Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Pierre Laurent.

M. Pierre Laurent. Madame la présidente, madame la ministre, madame, monsieur les rapporteurs, nous arrivons au terme d’un long et fructueux débat au Sénat, qui a duré plus de cinquante heures.

Le groupe CRC a défendu sa vision d’un monde de la culture, des arts, de l’architecture et du patrimoine accessible à toutes et à tous, au service d’une société de liberté et d’émancipation humaine.

Pour que cette ambition ne se limite pas à des mots, nous avons soutenu les deux piliers sans lesquels il n’est rien : d’abord, donner les moyens aux créateurs de toutes disciplines de protéger leur travail et leur liberté ; ensuite, conduire et promouvoir en tous domaines des politiques audacieuses de service public. Il aurait aussi fallu, à nos yeux, parler des moyens budgétaires et construire une vraie loi d’orientation et de programmation. Nous l’avons dit dès le début de l’examen de ce texte, cette audace n’est au pas rendez-vous, mais nous y reviendrons très bientôt à l’occasion du débat budgétaire. Nous espérons que les actes suivront les ambitions affichées par ce texte – du moins travaillerons-nous pour qu’il en soit ainsi !

Grâce au débat législatif, le projet de loi s’est toutefois enrichi et comporte des avancées que nous apprécions.

Nous saluons la consécration législative de la liberté de création et de diffusion, comme le sens donné dans les premiers articles aux nécessaires politiques publiques ou le renforcement de la politique des labels. C’est une étape importante, qui demandera encore beaucoup de combats en matière de liberté de création. La polémique affligeante née ces derniers jours à propos d’une fresque éphémère de street art à Grenoble en dit long sur le chemin qui reste devant nous !

Le groupe CRC approuve aussi des dispositions, notamment dans le titre Ier, qui étendent à de nouveaux usages les garanties de rémunérations des artistes. En effet, nous estimons que, pour garantir la liberté de création et de diffusion, encore faut-il réunir les conditions de son effectivité.

Cet objectif, que visent notamment les mesures tendant au partage de la valeur créée dans les nouveaux circuits numériques, a notre soutien. Citons pêle-mêle, et même si elles ne sont pas parfaites, les mesures sur les web radios, le NPVR, les relations contractuelles entre artistes-interprètes et producteurs, la transparence des comptes, l’application des droits d’auteurs dans le cadre des structures de référencement.

Toutefois, d’autres points susciteront le maintien de notre vigilance. Je pense aux quotas radiophoniques, domaine dans lequel le compromis trouvé sous la pression justifiée des auteurs reste, à nos yeux, fragile. La défense de la création française ne doit souffrir d’aucune exception et nous continuerons à suivre de très près le respect de cette exigence.

Plus problématique est l’élargissement des possibilités de recours dans le cadre de spectacles à but lucratif à des artistes amateurs non rémunérés – ce fut l’un de nos débats. Certes, les discussions menées encadrent cette possibilité et le décret sera très important, mais le fait est là : sous prétexte de valorisation de la pratique amateur, objectif auquel nous souscrivons, le texte légalise trop, selon nous, la mise en concurrence des amateurs et des professionnels, avec le risque évident d’encourager la non-rémunération du travail artistique.

Ce point est l’une de nos réticences majeures sur le texte final. Nous veillerons à ce que les dérives que le Gouvernement prétend encadrer ne deviennent pas réalité.

Par ailleurs, le groupe CRC s’oppose à la fragmentation qu’opère le texte en matière d’enseignement supérieur et de recherche, prenant le risque d’isoler de fait des structures d’excellence de filières universitaires à la qualité reconnue.

Toujours sur cette partie du texte, nous regrettons que notre position de conciliation relative au 1 % artistique ait été balayée pour revenir, en définitive, peu ou prou à la version insatisfaisante de l’Assemblée nationale.

