M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur Kanner, la commission nationale s’est réunie sous la présidence de Thierry Repentin et a formulé un certain nombre de recommandations. L’avis qu’elle a émis, à l’unanimité, concernant la période 2014–2016 m’a été transmis. À la suite de celui-ci, j’ai écrit à chacun des préfets de région en leur demandant de réaliser un effort supplémentaire. Les réponses, que je n’ai pas encore reçues, ne devraient pas tarder à arriver.

Sachez toutefois que le message que je transmets est que je n’entends pas revenir sur les dispositions de la loi SRU en ce qui concerne ce dossier. Je demande très clairement aux préfets d’appliquer les dispositions légales et les recommandations, en sachant quand même qu’il existe des disparités entre les régions, ce qui peut amener à revoir certains équilibres, et qu’il est nécessaire, sur le plan national, que l’appréciation de cette problématique ne soit pas trop différente selon les régions. C’est ce que nous essayons, aujourd’hui, de réaliser, et c’est la raison pour laquelle j’ai écrit aux préfets en leur demandant de me renvoyer des propositions.

J’entends aussi vos propos sur les sanctions financières, sachant que les constructions permettent d’atténuer très clairement le montant des pénalités. (M. Patrick Kanner opine.) Nous sommes tout de même dans un système assez vertueux, beaucoup de travail ayant été réalisé. Un certain nombre de communes ne veulent pas jouer le jeu. (M. Patrick Kanner opine de nouveau.) Lorsqu’elles sont bien fléchées, nous en tirons les conséquences.

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.

M. Patrick Kanner. Votre réponse me satisfait, monsieur le ministre, sous réserve naturellement du suivi extrêmement attentif du ministère en la matière.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour le groupe Les Républicains.

M. Jean-François Husson. Monsieur le président, monsieur le ministre, à la mi-juillet, le rapport de nos collègues Mmes Guillemot et Létard sur l’application de la loi Lamy concluait que la réforme de la politique de la ville était « bien engagée, mais fragilisée par un manque de moyens ». Quelques jours après, par un décret, l’État annulait plus de 46 millions d’euros de crédits de paiement et plus de 130 millions d’euros d’autorisations d’engagement affectés à la politique de la ville, notamment sur le programme 147, c’est-à-dire des crédits destinés aux programmes d’actions des associations intervenant dans le cadre des contrats de ville.

Le gel des crédits à l’échelle de mon département, la Meurthe-et-Moselle, représente 200 000 euros.

Au démarrage du contrat de ville, l’État finançait avec la métropole du Grand Nancy 850 000 euros, à parité. Aujourd’hui, l’État a diminué sa participation de 200 000 euros, mais pas la collectivité.

Les associations, forces vives de la politique de la ville, se voient donc pénalisées par des coupes budgétaires dans leurs subventions, parfois en raison des baisses de dotations de l’État et par la suppression des emplois aidés.

Monsieur le ministre, sur la base factuelle et objective de ce constat, quelles solutions comptez-vous apporter et mettre en œuvre pour permettre aux associations, dans le cadre des relations contractuelles nouées localement avec l’assentiment de l’État, de poursuivre leurs missions au service de la politique de la ville ? (Mme Fabienne Keller applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Husson, ce que l’on appelle le « coup de rabot » est intervenu. Ce qui est important, c’est que nous avons pris l’engagement qu’il n’y en aurait plus sur les budgets suivants. (M. Jean-François Husson marque son scepticisme.) Si nous avons été amenés à prendre ces décisions par rapport au budget, sur lequel je ne veux pas épiloguer durablement, mais que la Cour des comptes elle-même avait qualifié d’insincère, nous ne l’avons pas fait de gaieté de cœur, mais parce que la stabilité des finances du pays l’exigeait. En outre, il y a chaque année des annulations de crédits, quelle que soit la sensibilité politique des gouvernements successifs.

À l’échelle de mon ministère, nous avons essayé de faire en sorte que l’annulation porte principalement sur les lignes gérées au niveau central, à concurrence de 22 millions d’euros, ce qui n’exclut pas, dans une moindre mesure, des conséquences au niveau local.

Pour le reste, dans la mesure où nous proposons dans le projet de loi de finances de sanctuariser les crédits de la politique de la ville au plus haut niveau, rabot inclus, pour 2018 et pour l’ensemble des années suivantes, je pense que les associations trouveront les moyens de poursuivre leur politique.

J’ajoute que nous avons bien sûr maintenu les 4 000 postes d’adultes-relais qui étaient prévus en 2017. En ce qui concerne les emplois aidés, j’y insiste bien que peu d’entre vous m’aient interrogé à ce sujet, la volonté a été très clairement exprimée, confirmée par un courrier de ma part cosigné par la ministre du travail, de les flécher prioritairement sur ces quartiers.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour la réplique.

