M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Monsieur le président, en me donnant la parole, vous venez de confirmer que le président de la commission a toujours droit à la parole quand il la sollicite ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Martial Bourquin. Gardez votre sang-froid !

M. le président. Monsieur le président de la commission, ne créons pas de problème. Ne permettons pas que de mauvaises interprétations du règlement se fassent jour.

Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l'ensemble de la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre.

(La proposition de loi est adoptée.)

M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre
 

3

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3, Public Sénat et sur le site internet du Sénat.

Je demande à chacun de respecter le temps de parole qui lui est imparti et d’être attentif au respect des uns et des autres.

justice sociale

M. le président. La parole est à Mme Annie Guillemot, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Annie Guillemot. Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Madame la ministre, une récente étude de la Caisse nationale d’allocations familiales, la CNAF, fait apparaître pour la première fois depuis 2009, date de la création du revenu de solidarité active, une baisse du nombre de bénéficiaires de cette prestation.

Ainsi, de juin 2015 à juin 2016, le nombre de bénéficiaires du RSA socle est passé de 1,66 à 1,64 million, soit une baisse de 0,9 %.

M. Philippe Dallier. Il y en a encore trop !

Mme Annie Guillemot. De même, le nombre des bénéficiaires du RSA majoré a reculé de 4 %, passant de 240 000 à 230 000. Rappelons que, entre 2007 et 2012, notre pays avait compté plus de 800 000 nouveaux bénéficiaires du RSA. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Trop nombreux sont encore nos concitoyens qui éprouvent les plus grandes difficultés à vivre. La solidarité, cette notion profondément républicaine, nécessite la mobilisation de tous, et au premier rang celle de l’État.

Sous votre responsabilité, madame la ministre, et celle de Ségolène Neuville, des avancées concrètes ont été enregistrées. Ainsi, la revalorisation du RSA a concerné 2 millions de ménages, celle du « minimum vieillesse » 550 000 personnes retraitées, et la prime d’activité créée le 1er janvier dernier a été versée à plus de 2 millions de ménages, dont 20 % de jeunes.

Aider chacun à accéder à de meilleures conditions de vie, à rebours des discours stigmatisants : il est vrai que nous sommes loin des clichés et de l’amalgame entre allocations et assistanat que certains n’hésitent toujours pas à faire, dans le cadre de la « primaire ». Cela signifie surtout la promesse d’une prochaine ère glaciaire pour les plus modestes et pour la solidarité… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Ainsi la majorité de notre assemblée a-t-elle, hier, vidé la loi SRU de son objectif essentiel – la construction de logements sociaux –, en supprimant l’objectif de 25 % ! C’est la réponse de la droite à près de 2 millions de demandeurs de logements. Les quelque 700 000 logements sociaux attendus dans les communes carencées et déficitaires attendront.

Oublié, le vibrant message de l’abbé Pierre à l’Assemblée nationale, le 24 janvier 2006, qui avait appelé le président Chirac à « faire pression sur les députés pour qu’aucun ne s’abaisse à cette indignité d’assouplir la loi SRU sur le logement social ». (M. Philippe Dallier s’exclame.)

M. le président. Veuillez poser votre question, ma chère collègue.

Mme Annie Guillemot. Enfin, sans même qu’il ait été procédé à leur examen et pour des raisons strictement politiciennes, les mesures prévues pour la réforme des minima sociaux ont été rejetées.

Madame la ministre, contrairement à cette politique injuste et de régression sociale que nous propose la droite, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre afin de poursuivre la lutte contre les inégalités et la pauvreté ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste. – M. Alain Bertrand applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Vous l’avez souligné, madame la sénatrice, le Gouvernement a engagé une politique résolue en faveur de nos concitoyens les plus modestes, en particulier de ceux qui souffrent de la pauvreté.

Au-delà de la baisse que vous avez évoquée du nombre d’allocataires du RSA, l’action résolue que nous avons engagée a permis de faire diminuer le taux de pauvreté dans notre pays.