Sur l’architecture, nous nous félicitons des dispositions du texte portant reconnaissance de l’excellence architecturale et du rôle majeur des architectes dans la constitution d’un patrimoine immobilier et de zones d’habitation qui soient des lieux de vie de qualité pour leurs habitants et pour la société. Le consensus trouvé sur l’article 26 quater et le projet d’aménagement, l’identification de la maîtrise d’œuvre et les délais incitatifs nous conviennent.

Concernant le volet consacré au patrimoine, notre groupe est plus critique. Nous saluons les dispositions allant dans le sens d’une meilleure protection du patrimoine : je pense à la réforme du régime de propriété des biens découverts, à la réforme des domaines nationaux ou à la mise en sécurité auprès de l’État de biens culturels appartenant à des États étrangers en situation de guerre ou de catastrophe naturelle.

Toutefois, notre désaccord subsiste sur l’archéologie préventive. Le texte ne remet en cause que trop à la marge l’ouverture à la concurrence de 2003, qui a durablement fragilisé le secteur.

L’autorisation de la sous-traitance, couplée à la mise en concurrence, certes atténuée par la commission mixte paritaire, des services territoriaux entre eux, porte le risque de conduire à un nouvel affaiblissement du service public de l’archéologie préventive.

Ainsi, la volonté affichée de réaffirmer le rôle de l’État en la matière nous semble encore trop diluée, même si la commission mixte paritaire a permis de réintroduire quelques éléments positifs comme la convention préalable ou la réception par les services de l’État de toutes les offres d’opérateurs avant l’attribution de marché.

Un vaste débat a également été consacré au crédit d’impôt recherche. Nous regrettons profondément que, sous la pression de la droite, les députés aient renoncé à mettre fin à ce recours au crédit d’impôt recherche, qui relève plus de l’effet d’aubaine fiscale que d’une véritable vocation de recherche. Personne ne nous a convaincus du contraire ! L’appel à la patience lancé par Mme la ministre ne peut pas nous satisfaire, car les dégâts sont là et ils vont perdurer !

Sur la protection du patrimoine bâti, notre groupe s’inquiète de la réforme des abords, car elle risque de faire « des abords à la carte » la règle, et du périmètre des 500 mètres l’exception. Pour nous, le patrimoine ne doit pas devenir une variable d’ajustement au profit d’une logique censée libérer toujours plus de sols constructibles et, en vérité, favorable à de nouvelles opérations immobilières. Enfin, nous déplorons que cette réforme porte en creux une forme de défiance à l’égard des 120 architectes des Bâtiments de France.

Dernier regret, le recours trop important aux habilitations par ordonnances dans cette loi, notamment sur des sujets aussi centraux que l’octroi des aides financières au cinéma.

Au total, madame la ministre, nous nous abstiendrons sur ce texte, qui comporte, certes, des avancées, mais est bien loin de l’audace que nous attendions et que mérite l’ambition culturelle de la France ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Madame la ministre, madame, monsieur les rapporteurs, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, nous allons pouvoir adopter les conclusions de la commission mixte paritaire sur ce texte, qui termine enfin son long parcours commencé pendant l’année 2013.

Ce vote est important au moment où, en France, comme dans toute l’Europe, les sociétés sont secouées par des polémiques, déchirées par des fractures et des violences de toutes sortes, physiques et verbales. Ceux qui veulent attiser la haine se servent très souvent de la culture comme d’une cible.

Dans un tel climat, il n’est pas anodin que nos deux assemblées se rapprochent et tendent vers l’unanimité pour envoyer un message d’unité dans le domaine de la création artistique et de la défense de notre patrimoine.

Finalement, quand nous prenons le temps du débat pour nous écouter mutuellement et élaborer un projet collectif, nous pouvons nous rassembler. En effet, l’intelligence rassemble, alors que la simplicité des polémiques auxquelles les politiques succombent parfois dans le débat public divise inutilement.

