M. Loïc Hervé. Tout à fait !

M. Alain Bertrand. Étant, avec Bernard Delcros et d’autres, auteur de l’avancée introduite dans le texte par le Sénat, je ne voudrais pas être compté aujourd’hui au nombre de ses fossoyeurs. Nous sommes là pour faire la loi, la règle de la République, et, sauf à considérer qu’il y a des abandonnés, des oubliés, des déclassés définitifs, j’estime qu’il fallait maintenir ces dispositions indispensables ! (M. Loïc Hervé applaudit.)

Que dire de la suppression de la disposition assurant à tous des secours primaires et secondaires en moins de trente minutes ? Il s’agit là de la mort, de la souffrance, du handicap, de séquelles irréversibles… Si je m’exprimais plus avant, je risquerais de devenir très excessif ! Je suis véritablement navré que cette commission mixte paritaire ait fait ce sale travail !

M. Antoine Lefèvre. Ça a le mérite d’être clair !

M. Alain Bertrand. Par-delà les réalités juridiques, le soutien du groupe du RDSE à la loi Montagne doit clairement se comprendre comme un soutien au texte tel qu’il avait été établi par le Sénat (M. Loïc Hervé applaudit.) et comme un appel ferme et pressant à nos responsables, pour leur demander une grande loi d’avenir et de programmation sur les ruralités, dont la montagne, afin de garantir, enfin, la cohésion territoriale de la République, la solidarité, l’équité entre les citoyens et les territoires sur ces sujets de première importance. (Applaudissements sur la plupart des travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé, pour le groupe UDI-UC.

M. Loïc Hervé. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je monte à la tribune, ce soir, avec l’esprit chagrin et le sentiment d’une occasion manquée. Et si je donne ainsi l’impression de rompre le consensus – à la suite cependant de mon collègue du groupe du RDSE… –, c’est parce que, précisément, il n’existe plus de consensus sur le texte qui va être soumis à notre vote.

À l’issue des travaux législatifs sur ce projet de loi relatif à la montagne, nous exprimons une vive déception, partagée, au-delà des travées du groupe UDI-UC, en particulier avec Jean-Claude Carle et Michel Savin.

Trente et un ans après la grande loi Montagne du 9 janvier 1985, ce texte était attendu. Il était même présenté comme un acte II du droit de la montagne. Malheureusement, force est de reconnaître que le résultat final n’est pas à la hauteur des ambitions affichées.

Bien sûr, un certain nombre de dispositions finalement inscrites dans le projet de loi vont dans le bon sens. Nous ne le nions pas, mais elles sont bien peu de choses au regard de l’ampleur des défis que doivent aujourd’hui relever les territoires de montagne. D’ailleurs, on peine à voir comment elles amélioreront concrètement la vie au quotidien des populations montagnardes.

Nombre de ces dispositions sont purement déclaratives. Les articles 1er, 2 et 3 sont totalement dépourvus de portée normative. C’est un peu du droit à la mode de M. Jourdain…

En matière de financement des territoires de montagne, l’article 3 bis A aurait pu représenter un réel progrès. Il est effectivement fondamental que la dotation globale de fonctionnement et le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales tiennent compte des surcoûts spécifiques induits par les conditions montagnardes. Mais la portée de cet article se trouve singulièrement amoindrie du fait que cette adaptation ne sera réalisée qu’« en principe ». Nous proposions de supprimer cette mention, qui vide le texte de sa substance. Cela n’a malheureusement pas été fait. Qui plus est, la rédaction de la fin de l’article me semble ambiguë s’agissant des territoires frontaliers.

Il est bien évident que les amodiations de la gouvernance des zones de montagne ne vont pas en changer la face.

Bien sûr, nous soutenons l’article 4 A, introduit par le Sénat, qui permet le maintien du classement en zone de montagne des communes intégrant une commune nouvelle.

De même, nous ne nous sommes pas opposés aux évolutions prévues du Conseil national de la montagne et des comités de massifs. Tout cela est bel et bon, mais fera une belle jambe à la plupart de nos concitoyens montagnards…

Quid des dispositions relatives à l’école ? L’article 8 ter, consacré à l’école primaire, va incontestablement dans le bon sens. Mais que prévoit le texte après le CM2 ? Rien, l’article relatif au collège, suite logique du précédent, ayant été supprimé.

