Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme nous l’avions souligné lors des débats en première lecture, la spéculation sur le foncier agricole et forestier n’est pas propre aux pays du sud. C’est une terrible réalité que connaissent aujourd’hui tous nos territoires.

En effet, après la forêt et les grands vignobles, ce sont les terres intermédiaires qui sont aujourd’hui dans la ligne de mire d’investisseurs peu scrupuleux, ou trop gourmands. Cela met en danger la transmission et la pérennité des exploitations familiales, déjà affaiblies par une crise dont les effets sont dévastateurs.

Si cela continue, il va falloir songer à des nationalisations ; ce n’est pas un gros mot, monsieur le ministre !

Comme le souligne l’auteur de la présente proposition de loi, le mouvement actuel provient de la dérive individualiste de la course à l’agrandissement, d’un relâchement du contrôle des structures, de brèches législatives ouvertes en 2006 et de l’arrivée de fonds spéculatifs à partir de 2008.

C’est pourquoi nous nous réjouissons des travaux de la commission mixte paritaire. Nos deux assemblées ont réussi à trouver un accord satisfaisant pour renforcer les compétences et le rôle des SAFER.

C’est urgent. Au-delà de la spéculation et de l’arrivée d’investisseurs étrangers, il y a aussi un mouvement très fort de renforcement des « unités agricoles à salariés », via le développement de grandes exploitations sociétaires et le recours croissant à des entreprises de travaux agricoles, ce qui remet en cause le modèle d’agriculture familiale.

La financiarisation des terres est bel et bien en marche – tout n’est pas nécessairement « en marche », mais ça, oui ! (Rires.) –, ce qui conduit à l’élimination des petits exploitants et met une très grande partie de la profession en difficulté.

En France, le nombre des fermes de moins de dix hectares a diminué de 56 % en une décennie, passant de 340 000 en 1990 à moins de 150 0000 aujourd’hui. Pour reprendre l’expression du ministre, mais en l’adaptant à notre idée, ce n’est pas le sens de l’histoire que nous voulons ! Sommes-nous d’accord, monsieur le ministre ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Presque ! (Sourires.)

M. Michel Le Scouarnec. Or, nous le savons, la politique foncière est un pilier de toute politique agricole et alimentaire. Elle participe à l’orientation globale de notre modèle agricole et à la structure des exploitations sur le territoire national. Elle est aussi un enjeu important pour le renouvellement et l’installation de nos jeunes agriculteurs, trop souvent confrontés à des problèmes touchant au foncier, lorsqu’ils commencent leur activité professionnelle.

C’est pourquoi il nous aurait semblé nécessaire que le Gouvernement soit porteur d’un grand projet de loi sur le foncier agricole, en lieu et place de mesures ponctuelles et éparses. Cela devra être un chantier législatif prioritaire, quel que soit le prochain Gouvernement.

Comme cela a été dit lors des débats, pour le moment, on corrige des failles législatives introduites voilà une dizaine d’années. Mais contrer ce mouvement libéral de concentration des capitaux n’est pas à la hauteur des enjeux. Le foncier doit être redécouvert comme un élément commun, régulé par la puissance publique.

De nombreuses questions restent en suspens. Ouvrir le droit de préemption des SAFER sur les parts de société doit s’accompagner d’une redéfinition de leurs missions, comme l’intégration du contrôle des structures.

Il faudra aussi s’attaquer à la redéfinition de leurs moyens d’action, de leur statut, avec une possible transformation en établissement public, et de leur financement, afin de leur éviter de rechercher des fonds propres. Nous devrons également évoquer leur contrôle, car il faut éviter une financiarisation des SAFER elles-mêmes. C’est un risque auquel nous sommes tous confrontés, agriculteurs comme consommateurs.

Comme vous, monsieur le ministre, nous voulons croire en l’efficacité de l’outil SAFER.

Il sera également nécessaire de répondre au désarroi des agriculteurs qui acceptent de vendre pour avoir un complément de retraite, ce qui est parfois indispensable compte tenu de l’indécence de leur situation en fin d’activité. Leur retraite est en moyenne de 700 euros !

M. Michel Le Scouarnec. C’est d’ailleurs le sens de la proposition de loi de revalorisation des retraites agricoles de nos collègues du groupe GDR de l’Assemblée nationale, qui a été adoptée récemment.

