M. Roger Karoutchi. Qu’est-ce que ça veut dire ?

M. Gérard Collomb, ministre d'État. « La liberté d’exercer ses compétences, ensuite. Osons les expérimentations ! Ne décrétons pas depuis Paris la fin du millefeuille territorial (Mme Sophie Joissains applaudit.), mais incitons les territoires à adapter localement leur organisation pour tendre, partout où c’est possible, vers deux niveaux seulement d’administration locale en dessous du niveau régional. Pourquoi ne pas permettre à certaines collectivités, sur la base du volontariat, d’exercer des compétences pour le compte d’un autre niveau, comme par délégation ? »

M. Bruno Retailleau. Ce sont les métropoles !

M. Gérard Collomb, ministre d'État. « En matière de finances locales, nous engagerons avec les collectivités territoriales des discussions indispensables car, si chacun doit bien sûr contribuer à l’effort de redressement de nos comptes publics, cela doit se faire dans le dialogue et le respect, et avec la prévisibilité nécessaire à toute bonne gestion. C’est dans ce cadre que nous engagerons la concertation sur la réforme de la taxe d’habitation (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.), qui doit contribuer, d’ici la fin du quinquennat, à rendre du pouvoir d’achat à nos concitoyens. Je sais que cette réforme est attendue par les contribuables (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), mais redoutée par les élus. La taxe d’habitation est aussi nécessaire aux budgets locaux qu’elle est injuste dans son calcul et son évolution pour les contribuables.

« Améliorer le dispositif pour les collectivités tout en redonnant du pouvoir d’achat pour les citoyens est un objectif qui devrait nous réunir. » (Rires sur certaines travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Oui ! (Sourires.)

M. Gérard Collomb, ministre d'État. « Rétablir la confiance, c’est aussi éviter de creuser un fossé entre deux France que certains voudraient opposer, mais qui ne peuvent ni vivre ni réussir l’une sans l’autre : la France des métropoles mondialisées et la France périphérique. C’est tout l’objectif de la Conférence nationale des territoires, dont la première réunion se tiendra mi-juillet.

« Nous y proposerons un pacte pour les collectivités, pour les accompagner dans la transition écologique et pour les accompagner dans la transition numérique, en garantissant notamment un accès au très haut débit au plus tard d’ici 2022 partout en France. »

M. Gérard Collomb, ministre d'État. « Mais notre gouvernement n’est pas celui des machines, c’est d’abord celui des hommes ! »

Mme Annie David. Et des femmes !

M. Gérard Collomb, ministre d'État. « Il y a des Français qui n’ont pas de GPS, pas de box connectée, dont le téléphone sert à téléphoner, et c’est tout ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Il y a des citoyens qui sont broyés et ignorés par ce monde technique. Le fossé s’agrandit et il n’est pas que générationnel : il est social et parfois géographique. Nos services publics et le monde associatif doivent accompagner ces révolutions numériques. Nous les y aiderons. »

M. Henri de Raincourt. Tant mieux, merci !

M. Gérard Collomb, ministre d'État. « De même, il y a des votes protestataires qui se sont exprimés en métropole comme en outre-mer ; il faut les entendre. Il y a aussi un vote identitaire, qui s’est notamment exprimé en Corse : on peut être, comme je le suis, intransigeant sur les principes républicains sans être, pour autant, ignorant des diversités et des aspirations à la reconnaissance.

« La France est partout dans le monde grâce à ses outre-mer, sur tous les continents et dans tous les océans du globe. Voilà une richesse, voilà une chance, voilà un défi, aussi ! Les assises de l’outre-mer seront l’occasion pour l’ensemble du Gouvernement d’être à l’écoute des attentes de chaque territoire et de concevoir ensemble les plans de convergence prévus par la loi pour l’égalité réelle des outre-mer.

