Mme Fabienne Keller. Absolument !

M. Yvon Collin. Non pas que ce fonds ne retienne pas mon attention, mais je suis particulièrement attaché au développement de l’aide bilatérale, que personnellement je préfère.

Dans ce cadre, les crédits budgétaires de l’Agence française de développement, l’AFD, progressent de 80 millions d’euros pour les prêts et de 30 millions d’euros pour les dons, ce dont je me félicite.

J’approuve également le renforcement des fonds propres de l’Agence, qui sera proposé dans le prochain projet de loi de finances rectificative. Je constate que les traitements de dettes sont en nette diminution, ce qui correspond à la tendance internationale. Cependant, je souhaite souligner que la situation financière de certains pays, africains notamment, est inquiétante, et le risque de surendettement n’est pas écarté.

Je terminerai sur ces crédits en espérant que le rapprochement entre l’AFD et la Caisse des dépôts et consignations, décidé par le Président de la République en 2015 et introduit dans le projet de loi Sapin II sur l’initiative de ma collègue Fabienne Keller et de moi-même, se finalise rapidement. Ce projet, je le rappelle, vise à créer des synergies entre les deux réseaux, pour, d’une part, renforcer les moyens, donc les engagements de l’Agence, et, d’autre part, faire de la CDC l’une des plus importantes institutions financières publiques européennes.

Madame la présidente, je vous remercie de m’avoir fait grâce de 45 secondes pour achever mon intervention. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)

Mme la présidente. La grâce ne vaudra pas jusqu’à la fin de la séance… (Sourires.) Les orateurs doivent respecter le temps qui leur est imparti.

La parole est à M. Michel Canevet. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

M. Michel Canevet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord, au nom du groupe UDI-UC, déplorer l’absence de nos collègues socialistes.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Oh, ça va !

M. Michel Canevet. Nous pouvions tout à fait poursuivre aujourd’hui et demain le débat qu’ils appellent de leurs vœux. C’est leur refus du débat à eux que nous devons déplorer, car c’est un mauvais signal envoyé.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Par vous !

M. Michel Canevet. La semaine dernière, nous avons commencé le débat sur ce projet de budget pour 2017. La plupart des orateurs ont estimé que ses recettes étaient surestimées, tout simplement parce que la prévision de croissance du Gouvernement de 1,5 % était trop optimiste. Le budget de cette année était déjà bâti sur cette hypothèse. Or l’acquis est actuellement de 1,1 % : il y a eu une croissance de 0,6 % au premier trimestre et un recul de 0,1 % au deuxième trimestre, ce qui montre que les choses ne vont pas aussi bien que le Gouvernement le prétend.

Tous les économistes sont d’accord pour dire que la prévision pour 2017 est surestimée, le FMI tablant sur 1,25 %, l’OCDE sur 1,3 % et la Commission européenne sur 1,4 %. Très clairement, les perspectives de recettes sont trop optimistes.

Pourtant, nous bénéficions d’un certain nombre de circonstances assez favorables : le prix du pétrole permet d’être plus compétitif, tandis que le niveau actuel des taux intérêt permet, à l’État, de financer la dette à moindre coût, même s’ils remontent très légèrement. Il nous faudra faire très attention dans un avenir proche, car une hausse plus soutenue serait un facteur de déséquilibre extrêmement important pour notre budget.

Parmi les autres éléments qui nous permettent d’apprécier la situation, il y a la balance du commerce extérieur. En l’occurrence, nous connaissons un déficit de 4 à 5 milliards d’euros par mois, et la tendance ne s’est guère améliorée depuis plusieurs années.

Sur le front de l’emploi, entre mai 2012 et octobre 2017, dernier mois où les chiffres sont connus, nous sommes hélas passés de 4,6 millions à 5,76 millions de demandeurs d’emploi. Parmi eux, il faut déplorer la présence de 732 000 demandeurs d’emploi de longue durée.

Malgré les annonces faites par le Gouvernement, aucune amélioration n’a été ressentie en la matière, alors qu’il s’agit d’une question absolument essentielle pour nos déficits. En août dernier, nous avons observé une hausse de 50 000 inscrits ; la diminution a ensuite été de 66 000 en septembre et de 11 000 en octobre dernier. Nous voyons bien qu’il n’y a pas de tendance constante à la baisse, ce qui ne peut que nous inquiéter.