De même, il est indispensable d’encadrer les prix des terres, de sorte qu’ils soient en corrélation avec le revenu agricole qui peut en être dégagé. Ne pas le faire conduirait inéluctablement à de très grandes difficultés pour l’installation des jeunes.

L’étalement urbain et la concentration sans précédent des terres cultivables aux mains de grosses exploitations participent à la disparition des paysans. Alors que l’opacité règne sur les transactions foncières, la logique financière se répand. Si nous ne faisons rien de plus, ce sont des holdings qui contrôleront demain les campagnes françaises. Nous ne le voulons absolument pas !

Sur le second volet de ce texte, le biocontrôle, il y a des avancées positives. Mais, là encore, il faudra y revenir, car la procédure législative accélérée ne nous permet pas de faire un travail de fond sur ces questions essentielles.

Malgré ces observations, et comme en première lecture, nous voterons pour les conclusions de la commission mixte paritaire, qui représentent une avancée pour le monde agricole. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Bertrand.

M. Alain Bertrand. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, tout a été dit ! Les quelques points de désaccord subsistaient après l’examen de la loi Sapin II et avant la commission mixte paritaire ont été gommés. Il fallait en particulier donner de la souplesse en ce qui concerne les mesures de substitution aux produits phytosanitaires, qu’on ne peut pas interdire de manière abrupte.

Je salue la sagesse des députés. Ils se sont ralliés à la rédaction du Sénat pour les articles 8 et 9, qui allègent les exigences pesant sur les professionnels utilisant des techniques alternatives.

Le dernier désaccord portait sur la disposition la plus importante, l’article 10, qui ratifie l’ordonnance relative au dispositif expérimental de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques. Ce dispositif vise à inciter les distributeurs à réduire leurs ventes, mais également à faire en sorte de conseiller les utilisateurs pour que ceux-ci se servent moins de ces produits.

Alors que le Sénat avait supprimé les sanctions pour les distributeurs ne satisfaisant pas à leurs obligations à la fin de l’année 2021, la commission mixte paritaire les a maintenues. Le ministre a longuement évoqué cette question, en particulier en première lecture.

Mais, dans un esprit de compromis et pour faire place à davantage de dialogue avant d’éventuelles sanctions, la commission mixte paritaire a aussi introduit le principe d’une évaluation de l’expérimentation, qui sera effectuée et rendue publique avant le 1er janvier 2020.

En ce qui concerne les SAFER, il est vrai que la proposition de loi ne parle pas des conditions de financement. Je rejoins la proposition d’Henri Cabanel en vue de la réaffectation d’une partie des fonds des établissements publics fonciers de l’État. Outils efficaces, les SAFER permettent notamment l’installation des jeunes agriculteurs. Elles permettent déjà de faire beaucoup de choses, sans aller jusqu’à nationaliser le foncier. (Sourires.)

Le groupe du RDSE votera les conclusions de la commission mixte paritaire à la quasi-unanimité. Le ministre l’a souligné, il faut saluer le travail de la commission, qui assure une revalorisation des métiers agricoles, en particulier dans le contexte européen. Ce texte permettra de produire propre et de garantir les revenus de nos agriculteurs. Vive l’agriculture ! Vive les territoires ruraux ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Dubois.

M. Daniel Dubois. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd’hui pour évoquer une dernière fois la proposition de loi relative à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle. Je souhaite que ce ne soit pas la dernière fois s’agissant du foncier agricole et du développement rural, monsieur le ministre.

Certes, l’équilibre n’est pas facile à trouver. Mais des questions continuent de se poser sur le droit d’exploitation et de propriété, l’installation des jeunes ou la définition de l’entreprise agricole. Un jour ou l’autre, il faudra bien les étudier de manière globale dans un texte dédié au foncier agricole.

Comme chacun d’entre nous, je veux me féliciter des travaux de la commission mixte paritaire, qui a abouti à un texte de compromis entre l’Assemblée nationale et le Sénat et entre les différentes sensibilités politiques. C’est à n’en pas douter grâce à l’engagement des deux rapporteurs.

