Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 364 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 30 rectifié ter, présenté par Mme Bruguière, M. Paul, Mme Deseyne, M. Lefèvre, Mme Gruny, M. Adnot, Mmes A.M. Bertrand et Lamure, M. Pierre et Mme Deromedi, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

II. – Alinéa 6, tableau

Rédiger ainsi ce tableau :

« 

Quantité de sucre en kg de sucres ajoutés par hL de boisson

Tarif applicable en euros par hL de boisson

Supérieure à 0

2,5

De supérieure ou égale à 1 et inférieure à 6

0,5 par kilogramme supplémentaire dans cette tranche

De supérieure ou égale à 6 et inférieure à 10

1 par kilogramme supplémentaire dans cette tranche

Supérieure ou égale à 10

2,0 par kilogramme supplémentaire dans cette tranche

III. – Alinéa 11

Supprimer cet alinéa.

IV. – Alinéa 12

Remplacer le montant :

3,50 €

par le montant :

2 €

V. – Alinéa 13

Remplacer le mot :

juin

par le mot :

juillet

VI. - Pour compenser la perte de recettes résultant des I à V, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts

La parole est à Mme Chantal Deseyne.

Mme Chantal Deseyne. Par cet amendement, nous apportons notre contribution à la nouvelle rédaction des taxations sur les boissons sucrées.

Je partage évidemment l’objectif que Mme la ministre a fixé : inciter les industriels à réduire la teneur en sucre sans instituer une taxe comportementale supplémentaire.

Mme la présidente. L'amendement n° 184 rectifié bis, présenté par Mmes Gatel et Doineau et MM. Canevet, Janssens, Luche et de Legge, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Françoise Gatel.

Mme Françoise Gatel. J’ai déposé cet amendement à cause d’une mauvaise surprise ! En 2014, les boissons à base de soja contenant au minimum 2,9 % de protéines avaient été exclues de l’assiette de la taxe sur les sodas adoptée en loi de financement de la sécurité sociale. En effet, on avait considéré, à juste titre, qu’il s’agissait là d’un aliment de substitution préconisé par les médecins, notamment en cas d’allergie, pour les enfants.

Or, ainsi que Mme la ministre vient de le rappeler, les députés, dans une décision à mon sens un peu rapide, viennent de les réintégrer parmi les boissons soumises à cette taxe.

Je me réjouis que le Gouvernement ait émis un avis de sagesse à l’Assemblée nationale. C’est la preuve que, selon lui, le soja doit être considéré comme un aliment. C’est d’ailleurs cette position qui avait été retenue en 2014.

Il s’agit donc d’un problème de cohérence. Je suis certaine que Mme la ministre sera sensible à mon argument ; elle aussi s’était déclarée surprise par la proposition des députés.

Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 165 rectifié est présenté par MM. Longeot, Cadic et Kern, Mme Loisier, M. Luche, Mmes Joissains, Sollogoub et Billon et M. Bockel.

L'amendement n° 202 rectifié est présenté par M. Daudigny, Mme Harribey, MM. Roger et Vaugrenard, Mme Ghali, M. Iacovelli, Mme S. Robert, MM. Cabanel et Duran, Mmes Lienemann, Blondin, Meunier, Espagnac, Lubin, Cartron, Bonnefoy et Monier, MM. Bérit-Débat, Kanner, Raynal et Montaugé, Mme Tocqueville, MM. Lalande, Boutant, Féraud, Courteau, Sutour et Jeansannetas, Mme Féret et MM. Lozach, Manable et Assouline.

L'amendement n° 250 rectifié bis est présenté par MM. Darnaud, Mayet, Paul, Magras et Grosdidier, Mmes Delmont-Koropoulis et Gruny, MM. Chaize et Brisson, Mme Estrosi Sassone, M. Dallier, Mme Lopez, MM. Buffet, Dufaut et Laménie, Mme Lamure, M. Paccaud, Mme Deromedi et MM. Revet, Savin et Genest.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 6, tableau

Rédiger ainsi ce tableau :

« 

Quantité de sucre en kg de sucres ajoutés par hL de boisson

Tarif applicable en euros par hL de boisson

Supérieure à 0

2,5

De supérieure ou égale à 1 et inférieure à 6

0,5 par kilogramme supplémentaire dans cette tranche

De supérieure ou égale à 6 et inférieure à 10

1 par kilogramme supplémentaire dans cette tranche

Supérieure ou égale à 10

2,0 par kilogramme supplémentaire dans cette tranche

II. – Alinéa 11

Supprimer cet alinéa.