« Pour ce qui concerne l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, cette mandature sera celle de l’aboutissement de l’accord de Nouméa signé il y a vingt ans. S’il n’est pas saisi d’ici mai prochain par le Congrès, le Gouvernement, comme le prévoit la Constitution, organisera la consultation pour l’accession à la souveraineté au plus tard en novembre 2018. L’État jouera pleinement son rôle d’acteur et de garant de ce processus pour conforter le “ destin commun ” inscrit dans le préambule de l’accord. C’est un engagement personnel que je prends ici, honoré de reprendre le flambeau de Michel Rocard et de quelques autres après lui.

« La confiance, enfin, c’est tout ce qui nous rassemble.

« La France est une nation. Et une nation n’est ni une juxtaposition de territoires ni une addition de communautés, et encore moins une somme d’individus.

« Une Nation est une adhésion à des valeurs, à une histoire, à une géographie. C’est une culture qui s’assume et se transmet. Être Français, c’est reconnaître des valeurs et partager une culture.

« C’est reconnaître que la laïcité est une exigence pour la puissance publique, celle de la neutralité absolue à l’égard des cultes. C’est aussi rappeler qu’elle est surtout, pour chacun sur le territoire de la République, une liberté : la liberté de conscience individuelle, la liberté de croire ou de ne pas croire, la liberté de pratiquer un culte ou de n’en suivre aucun. Le Gouvernement n’acceptera pas que ce principe fondateur soit attaqué, remis en cause ou instrumentalisé. Il le fera respecter sans outrance, en se gardant de provoquer, mais avec une fermeté qui repose sur l’idée simple que la laïcité est, au fond, une condition de ce que nous sommes : la France.

« Ce qui nous rassemble, c’est aussi la culture.

« C’est notre langue, c’est notre patrimoine, c’est ce que nous partageons, c’est ce qui fait que la France est admirée et aimée dans le monde. C’est ce que détestent les porteurs de haine qui, à plusieurs reprises, ont attaqué notre pays.

« Et s’ils détestent autant cette culture et ce mode de vie, s’ils haïssent les dessins, les livres, la musique et les spectacles, c’est qu’ils les savent une source inépuisable de réflexion, d’émancipation et de bonheur. Ils savent qu’ils sont libérateurs.

« Ne nous y trompons pas : la formation dès le plus jeune âge à la culture et à la création rend libre. En les familiarisant avec la longue histoire des arts, en leur faisant découvrir les lieux de culture, en leur apprenant à décrypter l’époque et à découvrir notre héritage, nous élevons l’âme de nos enfants et nous renforçons la cohésion de notre pays. De concert, les ministres de l’éducation nationale et de la culture feront de ce chantier une priorité absolue.

« De même, lire rend libre. Plus encore que sous les ors de ses palais, la République vit dans ses bibliothèques. Nous voulons rester, redevenir peut-être, une nation de lecteurs en nous inspirant des initiatives remarquables menées par de nombreuses collectivités territoriales.

« Accéder aux œuvres et à la création rend libre. Notre époque bouleverse les modes de diffusion des œuvres : c’est à la fois une chance et un défi. Profitons-en pour faciliter le plus large accès possible aux biens culturels, avec notamment la création d’un Pass-culture pour les jeunes, comme l’a proposé le Président de la République. Mais ouvrons aussi le débat avec les acteurs géants du numérique dans le cadre européen pour assurer aux artistes les moyens de vivre de leur création et pour participer au financement de cet accès aux œuvres.

« Mesdames, messieurs, la France peut renouer avec la confiance. Elle en a, j’en suis certain, les moyens. Elle en a, j’en suis convaincu, l’envie. Elle doit aussi en avoir le courage.

« Le courage, voilà le deuxième grand axe qui organise le travail du Gouvernement.

