M. Dominique Watrin. Ce projet de loi élargit tant le champ de la primauté de l’accord d’entreprise par rapport à l’accord de branche que les possibilités de négociation en l’absence de délégué syndical. Dans ce cadre, l’alinéa 13 de cet article propose de favoriser les conditions de mise en œuvre de la négociation collective en « facilitant le recours à la consultation des salariés, notamment à l’initiative de l’employeur, pour valider un accord ».

À l’image de l’ensemble du texte qui nous est soumis, cette proposition nous semble pour le moins floue. Selon nous, toute consultation devrait au minimum respecter certaines règles.

Tout d’abord, en matière d’information : les tenants et les aboutissants de l’accord doivent être notifiés clairement et de manière intelligible.

Ensuite, le périmètre de cette consultation doit être raisonnable et réfléchi. En effet, pour qu’une consultation soit juste, elle doit faire appel à l’avis des employés mêmes qu’elle concerne. Si un accord impose, par exemple, le travail de nuit aux ouvriers d’une entreprise, les cadres de cette même entreprise non concernés par la mesure ne peuvent être invités à s’exprimer sur cet accord. Cela relève du bon sens, mais mérite d’être précisé, afin d’éviter tout détournement du processus.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, il s’agit là d’un amendement de repli par rapport à l’amendement précédent, mais, comme les mots ont un sens, alors que le Gouvernement s’octroie déjà de larges pouvoirs dans la rédaction des ordonnances, essayons d’encadrer autant que possible les larges dispositions proposées, en remplaçant le terme « facilitant » par « encadrant ».

Mme la présidente. L’amendement n° 191, présenté par M. Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Costes, MM. Arnell, Bertrand, Castelli et Collombat, Mme Malherbe et M. Collin, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Supprimer les mots :

, notamment à l’initiative de l’employeur,

La parole est à M. Guillaume Arnell.

M. Guillaume Arnell. Le présent amendement procède de la même logique que notre amendement précédent, l’amendement n° 190, que je n’ai pas eu la chance de pouvoir défendre.

Il s’agit de maintenir la présence syndicale au sein des petites entreprises. La commission des affaires sociales a souhaité permettre à l’employeur d’organiser un référendum pour valider un projet d’accord afin de surmonter l’opposition des syndicats majoritaires. Cet amendement, qui se justifie par son texte même, vise à supprimer cette possibilité.

Mme la présidente. L’amendement n° 185 rectifié bis, présenté par MM. Assouline, Cabanel et Durain, Mmes Guillemot et Lepage, M. Roger, Mmes Monier et Blondin et M. M. Bourquin, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Compléter cet alinéa par les mots :

, dans le cadre des dispositions prévues au deuxième alinéa de l’article L. 2232-12 du code du travail

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Cet amendement vise un sujet dont nous avons eu l’occasion de débattre l’an dernier. En effet, depuis la loi El Khomri, un accord peut être validé par seulement 30 % des organisations syndicales s’il est approuvé par référendum, c’est-à-dire même si 70 % des organisations syndicales et 49 % des salariés y sont opposés.

Pourtant, l’alinéa dont je propose la modification semble réviser ce mode de fonctionnement, avec une formulation particulièrement vague laissant craindre – on l’évoque même ouvertement –, que la procédure de consultation des salariés puisse être déclenchée sur la seule initiative de l’employeur.

Cela paraît d’autant plus regrettable que le Gouvernement doit rendre au Parlement un rapport d’évaluation sur l’application des nouvelles règles de majorité relatives aux accords portant sur la durée du travail, les repos et les congés, ainsi qu’aux accords de préservation ou de développement de l’emploi. Sans attendre, on légifère à nouveau ! Une méthode permettant de renforcer le dialogue social consisterait à attendre ce rapport, ce qui nous permettrait d’évaluer utilement l’opportunité de généraliser, par un acte législatif, de nouvelles règles de validité pour l’ensemble des accords collectifs.

En effet, il faut le rappeler, le risque de court-circuiter les organisations syndicales existe, des exemples récents ayant montré que le recours au référendum d’entreprise est trop souvent utilisé comme un outil de contournement des syndicats.