Au contraire, notre collègue Bernard Delcros avait proposé qu’il soit rétabli et que les modalités spécifiques d’organisation des collèges de montagne fassent l’objet de conventions d’objectifs et de moyens triennales conclues entre les départements et l’État. Rien de tout cela n’a survécu à la commission mixte paritaire !

Les dispositions relatives à la santé sont-elles plus convaincantes ? Hélas non ! Il y a bien quelques petites choses sur la propharmacie et une hypothétique expérimentation en matière d’accès aux services hospitaliers de première nécessité, mais ce n’est évidemment pas cela que les populations montagnardes attendaient.

Concernant l’ambulatoire, elles ont besoin que l’on pilote de manière plus coercitive une meilleure répartition des professionnels de santé, notamment des médecins, sur l’ensemble du territoire.

Concernant le secteur hospitalier, les établissements de montagne doivent pouvoir bénéficier de modalités spécifiques de financement, leur permettant de maintenir les plateaux techniques de qualité dont le système de la tarification à l’activité les prive mécaniquement. On ne trouve évidemment rien de tel dans le supposé acte II de la loi Montagne !

Toujours en suivant l’ordre du texte, j’en arrive maintenant à l’un des enjeux les plus importants en montagne : la couverture numérique. C’est sur cette question que se détermine le vote du groupe UDI-UC.

S’il est un domaine pour lequel, par définition, un acte II de la loi Montagne s’imposait, c’est bien celui-là, car la question de la couverture mobile ne se posait pas en 1985… Je ne reviendrai pas sur les enjeux : de la sécurité à l’attractivité touristique et économique, ils sont tout simplement vitaux.

Je me concentrerai sur la téléphonie. Soyons clairs : il y avait deux manières de traiter le sujet.

La première consistait à conserver le cadre existant, qui a déjà montré ses limites, comme le ministre vient de le dire clairement. Il repose sur un socle législatif déficient, qui confie à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, le soin de définir les zones blanches. Résultat : sont actuellement considérées comme ne relevant pas des zones blanches des communes où l’on capte dans un rayon de 500 mètres autour de la mairie. Nous aurions dû inventer le concept de « zone grise » pour désigner ces zones blanches que la régulation conduit à ne pas qualifier comme telles. Tout cela est d’une hypocrisie achevée !

Ce cadre général s’en remet à la bonne volonté des opérateurs pour améliorer la couverture mobile du territoire. Ce n’est un mystère pour personne : il a été conçu pour maximiser le produit de l’attribution des fréquences. Autrement dit, la couverture numérique du territoire a été sacrifiée pour que l’attribution des fréquences rapporte un maximum à l’État ! (M. Alain Bertrand applaudit.)

M. Jean-Pierre Bosino. Il ne fallait pas privatiser France Télécom !

M. Loïc Hervé. Dans ces conditions, comme le faisait remarquer notre collègue Bernard Delcros, un acte II de la loi Montagne digne de ce nom ne pouvait que remettre en cause ce cadre global, en donnant une définition législative des zones blanches, quitte à ce que soit ensuite réévalué l’équilibre des contrats conclus entre l’État et les grands opérateurs.

En séance publique, nous avons fait adopter un amendement en ce sens. Cet amendement, qui était véritablement révolutionnaire, a malheureusement été supprimé en commission mixte paritaire. N’a donc subsisté, dans le texte, qu’un paquet de « rustines » visant à assouplir telle ou telle disposition législative pour faciliter le travail des opérateurs, en croisant bien fort les doigts pour qu’ils tiennent leurs engagements.

Ainsi, mes chers collègues, lorsque vous rentrerez chez vous pour la trêve des confiseurs et que les maires vous demanderont ce qu’apporte la nouvelle loi Montagne en matière de couverture mobile, que leur répondrez-vous, à part qu’elle met la pression sur les opérateurs et assouplit les conditions de déploiement ?

Je passe sur les dérogations en matière d’urbanisme et sur l’article 19 relatif aux UTN, tant ce dernier laisse à désirer… Comme l’observe Domaines skiables de France, qui représente 35 000 emplois directs, l’article « aboutit à l’obligation ardente d’inscrire les unités touristiques nouvelles de façon précise dans chaque plan local d’urbanisme ». On pouvait vraiment faire mieux en termes de souplesse ! En outre, les exceptions devront respecter le principe d’urbanisation limitée.

Évidemment, l’article 18, qui vise à corriger une erreur de la loi NOTRe en permettant aux stations classées de tourisme de conserver leur office de tourisme, constitue finalement le seul élément qui aurait pu nous amener à voter ce texte.