Pour remédier au chômage, le Gouvernement a notamment proposé de développer la formation, en mettant en avant un objectif de 500 000 personnes en formation. Si l’on ne peut que se réjouir que tels programmes soient engagés pour permettre aux personnes en recherche d’emploi de s’adapter aux demandes du marché du travail, force est de constater que cette politique a été engagée beaucoup trop tardivement pour produire des résultats.

Il en est de même de la question de l’alternance, qui, pour nous, élus centristes, est extrêmement importante. Ainsi, nous souhaitons que les formations en alternance puissent être développées. Pourtant, alors que le Président de la République avait affiché un objectif de 500 000 contrats en alternance en 2017, le niveau d’entrée dans le dispositif était de 280 000 en 2015, ce qui montre que nous n’atteindrons pas, et de loin, l’objectif précité.

Monsieur le secrétaire d’État, la politique menée par le Gouvernement tout au long de ce quinquennat a connu bien des errements, ce qui ne nous permet pas d’obtenir les résultats annoncés.

Nous déplorons également la baisse continue des moyens des organismes consulaires, en une période où toutes les forces vives auraient dû être mobilisées pour le développement de l’emploi. Les chambres de commerce, en particulier, subiront encore une diminution de 60 millions d’euros de leurs recettes fiscales en 2017. Toutes ces mesures sont bien évidemment préjudiciables à la mobilisation des acteurs économiques dans la lutte contre le chômage et pour l’emploi dans notre pays.

En particulier, la pression fiscale continue à croître, ce que nous ne pouvons que dénoncer. À lire l’excellent travail de M. le rapporteur général de la commission des finances, on apprend, par exemple, que la charge de l’impôt sur le revenu a beaucoup augmenté, passant en peu de temps de 59 milliards d’euros à 78,3 milliards d’euros en 2017. Très concrètement, cela signifie que l’on va continuer à ponctionner les contribuables, toujours les mêmes, qui auront à supporter les cadeaux fiscaux faits par le Gouvernement au bénéfice de certaines catégories, à hauteur de 1 milliard d’euros l’an prochain.

Pour notre part, nous pensons qu’il faudrait élargir l’assiette de l’impôt sur le revenu à l’ensemble des contribuables, même pour une part modeste. (Protestations sur les travées du groupe CRC.) Monsieur le secrétaire d’État, la réforme du prélèvement à la source que vous avez proposée permettra peut-être d’y aboutir, mais nous avons de grosses réserves sur ce point. Nous nous demandons notamment pourquoi vous voulez le supprimer pour les élus locaux au moment même où vous voulez l’instituer pour tout le monde…

Cette réforme subira-t-elle le même sort que celle de la dotation globale de fonctionnement, que vous aviez entreprise l’an passé et qui a finalement été abandonnée après que les commissions parlementaires eurent beaucoup travaillé dessus tout au long de l’année ? On peut raisonnablement le penser, car les moyens ne sont pas réunis pour qu’elle soit une réussite, en particulier en ce qui concerne le développement de la déclaration sociale nominative. Par ailleurs, cette réforme ne recueille pas d’adhésion unanime.

Sans doute faudrait-il adopter la solution la plus simple et la plus adaptée aux besoins d’aujourd’hui, à savoir l’imposition contemporaine des revenus, comme l’a proposé M. le rapporteur général de la commission des finances.

Après ce tableau des recettes, que constate-t-on sur les dépenses ?

S’agissant du logement, on relève encore un hiatus. Alors que le Président de la République avait fixé un objectif de 500 000 nouveaux logements par an, nous étions en 2015 à 394 000, malgré des dépenses considérables. On constate notamment une inadaptation des aides au logement.

Nous relevons également une sous-budgétisation de la défense nationale, notamment en ce qui concerne les opérations extérieures, même si un effort important est fait pour cette mission.

Nous avons aussi noté une augmentation des dépenses de l’ordre de 4 % pour la culture, malgré des débudgétisations. Je pense en particulier à la rénovation du Grand Palais, réalisée pour partie sur le programme des investissements d’avenir. Mais quel est le rapport entre les deux ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il n’y en a aucun !

M. Michel Canevet. Franchement, on peut se poser des questions, et, à l’heure où la rigueur doit être de mise, cette augmentation tout à fait significative ne laisse pas d’interroger.