« Entendons-nous bien. Il ne s’agit pas du courage du Gouvernement, ou de celui de la majorité, ou de celui du Parlement. Il s’agit du courage dont nous devons collectivement faire preuve, nous, Français, pour être à la hauteur des enjeux. Les Français sont courageux. »

M. Gérard Collomb, ministre d'État. « Ils l’ont été face au terrorisme : pas seulement les policiers, les gendarmes, les militaires ou les douaniers qui luttent contre cette menace et qui en sont trop souvent les cibles, tous les Français ! Face au danger, ils n’ont pas voulu changer leurs habitudes, encore moins renoncer à leurs valeurs. Il y a dans notre pays une forme de courage tranquille mais réel dont nous pouvons être fiers.

« La menace est partout, diffuse. Pas un mois ne passe sans que des projets ne soient éventés ou des actes empêchés.

« Ayons en cet instant une pensée pour les victimes – plus de 200 tués sur notre sol, des centaines de blessés –, pour leurs proches, qui doivent apprendre à vivre avec la douleur, avec la peine et avec l’absence.

« Je veux rendre hommage à tous ceux que nous voyons, policiers, gendarmes, militaires de l’opération Sentinelle, veiller chaque jour sur notre sécurité. À ceux qui combattent sur les théâtres d’opérations extérieures au Sahel ou au Levant. Et à tous ceux que nous ne voyons pas et ne connaîtrons jamais, nos soldats de l’ombre, dont nous pouvons être fiers. Beaucoup sont tombés au service de notre liberté.

« Je veux leur dire à tous que nous leur donnerons les moyens de nous défendre. Comme s’y est engagé le Président de la République, une loi de programmation militaire sera adoptée dès 2018. Elle portera l’effort de défense à 2 % du PIB d’ici 2025 et permettra à la France de se battre sur tous les fronts.

« Mais je tiens à vous le dire sans détour : il y aura d’autres attaques, d’autres drames, d’autres vies innocentes fauchées.

« Nous ne nous y habituerons jamais. Nous ne baisserons pas la garde. À l’image des Français, nous affronterons cette menace avec une calme et froide détermination.

« Nous lutterons contre les terroristes avec la plus extrême dureté, sans renier ce que nous sommes : un État de droit et, qui plus est, la République française, une République qui ne peut pas vivre dans un état d’urgence permanent !

« C’est pourquoi le Président de la République nous a demandé de préparer la sortie de l’état d’urgence au plus tard le 1er novembre prochain, avec un projet de loi renforçant l’efficacité de notre arsenal législatif contre le terrorisme, sous le contrôle rigoureux du juge.

« En parallèle, le ministre de l’intérieur et la garde des sceaux travailleront ensemble pour faire reculer l’insécurité. Au printemps 2018, après des expérimentations, ils porteront ensemble un projet de réforme reposant sur des procédures simplifiées, afin que les forces de sécurité soient libérées de la complexité administrative. Établir une véritable police de sécurité du quotidien, c’est aussi une condition pour rétablir la confiance.

« Le courage, c’est aussi de regarder en face le défi migratoire.

« La pression qui s’exerce aux frontières, dans les Alpes-Maritimes, dans le Calaisis, à Mayotte, en Guyane, qui s’exerce aussi au cœur même du territoire national, comme à Paris, porte de la Chapelle, crée des tensions considérables et lourdes de dangers pour l’ordre public.

« Cette pression ne faiblira pas : les conflits et l’insécurité économique au Moyen-Orient et en Afrique, les risques liés au climat, les réseaux qui prospèrent en exploitant le malheur et la misère, tout contribue à l’alimenter.

« Face à cette situation, la France s’est révélée incapable de remplir ses obligations juridiques et morales.

« Les demandeurs d’asile relevant effectivement de la convention de Genève attendent l’octroi d’un statut durant de longs mois et dans des conditions parfois honteuses. Les autres, qui sont en réalité des migrants économiques, sont rarement éloignés quand ils sont déboutés.