Il me paraît important de le souligner au seuil d’une période électorale au cours de laquelle je crains que la culture ne soit utilisée pour créer des fractures, au moyen de thématiques comme celle de l’identité. Or la culture est au cœur de notre identité républicaine. Eh bien, nos assemblées ont anticipé ! Elles ont montré que, si nous voulons travailler sérieusement dans l’écoute mutuelle, nous sommes capables, nous les républicains, d’envoyer un message commun tout à fait salutaire, et c’est cela que je veux saluer !

Le groupe socialiste et républicain du Sénat – au nom duquel je parle ici – a voulu être ce pont entre deux assemblées dont les majorités ont des options différentes. Nous avons su nous rassembler sans esquiver aucun des débats qui pouvaient cliver et nous séparer a priori, en défendant jusqu’au bout, les uns et les autres, des positions et des convictions.

Ainsi, je suis très content que nous ayons réussi à convaincre nos collègues de la majorité sénatoriale de l’importance d’une politique ambitieuse de service public en matière culturelle. Qu’elle relève de l’État ou des collectivités territoriales, elle doit, bien entendu, comme le souhaitait M. le rapporteur, être conduite en concertation avec tous les acteurs de la création, qu’ils interviennent à l’échelon national ou local. Ce débat était important.

Je suis également fier d’avoir proposé, au nom du groupe socialiste et républicain, l’adoption d’un article additionnel après l’article 1er bis qui acte la liberté de la diffusion de la création artistique. C’est bien cette liberté de diffusion qui est menacée quand des extrémistes s’attaquent à la création de façon illégale et violente, quand ils s’en prennent à une exposition ou veulent empêcher une représentation d’opéra ou de théâtre. Ce genre d’action se multiplie et cette intolérance se manifeste, au-delà de la France, dans toute l’Europe.

La liberté de diffusion est également menacée quand le système est menacé par la concentration voulue par ceux qui détiennent les moyens de diffusion. À quoi bon affirmer la liberté de création, si l’on ne peut pas être exposé, vu ou entendu, parce que ceux qui détiennent les moyens de diffusion uniformisent la culture à force de diffuser toujours la même chose ? Dès lors, la diversité, qui est l’essence de la création, est menacée. Assurer la liberté de diffusion, c’est donc aussi apporter une réponse à ce phénomène majeur auquel nous sommes confrontés.

Un tel compromis n’est possible qu’avec l’intervention d’acteurs. Je veux saluer les rapporteurs du Sénat qui ont très vite, après les polémiques intervenues en première lecture, pris le parti de chercher à aboutir à un texte commun – c’était à la fois un pari et une affaire de volonté !

Je veux souligner le rôle primordial joué par Mme la ministre, qui s’est inscrite dans cet état d’esprit et a permis le succès de la méthode. Les groupes de l’opposition, qui sont majoritaires au Sénat, avaient besoin d’avoir confiance pour garder intacte cette volonté. Madame la ministre, votre rôle a été important, parce que vous avez su créer cette confiance sans rien lâcher sur le fond de ce texte et sans rien renier de ses ambitions.

Certes, j’entends ceux qui constatent qu’un accord s’est dégagé pour voter ce texte et s’emploient à le déprécier, au motif qu’il ne serait pas la grande loi attendue. Eh bien, nous attendrons ! Peut-être ceux qui sont aujourd’hui dans l’opposition reviendront-ils un jour aux affaires : nous verrons quelles grandes lois ils nous proposeront sur la culture. Si tel est le cas, je peux vous assurer que nous serons toujours au rendez-vous parce que le groupe socialiste et républicain du Sénat répond toujours « présent » quand il s’agit de défendre et de promouvoir la culture !

Je vous remercie, en tout cas, madame la ministre, d’avoir fait preuve de cet état d’esprit constructif.

Je tiens à souligner le rôle qu’ont joué, au sein du groupe socialiste et républicain, celles qui ont été les chevilles ouvrières de ce travail d’équipe. Je veux parler de Maryvonne Blondin, de Sylvie Robert et de Marie-Pierre Monier, laquelle complètera les propos que je viens de tenir en évoquant les dispositions du texte relatives à l’architecture et au patrimoine.