Que dire de l’action de l’éducation nationale, qui, malgré des moyens absolument considérables, place notre pays au vingt-cinquième rang du classement PISA ?

Tout à l’heure, sur une célèbre radio, se tenait un débat lors duquel j'ai appris que les élèves français sont les plus mauvais de l’Union européenne en mathématiques à la sortie du primaire.

Mme Françoise Férat. C’est vrai !

M. Michel Canevet. Ce constat doit nous interpeller sur l’utilisation des moyens attribués.

Ces missions, entre autres, nécessiteraient d’être réexaminées, dans une double perspective de diminution des dépenses et d’efficience de l’action publique.

Aux yeux des membres du groupe UDI-UC, c’est la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, qui doit être revue, afin qu’elle soit un véritable outil de contrôle parlementaire. En effet, aujourd’hui, elle ne nous permet pas de proposer un budget de substitution. C’est pourquoi nous avons dû nous résoudre à la question préalable. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mes chers collègues, la majorité sénatoriale l’a décidé, le projet de loi de finances sera rejeté sans même avoir été discuté.

Comme l’ensemble du groupe écologiste, je considère cette décision comme tout à fait inacceptable, car elle revient à refuser tout débat politique sur le sujet capital qu’est le budget de notre pays. Il s’agit d’un déni de démocratie ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Néanmoins, nous serons tout de même réunis quelques heures dans cet hémicycle, et je consacrerai pour ma part quelques minutes à vous parler d’un sujet qui me tient particulièrement à cœur : les crédits consacrés par le projet de loi de finances à l’exercice du droit d’asile dans notre pays.

Après une année pleine d’application de la réforme du droit d’asile issue de la loi du 29 juillet 2015, le PLF pour 2017 s’efforce de réaliser l’objectif de réduction du délai de traitement de la demande d’asile dans un contexte de forte hausse de cette dernière. Il s’inscrit donc dans le prolongement des précédents budgets, avec la poursuite de l’accroissement des moyens effectifs de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, et de la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA.

En 2017, les crédits consacrés à l’exercice du droit d’asile augmenteront ainsi significativement, passant de 597,4 millions d’euros en 2016 à 687,4 millions d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 15 %. Parallèlement, les crédits alloués à la CNDA augmenteront de 9,3 %, passant de 23,72 millions d’euros à 25,92 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

Cette année encore, étant donné le contexte de forte contrainte budgétaire, l’effort consenti en faveur de la garantie de l’exercice du droit d’asile mérite donc d’être salué. Comme les années passées, il s’agit avant tout de poursuivre la réduction du délai de traitement de la demande d’asile et à améliorer la prise en charge des demandeurs d’asile.

De cette réduction, il est attendu une diminution mécanique du coût de l’accueil des demandeurs d’asile. Selon un rapport des inspections générales sur l’hébergement et la prise en charge financière des demandeurs d’asile, le coût moyen d’un mois de délai de traitement de la demande est estimé entre 10 et 15 millions d’euros. Il convient toutefois de garder à l’esprit que la réduction des délais de traitement est largement tributaire de l’évolution de la demande d’asile. Je rappelle à cet égard que l’exercice du droit d’asile est garanti par la Constitution, aussi bien que par les engagements internationaux souscrits par la France.

Or, après avoir enregistré une légère baisse de 2,2 % en 2014, l’OFPRA est, depuis 2015, confronté à une hausse importante des demandes enregistrées, leur nombre total s’établissant pour 2015 à 80 075, dont 59 335 premières demandes, soit une hausse de 23,6 % par rapport à 2014.

Cette hausse devrait se confirmer en 2016. Aussi le PLF pour 2017 a-t-il été construit sur une hypothèse de progression spontanée de la demande de 15 % à 20 % entre 2016 et en 2017, soit un nombre total de demandes enregistrées en 2017 compris entre 121 100 et 130 500.

Dans cette perspective, je le répète, les moyens alloués aux différents acteurs sont en augmentation cette année encore. Il ne fait aucun doute que la question des réfugiés sera au cœur de la campagne électorale qui s’annonce. Il ne fait non plus aucun doute que la situation en Syrie, en Irak ou en Érythrée ne sera pas réglée d’ici au mois de mai prochain.