« La semaine prochaine, le Gouvernement présentera des mesures qui répondront à trois exigences : une exigence de dignité pour que la France honore sa tradition d’accueil des réfugiés ; une exigence d’efficacité pour réduire les délais moyens d’instruction des demandes d’asile, de quatorze à six mois, et obtenir l’éloignement effectif des déboutés du droit d’asile ; une exigence de solidarité et de responsabilité. Avec nos partenaires européens, nous ferons aboutir la réforme du régime européen d’asile commun et mènerons une action en direction des pays d’origine et de transit.

« Il s’agit, comme je l’ai dit il y a quelques jours aux préfets que j’ai réunis avec le ministre de l’intérieur, de voir le monde tel qu’il est, sans renoncer à ce que nous sommes.

« Accueillir, oui, bien sûr. Aider, oui, évidemment. Subir, non, jamais ! »

M. Bruno Sido. Bravo !…

M. Gérard Collomb, ministre d'État. « Le courage, c’est aussi de regarder les choses en face et de préparer l’avenir.

« Parlons donc de l’école. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)

« Je suis par mon histoire personnelle un pur “ produit ” de l’école publique. Deux fois fils de prof, je dois une bonne partie de ce que je suis à mes maîtres, à leur attention, leur persévérance et leur capacité à m’inspirer. Nous connaissons tous le dévouement des enseignants, la passion qui les anime et le rôle qu’ils jouent pour nos enfants.

« Et pourtant, toutes les études le démontrent : nous formons “ très bien les très bons ”, mais nous creusons les inégalités. Et le niveau moyen de nos élèves n’est pas à la mesure de notre grand pays.

« Notre système laisse sortir chaque année encore près de 100 000 jeunes sans qualification.

« Nous dépensons bien moins que nos voisins dans le primaire, où pourtant tout se joue. Nous dépensons bien plus que les autres pays pour le lycée, notamment parce que notre système est rigide et conçu autour du baccalauréat, alors que nous conduisons 60 % de bacheliers à l’échec en licence !

« Enfin, scandale absolu, des bacheliers, y compris parmi les plus méritants, se retrouvent exclus par tirage au sort des filières universitaires qu’ils ont choisies ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Où est l’égalité ? Où est le mérite ? Où est la République ? »

M. Jacques Grosperrin. Demandez à Mme Vallaud-Belkacem !

M. Gérard Collomb, ministre d'État. « Nous ne pouvons plus l’accepter ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)

« Je ne reviendrai pas sur les mesures déjà annoncées par le ministre de l’éducation nationale pour l’école et le collège. Elles se concentrent sur l’acquisition des savoirs fondamentaux, le soutien aux élèves et l’autonomie des établissements, et seront en vigueur dès la rentrée prochaine. » (Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche. – Mme Françoise Gatel, M. Jean-Marie Bockel et M. Loïc Hervé applaudissent également.)

M. Gérard Collomb, ministre d'État. « Quant au baccalauréat, nous le ferons profondément évoluer. Une concertation sera lancée dès la rentrée prochaine pour resserrer les épreuves finales autour d’un plus petit nombre de matières et définir ce qui relève du contrôle continu. Nous aboutirons avant septembre 2018 pour une mise en œuvre complète de cette réforme à compter du bac 2021. »

M. Gérard Collomb, ministre d'État. « Notre ambition est forte aussi pour la filière professionnelle. Le lien entre le lycée professionnel et le monde de l’entreprise, par l’alternance ou par l’apprentissage, doit être resserré. Le lycée professionnel doit aussi être mieux intégré avec les filières post-bac courtes que sont les BTS et les licences professionnelles. Des diplômes de qualification à bac + 1 pourront également être proposés après le baccalauréat professionnel.

« Nos grandes universités doivent également continuer à se transformer.

« Avec l’appui des organismes de recherche, elles doivent continuer à gagner en autonomie, travailler en réseau et se rapprocher du monde économique. C’est dans leurs laboratoires que se construisent l’intelligence collective et la croissance économique de demain.