Ce taux n’est jamais satisfaisant : il y a toujours trop de pauvres. Toutefois, pendant que la France engageait cette politique résolue, je le répète, de baisse du taux de pauvreté, lequel est passé de 14 % en 2011 à 13 % selon les dernières données disponibles, ce taux augmentait en moyenne dans les autres pays européens, passant de 16 % à 17 %. La politique volontariste de la France donne donc des résultats, et nous voulons l’amplifier, via une réforme des minima sociaux qui va connaître plusieurs étapes.

Dès le projet de loi de finances pour 2017, à la demande du Premier ministre, nous prenons un certain nombre de mesures pour rendre les dispositifs existants plus lisibles et plus compréhensibles pour nos concitoyens. C’est une manière de dire que nous croyons à l’accompagnement et que nous ne pensons pas qu’il y ait de l’assistanat dans notre pays.

Nous allons renforcer les services en ligne, stabiliser le montant des prestations versées, clarifier les soutiens apportés en cas de reprise d’activité, mieux accompagner les personnes handicapées.

Vous le voyez, madame la sénatrice, nous agissons résolument dans la perspective de la mise en place d’un revenu social universel garanti, à laquelle nous travaillerons ensemble.

Nous voulons dire à nos concitoyens les plus modestes que nous sommes à leurs côtés pour les aider, les soutenir et les accompagner. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste. – M. Alain Bertrand applaudit également.)

politique générale

M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour le groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. François Zocchetto. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, comment vous dire notre étonnement, et même notre stupéfaction, à la lecture, ce matin, d’un ouvrage dans lequel le Président de la République se met en scène. Celui-ci a en effet choisi de se livrer au cours de soixante entretiens, totalisant plus de cent heures d’échanges.

Faut-il rappeler que notre pays compte 5 millions de chômeurs, 70 milliards d’euros de déficit, 2 000 milliards de dette, que nous sommes à la merci d’attentats terroristes et que nous accumulons les soucis en matière de politique étrangère ?

M. Philippe Dallier. « Ça va mieux » ! » (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Zocchetto. Certains se sont autorisés à se demander quand donc travaillait le Président de la République. Je préfère poser la question suivante : quand trouve-t-il le temps de mener ces entretiens ?

Outre cette curieuse façon d’utiliser un temps si rare, ce livre nous fait découvrir un Président cultivant le commentaire de ses hésitations, de son inaction, de son cynisme, qu’il assume lui-même lorsqu’il reconnaît des jugements à l’opposé de ses déclarations publiques.

Aujourd’hui, derrière l’incompréhension, nous sentons poindre l’exaspération, voire la révolte, chez certains de nos concitoyens, lorsqu’ils voient le Président de la République en commentateur public de sa propre vie domestique et, plus généralement, se contemplant lui-même.

M. Jean-Louis Carrère. Vous disiez déjà cela de Mitterrand !

M. François Zocchetto. Vraiment, un Président de la République ne devrait pas tenir de tels propos !

Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas une question d’actualité !

M. François Zocchetto. Dans ce contexte, monsieur le ministre, j’ai une question à vous poser : comment le Gouvernement compte-t-il restaurer un tant soit peu la crédibilité de la parole publique ? (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Christian Cambon. La voix de son maître !

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur et président du groupe UDI-UC, vous avez terminé votre intervention en évoquant la crédibilité de la parole publique.

Or, dans l’histoire de cette République, en termes de crédibilité de la parole publique, chacun pourra être renvoyé à ses propres réflexions et engagements !

M. Jacques Grosperrin. « Moi président »…

M. Stéphane Le Foll, ministre. La crédibilité de la parole publique, monsieur le sénateur, c’est de donner les résultats de la politique qui est conduite en matière de compétitivité de l’industrie française, laquelle avait été perdue. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Au mois de septembre de cette année, pour la première fois, nous avons constaté une hausse de plus de 2,9 % du nombre de créations d’entreprises, un score jamais atteint depuis 2010.

