prête à accepter que les conventions soient courtes, pour qu’il y ait une dynamique de renégociation, mais je veux être sûre qu’il n’y aura pas de recul. Aussi, je souhaite que la convention précédente continue à courir tant que la nouvelle n’est pas signée. Faute d’avoir obtenu cette garantie, je me rallie à l’amendement du groupe CRC, qui va plus loin que ce que je souhaitais, mais qui garantit qu’il n’y aura pas de recul ou d’insécurité juridique.

Je retire l’amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 305 est retiré.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Myriam El Khomri, ministre. Je veux juste répondre à M. Desessard sur les 240 branches qui n’ont pas négocié. Il peut s’agir, par exemple, des bouchers lorrains, car il y a des branches territoriales. Mais quand une branche n’a pas négocié depuis vingt-cinq ans, c’est toujours synonyme de droits en moins pour les salariés.

En effet, les classifications sont tassées, et il n’y a donc pas d’évolutions de carrières grâce à des passerelles ou à des formations.

C’est pourquoi il faut absolument rendre la négociation collective plus dynamique. On ne peut pas laisser encore 42 branches avec un coefficient inférieur au SMIC.

D’où viennent les blocages ? Ils peuvent venir de la partie patronale, qui n’a pas intérêt à faire remonter certains coefficients pour des questions de classification. Ils peuvent aussi venir de la partie syndicale, qui refuse une proposition de modification patronale.

Nous, nous voulons que les partenaires sociaux, au moment où ils vont signer un accord, réfléchissent ensemble à sa durée. S’ils ne se mettent pas d’accord sur une clause plus courte, plus longue ou indéterminée, l’accord est réputé durer cinq ans. L’idée, c’est d’éviter qu’il n’y ait pas de négociation pendant de nombreuses années.

Nous sommes sur une question de méthode afin de revitaliser la négociation collective dans notre pays, et ce dans le cadre plus global de la restructuration des branches.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 612.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 614, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 33

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. La question de la publicité des accords collectifs comme des conventions collectives ne se résume pas à nos yeux à un simple problème de support technique.

Elle répond aussi à une exigence de clarté et de transparence dans le dialogue social

Dans la rédaction présentée dans le texte du projet de loi, la publication électronique de l’accord suffit pour lui donner une certaine forme de validité. Le problème n’est pas tant dans l’opposition ou non à la publication d’un accord par voie électronique, il est aussi dans la possibilité de dénonciation du contenu de l’accord par l’une ou plusieurs des parties.

Dans sa rédaction actuelle, le code du travail, dans sa partie réglementaire, indique que les administrations compétentes, autant que les signataires, sont les destinataires naturels d’une version papier desdits accords et conventions.

Cette mesure pose également problème en ce qu’elle est susceptible d’entrer en contradiction avec le contenu des articles relatifs à la dénonciation éventuelle des accords. Je rappelle que l’article L. 2231-9 actuel du code du travail dispose : « Les conventions et accords frappés d’opposition majoritaire, ainsi que ceux qui n’ont pas obtenu l’approbation de la majorité des salariés, en application des dispositions du chapitre II, sont réputés non écrits. »

C’est donc aussi pour ces motifs que nous vous proposons d’adopter cet amendement, qui vise à supprimer l’alinéa 33 de l’article 7.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable à cet amendement, qui revient sur une disposition adoptée par la commission le 1er juin.

Nous avions souhaité que la création du portail prévu par le Gouvernement permette un allégement des contraintes et une véritable simplification. Le fait de déposer l’accord sur le portail peut entraîner un système de notification à toutes les administrations concernées. C’est tout l’intérêt des nouvelles technologies que d’autoriser une telle simplification, qui est souhaitable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. L’avis du Gouvernement est favorable. Je conçois bien la complexité qu’une telle disposition peut représenter pour l’entreprise.

Dans ce que nous avons mis en place, il y a une seule démarche. La publicité des accords, dont l’article 7 prévoit la généralisation, n’impose pas de formalité supplémentaire, car elle se fera dans la foulée du dépôt.