M. David Assouline. S’il existe des blocages, ce n’est pas par défiance envers le dirigeant d’entreprise, mais parce que les solutions proposées ne conviennent pas à plus de 50 % des salariés et à plus de 30 % des organisations syndicales.

Ce sont bien ces seuils qui garantissent que les syndicats représentants et élus du personnel peuvent jouer leur rôle au sein de l’entreprise. Ils apportent une garantie au maintien des corps intermédiaires dont, pourtant, l’article 2 du présent texte loue l’utilité – vous indiquiez vous-même, madame la ministre, que l’objectif de ce projet de loi était d’encourager à la confiance au travers de ce que vous avez appelé la culture de la négociation.

Cet alinéa témoigne d’une défiance envers les organisations syndicales et laisse la porte ouverte à l’arbitraire d’un chef d’entreprise…

Mme la présidente. Veuillez conclure, cher collègue.

M. David Assouline. … qui déciderait d’imposer ses choix par référendum, avec le rapport de force que cela implique vis-à-vis du salarié.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. En ce qui concerne les amendements identiques nos 27 rectifié et 96, contrairement à ce que pensent nombre de nos collègues, il est déjà possible pour un employeur d’organiser un référendum en vue d’entériner un accord, par exemple en matière d’intéressement et de participation – sur le fondement des articles L. 3312-5 et L. 3322-6 du code du travail – ou de dérogation préfectorale au repos dominical – sur le fondement de l’article L. 3132-25-3 du même code.

Le Gouvernement a la volonté de développer les référendums décisionnels. Nous partageons cette ambition et avons seulement rappelé que ces référendums doivent aussi pouvoir être déclenchés par l’employeur et non seulement par les syndicats, par parallélisme des formes. Je l’avais dit en commission, nous avons précisé « notamment à l’initiative de l’employeur » et non « exclusivement à l’initiative de l’employeur ». Les deux sont donc possibles.

J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

Pour ce qui concerne l’amendement n° 97, je crois qu’il ne faut pas, mon cher collègue, être méfiant à l’excès à l’égard des outils de démocratie directe, qu’il s’agisse de la démocratie politique ou de la démocratie sociale. (M. Jean Desessard s’exclame.) Vouloir développer un peu le référendum décisionnel dans les entreprises n’est pas incompatible avec le dialogue avec les syndicats. Le dialogue social peut avoir plusieurs facettes, sans créer de monopoles d’aucune sorte.

Cet amendement vise à encadrer, plutôt qu’à faciliter, le développement des consultations des salariés. Les auteurs de cet amendement sont donc à l’opposé de la philosophie du Gouvernement et de la commission sur ce point, c’est pourquoi celle-ci a émis un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 191 n’est pas acceptable, car il tend précisément à revenir sur les travaux de la commission des affaires sociales.

Je tiens à préciser un point : la commission et moi-même sommes opposés à la généralisation des accords majoritaires, mais si celle-ci doit être maintenue, il convient de donner à l’employeur, et non seulement aux syndicats minoritaires, la possibilité d’organiser un référendum pour faire valider un accord. C’est une question d’équité entre employeur et syndicats dans l’entreprise.

Enfin, en ce qui concerne l’amendement n° 185 rectifié bis, la commission des affaires sociales a adopté la semaine dernière un amendement visant à supprimer l’accélération de la généralisation de l’accord majoritaire. Je ne souhaite donc pas faire référence, dans la loi d’habilitation, à l’article L. 2232-12 du code du travail, qui consacre justement cet accord majoritaire, généralisé à partir de 2019. Ce serait envoyer un signal contradictoire de la part du Sénat.

La commission a donc émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Sur les amendements identiques nos 27 rectifié et 96, nous émettons un avis défavorable.

Je veux revenir un instant sur nos intentions dans ce domaine. Ces amendements identiques tendent à supprimer un alinéa qui couvre deux sujets. Il s’agit d’abord de la consultation des salariés visant à valider un accord recueillant l’approbation d’au moins 30 % des syndicats, pour toute taille d’entreprise.