« Les efforts d’investissement ne seront pas relâchés. Nous avons besoin d’universités fortes où formation, recherche et innovation irriguent notre culture et notre économie.

« Nos universités vont connaître un choc démographique, dont nous devons nous réjouir. Chaque année, ce sont 40 000 étudiants supplémentaires qu’il nous faudra accueillir. Mais nous n’avons pas le droit d’orienter des générations entières vers des formations inadaptées et sans débouchés. Il est temps d’offrir à nos lycéens des “contrats de réussite étudiante”,… (Applaudissements sur les travées des groupes Union Centriste et Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. Gérard Collomb, ministre d'État.… qui leur indiquent les prérequis pour réussir dans la filière visée. Nous le ferons dès la rentrée 2018.

« Il faut aussi garantir un réel droit au retour à l’université tout au long de la carrière, pour compléter et valider en milieu académique les acquis de l’expérience. (M. Philippe Bas applaudit.)

« Notre jeunesse a soif de causes. On n’y répondra pas par des taux de croissance ou par des procédures. La jeunesse veut s’élever. Au siècle dernier, elle a eu trop d’occasions de verser son sang. Le front aujourd’hui est social, environnemental et mondial. Il appelle la mobilisation de la jeunesse, non pour combattre, mais pour construire, partager, déverser le fruit de ses connaissances et de son enthousiasme.

« C’est aussi pour préparer nos enfants à ce monde qui vient, à cette France que nous voulons grande et belle, juste et forte, que le Gouvernement mettra en place un nouveau service national, conformément aux engagements du Président de la République. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et Union Centriste.) La réflexion sur les formes que prendra ce service sera conduite avant la fin de l’année 2017.

« Le courage, c’est aussi de rénover enfin notre modèle social. Nous sommes, dans notre pays, fortement attachés à l’égalité : égalité devant la loi, égalité des droits. Pourtant, nous sentons bien aujourd’hui que cette égalité est malmenée. Le code du travail est le même pour tous, mais le niveau de protection n’est pas le même dans les grands groupes, les PME ou pour celui qui accumule les CDD. Et nous savons aussi que chacun aspire à notre époque à plus de liberté : liberté de choisir sa carrière professionnelle, de changer de métier, liberté de créer, liberté d’entreprendre, liberté de concilier sa vie professionnelle et sa vie personnelle.

« Les catégories traditionnelles qui ont structuré notre vie sociale s’effritent : la frontière entre salariat et travail indépendant, le rôle de la loi et du contrat, la répartition de la valeur. Tout cela est profondément bouleversé par l’impact conjugué de la mondialisation et de la révolution numérique.

« Voilà pourquoi nous voulons rénover notre modèle social : pour qu’il crée des protections vraiment efficaces au lieu de les garantir seulement sur le papier ; pour qu’il accompagne celui qui veut prendre un risque, au lieu d’être seulement tourné vers celui qui est déjà installé.

« Dès le 6 juin dernier, j’ai défini avec la ministre du travail, et nous avons partagé avec les partenaires sociaux, la feuille de route de cette rénovation sociale. Elle tient en quatre points : renforcer le dialogue social dans l’entreprise et dans les branches ; redonner du pouvoir d’achat aux actifs ; sécuriser les parcours professionnels ; rendre notre système de retraite plus juste et plus lisible.

« Nous voulons aller vite, car l’urgence sociale est forte. Mais nous avançons sans précipitation. Nous sommes encore dans le temps de la concertation avec les partenaires sociaux ; cette semaine, commence le temps du débat parlementaire, avec l’examen du projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social. À la fin de l’été viendra le temps de la décision, lorsque les ordonnances seront publiées.

« Dès octobre, nous engagerons les chantiers du renforcement de la formation professionnelle, de l’ouverture de l’assurance chômage aux démissionnaires et aux travailleurs indépendants, de la refonte de l’apprentissage. Nous aurons là aussi de vraies discussions avec les partenaires sociaux et nous présenterons un projet de loi et un plan d’actions au printemps 2018.

