Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud de Belenet.

M. Arnaud de Belenet. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, je veux, à mon tour, remercier chaleureusement le groupe communiste républicain citoyen et écologiste de cette initiative. Celle-ci nous permet, au-delà des inventaires des dispositifs instaurés sous les précédents quinquennats, de dresser un certain nombre de constats et de converger vers une conclusion finalement toute simple : au-delà du premier enjeu, le terrorisme, les vingt années qui viennent de s’écouler, avec la succession des différents dispositifs, n’ont pas permis de faire face à la réalité de l’enjeu de la sécurité du quotidien.

Nous le savons tous ici, ce sujet de la sécurité du quotidien est à l’interface de plusieurs politiques publiques ; je pense à la justice, au domaine social, à la police, au système pénitentiaire et, bien évidemment aussi, à quelques soins médicaux.

Aussi, face à ce constat, une réorganisation est nécessaire ; c’est l’objectif de la proposition de loi qui nous est aujourd’hui soumise. Il s’agit de réorienter la police de sécurité intérieure vers une police de proximité. Au-delà de la question du domaine réglementaire et de l’inconstitutionnalité du texte, soulevée par notre rapporteur, et même si nous partageons les préoccupations qui ressortent de l’exposé des motifs de cette proposition de loi, nous sommes en désaccord sur le dispositif proposé.

Tout d’abord, nous regrettons ce que d’aucuns pourraient percevoir comme une forme de stigmatisation de ceux qui nous protègent au quotidien. Il s’agit bien évidemment d’un ensemble humain, nécessairement imparfait, mais on ne peut stigmatiser ceux qui nous protègent.

Nous regrettons également que ce texte envisage la police de proximité comme une fonction distincte des autres missions de la police nationale, alors que, au contraire, selon nous, elle doit s’intégrer dans le dispositif d’ensemble des missions assignées à la police nationale et non seulement à la police nationale.

En second lieu, nous partageons l’avis du rapporteur sur l’impossibilité de déployer une telle police sur l’ensemble du territoire ; ce point a été évoqué par quelques-uns des précédents orateurs.

Enfin, et surtout, la réorganisation de la police au bénéfice d’une plus grande proximité avec la population fait déjà l’objet de réflexions. Vous le savez, le ministre de l’intérieur a lancé, le 28 octobre dernier, une large concertation relative à la mise en place d’une police de proximité du quotidien. La concertation est aussi menée à l’échelon départemental par les préfets, avec une certaine liberté dans la forme. Pour ma part, loin de condamner cette multitude de formes, je ne peux que me réjouir de cette déconcentration et de cette liberté accordée.

Cette concertation réunit l’ensemble des partenaires – les élus, les organisations syndicales, les structures de concertation tant de la police nationale que de la gendarmerie, les représentants des policiers municipaux, les acteurs de la sécurité privée des transports, les experts, et tous ceux qui pourraient avoir une contribution positive. Ce projet de réforme prévoit d’ores et déjà l’augmentation des effectifs de police et de gendarmerie – 10 000 agents au cours du quinquennat –, avec une hausse prévue, dès 2018, dans le projet de loi de finances, à hauteur de 1 376 postes de policier et de presque 500 postes de gendarme.

Il intègre aussi, évidemment, le sujet essentiel de la simplification des procédures pénales dans le cadre des chantiers de la justice, des moyens de sanction immédiate, au travers d’amendes forfaitaires, une modernisation des moyens mis à la disposition des forces de l’ordre, et davantage de coopération, de coproduction ou de mutualisation de tous les acteurs de la sécurité – élus, autorités administrative et judiciaire, police nationale et gendarmerie, polices municipales, réseaux de transport, services et bailleurs sociaux, sécurités privées, associations et tant d’autres.

Nous pouvons considérer positivement les échanges qui ont eu lieu aujourd’hui grâce à l’initiative du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, et nous réjouir que les orientations fassent consensus ; cela est prometteur pour le bon aboutissement et même pour le caractère vraisemblablement unanime de l’adoption du projet que porte le Gouvernement, avec cette approche globale.

Je me permets de souligner, à titre personnel, qu’un certain nombre de doublons structurels posent la question de l’organisation de l’ensemble des équipes ; je pense notamment à des salles de commandement ou à des unités d’experts qui se trouvent à la fois à la DGPN, à la police judiciaire, à la Direction de la prévention et de la protection, chez les gendarmes, et à tant d’autres sujets, notamment de procédure.