Cette disposition existe déjà (Mme Anne Émery-Dumas opine.), puisque, je le rappelle, quand la loi parle d’accord majoritaire, cela désigne soit un accord recueillant l’approbation d’au moins 50 % des syndicats, soit un accord recueillant l’approbation d’au moins 30 % des organisations syndicales et d’au moins 50 % des salariés consultés par référendum. Cette disposition figure déjà dans la loi, il n’y a pas de raison de la supprimer et elle s’applique peu à peu. Nous verrons tout à l’heure ce qui touche à l’accélération, mais, sur le fond, il n’y a pas de modification profonde à apporter.

Ces amendements identiques visent ensuite à supprimer la faculté de consultation par référendum pour valider un accord dans les petites entreprises. Or cela est déjà utilisé ; par exemple, bien des accords d’intéressement et participation existent grâce à cela, dans des entreprises n’ayant pas de délégués syndicaux.

Là où je pense que nous serons tous d’accord, c’est pour dire que le référendum ne doit pas devenir un outil permanent de gestion courante et encore moins un contournement des organisations syndicales ; il n’y a en tout cas aucune ambiguïté de notre part à ce sujet.

Néanmoins, en complément, que ce soit d’ailleurs sur l’initiative de syndicats qui représentent 30 % ou 35 % des voix – ils aiment bien voir leur position confortée par un référendum – ou dans d’autres situations, pour les entreprises de petite taille, voire de très petite taille, nous voulons laisser cette possibilité ouverte, dans le respect, bien sûr, des règles fixées par l’OIT et par la convention de Genève. C’est ce calibrage fin que nous sommes en train de ciseler avec les partenaires sociaux.

Encore une fois, il ne s’agit pas d’en faire un outil permanent de gestion ; toutefois, l’expérience prouve que, avec ce qui est déjà possible sur le fondement du code du travail, cela permet tout de même d’encourager ou de conforter une dynamique de négociation. (Mme Annie David s’exclame.) C’est donc un bon outil que nous souhaitons pouvoir étendre.

Notre avis est également défavorable sur l’amendement n° 97. Effectivement, je pense que le changement sémantique n’apporte pas grand-chose.

Nous estimons par ailleurs que l’amendement n° 191 est déjà couvert par les autres sujets discutés. Nous proposons donc le retrait de cet amendement, dont nous ne voyons pas l’apport.

Enfin, j’ai le même avis défavorable que M. le rapporteur sur l’amendement n° 185 rectifié bis.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 27 rectifié et 96.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote sur l’amendement n° 97.

M. Dominique Watrin. Je veux simplement dialoguer avec M. le rapporteur, dont je respecte tout à fait le point de vue. Il affiche là son soutien à la logique d’ensemble du texte (M. le rapporteur opine.) ; ce n’est d’ailleurs pas une surprise, tant c’est clair depuis le début.

Simplement, lorsqu’il affirme que nous ne faisons pas confiance au dialogue social, cela me semble un peu exagéré.

M. Alain Milon, rapporteur. Ce n’était pas très gentil, je le concède.

M. Dominique Watrin. En effet, on peut discuter du référendum organisé dans une entreprise ; ce n’est pas si simple.

Je veux prendre l’exemple de la société Smart, qui est emblématique. On y a demandé aux salariés s’ils voulaient travailler plus sans gagner plus, pour aller vite, ou plutôt sans gagner tout ce qu’ils pourraient revendiquer. C’est dans ce contexte de chantage à l’emploi, soyons clairs, qu’il y a eu un vote des salariés.

Ce contexte pose déjà en soi un problème. Par ailleurs, on a remarqué que les ouvriers concernés par l’augmentation du nombre d’heures de travail à la chaîne ont voté contre, mais que le périmètre de ce référendum incluait des cadres qui, eux, ont voté pour. Finalement, l’ensemble a donné, de justesse, un résultat positif à cette consultation et le référendum a permis de valider la demande de la direction.

Je pense donc que ce n’est pas faire preuve de méfiance vis-à-vis du dialogue social que de demander que les référendums soient encadrés ; les points que j’ai soulevés dans mon intervention visaient précisément cet exemple. Ainsi, je regrette que le verbe « faciliter » laisse trop de pouvoir à l’employeur pour faire passer, dans un contexte de chômage massif, des reculs sociaux.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 97.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 191.