Malheureusement, la majorité sénatoriale a préféré ne pas débattre de ce budget, prouvant ainsi qu’elle préfère adopter des postures purement électoralistes,…

M. Philippe Dallier. Comme ce projet de budget !

Mme Esther Benbassa. … ce que nous déplorons.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Dallier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mes chers collègues, au nom du groupe Les Républicains, je voudrais tout d’abord dire que j’ai trouvé particulièrement déplacés les propos du président du groupe socialiste et républicain, qui s’en est pris au président du Sénat.

Le recours aux motions de procédure est un droit, pour la majorité comme pour l’opposition. Chacun des groupes de cette assemblée s’en est servi, parfois même contre des lois de finances. Ce fut le cas naguère du groupe socialiste, lorsque la gauche était majoritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. C’était sur un projet de loi de finances rectificative !

M. Philippe Dallier. Le groupe Les Républicains et le groupe UDI-UC ont de bonnes raisons d’avoir choisi la question préalable, que nous débattrons demain. Nous l’avons déjà dit et nous allons le redire aujourd’hui.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je regrette que M. Didier Guillaume ait cru bon de s’en prendre au président du Sénat.

Le projet de loi de finances qui nous est soumis est le dernier de ce quinquennat. L’heure du bilan a donc sonné. Pour établir celui-ci, quoi de plus normal que de comparer les résultats obtenus aux objectifs initiaux que le Gouvernement s’était lui-même assignés en 2012 ?

J’ai donc consulté les comptes rendus des séances de l’automne 2012, relatifs à la discussion du PLF pour 2013. Voici ce que déclarait Pierre Moscovici, alors ministre de l’économie et des finances : « Nous avons choisi de faire porter l’essentiel de l’effort sur l’année 2013, qui sera une année clé, compliquée, mais décisive, afin d’inverser dès 2014 la courbe de la dette. […] Le projet de loi de finances pour 2013 est placé sous le même signe du redressement. » Il ajoutait : « La seconde étape sera celle du retour à l’équilibre structurel des comptes publics. Notre déficit public sera ramené sous la barre de 0,5 % du PIB dès 2015, puis à l’équilibre structurel en 2016 et en 2017. »

Mes chers collègues, je pourrais m’arrêter là pour ce bilan, tant l’échec est patent. La dette publique aurait dû décroître : elle a progressé de 500 milliards d’euros. L’équilibre budgétaire aurait dû être atteint en 2016 : nous sommes toujours au-dessus des 3 %.

Quant au chômage, il faut rappeler l’engagement du Président de la République, pris le 9 septembre 2012, au journal de 20 heures : « J’inverserai la courbe du chômage d’ici à un an ».

M. Ladislas Poniatowski. Il a dit cela ?… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Dallier. Chacun connaît la suite. À la fin de 2013, devant la dégradation de la situation économique et budgétaire, le Président de la République annonçait le prétendu tournant social libéral du Gouvernement.

Pourquoi en êtes-vous arrivé là ? Je m’adresse à vous, monsieur le secrétaire d’État, puisque je n’ai plus de collègues socialistes à portée de voix.

Avions-nous connu une nouvelle crise financière majeure ? (Non ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Le cours de l’euro avait-il flambé face au dollar, pénalisant ainsi nos exportations ? (Non ! sur les mêmes travées.) Les taux d’intérêt s’étaient-ils envolés ? (Non ! sur les mêmes travées.)

Non, rien de tout cela. C’est donc bien votre politique et elle seule, celle de l’assommoir fiscal pour réduire le déficit, qui a provoqué le trou d’air de croissance dont nous ne sommes toujours pas sortis. (C’est vrai ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

En 2012, vous avez bel et bien écrasé d’impôts les entreprises et les particuliers et vous vous étonnez encore que la croissance ne soit pas revenue. Dans un premier temps, vous avez même été jusqu’à nier l’évidence. Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre, déclarait, le 27 septembre 2012, que neuf Français sur dix ne seraient pas concernés par les hausses d’impôt !

Or vous aviez supprimé la défiscalisation des heures supplémentaires, qui concernait un million et demi de Français, parmi les plus modestes. Il faut y ajouter la hausse du forfait social, la baisse du plafond du quotient familial, la hausse des prélèvements sociaux, le gel du barème de l’impôt sur le revenu, pour ne citer que quelques exemples. Vous avez donc commencé par un choc de 16 milliards d’euros, auquel s’est ajoutée par la suite la hausse de la fiscalité locale, conséquence de la baisse des dotations de l’État, qui étrangle nos collectivités locales.