« Nous appliquerons la même méthode à la rénovation de notre système de retraites, pour le rendre plus juste et plus transparent, pour qu’un euro cotisé ouvre les mêmes droits pour tous. Nous prendrons le temps du diagnostic, de la concertation et de la négociation et nous fixerons le cadre de la réforme à la fin de l’année 2018.

« Entre-temps, nous aurons rendu du pouvoir d’achat aux salariés : la suppression des cotisations salariales sur l’assurance maladie et l’assurance chômage, financée par un transfert sur la CSG, redonnera dès 2018 du pouvoir d’achat à plus de 20 millions d’actifs. » (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Éric Doligé. Et les retraites ?...

M. Gérard Collomb, ministre d'État. « Cela représente 250 euros par an au niveau du SMIC. Nous augmenterons aussi la prime d’activité, car le message aux Français est clair : le travail doit payer. (Mme Bariza Khiari applaudit. – M. Alain Gournac s’exclame.)

« Le courage, c’est enfin de faire face à la vérité sur notre situation financière. Dès ma prise de fonction, j’ai voulu disposer d’une vision nette de la situation de nos comptes publics. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

« Le constat est grave : 8 milliards d’euros de dépenses non financées. (Exclamations ironiques sur les mêmes travées.) Notre dette atteint un niveau insupportable de 2 147 milliards d’euros. »

M. Roland Courteau. M. Macron n’était-il pas ministre de l’économie ?

M. Gérard Collomb, ministre d'État. « Chaque année, la France dépense 42 milliards d’euros pour rembourser ses intérêts. C’est plus que l’intégralité du budget que nous consacrons à notre défense nationale. C’est cinq fois le budget de la justice.

« Cette dette nous met à la merci des marchés financiers, dont les fluctuations décident de plus en plus de notre avenir. Si une nouvelle crise survenait, nous n’aurions plus de marge de manœuvre. »

M. Henri de Raincourt. Nous l’avons dit cent fois !

M. Gérard Collomb, ministre d'État. « Si les taux d’intérêt augmentaient d’un point, et ils augmenteront un jour, c’est l’équivalent du budget de l’enseignement supérieur qui partirait en fumée. Et pourtant, nous continuons à dépenser plus que nos recettes. Je n’aime pas raisonner en pourcentage du PIB : 2,8 %, 3,2 %… Nous avons anesthésié nos compatriotes à force de parler comme des comptables. La vérité, c’est que quand nos voisins allemands prélèvent 100 euros en impôts et en dépensent 98, nous en prélevons 117 et en dépensons 125. Qui peut penser que la situation est durable ? »

M. Gérard Collomb, ministre d'État. « Mesdames, messieurs, sous le regard inquiet des Français, nous dansons sur un volcan qui gronde de plus en plus fort. Certains continuent pourtant à nier l’évidence. »

M. Gérard Collomb, ministre d'État. « “Combien de fois un homme peut-il tourner la tête en prétendant qu’il ne voit pas ?”, s’interrogerait sans doute le prix Nobel de littérature de l’année 2016…

« Il y a une addiction française à la dépense publique. Comme toute addiction, elle ne règle rien du problème qu’elle est censée soulager. Et comme toute addiction, elle nécessitera de la volonté et du courage pour s’en désintoxiquer.

« Mesdames, messieurs, les Français ne croient pas aux solutions simplistes, qu’il s’agisse de la sortie de l’euro ou de l’annulation de la dette. Ils voient bien que tous nos partenaires européens ont fait l’effort de réduire leurs dépenses après la crise financière. Tous, sauf nous. Ils savent qu’il est indigne de demander à leurs enfants de rembourser demain ce qu’eux-mêmes ne peuvent pas se payer aujourd’hui.