M. Guillaume Arnell. Je le retire, madame la présidente !

Mme la présidente. L’amendement n° 191 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 185 rectifié bis.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 243, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

c) Modifiant les modalités d’appréciation du caractère majoritaire des accords ainsi que le calendrier et les modalités de généralisation de ce caractère majoritaire ;

La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Il s’agit, au travers de cet amendement, de rétablir l’alinéa concernant l’accélération de la généralisation de l’accord majoritaire, qu’une loi précédente avait prévue.

Toute l’économie de la loi d’habilitation vise à renforcer le dialogue social. Il est donc assez logique d’accélérer, en même temps, la mise en œuvre de l’accord majoritaire dans l’entreprise, c’est-à-dire de l’accord signé, je le rappelle, par 50 % des syndicats ou par 30 % des syndicats et approuvé par référendum. En effet, comme on donne plus de grain à moudre, plus de possibilité de négociation à l’entreprise, en contrepartie, il faut accélérer le calendrier sur l’accord majoritaire.

Tel est le sens de cet amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 201 rectifié, présenté par Mme Lamure, MM. G. Bailly, Bas, Bonhomme, Buffet, Calvet, Cambon, Cantegrit et César, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Chatillon, Cuypers, Dallier, Danesi, Darnaud, Dassault et Delattre, Mmes Deroche, Deromedi et Di Folco, M. Doligé, Mme Duchêne, MM. Dufaut et Duvernois, Mme Estrosi Sassone, MM. B. Fournier, J.P. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, MM. Genest, Grand, Gremillet, Grosdidier, Guené, Huré, Husson, Joyandet, Karoutchi, Kennel, Laménie, Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Leleux, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mme Mélot, MM. Nègre, de Nicolaÿ, Nougein, Panunzi, Perrin, Pierre, Pillet, Pointereau, Poniatowski et Poyart, Mme Primas, MM. Raison, Rapin, Reichardt, Retailleau, Revet et Savin, Mmes de Rose et Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle et Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 14

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Supprimant la généralisation des accords majoritaires pour rétablir la signature des accords par les organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés au premier tour des élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel ;

La parole est à Mme Élisabeth Lamure.

Mme Élisabeth Lamure. En commission, M. le rapporteur a supprimé l’habilitation créée par le projet de loi visant à accélérer la généralisation des accords majoritaires.

Dans le même esprit, le présent amendement vise à supprimer la généralisation elle-même des accords majoritaires, qui risque de bloquer le dialogue social. C’est ce que précise l’alinéa à insérer.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Au travers de l’amendement n° 243, le Gouvernement souhaite accélérer la généralisation de l’accord majoritaire. Or, l’an dernier, le Sénat s’était opposé, madame la ministre, aux accords majoritaires qui seront généralisés en 2019. (Mme Nicole Bricq s’exclame.)

Personne ne connaît, madame Bricq, la typologie actuelle des accords, y compris au ministère. On ne sait pas s’ils sont approuvés à 60 %, à 55 %, à 70 % ou à 80 %. (Mmes Annie David et Laurence Cohen s’exclament.) Personne ne le sait. On risque donc d’empêcher la conclusion d’accords exigeant la signature de syndicats ayant obtenu au moins 50 % des suffrages. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Quant à l’amendement n° 201 rectifié, il s’agit du pendant des travaux de notre commission de la semaine dernière, Mme Lamure l’a dit. Nous nous sommes opposés à l’accélération de la généralisation des accords majoritaires en supprimant l’habilitation demandée par le Gouvernement.

Cet amendement en tire les conséquences en tendant à rétablir les règles de validité des accords antérieures à la loi Travail et en remplaçant l’obligation de recueillir 50 % des suffrages par celle de recueillir une approbation de 30 %. La commission a émis un avis de sagesse sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 201 rectifié ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Logiquement, mon avis est défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. L’amendement du Gouvernement me semble important. Il s’agit tout de même de rappeler une règle de base (Protestations sur les travées du groupe CRC.), que l’on a développée pendant l’examen de la loi dite « El Khomri ». M. le rapporteur a l’honnêteté de nous dire qu’il était déjà contre, il maintient donc sa position. Je pense toutefois que l’on peut aussi changer d’avis en fonction de l’évolution des concertations.