Surtout, vous avez encore concentré l’impôt sur le revenu, faisant peser l’essentiel du fardeau sur les classes moyennes et les familles. Aujourd’hui, il n’y a plus que 44 % des Français qui paient cet impôt. C’est votre choix, un choix politique aux lourdes conséquences, qui fait dire au géographe Christophe Guilluy, dans son dernier ouvrage, que la classe moyenne est en train de disparaître en France.

Quid de nos entreprises ? Alors que nous avions voté, certes tardivement, en janvier 2012, la TVA compétitivité, qui aurait permis d’abaisser leurs charges de 13,5 milliards d’euros, vous leur avez au contraire imposé une hausse de 12,5 milliards d’euros.

Voilà ce qu’a été votre politique. Le 20 août 2013, Pierre Moscovici, toujours lui, se disait « très sensible au “ras-le-bol fiscal” ressenti par les citoyens, qu’ils soient des ménages, des consommateurs ou des entreprises ». En fait, vous avez mis dix-huit mois pour comprendre que les Français n’en pouvaient plus, et près d’un an de plus encore pour inverser timidement la tendance, si tant est qu’elle ait réellement été inversée.

Ce choc fiscal a été fortement récessif. Selon l’OFCE, l’Observatoire français des conjonctures économiques, la politique budgétaire du quinquennat a ainsi amputé la croissance de 0,8 point par an en moyenne entre 2012 et 2017. Voilà votre bilan !

À la fin de 2013, l’heure des comptes avait sonné. Le Président de la République, dans ses vœux aux Français, chacun s’en souvient, annonçait le virage sur l’aile droite du Gouvernement. Le CICE devait redonner de l’air à nos entreprises, et un plan d’économies de 50 milliards d’euros devait permettre de réduire le déficit budgétaire. Quant au code du travail, il n’était pas encore question d’y toucher. Pour vous, cela n’était pas un sujet.

Mais voilà, le CICE était mal ciblé, compliqué – un rapport sénatorial l’avait démontré – et, surtout, il ne compensait pas les hausses d’impôts et de charges de 2012. Il ne produira donc que peu d’effets.

En 2014 et 2015, la croissance n’était toujours pas de retour en France, alors que nos partenaires faisaient bien mieux. C’est bien là le plus grave !

Au printemps de 2016, vous avez enfin pris conscience qu’il faudrait également assouplir les règles du code du travail, mais la loi El Khomri fut malheureusement vidée de sa substance par votre majorité à l’Assemblée nationale.

Pourtant, monsieur le secrétaire d’État, vous aurez connu cinq années de tranquillité, en comparaison de la tempête qui a soufflé entre 2008 et 2011. Le retour de la croissance, vous nous l’annoncez depuis cinq ans, et, depuis cinq ans, nous ne voyons rien venir, ou si peu …

Aussi, le Président de la République a trouvé une formule : « Pas de bol ! ».

« Pas de bol », comme si la croissance devait revenir toute seule, indépendamment des décisions que nous prenons, parce que la conjoncture serait meilleure ailleurs en Europe et dans le monde. Voilà bien le péché originel de 2012, dont la France ne s’est pas encore remise.

Ce dernier budget du quinquennat aurait dû, eu égard à la situation du pays, respecter deux principes et se fixer deux objectifs prioritaires. Le premier principe, qui figure d’ailleurs dans la loi, c’est celui de sincérité budgétaire, qui ne saurait être détaché du second principe, celui de prudence.

Avec la sincérité, on pense bien sûr aux dépenses. Or beaucoup sont sous-estimées, comme notre rapporteur général de la commission des finances en a fait la démonstration.

Avec la prudence, on pense surtout aux recettes, qui ne devraient jamais être surestimées. Or, malheureusement, tel est bien le cas.

Quant aux deux objectifs prioritaires, qui répondent aux deux défis majeurs auxquels notre pays devrait résolument faire face, il s’agit du retour de la croissance et de la réduction du déficit budgétaire. Vous les affichez, certes, mais sans vous donner véritablement les moyens de les atteindre.