III. – Alinéa 12

Remplacer le montant :

3,50 €

par le montant :

2 €

IV. – Alinéa 13

Remplacer le mot :

juin

par le mot :

juillet

V. – Pour compenser la perte de recettes résultant des I à IV, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean-François Longeot, pour présenter l'amendement n° 165 rectifié.

M. Jean-François Longeot. Nous souhaitons améliorer la nouvelle rédaction de la contribution sur les boissons sucrées, proposée initialement par le rapporteur général de l’Assemblée nationale. Les députés ont modifié le dispositif envisagé, afin que la taxation incite les industriels à réduire la teneur en sucre dans leurs boissons avec sucres ajoutés. Un lissage plus fin a été introduit en séance publique.

Le 26 octobre dernier, Mme la ministre a déclaré : « Si, sur le principe, cette évolution recueille l’accord du Gouvernement, le barème, lui, pourrait faire encore l’objet d’échanges avec les parties prenantes, afin de l’ajuster au plus près des objectifs que nous visons. Des discussions complémentaires sur le niveau du barème pourraient donc intervenir dans le processus parlementaire. »

Par cet amendement, nous proposons donc un barème visant à respecter cet engagement parlementaire et gouvernemental. Il s’agit de mettre en œuvre une modulation visant non pas à augmenter le rendement de la taxe, mais à proposer un barème plus lisse.

Cela permet de limiter les effets de seuil et de diminuer le niveau de taxation en fonction de l’effort fourni de baisse des teneurs en sucre. C’est beaucoup plus incitatif pour les fabricants et pertinent en termes de santé publique. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour présenter l'amendement n° 202 rectifié.

M. Yves Daudigny. Mme la ministre a rappelé les objectifs de ce type de taxes : inciter les industriels à modifier leur comportement. D’ailleurs, il y a effectivement eu des réussites très fortes par le passé ; je pense par exemple aux prémix.

Toutefois, ces taxes peuvent aussi avoir pour objet de constituer purement et simplement une recette pour le budget de la sécurité sociale. Nous connaissons tous des exemples de taxes créées pour des raisons de santé publique qui sont devenues de simples taxes de recettes…

Mme la ministre a déclaré que l’objectif était non pas de « gagner de l’argent » – je vous renvoie aux propos qui figurent dans le compte rendu intégral des débats à l’Assemblée nationale –, mais d’inciter les industriels.

Or, selon les informations dont je dispose – elles sont à confirmer ou à infirmer –, le volume global de la recette, qui est de l’ordre d’un peu moins de 400 millions d’euros aujourd'hui, atteindrait près de 600 millions d’euros avec le dispositif par les députés. L’augmentation du produit de la taxe serait donc assez sensible.

Les industriels ont différents comportements ; certains gardent leur formule d’origine mondiale et multiplient les produits à faible teneur en sucre ; d’autres fabricants diminuent régulièrement la teneur en sucre de leurs produits pour habituer les consommateurs sans remplacer le sucre par des édulcorants ; d’autres encore se moquent totalement du dispositif.

Il est très important que le dispositif voté par le Parlement soit incitatif, certes, mais aussi récompense également les comportements les plus vertueux. J’en viens à mes questions. Y a-t-il ou non augmentation du produit global de la taxe ? Et si oui, l’assumez-vous ?

Mme la présidente. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour présenter l'amendement n° 250 rectifié bis.

M. Mathieu Darnaud. Notre collègue Jean-François Longeot a déjà exposé l’objet de cet amendement, qui vise la contribution sur les boissons sucrées.