Franchement, soyez bien conscients, mes chers collègues, qu’il est très difficile de ne plus parler de l’accord majoritaire, dans la mesure où il s’agit d’une revendication portée par certaines organisations syndicales, notamment par les réformistes. (Mme Laurence Cohen s’esclaffe.)

Nous en avons parlé pendant des jours et des nuits lors de l’examen de la loi El Khomri, c’est la contrepartie évidente de certaines avancées réalisées par les organisations syndicales et qui vont plutôt dans le sens d’une conciliation avec l’autre partenaire social. Si vous ne l’acceptez pas, mes chers collègues, il deviendra difficile pour le Gouvernement de trouver une voie de passage. L’Assemblée nationale reviendra, je l’espère, aux accords majoritaires, mais, j’y insiste, il ne s’agit pas d’un problème d’appréciation.

Monsieur le rapporteur, vous indiquez que l’on ne sait pas si les accords seront approuvés à 50 %, à 30 % ou à 40 % et que l’on n’a pas le recul nécessaire, mais il est tout de même basique de considérer qu’il vaut mieux que ce soit majoritaire, sans quoi les salariés seront vraiment lésés.

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Je veux juste expliquer le sens de notre vote, et je pense que Mme la ministre ne nous en voudra pas, même si elle fait preuve de beaucoup de pédagogie dans ses explications et ses argumentaires. (Mmes Laurence Cohen et Évelyne Rivollier s’esclaffent.)

Il ne s’agit pas d’un débat nouveau, pour nous. Nous avions adopté, sur ces questions-là, des positions très précises ; M. le rapporteur l’a rappelé et il vient, encore une fois, de les exposer.

Dans la proposition initiale du Gouvernement, qui n’a pas, me semble-t-il, été amendée par l’Assemblée nationale, le projet de loi d’habilitation prévoyait, pour préciser cette question, que l’ordonnance modifierait tant les modalités d’appréciation que le calendrier de la généralisation. Dans un second temps, la commission des affaires sociales a adopté un amendement de suppression de cette disposition.

Le groupe Les Républicains tire tout simplement les conséquences de ce que nous avons dit pendant la discussion de la loi El Khomri et de ce qu’a fait la commission des affaires sociales en supprimant cette généralisation.

Mme Nicole Bricq. On peut changer d’avis…

M. Bruno Retailleau. Pourquoi faisons-nous ce choix ? Ce n’est pas du tout parce que nous serions opposés au dialogue social ; au contraire, nous pensons justement que la précipitation, c'est-à-dire l’accélération de cette généralisation du passage de 30 % à 50 %, que cela concerne la durée du travail, le repos ou les congés, va bloquer, dans certaines entreprises, le dialogue social. C’est cela qui nous fait peur, en réalité.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle – j’imagine, puisque je n’y siège pas moi-même – la commission des affaires sociales avait fait cette proposition. Et c’est en tout cas la raison pour laquelle nous avons présenté l’amendement défendu à l’instant par Élisabeth Lamure.

Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas l’amendement du Gouvernement, mais soutiendrons l’amendement qu’Élisabeth Lamure a présenté.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 243.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 201 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 240, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 15

Remplacer le mot :

Facilitant

par les mots :

Fixant à vingt-quatre mois les délais mentionnés aux IV et V de l’article 25 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels relatifs à

La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Il s’agit également d’un amendement de cohérence ; puisse-t-il avoir plus de chance que le précédent.

Dès lors que nous renforçons le pouvoir de négociation dans les branches, comme nous l’avons fait précédemment pour les entreprises, il nous paraît logique d’en accélérer aussi le processus de restructuration.