Je me félicite que notre groupe ait pu apporter un certain nombre d’éclairages, notamment sur les articles 7 quater A, 8 et 9 quater. Je pense aussi à l’article 7 bis AA et à la nécessaire réglementation d’une innovation en ce qui concerne le cloud. Nous avons fait des propositions visant à renforcer les pouvoirs et l’indépendance du Centre national du cinéma et de l’image animée dans la lutte contre le piratage. Nous avons enrichi le texte sur le quatrième champ multiprofessionnel du spectacle vivant et enregistré. Ce n’est pas rien !

Certains sujets, peut-être parce qu’ils étaient moins polémiques, ont trouvé moins d’échos sur le plan médiatique. Je veux parler des droits, notamment sociaux, pour les professionnels du spectacle, qui ont trouvé ici une écoute.

Sans détailler davantage tous les apports du groupe socialiste et républicain, je me contenterai de dire que, au fil des débats en commission et en séance, 65 de nos amendements ont été retenus et intégrés à la rédaction du Sénat. On en retrouve 38 dans le texte final de la commission mixte paritaire. Il faut y ajouter une vingtaine de nos amendements qui ont, certes, été réécrits, mais dont l’esprit a été respecté, puisque le fond des dispositions qu’ils proposaient a été maintenu. Le groupe socialiste et républicain a donc l’impression d’avoir apporté sa contribution au travail commun.

Je voudrais, avant de terminer, revenir sur l’article 10 quater, qui concerne les photographes et les arts visuels. Sur cette question importante, je vous demande, madame la ministre, d’adresser une notification à la Commission européenne, conformément à la jurisprudence Uber, afin que nous puissions conforter cette conquête pour les arts visuels, vivement attendue par les artistes concernés.

Pour toutes ces raisons, nous voterons, bien entendu, les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Madame la présidente madame la ministre, chers collègues, il y a plusieurs raisons de se réjouir. La première est qu’après plusieurs années d’attente et d’indécision sur le périmètre du ou des projets de loi, le Parlement a été destinataire d’un texte. Ceux qui l’aiment le diront dense et exhaustif, ceux qui l’aiment moins le diront « fourre-tout ». L’important est que le contenu de la mouture qui est soumise au vote comporte des avancées pour chacun et pour les artistes.

La seconde, vraiment non négligeable par les temps qui courent, est que la démocratie a éclairé nos débats. La navette a été respectée. Le Gouvernement, par votre écoute et vos réponses, madame la ministre, n’est pas passé en force pour imposer ses convictions initiales – je pense à l’exemple symbolique du terme « cités historiques », dont chacun mesurait l’inadéquation. Les membres de la commission mixte paritaire ont su fabriquer des compromis, aux dépens de la radicalité de leurs idées initiales, mais au profit d’un accord reposant sur des avancées pour tous.

Les rapporteurs, les leaders chargés de la culture au sein des groupes politiques peuvent en être remerciés, même si les écologistes peuvent dire « sans rancune ». En effet, aucune place ne nous est faite en commission mixte paritaire, ce qui serait bien injuste si les seuls critères permettant d’y siéger étaient la motivation et le temps passé sur un sujet ! (Sourires.)

Un compromis nécessaire fut, dans un contexte de promotion des seuls architectes, la mention des compétences en matière d’urbanisme et de paysage que défendent d’autres acteurs de notre environnement.

Les collectivités territoriales ont trouvé leur juste place dans la loi, avec la reconnaissance de l’importance de leur action en matière de culture, sans toutefois que le pilotage local puisse virer à l’arbitraire.

Les structures non labellisées pourront être bénéficiaires d’une convention, ce qui permet un soutien à celles qui ne sont pas d’emblée dans des cadres reconnus.

Enfin, la liberté de création se décline en liberté de diffusion, et toute entrave sera punie, sur l’initiative de Sylvie Robert.