Ce texte est plutôt technique, mais il s’insère dans des objectifs essentiels pour le secteur agricole et le monde rural. Je ne reprendrai pas complètement mes déclarations de la semaine dernière à l’occasion de l’examen de ce texte en première lecture, mais mes intentions restent naturellement les mêmes.

Sur le volet foncier, je souhaite réaffirmer ma mise en garde contre les lois votées sous le coup de l’émotion.

L’achat de terres agricoles par des investisseurs étrangers, notamment dans le département de l’Indre, a suscité une grande inquiétude parmi les acteurs du monde agricole et a contribué à sensibiliser l’opinion publique. Mais, à mon sens, cela ne suffit pas pour déclencher une nouvelle législation.

Plus qu’un enjeu économique, le phénomène d’accaparement des surfaces agricoles représente aujourd’hui un enjeu d’avenir pour notre pays. Les terres agricoles représentent notre capacité à produire et à assurer notre souveraineté alimentaire, mais il est aussi question du travail et des revenus de nos agriculteurs.

L’agriculture est également un outil de rayonnement de la France sur la scène internationale. Elle est l’un des emblèmes de notre pays, auquel nous sommes tous profondément attachés. C’est pourquoi il est primordial de mener une politique capable de garantir l’émergence d’un modèle agricole français compétitif et durable. Au-delà de la question de la revente des terres agricoles que nous examinons dans cette proposition de loi, il est donc aussi important de revoir les questions de transmission des exploitations.

Sur le fond, cette proposition de loi constitue un texte d’ajustement. Notre groupe l’accueille favorablement, puisqu’il essaie de répondre aux dysfonctionnements de la régulation de ce marché.

Je ne reviendrai pas sur les différentes mesures. Ce texte permet de combler les lacunes juridiques existantes, qui ont contribué aux dysfonctionnements observés ces derniers mois. Cependant, nous regrettons que cette question n’ait pas fait l’objet d’un texte plus large relatif à la politique foncière. L’accumulation de petites réformes crée un manque de cohérence et de clarté.

En commission mixte paritaire, les discussions ont permis de corédiger un article 1er qui satisfait tout le monde. Sa nouvelle rédaction ouvre à l’ensemble des exploitations, quelle que soit leur forme sociétaire, la possibilité d’acheter les terres qu’elles louent sans avoir à créer de structure de portage foncier, dès lors que les terres sont couvertes par un bail conclu avant le 1er janvier 2016, date qui a fait l’objet de débats en commission.

Lesdites sociétés pourront faire valoir leur droit de préemption, dès lors qu’elles jouissent d’un bail conformément au statut du fermage. Les terres qui n’ont pas été louées avant le 1er janvier 2016 devront, lorsqu’elles seront acquises, être portées par une société distincte.

Cela me semble être une bonne solution, qui permettra à ce texte d’être adopté avant la fin de la session parlementaire et donc d’entrer plus rapidement en application.

Sur le volet du biocontrôle, l’enjeu principal du combat contre les produits nocifs pour la santé en matière agricole est de trouver un juste équilibre entre protection de la santé publique, obligation écologique et maintien d’un rendement agricole suffisant pour garantir une indépendance alimentaire pérenne, ainsi qu’une économie agricole viable. Les solutions réalistes proposées et adoptées par le Sénat ont été conservées. Je m’en félicite.

Concernant les certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques, un compromis satisfaisant a été trouvé à l’article 10 : il prévoit de rétablir les sanctions que le Sénat avait supprimées, mais il ouvre aussi, pendant l’expérimentation, une clause de revoyure. Une telle évaluation, pendant la phase d’expérimentation, me semble constituer un juste équilibre.

Comme en première lecture, le groupe de l’UDI-UC votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe écologiste se réjouit que le Parlement ait su trouver un accord sur ce texte en moins de deux mois, juste avant la suspension de la session parlementaire. Je remercie M. le ministre et les groupes socialistes de l’Assemblée nationale et du Sénat d’avoir porté cette proposition de loi et de l’avoir inscrite à l’ordre du jour de nos deux assemblées.

Nous saluons aussi le travail de la commission mixte paritaire, qui a abouti à un texte commun. Le compromis auquel elle est parvenue prend en compte les inquiétudes de chacun des groupes politiques, sans remettre en cause les objectifs initiaux. Je remercie donc le rapporteur et les membres de la commission mixte paritaire. Et, sur ma lancée, je remercie tous les sénateurs, qui vont voter ce texte dans quelques instants ! (Exclamations amusées. – M. Alain Bertrand applaudit.)