Au-delà de la procédure se posera également la question des tâches indues ; tous ceux qui ont travaillé sur ce sujet savent qu’il existe un enjeu de retour au cœur de métier pour 4 000 à 5 000 de nos agents chargés de la sécurité. Il y a, dans le fait de revenir sur les missions qui leur sont propres, un gisement d’efficience et de satisfaction pour le personnel.

Les orientations et les échanges d’aujourd’hui nous permettent d’envisager une démarche collective axée sur l’efficacité, et montrent la capacité de notre assemblée à relever, de manière unanime, le défi de l’élaboration d’une loi globale efficace au service de la sécurité du quotidien. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Alain Marc applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, « la police doit aujourd’hui s’ancrer dans la ville, faire de la sécurité quotidienne et des attentes de la population une préoccupation première. Une police préventive, dissuasive et répressive efficace ne peut se concevoir sans s’appuyer sur la population ». Ces mots, prononcés par Charles Pasqua en 1993, illustrent deux réalités.

D’abord, la question des relations entre la police et la population doit être envisagée de manière transpartisane et ouverte. Nous devons sortir des postures et d’un affrontement créé de toutes pièces, à la fois factice et politicien, qui opposerait les « laxistes anti-flics » aux « réacs sécuritaires ».

Ensuite, ces propos de Charles Pasqua, qui datent de près de vingt-cinq ans, restent toujours d’une acuité désarmante. Il est indéniable qu’il existe, au sein de certaines catégories de la population, un niveau élevé de défiance vis-à-vis de la police. Un rapport publié en 2016 par le think tank Terra Nova le rappelle à juste titre : « Le jeune homme issu de l’immigration vivant dans une zone urbaine sensible et d’origine populaire est sans doute celui qui a le plus de chances d’avoir une position de défiance vis-à-vis de la police, la considérant au mieux comme violente et brutale, au pire comme raciste. Des enquêtes quantitatives appuient ce constat : 34 % des jeunes ne lui font pas confiance, 40 % jugent son attitude agressive et raciste. »

L’absence de lutte réelle contre les contrôles au faciès, le tabou mis sur les violences policières, l’attitude des policiers eux-mêmes, qui usent souvent de la démonstration de force pour mieux se protéger d’un environnement qu’ils perçoivent comme hostile, tous ces éléments aggravent la défiance et rendent trop souvent délétères les relations entre la police et la population.

Or, de ces relations tendues, la police fait également les frais ; course au chiffre et manque permanent de moyens matériels et humains, les politiques publiques ont été, ces dernières années, « maltraitantes » avec les forces de l’ordre. Depuis le début de l’année 2017, 62 policiers et gendarmes ont hélas ! mis fin à leurs jours, certains sur leur lieu de travail et avec leur arme de service.

Peu importe qu’on l’appelle « police de proximité » ou « police de sécurité du quotidien », il semble aujourd’hui indispensable de remettre la police au cœur de nos territoires.

C’est aussi le souhait des policiers eux-mêmes qui, au travers de deux de leurs syndicats – le Syndicat des cadres de la sécurité intérieure et Alternative police –, nous rappellent, dans un courrier qu’ils nous ont adressé le 4 décembre dernier, « que remettre en place une police intégrée au quotidien dans la société, dans les quartiers, est un préalable absolu ».

Le directeur général de la police nationale, Éric Morvan, ne dit pas autre chose dans le Journal du Dimanche : « Nous voulons revenir à une police qui fait naturellement partie du paysage, dans une logique de prévention et de règlement des conflits. Une police qui accepte que la satisfaction des attentes de la population constitue un critère d’évaluation de son action. »

L’exécutif souhaite mettre en place une police de sécurité du quotidien, dont les contours sont encore assez flous. Ce qui est certain, en revanche, c’est que pas un centime n’a été prévu pour sa mise en place dans le projet de loi de finances, dont nous venons de terminer l’examen.

Aussi, je vous demande, mes chers collègues, de considérer la proposition de loi qui vous a été présentée par Éliane Assassi au nom du groupe communiste républicain citoyen et écologiste pour ce qu’elle est : un texte ambitieux et perfectible qui, grâce à un débat transpartisan, permettrait de mettre en place une véritable police de proximité dotée des moyens d’exercer ses missions.

Il y a urgence, en ces temps où l’on parle tant de radicalisation. Les associations d’encadrement des jeunes dans les quartiers ayant disparu par manque de subventions, rétablissons au moins une police de proximité qui pourrait jouer un rôle important dans la lutte contre l’embrigadement. C’est d’ailleurs l’une des recommandations que Catherine Troendlé et moi formulions dans le rapport sur la déradicalisation, publié en juillet dernier.