Nous voulions un texte pour une montagne vivante, une montagne dynamique, une montagne qui travaille. Il ne reste plus rien de cette grande ambition de départ. La montagne mérite mieux que cela. C’est pourquoi le groupe UDI-UC, pour l’essentiel, se prononcera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – M. Alain Bertrand applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour le groupe écologiste.

M. Jean Desessard. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, je constate que, pour l’examen de ce dernier texte de l’année, les montagnards sont là… (Sourires.)

Lors de la première lecture, mon collègue Ronan Dantec avait indiqué que, malgré quelques points dérangeants, le texte est globalement satisfaisant dans son économie générale. Il en va de même pour la rédaction adoptée par la commission mixte paritaire.

Le texte qui nous est soumis comporte aussi plusieurs dispositions que nous désapprouvons, mais la logique d’ensemble à laquelle nous avions souscrit est respectée : il s’agit de répondre aux spécificités et aux difficultés des zones de montagne via une adaptation des politiques publiques et la mise en place d’outils appropriés.

Le groupe écologiste se réjouit particulièrement que la commission mixte paritaire ait maintenu la suppression de l’article 9 septies, votée par le Sénat. Il était en effet scandaleux de revenir sur deux acquis de la loi Abeille relative à l’exposition aux ondes électromagnétiques en restreignant l’information des élus locaux et en limitant les possibilités de recours à la médiation, qui plus est sur l’ensemble du territoire, pas simplement dans les zones de montagne. Cet article allait donc bien au-delà du champ du texte et confinait au cavalier législatif. En confirmant sa suppression, la commission mixte paritaire a fait prévaloir la cohérence du projet de loi.

Malheureusement, le lobbying des opérateurs téléphoniques aura porté ses fruits sur deux autres points.

En ce qui concerne les zones blanches, nous regrettons que la commission mixte paritaire soit revenue sur une définition qui, plus claire, aurait de fait fixé des obligations contraignantes et concrètes pour les opérateurs. (MM. Alain Bertrand et Loïc Hervé applaudissent.)

Nous regrettons aussi que la commission mixte paritaire soit revenue sur l’adoption par le Sénat d’un amendement relatif à la mutualisation des antennes.

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. Jean Desessard. Il est également décevant que la commission mixte paritaire ait confirmé la suppression de la possibilité d’instaurer des zones de tranquillité dans les parcs nationaux. Le compromis qui avait été trouvé à l’Assemblée nationale, par le biais de la suppression de cette possibilité dans les parcs naturels régionaux, était intéressant et constituait un premier pas en faveur de l’instauration de ces zones qui visent, je le rappelle, non pas, comme cela a été dit, à mettre des territoires sous cloche, mais à y concilier les usages.

Un autre sujet est particulièrement source d’inquiétudes pour notre groupe : l’article 27 du projet de loi, maintenu par la CMP dans la rédaction adoptée par le Sénat, vise notamment à confier à la société par actions simplifiée Tunnel euralpin Lyon Turin des prérogatives en matière d’expropriation, pour lui permettre de mener à bien les travaux de réalisation de cette liaison ferroviaire.

Sur la méthode, tout d’abord, il n’est pas sain qu’un sujet aux implications aussi importantes en termes d’environnement, de finances publiques et de prérogatives régaliennes soit abordé au travers d’un simple amendement, qui est plus est de dernière minute, déposé si tardivement que la commission n’a pas eu le temps de l’examiner. Procéder de la sorte n’est certainement pas conforme à ce que l’on peut attendre d’une démocratie mature, où le Parlement doit avoir le temps d’exercer pleinement et posément ses prérogatives.

Sur le fond, cette disposition suscite notre méfiance et notre désaccord, en particulier parce qu’elle consiste à confier des prérogatives d’expropriation, donc exorbitantes du droit commun, à une société qui reste de droit privé, fût-elle financée sur fonds publics de deux États. Comme je l’ai déjà souligné en séance, ce procédé atteste que de nombreuses expropriations sont envisagées et que ce projet fait donc l’objet de beaucoup d’oppositions. Dès lors, est-il vraiment sage de procéder de la sorte ?

De plus, son impact environnemental et le peu d’attention prêtée à des solutions alternatives nous amènent à désapprouver ce projet, qui témoigne, à mon sens, d’une focalisation excessive sur la grande vitesse ferroviaire.