M. Stéphane Le Foll, ministre. Très bien !

M. Bruno Sido. Quel œcuménisme !

M. Jean Desessard. Certes, nous aurions probablement pu trouver un accord plus global, si nous avions eu plus de temps. L’élection présidentielle arrive peut-être un peu tôt ! (Sourires.)

Sur le fond, il était primordial de pouvoir adopter de nouveau les dispositions relatives à l’accaparement des terres agricoles qui avaient été annulées pour des raisons de procédure par le Conseil constitutionnel.

Cela viendra parachever le dispositif adopté dans la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, renforçant ainsi le droit de préemption des SAFER et le contrôle des structures.

Concernant les produits de biocontrôle et le rétablissement des certificats d’économie de produits phytosanitaires, la commission mixte paritaire a également su trouver un compromis.

Le Sénat voulait supprimer les sanctions, pourtant négociées par le Gouvernement avec la profession à un montant de 5 euros par certificat manquant. L’abandon total de la sanction aurait mis en danger l’ensemble du dispositif.

M. Bruno Sido. On sait qui paiera…

M. Jean Desessard. Cela avait fait l’objet la semaine dernière d’un débat que certains qualifieraient de « franc, sincère et animé ».

Il est maintenant prévu de réévaluer le mécanisme expérimental en 2020 et, éventuellement, de le réajuster. Il n’est donc plus question de supprimer totalement la sanction. C’est une bonne solution.

Monsieur le ministre, comme je l’ai fait la semaine dernière, je profite de cette tribune pour vous inviter à accélérer la mise en place des nouvelles procédures prévues par la loi d’avenir concernant l’autorisation des produits de biocontrôle et des préparations naturelles peu préoccupantes.

Au-delà de ce blocage, et même pour les produits autorisés, de nombreux dossiers sont en souffrance sur le bureau de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, qui est loin de toujours respecter le délai imparti de six mois. Notre collègue Joël Labbé doit rencontrer l’Agence à ce sujet. Nous souhaitons que l’administration accélère la mise en œuvre des mesures adoptées.

Cette réserve énoncée, le groupe écologiste votera – sans surprise ! – en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Bertrand applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cuypers.

M. Pierre Cuypers. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Parlement examine une proposition de loi relative à deux sujets qui ne sont pas nouveaux : le foncier agricole et le développement de techniques alternatives à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques.

Je me réjouis, avec les membres du groupe Les Républicains, de l’accord trouvé en commission mixte paritaire la semaine dernière. Je salue le travail et l’implication de notre rapporteur, Daniel Gremillet, qui avait réécrit l’ensemble des dispositions foncières reprises dans cette proposition de loi dès le projet de loi Sapin II.

Nous ne ferons pas l’économie d’un travail de fond sur le foncier, comme cela a été rappelé à de nombreuses reprises lors de nos débats. Ce travail devra être fait dans les prochains mois.

En attendant, ce texte complète notre arsenal juridique dans l’objectif de mieux maîtriser le foncier agricole. Il prévoit plusieurs mécanismes. Je voudrais en évoquer deux.

D’une part, le texte étend l’intervention des SAFER à l’acquisition de parts sociales lors des cessions partielles, afin d’éviter, comme ce fut le cas pour l’acquisition des 1 600 hectares de terres dans le Berry par des investisseurs chinois, qu’elles ne puissent pas avoir un droit de regard sur le dossier.

D’autre part, le texte prévoit l’obligation de passer par une société de portage foncier pour acquérir des terres agricoles. Le Sénat a souhaité exempter de cette obligation l’ensemble des sociétés agricoles, dès lors qu’elles sont locataires des terres qu’elles veulent acquérir et qui sont support de leur activité. Ces sociétés peuvent ainsi faire valoir le droit de préemption du preneur en place. Les députés, quant à eux, craignaient un contournement de la règle avec des baux de complaisance. Un compromis a donc été trouvé, en limitant l’exonération de cette obligation aux baux conclus avant le 1er janvier 2016.