Je rappelle qu’il existait 750 branches, qu’il y en a actuellement 650 et que nous visons un total d’environ 200 branches. Il y en a encore beaucoup qui n’ont pas négocié depuis 5 ans, 7 ans, voire 10 ans, qui n’ont donc aucune activité conventionnelle ou qui sont de très petite taille. Nombre de branches ont entamé les discussions ; pour d’autres, c’est plus long à démarrer, voire c’est inexistant. Il nous semble donc cohérent, dès lors que l’on dit qu’il y a plus de matière à négocier dans la branche, que l’on accélère cette restructuration.

Nous proposons de fixer le délai de cette restructuration à 24 mois. Je rappelle que ce délai court à partir de la promulgation de la loi du 8 août 2016, ce qui nous amène au mois d’août 2018, dans un an.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement tend à réduire à 24 mois le délai pour la restructuration des branches professionnelles. Il s’agit d’un compromis entre le droit en vigueur – 36 mois – et la version adoptée par l’Assemblée nationale – 18 mois.

J’ajoute, madame la ministre, que notre rédaction ne se focalisait pas sur le calendrier de la restructuration ; elle donnait la possibilité au Gouvernement de modifier les règles d’opposition des partenaires sociaux à un projet de fusion.

Après avoir analysé votre amendement, la commission a émis un avis de sagesse positive.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 240.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 99 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 186 rectifié bis est présenté par MM. Assouline, Cabanel, Courteau et Durain, Mme Jourda, MM. Labazée et Roger, Mmes Guillemot et Blondin, MM. Leconte et M. Bourquin et Mme Lepage.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 16

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 99.

Mme Annie David. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 16, qui prévoit de supprimer l’article 1er de la loi El Khomri, censé refonder la partie législative du code du travail.

La suppression de la commission de refondation du code du travail démontre le refus de refonder celui-ci dans un sens d’amélioration des droits et de simplification des règles, au profit d’une méthode visant à supprimer les protections collectives des salariés.

Comme vous vous en souvenez sans doute, mes chers collègues, la création de cette commission avait fait ici même l’objet de longues discussions. Nous avions obtenu que les organisations syndicales soient consultées.

En décidant de supprimer cette commission, madame la ministre, vous montrez finalement, vous qui prétendiez être une praticienne du droit devant la commission des affaires sociales, que vous vous êtes transformée en experte et que vous vous passeriez volontiers des praticiens que sont les organisations syndicales…

C'est la raison pour laquelle nous nous opposons à la suppression de cet article, peut-être l’un des seuls de la « loi El Khomri » que nous avions soutenus.

Mme Laurence Cohen. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour présenter l'amendement n° 186 rectifié bis.

M. David Assouline. Comme l’a fort justement déclaré ma collègue, on nous sert souvent comme argument, pour toucher au code au travail, que celui-ci est très volumineux, qu’il est le fruit d’un empilement de droits obtenus à l’issue de luttes sociales de plusieurs décennies, qu’il peut parfois devenir difficilement lisible pour ceux qui doivent l’utiliser pour se défendre, qu’il se résume à de la paperasserie incompréhensible, etc.

Ce qui est paradoxal, madame la ministre, c’est que vous voulez supprimer, au détour d’un alinéa, ce qui a été intégré à la loi El Khomri comme méthode pour réécrire le code du travail de manière simplifiée, avec un ordonnancement et un chapitrage qui permettent la clarté.

Je rappelle que cette méthode de réécriture claire et rigoureuse, devant permettre d’améliorer l’articulation entre les niveaux de négociations sans jamais remettre en cause les principes fondamentaux garantis par notre code du travail, avait été arrêtée à l’issue d’un très large débat, notamment dans cet hémicycle.

À l’Assemblée nationale, vous avez rappelé que le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel seraient saisis. Or le Conseil constitutionnel ne vérifiera pas que la comptabilité entre les lois d’habilitation et de validation et le texte de l’ordonnance ! Vous devrez saisir le Conseil d'État, mais celui-ci ne rendra qu’un avis et, une fois la validation votée, il ne pourra plus juger des mesures qui se trouvent dans l’ordonnance, la loi faisant écran.

Cette commission remodelée aurait pu apporter des garanties supplémentaires, dont cet alinéa nous prive. C’est d'autant plus regrettable que la vocation de votre réforme est de changer en profondeur un droit qui est essentiel à la vie des salariés.