Vous l’aurez compris, plusieurs points suscitent notre désapprobation. Le texte est globalement satisfaisant, mais, trop souvent, l’écologie y est traitée comme un sujet annexe, presque négligeable, alors qu’elle devrait être au cœur des politiques d’aménagement du territoire. Malheureusement, l’antienne selon laquelle « l’écologie, ça suffit ! » résonne encore…

Compte tenu de ces réserves, la majorité du groupe écologiste s’abstiendra sur ce texte. Nous aurions pourtant aimé le voter, car il apporte des réponses, certes perfectibles, mais bien réelles, aux enjeux des territoires de montagne.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Jean-Yves Roux. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l'examen par le Sénat des conclusions de la commission mixte paritaire, qui s’est tenue lundi soir, vient parachever un débat parlementaire intense et un important travail de concertation préalable.

Je remercie les principaux artisans de cette loi au Sénat, en premier lieu le rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, Cyril Pellevat.

Je suis très satisfait de l’issue de cette commission mixte paritaire, qui a été conclusive. Je lève d’ores et déjà le suspense, en confirmant que le groupe socialiste et républicain votera en faveur de l’adoption de ses conclusions, qui nous paraissent constituer un bon compromis.

Compte tenu de l’énergie déployée par les parlementaires de la montagne et les associations d’élus et de l’engagement constant du Gouvernement, une nouvelle lecture aurait sans doute été superflue.

Par ailleurs, il aurait été dommage que nous ne puissions trouver un accord avant la fin de l’année, d’autant que les mesures dérogatoires relatives aux offices du tourisme des stations classées devaient pouvoir s’appliquer le plus rapidement possible. À cet égard, je souhaite, comme sans doute tous mes collègues, que la loi soit promulguée assez vite.

Je relève que la commission mixte paritaire a pu, dans un délai extrêmement court, lever des ambiguïtés juridiques ou prévenir des contentieux inutiles, au final contre-productifs au regard des enjeux poursuivis.

Le bicamérisme a joué pleinement son rôle en termes de coproduction législative. Les aller-retour entre l’Assemblée nationale et le Sénat sont parfois source de confrontations politiques qui font évidemment la grandeur de la démocratie, mais sont surtout – ne l’oublions pas – autant de possibilités d’améliorer la loi. Je suis persuadé, monsieur le ministre, que les montagnards ont particulièrement apprécié que des débats de cette qualité leur aient été spécifiquement consacrés.

S’attaquer à la rénovation de la loi de 1985 n’était pas une mince affaire, tant ce texte fondateur a fourni un cadre d’action précieux. Il faut rappeler que cette loi se distinguait, dans un contexte de décentralisation naissante, par le souci tout à fait novateur de prendre en compte des spécificités montagnardes. Cette dimension a été considérablement renforcée et sacralisée dans le texte final, sur le plan tant des thématiques abordées que des obligations de prise en compte dans les schémas d’organisation territoriale ou de certains fléchages relatifs à des aides à l’agriculture de montagne. Nous avons tout lieu d’en être satisfaits.

Vous comprendrez que je sois particulièrement intéressé à la mise en œuvre du principe, posé à l’article 3 bis A, de « l’intégration des surcoûts spécifiques induits par des conditions climatiques et géophysiques particulières en montagne pour la dotation globale de fonctionnement et le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales ».

Je suis, de la même manière, très impatient de voir comment certaines dispositions de ce projet de loi trouveront une traduction concrète, en particulier celles des articles 8 ter et 8 quater, relatives à la définition des prochaines cartes scolaires, aux conditions d’ouverture et de fermeture de classes ou à l’organisation des transports scolaires, d’autant que je crois utile d’aller au-delà, en intégrant les réseaux des collèges dans notre réflexion.

Je suggère, dans le même esprit, que nous soyons très attentifs à la mise en œuvre du dispositif de l’article 8 decies, qui dispose que « l’État peut autoriser, à titre expérimental et pour une durée maximale de trois ans, au nom du principe d’équité territoriale, que le projet régional de santé s’attache à garantir aux populations un accès par voie terrestre à un service de médecine générale, à un service d’urgence médicale, à un service de réanimation ainsi qu’à une maternité dans des délais raisonnables non susceptibles de mettre en danger l’intégrité physique du patient en raison d’un temps de transport manifestement trop important. »

Je vous informe, monsieur le ministre, que les élus des Alpes-de-Haute-Provence sont candidats à la tenue de cette expérimentation chez eux. Nous pouvons présenter des cas pratiques qui pourraient sans nul doute vous intéresser.