Les écologistes se réjouissent de l’affirmation claire des droits culturels dès l’article 2 : la reconnaissance de chacune et de chacun dans son égale dignité, jeune ou vieux, urbain ou rural, valide ou en situation de handicap, d’ici ou d’ailleurs, n’est pas un luxe pour guider une élaboration collective des politiques de la culture ! Ce n’est pas un luxe non plus pour retisser une société tentée par le morcellement !

En effet, si le marché est prompt à créer les modes et les pratiques, voire à façonner les contenus pour mieux les adapter aux « tuyaux », il tend, pour des raisons de rentabilité, à uniformiser les produits, et pour des raisons de compétitivité, à la concentration, au risque de tuer la diversité. Il ne s’adresse, de toute manière, qu’aux solvables, avec deux effets collatéraux : la frénésie consumériste chez les uns, la frustration chez les autres.

Les droits culturels – non opposables, je le précise, ce qui a complètement convaincu l’Association des maires de France, l’AMF – désormais inscrits dans deux textes, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou loi NOTRe, et la loi relative à la liberté de la création, à architecture et au patrimoine, sont la réponse d’intérêt général. Ils sont aussi la garantie d’une société où les différences se parlent, où les autres sont davantage synonymes de curiosité et d’intérêt que de peurs et de replis. Toutefois, la loi ne suffit pas et nous devrons favoriser les mises en œuvre qui restent à imaginer et à comparer d’un territoire à l’autre.

C’est aux écologistes, d’abord, puis à la gauche, suivie par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, et par la majorité du Sénat que nous devons cette avancée. Cette avancée, l’Assemblée nationale a fini par ne plus la combattre, voire par la promouvoir et l’affiner dans ses références à la convention de l’UNESCO de 2005.

Autre avancée qui a suivi le même chemin : la mise en place d’un système obligatoire de gestion des droits pour permettre la rémunération des plasticiens et photographes dont les œuvres sont reproduites par les services automatisés de référencement d’images. Six ans après ma proposition de loi n° 441, dont n’avait été retenu que l’article 1er définissant l’œuvre orpheline, le Sénat a sorti l’image fixe de son statut de création mal protégée et spoliable à l’envi !

Voilà ce que nous voulions souligner. Mes collègues ont abordé – ou aborderont – d’autres thèmes, tout aussi importants. Je préfère utiliser mes dernières secondes pour vous dire que les écologistes voteront avec plaisir ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve.

Mme Mireille Jouve. Monsieur le président, madame la ministre, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, « Si c’était à refaire, je recommencerais par la culture », cette phrase d’Hélène Ahrweiler, qui a longtemps été prêtée à Jean Monnet, l’un des pères de l’Europe, souligne une évidence : la culture est un outil précieux contre les divisions.

Alors même que la création artistique et sa diffusion ont été l’objet de vives attaques, le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, consacre deux principes emblématiques permettant d’y faire face : la liberté de la création artistique et la liberté de la diffusion artistique.

Il ne suffit toutefois pas de les affirmer pour les garantir : si nous voulons que l’acte de création soit respecté, il faut que la liberté d’expression et la création deviennent un enjeu individuel et collectif, qui irrigue notre société.

Les deux lectures que nous avons pu avoir sur ce texte ont permis un rapprochement important des positions de nos deux assemblées, ce qui est suffisamment rare pour être souligné, même si cela a pu occasionner certains compromis qui nous laissent dubitatifs.

Le projet de loi définit donc une « politique de service public de la création artistique », dénomination chère au groupe du RDSE, et « construite en concertation avec les acteurs de la création artistique ». Il confère une base légale à la politique de labellisation des établissements culturels qui dynamisent nos territoires, à laquelle nous avons été particulièrement attentifs.

Il sécurise également les pratiques artistiques amateurs, qui permettent à un nombre toujours plus grand de nos concitoyens de s’investir dans une démarche de création.