Nous proposons de mettre en place une modulation sans augmenter le rendement de la taxe, mais avec un barème plus lisse. Un tel dispositif aurait, me semble-t-il, la double vertu d’être à la fois plus incitatif pour les fabricants et, surtout, plus pertinent en matière de santé publique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission juge préférable de maintenir le dispositif voté par l’Assemblée nationale, plutôt que d’adopter l’amendement n° 30 rectifié ter ou les amendements identiques nos 165 rectifié, 202 rectifié et 250 rectifié bis.

En effet, les auteurs de ces amendements proposent d’abaisser le niveau de taxation des boissons contenant des édulcorants sous le premier niveau de taxation sur les boissons sucrées et souhaitent parallèlement supprimer la possibilité de cumuler les deux taxes. J’avoue mon incompréhension ! À mon sens, et c’est aussi l’avis de la commission, ces deux mesures, prises conjointement, sont véritablement de nature à renforcer le risque de substitution des édulcorants aux sucres. Or c’est ce que vous voulez éviter.

J’ai entendu les arguments qui ont été avancés. Je pense qu’ils sont faux.

La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 30 rectifié ter, ainsi que sur les amendements identiques nos 165 rectifié, 202 rectifié et 250 rectifié bis.

L’amendement n° 184 rectifié bis tend, quant à lui, à exclure les boissons contenant au minimum 2,9 % de protéines issues de la graine de soja.

Une telle exclusion pouvait, me semble-t-il, se justifier lorsque les boissons sucrées étaient taxées de manière uniforme, quelle que soit la quantité de sucre. Mais, avec le nouveau dispositif prévu à l’article 13 bis, il ne paraît pas anormal de prendre en compte l’ensemble des boissons en fonction de leur teneur en sucre et de continuer à exclure les seules boissons ayant un strict objet médical, comme les produits de nutrition entérale pour les personnes malades ou les laits de croissance.

La commission a donc émis un avis de sagesse sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. J’évoquerai d’abord l’amendement n° 184 rectifié bis, qui vise les boissons à base de soja.

Je le rappelle, seules les boissons contenant du sucre ajouté seront taxées. Un lait de soja n’en contenant pas ne sera donc pas concerné. L’adoption d’un tel amendement irait à l’encontre de notre objectif : éviter l’ajout de sucre dans les boissons. Je ne vois pas pourquoi le lait de soja devrait échapper à ce principe. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Le barème proposé par les auteurs de l’amendement n° 30 rectifié ter est particulièrement faible ; il serait peu incitatif pour les industriels, que nous voulons voir réduire la teneur en sucre des boissons.

Oui, monsieur Daudigny, la taxe rapportera – un peu – à la sécurité sociale la première année. Toutefois, j’espère bien que les producteurs diminueront progressivement la teneur en sucre de leurs boissons. Dès lors, comme toute taxe visant à modifier le comportement des industriels, celle-ci a vocation à rapporter moins avec le temps ! Ce sera d’ailleurs le meilleur moyen d’en évaluer l’efficacité… Encore une fois, l’objectif n’est pas d’avoir des recettes supplémentaires, même s’il y en aura effectivement la première année.

Par ailleurs, le barème est encore en cours de négociation avec les industriels et les autres acteurs concernés ; il n’est donc pas entièrement figé. Le sujet sera examiné en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale. Pour l’instant, ni le barème ni la recette ne sont totalement stabilisés.

Le Gouvernement demande donc le retrait de l’ensemble des amendements en discussion commune. À défaut, son avis serait défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Pour ma part, je m’abstiendrai sur l’ensemble de ces amendements.

Je pense que l’on prend le problème par le petit bout de la lorgnette. Pour preuve, Mme la ministre nous indique que le dispositif n’est pas « stabilisé » ; nous sommes donc invités à voter sur quelque chose qui n’est pas encore défini ! Or ce que nous souhaitons, c’est justement que le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale permette d’avoir un système cohérent.

Madame la ministre, hier, vous m’avez convaincu sur l’installation des médecins traitants et la désertification. Les engagements qui sont les vôtres dans le plan territorial de santé sont effectivement précis. Aussi, et par cohérence, compte tenu de notre discussion d’hier, je soutiendrai la fiscalité comportementale que vous envisagez, dès lors qu’elle s’inscrit dans une stratégie d’ensemble.