Vous avez parlé des 70 milliards d’euros de déficit. Dois-je vous rappeler, monsieur le sénateur, que les déficits s’élevaient en 2011, dans notre pays, à plus de 100 milliards ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Dois-je vous rappeler que l’endettement de la France s’était accru de 25 points de produit intérieur brut sous la présidence précédente, alors qu’il n’est que de 5 points sous celle de François Hollande et que ce chiffre baisse encore ?

Si vous voulez parler de crédibilité, il faut regarder les faits, les actes et les résultats. Certes, ceux-ci peuvent être discutés et contestés. Chacun peut avoir des moments de doute et d’hésitation, et vous en avez eu aussi.

M. Jacques Grosperrin. Répondez à la question !

M. Pierre Charon. La question !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Chacun, dans la vie politique, peut avoir pris des positions à un certain moment et en avoir changé… Il suffit pour s’en convaincre de s’intéresser à la primaire de la droite qui vient de commencer (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) et de comparer les propos tenus autrefois par le précédent Président de la République avec ce qu’il dit aujourd’hui. Pour ce qui est de la crédibilité, je vous renvoie donc, monsieur le sénateur, au débat de ce soir !

M. Jacques Grosperrin. C’est cela, votre réponse ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Pour notre part, comme vient de le dire Marisol Touraine, nous continuerons à agir afin que notre modèle social, la République et notre économie se redressent, pour le bien des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste. – M. Alain Bertrand applaudit également.)

aéroport de notre-dame-des-landes

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour le groupe Les Républicains. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Deroche. Ma question, qui s’adressait à M. le Premier ministre, concerne un dossier récurrent, mais toujours d’actualité : l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. (Ah ! sur les mêmes travées.)

Il convient de rappeler quelques chiffres : 156 décisions de justice favorables au projet, 269 000 personnes ayant voté « oui » en juin dernier lors du référendum décidé par le Président de la République, mais aussi 200 exactions commises par les « zadistes » dans cette zone de non-droit.

Depuis ce référendum, le Premier ministre et le garde des sceaux ont été clairs, tout au moins verbalement, sur l’engagement du Gouvernement : faire appliquer la loi et respecter le choix des habitants de la Loire-Atlantique.

Or, après la manifestation du week-end dernier, qui a réuni moins de 13 000 personnes, Mme Ségolène Royal, ministre de l’environnement, a fait entendre une voix discordante au sein du Gouvernement.

Ma question est claire : quelle est aujourd’hui la volonté commune du Gouvernement et du Président de la République ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. (Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jacques Grosperrin. Parlez, madame Royal !

M. François Grosdidier. Pour une fois que Mme Royal est là, il faut qu’elle réponde !

M. le président. Mes chers collègues, monsieur Grosdidier, laissez M. le secrétaire d’État répondre, et atterrir ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. Jacques Grosperrin. C’est un vrai crash !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. J’imagine, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce qui vous intéresse dans la question posée, c’est la réponse…

Madame la sénatrice, la consultation locale qui a été organisée le 26 juin dernier a abouti, vous le savez, à un résultat sans aucune ambiguïté : 55 % des voix en faveur du projet de transfert de l’aéroport de Nantes sur le site de Notre-Dame-des-Landes. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Christian Cambon. On le sait ! Vous tournez en boucle…

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Le taux de participation était de 51 %, ce qui est tout à fait important pour ce type de consultation. Qui plus est, les choses se sont faites de façon très claire, en toute connaissance de cause, notamment après la remise des rapports émis par la Commission nationale du débat public, la CNDP. La presse locale et les élus de toutes sensibilités se sont, en effet, fortement exprimés sur le sujet.