« Mon objectif est donc de ramener le déficit sous la barre des 3 % dès 2017 et de conduire notre stratégie de finances publiques en fonction de trois règles simples : premièrement, faire baisser la pression fiscale d’un point de PIB sur cinq ans ; deuxièmement, faire baisser la dépense publique de trois points de PIB sur la même période ; troisièmement, agir en donnant de la visibilité aux acteurs.

« Je veux d’abord rassurer nos concitoyens : les contribuables ne seront pas la variable d’ajustement du budget ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Bruno Sido applaudit.)

« Au contraire, les prélèvements obligatoires baisseront de 20 milliards d’euros d’ici à 2022. La France ne peut demeurer la championne à la fois de la dépense publique et des impôts !

« S’agissant de la dépense publique, l’objectif du Gouvernement est ambitieux. C’est de faire en sorte qu’elle soit stable, hors inflation, en 2018 par rapport à 2017 : on ne dépensera pas plus en 2018 qu’en 2017. Tous les autres États l’ont fait, voire ont baissé leurs dépenses. Mais cela n’a été fait qu’une seule fois en France. Encore s’agissait-il de supprimer les mécanismes conjoncturels de soutien qui avaient été institués pendant la crise.

« Disons la vérité aux Français. » (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et Union Centriste.)

M. Gérard Collomb, ministre d'État. « Pour atteindre ces objectifs sur la dépense publique, il faut agir sur trois leviers.

« D’abord, il faut stopper l’inflation de la masse salariale du secteur public, qui représente le quart de nos dépenses publiques.

« Ensuite, si nous voulons financer nos priorités, et ne pas continuer à paupériser l’État, nous devrons choisir et remettre en cause certaines missions : faire bien ce que nous devons faire et arrêter de faire ce que d’autres font mieux que nous. Aucun ministère, aucun opérateur, aucune niche fiscale ne sera sanctuarisé. Partout, nous chasserons la dépense inefficace et le saupoudrage de crédits.

« Enfin, il convient de repenser les politiques publiques qui pèsent sur nos actifs sans suffisamment de résultats. Nous dépensons deux fois plus que nos voisins européens dans l’aide au logement et les Français éprouvent toujours autant de difficultés à se loger. »

M. Francis Delattre. M. Eckert le disait déjà !

M. Gérard Collomb, ministre d'État. « Cet écart entre le niveau de dépenses et la faiblesse des résultats, les Français le constatent également dans les politiques de l’emploi et de la formation professionnelle.

« La France est dans les cordes, et aucune esquive ne nous sauvera. J’ai conscience d’appeler à l’effort et au courage. Pour être entendu, il faudra agir de manière juste, transparente et dans la durée, en donnant de la visibilité aux gestionnaires publics et aux Français.

« Dès cette semaine, le ministre de l’action et des comptes publics réunira l’ensemble des administrations publiques, pour dessiner une trajectoire et une méthode globale de redressement financier. La conférence des territoires permettra, pour sa part, d’approfondir la concertation avec les collectivités territoriales.

« Dès la rentrée, le Gouvernement présentera à la fois le budget 2018 et une loi de programmation des finances publiques qui portera sur toute la durée du quinquennat.

« Cette trajectoire devra remettre la sécurité sociale à l’équilibre à l’horizon 2020. Nous devrons d’ici là définir de nouvelles règles permettant de proscrire dans la durée le déficit de nos comptes sociaux.

« Enfin, nous devrons préserver les équilibres de notre système de retraites, tout en le rendant plus juste et plus lisible. Les nouvelles prévisions du Conseil d’orientation des retraites nous y invitent avec insistance, puisqu’elles indiquent que le retour à l’équilibre, un temps prévu pour 2025, ne pourrait finalement intervenir qu’en 2040.

« Pour atteindre ces objectifs, nous devons engager une véritable transformation de l’État et de nos services publics. Elle sera progressivement déclinée par ministère d’ici au printemps 2018, en associant les usagers, les agents et, évidemment, les parlementaires. »