De manière plus générale, la thématique du temps de transport a traversé tous nos débats. Les montagnards, comme la plupart des ruraux, tiennent par-dessus tout à la préservation de leur qualité de vie : les temps de transport en participent indéniablement.

Pour donner corps à cet enjeu, nous avons cherché les formulations les plus adaptées et les moins susceptibles d’être sources de contentieux. Il s’agit maintenant de les faire vivre, avec l’appui des budgets et des moyens territoriaux adéquats.

Je soulignerai également ma satisfaction que la lutte contre le réchauffement climatique soit au cœur de ce projet de loi. Plus que quiconque, les montagnards en connaissent les conséquences et en apprécient les effets concrets sur leur patrimoine.

Cette loi marque un point d’équilibre entre la nécessité de développement et celle de protection. Je rappellerai, mes chers collègues, que c’est aussi un point d’équilibre entre tous les massifs, certains souhaitant poursuivre leur développement économique, d’autres devant impérativement préserver leur identité.

L’enjeu est de préserver l’unité de la montagne et de ne pas opposer les massifs entre eux. C’est aussi à cette condition que la parole des montagnards sera plus forte et plus crédible.

Je souhaite vivement que l’accord qui a été trouvé à propos de l’article 19, permettant de repousser l’échéance, en matière d’urbanisation limitée, au 1er janvier 2019, soit respecté. Les dérogations qui se prolongent plongent les élus dans des incertitudes importantes. Je suggère qu’une information claire et ciblée soit adressée à tous les maires et collectivités concernés, pour préciser les termes de la loi.

Mes chers collègues, la loi Montagne II constitue bien un cadre d’action profondément renouvelé. Nous avons pu, au cours de nos débats, entériner des avancées qui devront être poursuivies, évaluées. Je pense bien sûr aux dispositions relatives aux travailleurs saisonniers, qui pourront être utilement complétées, à la question du loup, et surtout au numérique et à l’accès à la téléphonie mobile. Je suis, comme vous tous, des plus impatient et en colère, en constatant l’inégalité territoriale à l’œuvre. Je constate aussi que, peu à peu, des équipements s’installent.

Nous devrons maintenir la pression chaque fois que l’occasion nous en sera donnée. Nous pourrons le faire parce que nous disposerons enfin de nouveaux outils pour faire s’accorder les élus, les opérateurs et France Mobile sur la réalité de la couverture.

Structurellement – c’est là un message que j’adresse à l’ensemble des candidats à l’élection présidentielle –, il me paraît indispensable que la renégociation des licences prenne en compte l’itinérance et l’exigence d’aménagement du territoire.

Notre travail s’achève aujourd’hui. Sachez que le groupe « développement économique de la montagne », que je préside, poursuivra avec passion et sérieux son travail de réflexion, ici au Sénat, au service de la qualité de vie de tous les montagnards ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Joseph Castelli et Jean Desessard applaudissent également.)

(Mme Jacqueline Gourault remplace Mme Françoise Cartron au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour le groupe CRC.

M. Jean-Pierre Bosino. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous prie une nouvelle fois d’excuser Évelyne Didier, qui ne peut intervenir en raison d’un problème de voix.

Sur la méthode, tout d’abord, j’observerai que l’examen de ce texte a été conduit à marche forcée. En effet, le projet de loi a été adopté par le Sénat mercredi dernier, la commission mixte paritaire s’est tenue ce lundi et ses conclusions ont été publiées hier, tard dans l’après-midi. Moins de vingt-quatre heures plus tard, nous les examinons. Or, il s’agit d’un texte de quatre-vingt-quatorze articles, qui a fortement évolué lors de son examen au Sénat et qui a été enrichi – si j’ose dire… – par des amendements de dernière minute du Gouvernement, pratique plutôt curieuse qui devient une habitude. Et tout cela dans le cadre d’une procédure accélérée !

Les parlementaires et, surtout, leurs collaborateurs ont dû travailler dans des conditions particulièrement difficiles ; c’est profondément regrettable !

Cela étant dit, nous avons apprécié l’esprit constructif qui a présidé à ces travaux et l’attention du ministre à nos propositions. Quatre-vingt-sept amendements ont été adoptés, dont cinq émanant du groupe CRC.