Nous avons aujourd’hui l’occasion de faire avancer les choses, tant pour les forces de l’ordre éreintées de notre pays que pour nos concitoyens. N’attendons pas une autre réforme, un autre budget, un autre gouvernement et agissons maintenant ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Leroy. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Henri Leroy. Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à seulement une semaine du rejet, par le Sénat, des crédits de la mission budgétaire dédiée aux sécurités,…

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est vrai.

M. Henri Leroy. … et alors que la délinquance en France confirme sa mutation – phénomènes émergents, en lien notamment avec l’importance croissante des moyens numériques, et menace terroriste restant vraiment élevée sur notre territoire –, vous nous présentez, madame la présidente Assassi, une proposition de loi territorialisant l’action policière, pour permettre à celle-ci d’établir une relation privilégiée avec la population, ainsi qu’un contact régulier avec les acteurs locaux.

Oui, madame Assassi, la sécurité est l’affaire de tous, mais elle est avant tout l’affaire de l’État, et d’autant plus quand l’insécurité devient une menace contre l’État de droit.

En 1997, la gauche tentait déjà sa grande révolution, en théorisant le passage d’une police d’ordre au service de l’État à une police de sécurité au service du citoyen, en proposant « la constitution d’une police plus proche du terrain et surtout davantage ouverte au dialogue avec les citoyens » – comme si elle ne l’était pas déjà…

Cette toquade récurrente, sur la gauche de l’hémicycle, réveille les divergences profondes de vision, la nôtre, celle d’une police pour la sécurité des Français, ancrée sur deux piliers indissociables, la prévention et la répression, et votre proposition, qui ne repose que sur la territorialisation de l’action policière.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous ne pouvons adhérer à une doctrine qui confond moyens et finalités ! La notion de proximité est un moyen au service de l’action ; elle ne peut s’entendre comme une idéologie qui dicte l’organisation et la façon d’agir de la police, au détriment des missions fondamentales de celle-ci. Les Français attendent que la sécurité soit partout et pour tous ; ils attendent que tout acte de délinquance soit sanctionné et que la justice ne devienne pas virtuelle, au point que les décisions rendues ne soient pas exécutées, faute de moyens.

Il n’est pas possible qu’une partie de la police soit vouée à la répression et l’autre au simple contact, comme vous le proposez ; ce serait le meilleur moyen d’entériner et d’entretenir la délinquance là où elle est enracinée. Séparer les hommes et les femmes qui s’occuperaient de répression de ceux qui s’occuperaient de prévention vouerait à l’échec les missions de la police, en permettant aux délinquants de jouer sur cette dualité. Ces deux composantes, prévention et répression, indissociables dans toutes les écoles de formation des policiers et des gendarmes, sont au cœur de l’application opérationnelle territoriale. Les dissocier reviendrait à dénaturer le concept même d’une sécurité accomplie.

Le bilan de la police de proximité des années Jospin est très nuancé, pour ne pas dire déplorable. Il a souligné l’impuissance du dispositif face à la délinquance, qui a augmenté durant ces années-là. La police de proximité a également pâti de plusieurs difficultés internes : le manque d’encadrement, le roulement des effectifs et l’absence de clarté des missions.

Remettre le couvert sur cet échec ne me paraît pas opportun, tant pour les hommes qui mènent les missions que pour le pays, confronté à des défis de nouvelle nature. La proximité est assurée, au quotidien, dans nos communes, par nos policiers municipaux (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.), qui assurent la sécurité au plus près de nos concitoyens, aux côtés de la police nationale et de la gendarmerie nationale.

Vous l’aurez donc compris, pour moi, ces débats sémantiques n’ont plus leur place. Si vous, madame Assassi, nous brossez les contours d’une police de proximité pour rétablir la confiance entre policiers et population, vous, madame la ministre, avec M. le ministre d’État, nous parlez d’une police de sécurité du quotidien dont nous ignorons encore la doctrine et les moyens… La police, mes chers collègues, n’est pas un chiffon rouge que l’on agite périodiquement, qui ferait peur aux uns et rassurerait les autres ! Cela serait oublier les principes fondamentaux de notre État de droit, selon lesquels la police assume un rôle essentiel, celui de l’ordre public, corollaire indissociable de notre liberté.