Concernant les certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques, j’avais exprimé quelques doutes et je m’inscrivais dans la logique de notre rapporteur, en faveur d’une écologie positive et incitative. La commission mixte paritaire a réintroduit le dispositif de sanction des distributeurs, mais a prévu en contrepartie un bilan à mi-parcours en 2020. Très clairement, même si le terme de ce délai paraît éloigné, cette solution permettra de réorienter l’expérimentation si cela se révèle nécessaire.

J’en viens aux buis et, plus généralement, aux plantes touchées par des maladies pour lesquelles aucun traitement alternatif aux produits phytosanitaires n’existe. L’accord entre les députés et les sénateurs va dans le bon sens. La rédaction du Sénat était très large ; la commission mixte paritaire a donc restreint aux seules collectivités territoriales la possibilité de traiter avec des produits phytopharmaceutiques. Pour autant, il apparaît que le droit actuel permet aux propriétaires privés de parcs et jardins de recourir à des prestataires disposant d’un agrément et du certificat individuel de produits phytopharmaceutiques, ou Certiphyto, pour effectuer des traitements de même nature.

Les mesures sur le biocontrôle posaient question, mais le bilan demandé à mi-parcours sur les CEPP permettra de faire le point et de maintenir le dialogue avec les parties prenantes. Sur le volet foncier, les membres de la majorité sénatoriale ont été à l’œuvre pour trouver les solutions juridiques à un problème qui est loin d’être anecdotique. Les évolutions du texte et l’accord en commission mixte paritaire vont dans le sens d’une meilleure maîtrise du foncier rural agricole. C’est pourquoi le groupe Les Républicains votera, dans sa majorité, en faveur des conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC. – M. Jean Desessard applaudit également.)

Mme la présidente. Mon cher collègue, je tiens à vous féliciter : pour votre première intervention en séance publique, vous avez scrupuleusement respecté le temps de parole qui vous était imparti. (Sourires.)

La parole est à M. Franck Montaugé.

M. Franck Montaugé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis à mon tour de l’aboutissement de la procédure d’examen de ce texte qui aborde deux sujets à forts enjeux et que le groupe socialiste et républicain votera.

Je reviendrai rapidement sur les dispositifs adoptés, en les replaçant dans le contexte plus large des grandes mutations de nos agricultures.

L’accord trouvé sur la mise en œuvre des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques est à souligner, parce qu’il traduit un progrès, et, plus significativement, une maturité certaine dans l’approche de la question sanitaire en agriculture.

La pression sociétale pour une alimentation saine et de qualité justifie pleinement ces dispositions. Je salue le travail du ministre, qui a engagé, avec la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, notre agriculture dans la triple performance économique, sociale et environnementale.

L’accord obtenu en commission mixte paritaire nous renforce dans la confiance dans notre capacité collective à trouver et à mettre en œuvre des solutions efficaces. La dynamique de création de dispositifs alternatifs est bien enclenchée, par les acteurs de terrain eux-mêmes. Il faut s’en réjouir.

Je note aussi que, à l’échelon européen, les choses bougent dans le bon sens ; M. le ministre l’a indiqué. Hier, par son vote, le Parlement européen a appelé à un mécanisme simplifié d’autorisation de mise sur marché, plus rapide et plus facile, des pesticides biologiques à faible risque et des produits de biocontrôle. Cette filière doit se développer comme une alternative efficace aux produits phytopharmaceutiques.

Compte tenu des enjeux de santé évidents – je pense aux perturbateurs endocriniens – et des risques encourus, y compris pour les agriculteurs eux-mêmes, je souhaite qu’une nouvelle législation voie rapidement le jour, afin d’accélérer les procédures d’évaluation, d’autorisation et d’enregistrement des pesticides à faibles risques.

Pour ce qui est de notre texte, et en attendant la généralisation du biocontrôle, je persiste à penser que l’agriculteur ne doit pas supporter seul la responsabilité de l’emploi des produits phytopharmaceutiques.

Comme pour la valeur ajoutée agricole ou agroalimentaire, dont on sait qu’elle est trop souvent trop faible pour le producteur et qu’elle devrait en conséquence être redistribuée plus équitablement sur toute la chaîne de valeur, la responsabilité de réduction de l’usage des produits phytopharmaceutiques doit être répartie de l’amont à l’aval, des fournisseurs d’intrants aux metteurs en marché. Le texte va dans ce sens. Il faudra veiller à ce que son esprit ne soit pas détourné en pratique au détriment de l’agriculteur.