Toutefois, en l’occurrence, soyons clairs : les premiers touchés par les mesures qui nous sont proposées ne seront pas les fabricants de sodas ; ce seront les sucriers ! J’attire d’ailleurs votre attention sur le fait qu’il est dommage de ne pas chercher des solutions en concertation avec ces derniers. Pour eux, cela va être brutal ; moins d’incorporation de sucre, cela représente des sommes considérables. Nous parlons de plusieurs tonnes ! En plus, les quotas sucriers sont remis en cause cette année et le problème de la fiscalité sur la transformation de la betterave se pose.

Nous voyons donc bien qu’il n’y a pas de cohérence entre les différents textes portant sur ces filières.

Par conséquent, comme je ne peux pas voter contre ces amendements – en tant que médecin, je souscris totalement aux propos de mes collègues –, je m’abstiendrai.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.

M. Jean-Louis Tourenne. Madame la ministre, j’admire la foi qui vous habite ! (Exclamations amusées.) Simplement, je ne suis pas certain de tout partager.

Vous indiquez que la taxation amènera les industriels à modifier leur comportement et à diminuer le taux de sucre dans les boissons. Or, taxer, c’est reconnaître qu’une pratique existe et qu’elle est autorisée ; c’est dire « Allez-y ! Vous avez l’absolution dès lors que vous versez le denier du culte dans les proportions souhaitées ! »

N’aurait-il pas été préférable d’interdire tout simplement la distribution de boissons avec un taux de sucre dépassant un certain plafond ? Certes, c’est peut-être difficile à appliquer et plus éloigné de notre culture, mais ce serait, me semble-t-il, beaucoup plus efficace que la voie que vous avez empruntée.

Je rejoins Mme Gatel. Si les boissons à base de soja étaient exclues de l’assiette de la taxe, c’est qu’il y avait de bonnes raisons à cela. Et ces raisons n’ont pas disparu, même s’il y a une gradation. Comme notre collègue l’a rappelé à juste titre, il s’agit d’un succédané pour les personnes intolérantes au lait. Il ne nous viendrait pas à l’esprit de taxer le lait ! C’est un aliment, comme les pâtisseries ; nous n’allons pas taxer les pâtisseries !

Il ne me paraît donc pas justifié aujourd’hui de taxer le lait de soja et les produits qui en sont issus.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Mme Françoise Gatel. Je partage ce qu’a dit notre collègue René-Paul Savary.

Le raisonnement fiscal peut avoir un sens. En même temps, comme l’a rappelé notre collègue Pascale Gruny, en cette période d’états généraux de l’alimentation, certaines décisions sont bien mieux acceptées dès lors que leur finalité est louable.

Il me paraît pour le moins incohérent de prétendre mener une réflexion d’ensemble dans le cadre des États généraux de l’alimentation tout en revenant dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale sur la décision prise en 2014 !

Madame la ministre, avec tout le respect que je vous dois – je reconnais l’excellence de votre action –, je ne partage pas du tout votre avis. Le soja est plus un aliment qu’une boisson. A-t-on déjà vu quelqu’un faire la fête avec du soja ? Il me semble que les boissons festives sont plutôt d’une autre nature… (Rires.)

Je le rappelle, le soja est un aliment de substitution qui est prescrit par les médecins pour les enfants ayant des allergies. Comme vous le savez, la densité nutritionnelle des boissons à base de soja est largement supérieure à celle d’un soda. Ce n’est pas du tout comparable. Quand vous consommez un verre de 250 millilitres de boisson au soja, vous couvrez en même temps vos besoins journaliers en protéines, en acides gras essentiels et en calcium. Ce n’est pas du tout le cas avec un soda. C’est comme si vous compariez une boisson aux fruits à un fruit !

Madame la ministre, je pense que, intellectuellement, vous pouvez reconnaître la pertinence de mon propos. Le soja est un aliment dont la valeur nutritionnelle est importante.