Dans ce contexte, la majorité d’électeurs qui s’est prononcée en faveur de ce projet de transfert est très claire. Le Gouvernement récuse donc, avec la plus grande fermeté,…

M. Jacques Grosperrin. Cela, on ne le sait pas !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. … ceux qui parlent de déni de démocratie.

Le déni de démocratie serait, en l’espèce, d’abandonner un projet qui a été validé par la justice, voulu par la population, soutenu par les élus locaux et les gouvernements successifs depuis quarante ans. C’est la raison pour laquelle rien ne s’opposera plus, désormais, à la mise en œuvre de ce projet.

M. Christian Cambon. Et Mme Royal ?

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Le Premier ministre a demandé au préfet de Loire-Atlantique de réunir prochainement les élus locaux pour les informer de l’avancement de ce projet.

Bien sûr, les voix des opposants peuvent se faire entendre, et ils l’ont d’ailleurs fait, comme vous l’avez rappelé, le week-end dernier. Mais soyons clairs : il n’est pas possible de s’opposer par la force à la réalisation d’un projet non seulement parfaitement légal, mais dont l’assise démocratique a été confortée par ce gouvernement. (Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains.) Voilà qui serait parfaitement incompréhensible, et qui ne sera donc pas toléré.

Le Gouvernement s’engage donc très clairement sur ce point : l’État de droit prévaudra à Notre-Dame-des-Landes, comme partout ailleurs dans le pays.

M. le président. Il faut conclure !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Toutes les personnes de bonne volonté doivent respecter ce droit et le verdict des urnes ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour la réplique.

Mme Catherine Deroche. Monsieur le secrétaire, nous vous entendons… une fois de plus ! En effet, depuis octobre 2014, pas moins de dix questions ont été posées – droite et gauche confondues – sur ce dossier.

M. Jean-Louis Carrère. Les questions ne font pas avancer les dossiers !

Mme Catherine Deroche. À chaque fois sont prononcées des paroles rassurantes, non suivies d’actes.

La position du Président de la République n’était pas aussi claire que vous l’avez laissé entendre, puisque l’on peut supposer qu’il espérait secrètement que le non l’emportât au référendum.

Quant à vous, madame Royal, vous conviendrez que vos prises de position divergentes et successives, contraires aux engagements antérieurs – après l’épisode de l’autoroute A 831, Notre-Dame-des-Landes ! –, exaspèrent les Ligériens. On se souvient que, en 2007, vous vous drapiez dans les voiles de la démocratie participative. Or celle-ci ne vous convient que lorsqu’elle va dans votre sens.

Les Ligériens, comme les Français, en ont plus qu’assez ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

décret sur les produits phytosanitaires

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, pour le groupe du RDSE.

M. Yvon Collin. Ma question, qui s’adresse à Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.), concerne la réécriture de l’arrêté du 12 septembre 2016 relatif à l’utilisation des produits phytosanitaires, à la suite de son abrogation par le Conseil d’État.

Madame la ministre, puisqu’il semble que vos services, et non ceux de votre collègue de l’agriculture, aient la charge de réécrire ce décret, je m’adresse à vous.

Ce décret peut avoir des conséquences dramatiques pour la profession agricole, et peut-être plus encore pour les producteurs de fruits et légumes.

Vous n’êtes pas sans savoir que nos agriculteurs doivent faire face à de multiples crises, qu’ils traversent une période très difficile et qu’ils seront nombreux à jouer leur survie dans les prochains mois. Votre collègue de l’agriculture vous a, je le sais, prévenu de cette situation.

Or, madame la ministre, si l’on en croit un projet de rédaction de décret que nous avons pu nous procurer, il y a de quoi s’inquiéter. Mais un projet n’est pas le texte final, et c’est pourquoi nous tenons, avec mes collègues du RDSE, à vous alerter tant qu’il en est encore temps !