En première lecture, j’avais posé la question de la maîtrise du foncier agricole de notre pays comme un enjeu de souveraineté nationale.

Le dispositif que nous avons adopté et que la commission mixte paritaire nous a permis de sécuriser juridiquement aide à faire un grand pas dans ce sens. C’est un point de progrès notable, qui doit nous engager maintenant vers une nouvelle étape, sous la forme d’une loi foncière spécifique qui traiterait du foncier agricole en lien avec l’ensemble du foncier national.

Entre autres questions, la capacité financière des SAFER à intervenir efficacement et la rémunération des externalités positives des espaces ruraux et agricoles – la captation et le stockage de CO2 en sont des exemples – pourraient être utilement abordées en lien avec les espaces métropolitains et urbains.

La prise en compte des externalités positives au bénéfice des agriculteurs pourrait faire l’objet de propositions et d’améliorations dans le cadre de la future politique agricole commune.

Pour ce qui est du pouvoir d’intervention des SAFER, les moyens nécessaires doivent être disponibles pour que la mission que nous leur confions et que nous avons renforcée avec ce texte puisse être correctement exercée.

À partir de là, je propose que le Parlement appréhende la problématique des moyens nécessaires aux SAFER en prenant en compte la réalité des missions, du fonctionnement et des résultats constatés de tous les opérateurs publics du territoire – je pense en particulier aux établissements publics fonciers – qui prélèvent, par la fiscalité directe, des ressources sur les territoires ruraux agricoles qui, en retour, n’en bénéficient pas ou très peu. Au cœur de la loi foncière dont nous pourrions être amenés à débattre prochainement devrait donc figurer l’objectif d’égalité territoriale, de justice territoriale.

Les deux sujets de ce texte nous rappellent que l’agriculture se situe dans un moment de mutation profonde et accélérée. Cela appelle de notre part à tous un bon diagnostic, une problématisation juste et un plan d’action tout aussi pertinent qu’efficient.

L’agriculture est en crise et les éleveurs gersois sont – hélas ! – bien placés pour mesurer ce qu’il en est depuis deux ans dans la filière du foie gras. Mais, au sens étymologique, « crise » signifie aussi « choix », « prise de décision ». À cet égard, l’année 2017 sera essentielle pour l’avenir du modèle de politique agricole commune. Je souhaite que la France fasse valoir l’intérêt de ses paysans et de ses territoires dans le concert agricole européen.

Le Sénat sera force de propositions. Je me réjouis, après les débats nombreux que nous avons eus ici sur le sujet, qu’ait été prise l’initiative de constituer un groupe de suivi de la PAC. Sous la présidence de Jean Bizet, j’aurai l’honneur d’en être l’un des rapporteurs.

Notre agriculture est confrontée, à l’échelon national comme européen, à des défis de sécurité et de qualité alimentaire, des défis économiques, environnementaux, territoriaux et de résilience à l’égard des nombreux aléas dont elle est en permanence l’objet. Pour répondre à ces défis, nous devons faire une analyse juste du fonctionnement de la PAC actuelle et en déduire les objectifs pertinents pour la prochaine, en cours de préparation.

La PAC des années 2020 doit être construite sur les objectifs suivants : la garantie de la croissance, de l’emploi et de la compétitivité, la contribution aux enjeux climatiques et environnementaux, le développement de la ruralité, la gestion des risques de toute nature pour une agriculture plus résiliente et plus durable, le respect et la prise en compte de la diversité des modèles et l’octroi de soutiens proportionnés.

Sans rentrer dans les détails, l’enjeu de gestion et de couverture des risques économiques, la question du niveau et de la garantie du revenu du producteur agricole conditionneront l’avenir de notre agriculture et le devenir de nombre de nos territoires. La proposition de loi visant à mettre en place des outils de gestion des risques en agriculture, que j’avais présentée avec Henri Cabanel et Didier Guillaume, texte adopté par le Sénat à l’unanimité, pourra être utilement reprise dans cette perspective. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du RDSE et du groupe Les Républicains.)