Pourtant, sans croissance, nous n’avons aucune chance de faire reculer durablement le chômage, ou alors à coup d’emplois publics, de contrats aidés ou de formations parfois peu qualifiantes, qui ne font que ruiner un peu plus les finances de l’État.

Sans croissance, nous ne pouvons financer et préserver notre modèle social et nos services publics autrement qu’en en reportant la charge sur les générations futures, ce que nous n’avons pas le courage d’assumer.

Toutefois, la croissance ne se décrète pas ; elle ne peut résulter que d’un environnement économique favorable et de la compétitivité de nos entreprises. Nous avons le premier, personne ne peut le nier. Alors, qu’attendez-vous, monsieur le secrétaire d'État, pour libérer véritablement nos entreprises et leur redonner plus de compétitivité et plus de flexibilité ?

La France fait toujours moins bien que ses principaux partenaires européens. Nous sommes à la traîne et bientôt, si rien ne change, nous finirons à la remorque d’une Allemagne qui a su, sous un gouvernement social-démocrate et dès le milieu des années 2000, prendre ses responsabilités. Souvent critiquées de ce côté-ci du Rhin, les lois Hartz ont été, je le rappelle, adoptées par un gouvernement social-démocrate. Et ce que l’Allemagne a fait dans les années 2000, avant la crise, elle en a tiré les bénéfices à la sortie de la crise, laquelle s’est produite, pour elle, en 2010-2011, alors que nous sommes toujours dans une situation extrêmement difficile.

En 2016, nous n’atteindrons toujours pas les 1,5 % de croissance sur lesquels vous comptiez. Et pour 2017, personne – pas même vous, monsieur le secrétaire d'État, j’en suis certain ! – ne croit que nous pourrons atteindre les objectifs que vous affichez.

Toutefois, l’optimisme que vous affichez vous permet – c’est certainement le but – d’inscrire en recettes de ce projet de loi de finances des sommes qui ne seront pas au rendez-vous en matière d’impôts économiques, pas plus qu’en matière de TVA sur laquelle vous espérez cinq milliards d’euros de plus qu’en 2016. Cinq milliards d’euros, rien que cela !

Par ailleurs – autre stratagème –, vous allez augmenter les acomptes de l’impôt sur les sociétés et de la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM, dus par les entreprises, afin de gonfler artificiellement les recettes de 2017 au détriment de celles de 2018. Tout cela vous permet d’afficher un déficit moins important que ce qu’il sera en réalité. Ce n’est vraiment pas sérieux !

Côté dépenses, le tableau est tout aussi inquiétant. Ce budget est un budget électoral, visant à amadouer différentes catégories de Français.

Les fonctionnaires, tout d’abord, avec la hausse du point d’indice de la fonction publique et la nouvelle réforme des carrières. Ainsi, l’année prochaine, la masse salariale de l’État progressera au total de 4 %.

Je le rappelle, le discours du Gouvernement à l’intention des fonctionnaires consiste à prétendre que leur pouvoir d’achat a été rogné par l’inflation, ce qu’infirment les études réalisées à ce sujet, notamment en raison du glissement vieillesse-technicité, le GVT.

Cela n’empêche pas le même Gouvernement d’invoquer auprès des retraités la quasi-nullité de l’inflation pour leur refuser toute revalorisation ! Il y a tout de même là une drôle de manière de traiter les Français, mais c’est ainsi : les fonctionnaires sont censés voter majoritairement à gauche, les retraités sont censés voter majoritairement à droite. On soigne ses électeurs comme on peut !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics. Faites attention, monsieur le sénateur, vos propos sont conservés ! Nous les ressortirons !

M. Philippe Dallier. Il y en a aussi, monsieur le secrétaire d'État, pour les jeunes, pour les associations et pour un certain nombre d’autres.

Pour masquer l’impact de ces nouvelles dépenses, vous utilisez tous les artifices : par exemple, la débudgétisation, grâce au programme d’investissements d’avenir, le PIA, pour financer des dépenses qui devraient relever du budget général de l’État.

Vous faites également – c’est tout de même assez symptomatique ! – tous les fonds de tiroirs, revenant encore une fois sur la parole de l’État, vis-à-vis d’Action logement, auquel on a retiré à peu près 130 millions d'euros pour aller financer autre chose. Monsieur le secrétaire d'État, la parole de l’État doit être respectée, sinon il n’y a plus de confiance possible entre partenaires.