La formalité de dépôt va être encore simplifiée, car notre objectif est de permettre, à terme, un dépôt dématérialisé pour tous les accords. Ce point me paraît essentiel.

Enfin, il importe de maintenir la base nationale des accords d’entreprise, faute de quoi nous n’aurions aucune information d’ensemble, ce qui serait préjudiciable au rôle de recommandation susceptible d’être joué par les branches au sujet de ces accords.

Ce qui est essentiel dans cet article, c’est la publicité des accords. On doit assurer la connaissance et, en même temps, la sécurité juridique et la simplification. Il ne doit donc y avoir qu’une démarche à faire. (Mme Evelyne Yonnet opine.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 614.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 324 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l’adoption 153
Contre 188

Le Sénat n’a pas adopté.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 306 est présenté par Mme Lienemann, M. Labazée, Mme Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Godefroy et Jeansannetas, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain.

L'amendement n° 615 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 34

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 306.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet amendement, présenté par le groupe socialiste et républicain, vise à proposer une nouvelle mesure de clarté et de sécurisation du dialogue social.

Aux termes de l’alinéa 34 de l’article 7, un signataire peut s’opposer à la publication d’une convention ou d’un accord s’il estime qu’elle serait préjudiciable à l’entreprise.

Cette rédaction nous a laissés perplexes et quelque peu inquiets.

Elle conduit en effet à penser que c’est l’employeur qui pourrait vouloir s’opposer à une publication. Pour quelle raison ? Les accords collectifs d’entreprise ne contiennent pas de secret de fabrication ! Les accords de maintien ou développement de l’emploi ne doivent contenir aucune clause destinée à demeurer confidentielle !

Par ailleurs, quel représentant du personnel s’opposerait à la publication d’un accord et pour quel motif ? La possibilité d’accords secrets ou comportant des clauses secrètes serait une véritable tumeur dans un dialogue social que nous voulons tous voir développé. Elle créerait une nouvelle défiance à l’égard des signataires.

De plus, la non-publication ne manquerait pas d’aboutir à des rumeurs, à des fuites génératrices de conflits et de contentieux. Elle s’avérera donc de fait inapplicable.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l'amendement n° 615.

Mme Cécile Cukierman. Effectivement, cet alinéa 34 prévoit, comme l’a rappelé notre collègue Marie-Noëlle Lienemann, qu’un signataire peut s’opposer à la publication d’un accord collectif dans une base de données nationale s’il estime que sa diffusion serait préjudiciable à l’entreprise. Or cette mesure est contraire aux exigences de transparence et, ainsi que vous l’avez souligné, madame la ministre, à l’enjeu de publicité des accords que nécessite la démocratie, a fortiori dans le cadre de l’entreprise.

Quelle raison pourrait justifier de passer outre cette obligation de transparence sur laquelle nous sommes en partie d’accord ici ? Je n’ose penser qu’il s’agit seulement d’une solidarité patronale, qui viserait à empêcher que la publicité des accords positifs pour les salariés ne conduise à les voir se multiplier. Nous avons eu beau tourner et retourner la question, il n’y a pourtant pas d’autre raison à un tel refus !

En effet, le préjudice en termes de concurrence de la publication d’accords collectifs qui est invoqué est négligeable tant les informations divulguées ne représentent pas de réels risques pour les entreprises face à leurs concurrents et intéressent assez peu les marchés financiers.

Derrière cet argument, il s’agit donc plus sûrement de ne pas permettre à des accords contenant des mesures progressistes de se diffuser, car ils pourraient ainsi inspirer d’autres négociateurs dans d’autres entreprises. On nous demande ici d’outrepasser l’exigence constitutionnelle de publicité des normes inhérente à l’état de droit pour des raisons bien insuffisantes et contraires aux intérêts des salariés.

D’où cet amendement visant à supprimer l’alinéa 34 de l’article 7.