Encore une fois, si la décision prise en 2014 était cohérente, comment une position différente pourrait-elle l’être ?

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Magras, pour explication de vote.

M. Michel Magras. Je voudrais faire part de quelques observations.

Premièrement, toutes les interventions que j’ai entendues au cours de ce débat sont effectivement intéressantes. Mais elles témoignent, s’il en était besoin, d’une incohérence entre les problèmes constatés, qui sont bien réels, et les solutions envisagées : à mon sens, les taxes ne constituent absolument pas une solution !

Monsieur le président de la commission des affaires sociales, j’ai applaudi au début et à la fin de votre intervention, car je pense que le rôle éducatif est effectivement absolument fondamental. Toutefois, j’ai une nuance à apporter : on ne peut pas se limiter à l’éducation scolaire ! Pour obtenir un changement comportemental, il faut aussi travailler sur l’éducation parentale et l’éducation de la société. Et je doute que des taxes puissent changer des comportements…

Deuxièmement, le sucre – on devrait d’ailleurs dire « les sucres », mais, en l’occurrence, nous parlons du sucre biologique, c'est-à-dire le saccharose – est un produit naturel. Il est utile, voire indispensable.

Les producteurs d’aliments et de boissons incités à ne pas utiliser ce sucre-là ont recours à des produits de remplacement. Or la plupart des édulcorants et des additifs ciblent d’abord les enfants. Mais, plus généralement, ce sont nos papilles qui sont visées. Viser les papilles, c’est stimuler le goût et changer le comportement alimentaire des individus. Ce que nous mangeons est parfois composé de produits toxiques, mais nous l’apprécions au goût…

Ceux qui espèrent faire changer le comportement d’industriels cherchant à stimuler la consommation simplement en mettant des taxes sont, je le crois, dans l’erreur. Certes, je comprends parfaitement l’objectif, mais je doute que ce soit le meilleur moyen de l’atteindre !

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.

Mme Véronique Guillotin. Le débat sur le taux de sucre dans les boissons liées au soja montre bien la complexité et peut-être aussi l’ambiguïté de telles taxes. Je me suis d’ailleurs exprimée tout à l’heure pour indiquer que je n’y étais pas favorable.

Toutefois, exclure le lait de soja de l’assiette de la taxe ôterait toute substance au dispositif, à supposer qu’il en ait une… Le problème, ce n’est ni le soja, ni le lait, ni l’eau, ni tout autre soda ; c’est le sucre ajouté, quelle que soit la boisson ! Tout à l’heure, je demandais pourquoi les céréales contenant du sucre ajouté ne seraient pas taxées.

Je voterai donc contre l’amendement n° 184 rectifié bis. À mon avis, qu’il s’agisse d’une boisson sucrée à base de lait, d’une boisson sucrée à base de soja ou d’un soda, le problème est le même.

La personne obligée de boire du lait du soja parce qu’elle est intolérante au lait ne sera pas concernée par la taxe lorsque la boisson ne contiendra pas de sucre ajouté. D’ailleurs, cela déshabituera les consommateurs, notamment les enfants, à consommer des boissons avec du sucre ajouté.

Mme la présidente. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.

M. Martin Lévrier. Mme Guillotin a dit exactement ce que je voulais dire : les produits taxés le seront non pas parce qu’ils seront à base de soja, mais parce qu’ils contiendront du sucre ajouté ! Nous sommes donc défavorables à l’amendement n° 184 rectifié bis.

Les autres amendements visent à rectifier la taxation et les taux. Mais, ne l’oublions pas, l’objectif est bien d’inciter les industriels à changer leur comportement. Si nous voulons modifier les addictions et l’habitude du goût, il faut que les industriels s’y mettent, en baissant la teneur en sucre. Nous sommes donc également défavorables à ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Forissier, pour explication de vote.

M. Michel Forissier. Notre débat me paraît très intéressant, et même fondamental.

À l’instar de certains de mes collègues, je suis hostile aux taxations supplémentaires, qui sont à la fois complexes et injustes, et finissent par pénaliser des secteurs d’activité.