Ce projet de loi, nécessaire, était très attendu par les élus et les populations, même s’il n’est pas, tant s’en faut, l’acte II de la loi Montagne de 1985, comme on a voulu le présenter. Il faudra y revenir, notamment en ce qui concerne l’adaptation des territoires au changement climatique. Le développement des canons à neige devra trouver ses limites, ainsi que bien d’autres pratiques. La montagne ne se résume pas à la neige, et nous devons d’ailleurs prendre en compte le fait que celle-ci sera de moins en moins abondante.

Cela pose la question de l’évolution du tourisme et de l’emploi dans les territoires concernés, dont l’activité doit être moins tournée vers les services, et davantage vers l’industrie, le pastoralisme, la paysannerie, l’agriculture et la préservation des cultures et du patrimoine.

Cela pose aussi la question de la préservation des parcs naturels. Nous regrettons que la disposition relative à la création de zones de tranquillité dans ces derniers ait été vidée de sa substance, alors que l’équilibre trouvé à l’Assemblée nationale semblait satisfaisant.

En ce qui concerne le développement des services en zone de montagne, nous avions participé, au Sénat, à l’adoption d’amendements extrêmement favorables au déploiement des services de télécommunications. Nous avons soutenu ici, avec succès, l’exigence d’une meilleure couverture numérique, par exemple avec la redéfinition législative des zones blanches ou l’obligation de mutualisation des infrastructures, assortie de sanctions pour les opérateurs en cas de non-respect.

Ces mesures nous semblaient extrêmement utiles. Elles ont malheureusement disparu durant la commission mixte paritaire. Nous trouvons regrettable – c’est un euphémisme ! – l’attitude des opérateurs, qui ont mené la fronde tout ce week-end contre le texte issu des travaux du Sénat. (MM. Alain Bertrand, Joseph Castelli et Loïc Hervé applaudissent.)

Vous devriez moins applaudir, mes chers collègues, sachant que ces opérateurs sont issus de la privatisation de France Télécom, que beaucoup d’entre vous ont approuvée… Voilà pourquoi nous en sommes là !

Sur le fond, il faudra bien aborder un jour les conséquences négatives de la privatisation de France Télécom, notamment en matière d’aménagement du territoire. La rente du cuivre qui a financé les nouveaux actionnaires aurait permis de poser la fibre partout. Soumettre l’accès aux services publics aux règles de la rentabilité financière conduit à la création de déserts ruraux et de déserts montagnards. Ce sont ces règles que nous devons changer. Malheureusement, ce n’est pas encore pour cette fois !

En revanche, nous sommes satisfaits de la réintégration de plusieurs articles relatifs à l’accès aux soins pour les populations de montagne et une meilleure prise en compte, par les agences régionales de santé, de ces besoins spécifiques. Mais il reste beaucoup à faire.

Nous regrettons que le passage en commission mixte paritaire serve de prétexte à une révision des articles adoptés par notre assemblée s’agissant des adaptations nécessaires de la loi NOTRe et de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, ou loi MAPTAM. Nous voyons sur le terrain que ces textes ne sont pas adaptés aux territoires de montagne, peu densément peuplés.

M. Jean-Pierre Bosino. Pourtant, la loi NOTRe a été votée ! Pas par nous, il est vrai…

L’inadaptation est évidente s’agissant du seuil de création des intercommunalités – nous aurions voulu qu’il soit ramené à 5 000 habitants – ou des compétences ; ainsi, pour l’eau, la délimitation des territoires doit tenir compte des limites de bassin versant. Nous regrettons que nos amendements n’aient pas pu aboutir.

Nous déplorons également le maintien de la suppression de l’amendement de notre collègue André Chassaigne concernant la présence postale. Comme pour France Télécom, beaucoup reste à faire en la matière. La poste, comme l’école ou la mairie, c’est le cœur de la vie d’un village. Il est donc nécessaire de garantir une présence postale accrue en zone de montagne, pour les activités tant spécifiquement postales que bancaires.

Le développement du tourisme en zone de montagne est sujet très important. Des progrès notables ont été réalisés sur la question des saisonniers. Un accord a finalement été trouvé sur les unités touristiques nouvelles, les UTN. Comme tout compromis, il n’est pas entièrement satisfaisant, mais l’essentiel était d’adopter le texte.

Nous mesurons le chemin parcouru. Mais de nombreuses questions, notamment sur les moyens, restent en suspens. C’est pourquoi nous nous abstiendrons.

Mes chers collègues, je vous invite à réécouter la très belle chanson de Jean Ferrat La Montagne ! (MM. Alain Bertrand et Joseph Castelli applaudissent.)