M. Jean-François Husson. Monsieur le ministre, vous avez évoqué le « coup de rabot ». Comme vous l’avez également laissé entendre, les politiques de la ville ont besoin d’un vrai coup de pouce. Afin de changer le visage de nos quartiers, pour reprendre les termes du Président de la République, il faut s’appuyer à la fois sur la cohésion et l’implication des habitants autant que des associations. Cohésion, solidarité, présence et proximité pour agir au quotidien : là, vous actionnez le bénévolat plutôt que la mise en œuvre de moyens financiers de la puissance publique.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Micouleau, pour le groupe Les Républicains.

Mme Brigitte Micouleau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la fin du mois d’août, les habitants de deux immeubles du quartier des Izards à Toulouse ont découvert dans les parties communes de leurs résidences HLM un message imprimé en plusieurs exemplaires, signé « La Direction ».

Destiné « À tous les habitants de la tour et du quartier des Izards », ce message avait pour but de les « prévenir ». « Si vous avez – je cite – la moindre complicité avec la police qui pourra empêcher nos activités qui se passent dans le hall, vous en assumerez les conséquences. Refusez le moindre coup de main de la police ».

Est-il nécessaire de préciser que le véritable auteur de ce message n’était pas la direction de Toulouse Métropole Habitat, mais bel et bien des dealers qui ont fait de ces deux immeubles le siège de leur fonds de commerce et font vivre un véritable enfer à leurs habitants.

Dans leur excellent rapport, nos collègues Valérie Létard et Annie Guillemot rappellent que la question de la tranquillité publique est une demande récurrente des habitants des quartiers prioritaires. Elles proposent de renforcer la présence des gardiens et des dispositifs de médiation, chose faite en l’occurrence, mais qui se révèle parfois insuffisante.

C’est la raison pour laquelle les deux rapporteurs recommandent « dans les cas les plus extrêmes, où les conditions de vie des habitants et celles des personnes de proximité sont devenues dangereuses, la mise en place d’un traitement global des difficultés ».

Monsieur le ministre, le Gouvernement envisage-t-il reprendre à son compte cette sixième recommandation du rapport ? Si oui, pouvez-vous nous détailler les mesures concrètes qui en découleront, ainsi que les moyens humains et financiers que vous comptez leur consacrer ? (Mme Fabienne Keller et M. François Bonhomme applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice, je crois avoir, au moins partiellement, répondu à ces questions dans mon intervention liminaire. Bien sûr, nous connaissons la situation de quelques dizaines de quartiers où la sécurité est devenue particulièrement problématique. Ce qui s’est passé dans le quartier des Izards à Toulouse est révélateur, tant de l’état d’esprit qui peut régner parmi ceux qui commettent ces délits que de l’inquiétude de nos concitoyens.

À cet égard, la mise en place de la police de sécurité du quotidien de manière prioritaire dans ces quartiers me paraît indispensable, en collaboration, bien sûr, avec les collectivités locales. Je rappelle que, dans chaque commune, les maires ont un pouvoir de police et qu’il convient d’instaurer une collaboration extrêmement étroite entre les collectivités et la police nationale ou la gendarmerie selon les quartiers.

En tout cas, le Président de la République a très clairement affirmé la volonté de lutter de manière extrêmement ferme contre la délinquance dans ces quartiers et d’assurer la sécurité à nos concitoyens. Au quotidien, il est en effet extrêmement difficile de vivre de telles situations. Un certain nombre de quartiers, nous le voyons bien, sont proches d’une situation de dérive républicaine, où, pour reprendre une expression que j’ai déjà employée à plusieurs reprises, la République s’est retirée. Notre objectif prioritaire, c’est de restaurer la République dans ces quartiers ! (M. Yvon Collin et Mme Fabienne Keller applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour le groupe Les Républicains.

M. Marc-Philippe Daubresse. Monsieur le ministre, puisque j’ai le privilège de terminer ce round de questions, je vous ai entendu répondre à la question de fond posée par Valérie Létard que vous seriez au rendez-vous du financement des besoins en PNRU.

J’ai écouté le Premier ministre devant le Congrès des maires, cet après-midi, et je vous avoue que, chez ces derniers, le scepticisme prédomine. Le Président de la République a annoncé à Lille le doublement de l’enveloppe du PNRU de 5 milliards d’euros à 10 milliards d’euros, dont on sait que les trois cinquièmes reposent sur les bailleurs sociaux. Je ne vais pas reprendre le débat sur l’article 52, que vous avez amorcé durant cette séance, mais l’on voit bien qu’il y a une incompatibilité en termes d’investissement, même si vous augmentez la TVA.