Je pense qu’il faut privilégier d’autres méthodes. Je citerai un exemple en matière de lutte contre l’obésité. Dans ma commune, j’ai mis en place – j’ai été l’un des dix premiers maires de France à le faire – un programme « Ensemble prévenons l’obésité des enfants », ou EPODE.

L’idée était de convaincre les producteurs de boissons trop sucrées ou néfastes pour les enfants et les adolescents. Nous avons mobilisé les producteurs, les distributeurs, les grandes chaînes de restauration – je ne citerai pas de nom, vous les connaissez tous –, et tout le monde a joué le jeu, qu’il s’agisse des professionnels de santé, des enseignants ou des acteurs associatifs communaux. Et, au bout de dix ans, les résultats se sont révélés probants.

En réalité, les producteurs et les distributeurs ont intérêt à une telle démarche ; cela leur permet de faire de la communication. C’est par l’engagement volontaire de ces derniers et la responsabilisation des citoyens que nous ferons avancer les choses ; pas avec des taxes supplémentaires !

Pour ces raisons, tout comme mon collègue René-Paul Savary, je m’abstiendrai sur ces différents amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Buzyn, ministre. Je dirai juste un mot pour clore le débat. Il ne s’agit pas d’une taxe supplémentaire, soyons clairs. Il s’agit d’une taxe existante sur les boissons sucrées que les députés ont souhaité rendre plus discriminante en la faisant varier en fonction du taux de sucre.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 30 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 184 rectifié bis.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 165 rectifié, 202 rectifié et 250 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L'amendement n° 98 rectifié, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

A. – Après l’alinéa 12

Insérer deux paragraphes ainsi rédigés :

… – Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° L’article 520 A est ainsi modifié :

a) Le b du I est abrogé ;

b) Le II est ainsi modifié :

- le premier alinéa est supprimé ;

- au dernier alinéa, les mots : « personnes mentionnées au premier alinéa » sont remplacés par les mots : « fabricants, les importateurs et les personnes qui réalisent des acquisitions intracommunautaires sur toutes les quantités livrées à titre onéreux ou gratuit sur le marché intérieur, y compris la Corse et les départements d’outre-mer » ;

2° Au dernier alinéa de l’article 1582, les mots : « sur les eaux minérales » sont supprimés ;

3° À l’article 1698 A, les mots : « et les boissons non alcoolisées » sont supprimés.

… – Au 4° bis de l’article L. 731-3 du code rural et de la pêche maritime, les mots : « et les boissons non alcoolisées » sont supprimés.

B. – Alinéa 13

Remplacer les mots :

Le I entre

par les mots :

Les I, I bis et I ter entrent

C. – Pour compenser la perte de recettes résultant du A, compléter cet article par un III ainsi rédigé :

III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement de la commission vise à compléter le dispositif adopté à l’Assemblée nationale. Il s’agit, en quelque sorte, du troisième pilier de la modification qui a été apportée à la fiscalité des boissons non alcooliques, afin d’encourager les consommateurs à se tourner davantage vers les boissons non sucrées.

Par cohérence, en effet, il tend à supprimer le droit spécifique applicable aux autres boissons, dont le montant est 0,54 euro par hectolitre. La perte de recettes qui résulte de la suppression de cette taxe dont le rendement s’élevait, selon nos informations, à 79 millions d’euros en 2016, sera compensée par la hausse des recettes générées par les nouvelles modalités de taxation sur les boissons sucrées et édulcorées, dont le montant supplémentaire pourrait représenter, selon certaines évaluations, 200 millions d’euros.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. Même si je comprends la logique de cet amendement, monsieur le rapporteur général, je ne peux y être favorable : cette taxe s’appliquant à la fois aux boissons sucrées et aux boissons non sucrées, la mesure entraînerait une perte de recettes trop importante.

Certes, cette perte pourra être compensée l’année prochaine par la taxe sur les boissons sucrées, mais celle-ci ayant vocation à diminuer d’ici un ou deux ans, nous risquerions de perdre cette compensation.

Je suggère plutôt d’attendre de voir comment évoluera la taxe sur les boissons sucrées et de reprendre cette discussion l’année prochaine, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.