Il nous semble particulièrement important que ce décret respecte l’équilibre auquel était parvenu le Parlement à l’occasion de l’examen de la loi d’avenir pour l’agriculture : équilibre entre impératifs de santé publique et de protection de l’environnement, d’un côté, et nécessité pour les agriculteurs de pouvoir vivre de leur production, de l’autre. Or le projet de décret aggraverait les contraintes pour les exploitants agricoles, en les portant à un niveau tel qu’elles fragiliseraient les rendements, quand elles ne seraient pas tout simplement inapplicables sur le terrain.

De plus, en envisageant d’étendre à 20 ou 50 mètres, selon les cas, l’extension des zones non traitées, vous iriez au-delà des préconisations européennes… Qu’en est-il vraiment, madame la ministre ? Quand ce décret paraîtra-t-il ? Et surtout, quelles sont vos intentions ?

Pouvez-vous nous rassurer et nous dire aujourd’hui que ce décret ne sera ni une contrainte supplémentaire ni une menace grave pour l’agriculture française ? (Applaudissements sur les travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture. (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, je vois à peu près quelle intention est la vôtre. Je rappelle que ce décret concerne trois ministères. Vous avez omis d’en citer un : celui de la santé.

C’est entre ces trois ministères que sont organisés les conseils interministériels portant sur ce dossier ; je transmets cette information à ceux qui vous ont indiqué qu’il fallait adresser votre question uniquement à Mme la ministre de l’environnement…

Trois ministères, je le redis, sont concernés : celui de la santé, car cette question touche les habitants – il faut bien en tenir compte ! ; celui de l’agriculture, car ce décret est à destination des agriculteurs ; celui de l’environnement, puisqu’il s’agit de produits phytosanitaires.

M. Christian Cambon. Le trio magique ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Le Foll, ministre. Les débats sont en cours. On anticipe là sur des décrets qui seraient publiés ! Il est vrai – vous l’avez dit parce vous êtes honnête, monsieur Collin – que vous tenez vos informations de la FNSEA…

Une commission de simplification a été mise en place et, le 18 octobre prochain, le préfet remettra son rapport, lequel intégrera les enjeux liés à l’arrêté.

Par ailleurs, par qui cet arrêté a-t-il été contesté ? Il ne l’a pas été par le ministère de l’agriculture, celui de l’environnement ou celui de la santé, mais par une association de producteurs de poires et de pommes qui voulait que les modalités d’application soient modifiées. Saisi, le Conseil d’État a alors indiqué que ledit arrêté n’était plus conforme à la réglementation européenne et qu’il fallait le réécrire. Voilà pourquoi nous y retravaillons !

Nous allons donc reprendre cet arrêté en prenant en compte trois enjeux : l’environnement, la santé des habitants et la production agricole. Jamais je n’ai laissé penser que l’on ferait des choix au détriment de l’agriculture et des agriculteurs !

Ces choix, nous les faisons en prenant en compte l’ensemble des éléments liés à l’environnement et à la protection des habitants et des habitations. C’est ainsi que nous pourrons aboutir à un accord conciliant les grands enjeux de santé publique, la protection de l’environnement et l’intérêt économique des agriculteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste. – M. Alain Bertrand applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, pour la réplique.

M. Yvon Collin. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre, mais je ne suis pas certain que vous ayez répondu à ma question… (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Le décret que nous avons découvert est-il, oui ou non, le bon, et sera-t-il modifié ? Telle était précisément ma question.

présence de pesticides dans l'alimentation

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour le groupe écologiste.

M. Joël Labbé. Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Chaque semaine nous apporte son lot d’alertes dans le champ de l’alimentation, qui est intimement lié à celui de la santé.

Avant-hier, un grand quotidien titrait : « Un bol de pesticides pour votre petit-déjeuner ». L’association Générations Futures venait, en effet, de publier les conclusions d’une étude des plus sérieuses, qui présentait les résultats accablants d’une série d’analyses portant sur un produit de plus en plus présent sur la table du petit-déjeuner, le muesli.