Nous ne devons jamais relâcher l’accompagnement des associations dans le maillage culturel du territoire, à travers des initiatives multiples, comme les compagnies de rue qui investissent quelques jours par an Aurillac, Chalon-sur-Saône, et bien d’autres villes encore.

Le projet de loi comporte de nombreuses dispositions en faveur de l’éducation culturelle et de l’accès à l’art avec, par exemple, une meilleure accessibilité des personnes handicapées aux livres, grâce à la levée des barrières qui pouvaient bloquer l’adaptation d’ouvrages.

L’enseignement supérieur de la création artistique, qui participe du renouvellement des talents, a longtemps fait l’objet de blocages. Des mesures incitatives ont été trouvées pour que les régions s’investissent ou continuent de s’investir dans le financement des troisièmes cycles des conservatoires. En effet, les écoles d’art font face à une grande précarisation : l’école d’art de Perpignan fermera demain, celles d’Avignon, d’Angoulême et de Chalon-sur-Saône sont menacées et subissent la baisse continue des dotations, tandis que leur statut d’établissement public de coopération culturelle traverse une crise qui nous impose d’agir sans plus tarder.

Préserver de toute standardisation la spécificité de la création artistique et les pratiques culturelles face au développement du marché est un impératif. Le projet de loi renforce, d’une part, la diversité des titres francophones diffusés par les radios privées grâce à un plafonnement des rotations et favorise, d’autre part, les nouvelles productions et la diversité des titres sur les ondes via une modulation des quotas, ce qui est une bonne chose.

Nous sommes également satisfaits du maintien du principe d’une rémunération pour les photographes et artistes visuels dont les œuvres sont reproduites par des services de moteurs de recherche sur internet, afin de rémunérer équitablement des artistes qui, jusque-là, assistaient impuissants à la captation de leurs œuvres.

En ce qui concerne l’archéologie préventive, point sensible de nos débats, le caractère scientifique des politiques archéologiques a été réaffirmé – et c’est essentiel, tant l’archéologie n’est pas un bien commercial comme les autres.

Après de longues discussions, la commission mixte paritaire a également adopté l’élargissement à la région du champ d’intervention des services d’archéologie des collectivités locales. Même si cela concernait un petit nombre de collectivités, il pouvait y avoir des spécialités scientifiques ou historiques dans certains territoires justifiant cette souplesse dans le champ d’action.

Du côté des opérateurs privés, les conditions d’obtention de l’agrément ont été subordonnées au respect d’exigences en matière sociale, financière et comptable. C’est une disposition à laquelle nous étions particulièrement attachés.

Je suis, en revanche, beaucoup plus réservée sur la suppression de l’article 20 bis concernant le crédit d’impôt recherche, tant ce dispositif fiscal de soutien à la recherche est trop souvent utilisé à mauvais escient ; nous en parlions encore ce matin en commission.

Il était crucial que la préoccupation pour le patrimoine se développe de concert avec les collectivités territoriales. En la matière, l’apport du Sénat est loin d’être négligeable. Il faut maintenant que les sites patrimoniaux remarquables permettent de rendre plus compréhensibles les outils de protection et d’harmoniser les méthodes, tout en encourageant la préservation de nouveaux espaces.

Enfin, l’article 26 quater, issu des travaux de la commission mixte paritaire, part de la version adoptée par le Sénat en deuxième lecture. N’est donc modifié que le code de l’urbanisme pour faire mention du recours à l’architecte sans toutefois exclure l’intervention d’autres professionnels. Cette rédaction de compromis me semble positive et de nature à inciter au renouvellement du bâti pavillonnaire et périurbain.

Un an après son adoption en conseil des ministres, ce texte, considérablement enrichi par la navette parlementaire, est enfin sur le point d’être adopté : le groupe du RDSE le votera dans son ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

(M. Jean-Pierre Caffet remplace Mme Françoise Cartron au fauteuil de la présidence.)