Pourquoi ne faites-vous pas, comme en son temps Jean-Louis Borloo, que vous avez appelé à juste titre en tant qu’expert à vos côtés, un plan de cohésion sociale et une loi de programmation pluriannuels qui nous garantiraient le rétablissement de la confiance ? C’est ma première question.

Ma deuxième question porte sur l’emploi. Je n’ai rien contre les emplois francs, sauf que ceux-ci sont annoncés sur un quart du territoire. Dans le même temps, on supprime les contrats aidés. Actuellement, nous le voyons bien, le sujet majeur pour aller au bout d’une politique de la ville, c’est l’emploi. Nous avions réussi, à une certaine époque, à avancer sur le sujet grâce à un plan de relance de l’économie qui, contrairement à ce qu’a dit le Premier ministre, a rapporté au final 5 milliards d’euros de plus que ce qu’il a coûté.

Pourquoi ne territorialiseriez-vous pas la politique de la ville dans des contrats de territoire avec les grandes agglomérations, puis à travers un plan de cohésion sur cinq années qui nous garantirait le rétablissement de la confiance ?

Mme Valérie Létard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur Daubresse, je ne vais pas terminer par la polémique alors que je sais que nous avons la capacité de travailler ensemble de manière très constructive.

M. Marc-Philippe Daubresse. Je vous le confirme, monsieur le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre. Vous parlez de rétablir la confiance, la collaboration et la concertation avec les élus locaux, qui sont indispensables, mais il faut aussi que ce soit réciproque. J’ai parlé de posture, voilà quelques instants. J’étais également présent au Congrès des maires, où le Premier ministre a d’ailleurs été accueilli de manière républicaine, et je m’en réjouis. Les annonces, en tout cas les explications qu’il a données ont permis de lever un certain nombre d’ambiguïtés.

Vous parlez des emplois francs, que nous allons mettre en place à concurrence de 20 000 et qui ont vocation à être développés les années suivantes, et vous avez mis en regard la suppression des emplois aidés. Non, monsieur le sénateur, les emplois aidés ne sont pas supprimés ! Un candidat à l’élection présidentielle avait proposé la suppression de tous les emplois aidés ; je n’aurai pas la cruauté de vous rappeler son nom.

M. Marc-Philippe Daubresse. Je n’ai pas été à sa réunion, monsieur le ministre !

M. Jacques Mézard, ministre. Je le sais, nous en avons parlé.

Il n’en reste pas moins, je le répète, que les emplois aidés se sont élevés à 330 000 en 2017, alors que le budget en prévoyait 280 000. Il a été indiqué très clairement par le Gouvernement qu’il y aurait 200 000 contrats aidés en 2018 puis chaque année durant le quinquennat, fléchés de manière prioritaire sur certains territoires et secteurs d’activité, dont les quartiers prioritaires. Nous ne sommes donc pas dans un processus de suppression des emplois aidés sur les quartiers prioritaires, où je connais pertinemment le besoin de dispositifs permettant d’accompagner vers l’emploi et de faciliter la vie d’un certain nombre de gens en difficulté.

Je suis en train de préparer une mission confiée à Jean-Louis Borloo, vous l’avez rappelé, et je le fais en toute confiance et avec plaisir, pour que d’ici à deux ou trois mois nous puissions, en utilisant aussi son expérience, formuler un certain nombre de propositions ; nous reviendrons alors vers vous. Je ne doute d’ailleurs pas que vous nous aurez présenté d’ici là quelques propositions auxquelles nous serons très sensibles.

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Politique de la ville : une réforme bien engagée mais fragilisée par un manque de moyens. »

Monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de vous remercier de la qualité de ce débat, mais également d’avoir, les uns et les autres, respecté vos temps de parole.

8

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 22 novembre 2017 :

De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :

Désignation des vingt-sept membres de la mission d’information sur Alstom et la stratégie industrielle du pays.

Débat : « Représentation des communes déléguées dans les communes nouvelles ».

Débat : « Quelles énergies pour demain ? ».

De dix-huit heures trente à vingt heures trente et de vingt-deux heures à minuit :

(Ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain)

Débat sur la thématique des collectivités locales.

Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative aux modalités de dépôt de candidature aux élections (n° 362, 2016-2017) ;

Rapport de M. Didier Marie, fait au nom de la commission des lois (n° 87, 2017-2018);

Texte de la commission (n° 88, 2017-2018).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quarante-cinq.)

 

nomination d’un membre d’une délégation sénatoriale

Le groupe Union Centriste a présenté une candidature pour la délégation sénatoriale à la prospective.

Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai prévu par l’article 8 du règlement, cette candidature a été ratifiée : Mme Nadia Sollogoub est membre de la délégation sénatoriale à la prospective, en remplacement de Mme Jacqueline Gourault.

 

Direction des comptes rendus

GISÈLE GODARD