Ce mélange de fruits desséchés et de céréales est particulièrement prisé des parents soucieux d’apporter à leurs jeunes enfants une alimentation équilibrée, variée et riche en vitamines. Les adolescents et les femmes enceintes sont souvent friands de ce produit a priori au-dessus de tout soupçon en termes de qualité.

En fait, selon cette étude, quelque 100 % des échantillons de muesli non bio contiennent une quantité importante de résidus de pesticides, reconnus notamment comme étant des perturbateurs endocriniens. Au passage, l’analyse des échantillons à base de produits bio démontre que ceux-ci en sont indemnes.

La concentration moyenne des résidus décelés est de 0,177 milligramme par kilo. Cela peut sembler très faible, mais c’est pourtant 354 fois la concentration maximale admissible dans l’eau de boisson pour l’ensemble des pesticides !

Pourquoi ces produits sont-ils autorisés ? Tout simplement parce que la limite maximale de résidus, la LMR, c’est-à-dire la norme qui s’applique aux aliments, fixe une limite admissible pour chaque substance et chaque type d’aliment et qu’il n’y a pas de limite globale de résidus, comme pour l’eau de boisson. Ainsi n’est-il tenu aucun compte des potentiels « effets cocktail ». Cela laisse la possibilité de multiplier à l’infini le nombre de substances résiduelles.

Madame la ministre, la Commission européenne a publié, avec près de trois ans de retard, sa définition des perturbateurs endocriniens. Celle-ci est beaucoup trop restrictive, de l’avis même de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, notre propre agence de sécurité sanitaire, qui propose, quant à elle, une définition bien plus ambitieuse.

Dès lors, pouvez-vous nous dire quelle sera la position défendue par la France à Bruxelles, afin d’obtenir une réglementation européenne à la hauteur des enjeux de santé publique et de l’attente de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Vous avez évoqué, monsieur le sénateur, une étude sur le muesli qui peut conduire à se poser un certain nombre de questions et provoquer des inquiétudes, dans la mesure où ce produit est largement consommé, comme vous l’avez souligné.

Il s’agit de s’assurer que nous pouvons limiter l’exposition de nos concitoyens, en particulier celle des populations les plus sensibles, aux perturbateurs endocriniens. En tant que ministre de la santé, je me suis fortement impliquée dans ce dossier. Ainsi, ont été introduites dans les lois de santé des dispositions en ce sens, visant notamment à interdire le bisphénol A, d’abord dans les contenants, puis dans les jouets ou les amusettes.

Vous avez également évoqué le travail engagé au niveau européen.

Il est vrai que le projet qui émane de la Commission européenne n’est pas satisfaisant, car il propose une définition trop restrictive des perturbateurs endocriniens. Voilà pourquoi j’ai porté à Bruxelles une proposition différente.

J’ai reçu voilà quelques jours, à Paris, le commissaire européen chargé de la santé. Je lui ai indiqué que les travaux de l’ANSES, que vous avez cités, nous permettaient d’être plus ambitieux et que nous souhaitions que la définition adoptée à Bruxelles aille plus loin que celle envisagée actuellement.

La position de la France va donc dans le sens d’une définition plus ambitieuse, par la Commission européenne, des perturbateurs endocriniens.

Pour ce qui est des pesticides et du problème spécifique lié à l’alimentation que vous avez soulevé, j’ai décidé, avec Stéphane Le Foll et Ségolène Royal (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.), de saisir l’ANSES, afin qu’elle nous propose des critères permettant de prévoir une limite maximale globale pour tous les pesticides présents dans l’alimentation, comme cela existe pour l’eau. Il n’y a pas de raison que les normes applicables à l’eau que nous buvons soient plus strictes que celles qui portent sur les aliments que nous mangeons !

Vous le voyez, monsieur le sénateur, nous sommes pleinement mobilisés, parce qu’il y va de la santé de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste. – M. Alain Bertrand applaudit également.)

situation des mineurs isolés à calais