Ces débats sont bien éloignés de la préoccupation des Français et de celles des policiers et des gendarmes. Ne nous trompons pas de débat, mes chers collègues, la délinquance résulte d’un mépris pour les valeurs fondamentales de notre société. La confiance entre policiers et population ne pourra donc être totale que lorsque l’État assumera une politique ferme de lutte contre l’impunité, restaurant ainsi sa pleine autorité. Peut-être – je dis bien « peut-être » – vaudrait-il mieux créer une formation civile et civique de proximité citoyenne avec des travailleurs et des éducateurs sociaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la sécurité est l’une des prérogatives les plus indispensables et les plus éminentes qu’il revient à l’État d’exercer, et c’est par l’accomplissement de cette noble mission que devrait s’exprimer pleinement l’autorité de l’État.

Or la proposition de loi qui nous occupe aujourd’hui serait, si j’en juge par son titre, une loi de « réhabilitation » de la police de proximité ; rien que cela…

Mme Éliane Assassi. Nous sommes ambitieux !

M. François Bonhomme. Un tel objectif appelle naturellement l’attention.

Malheureusement, au-delà des propos généraux, et parfois emphatiques, selon lesquels il faut plus de policiers sur le terrain, cette proposition souffre d’une infirmité originelle : elle ne contient aucune portée normative et elle relève exclusivement du domaine réglementaire.

M. Pierre Laurent. C’est un artifice, ça !

M. François Bonhomme. Dès lors, tout cela relève d’une position de principe, d’une posture, et en reste malheureusement là. Finalement, on n’en retient que l’exposé des motifs, qui nous renseigne, lui, sur les intentions et les présupposés idéologiques qui sous-tendent cette proposition de loi. En effet, sous prétexte de police de proximité, il s’agit en réalité d’une dénonciation insidieuse des missions de répression de la police.

Cette proposition de loi nous fait un portrait-robot du policier, avec sa « panoplie » – je cite l’exposé des motifs –, ou son « accoutrement » – pour reprendre les propos de Mme Assassi –, équipé, naturellement, de gaz lacrymogène, d’armes de service et d’un gilet pare-balles. On appréciera, au passage, derrière cette description « complaisante » et la charge contre le « tout-sécuritaire » de l’exposé des motifs, l’attente, en creux, d’une police sympa, d’une police de proximité, à l’« équipement léger », alors que, chacun le sait, les délinquants sont bien souvent mieux équipés que nos propres policiers. Quelle ingénuité !

Et encore, s’il ne s’agissait que d’ingénuité et de candeur…

Mme Éliane Assassi. Oh, ça va !

M. François Bonhomme. Mais c’est à croire qu’il ne s’est rien passé !

M. François Grosdidier, rapporteur. C’est juste.

M. François Bonhomme. C’est à croire que nos forces de l’ordre ne seraient pas devenues des cibles particulièrement exposées aux djihadistes et aux bandes organisées, comme nous l’ont malheureusement rappelé les meurtrières attaques de Magnanville ou des Champs-Élysées.

Comment voulez-vous que tout cela n’affaiblisse pas l’image de nos forces de l’ordre, qui doivent assurer leur mission dans des conditions aujourd’hui si difficiles ? Comment leur demander de lutter contre l’insécurité si elles-mêmes se sentent vulnérables ? Comment voulez-vous que les policiers luttent contre les dealers qui squattent les halls d’immeubles ou contre les rodéos en pleine rue en affectant de croire qu’ils pourraient se déplacer à pied ou à roller ?

L’impuissance n’est sûrement pas la solution.

D’ailleurs, l’expression même de « violences policières » laisse croire qu’il y aurait une complaisance de l’État à ne pas organiser et maîtriser sa propre police. Je rappelle que notre État de droit n’admet ni ne tolère aucune bavure ni aucune dérive, ni en acte ni en propos. Dans notre État de droit, il n’y a pas, il ne peut pas y avoir d’ambiguïté sur ce plan.

En revanche, quand je vois que l’exposé des motifs insiste ouvertement sur les bavures policières, sans même évoquer les violences que subissent quotidiennement les policiers, je veux rappeler que, chaque année, plus d’une dizaine d’entre eux, en mission ou en service, y perdent la vie.

Finalement, cette confusion, cette suspicion alimente complaisamment le trouble à l’égard de nos forces de police, trouble que, par ailleurs, vous dites vouloir réduire. Il y a là de l’hypocrisie et même de la complaisance. Il faut s’inquiéter de la dégradation d’un lien de confiance entre nos concitoyens et les forces de police et de l’idée entretenue que nous assisterions à la multiplication des violences policières restées impunies – vous laissez entendre la vieille rengaine de la « violence d’État ».

Il est d’ailleurs significatif que, en 2016, vous ayez eu tant de mal à vous démarquer des affiches de la CGT Police…

Mme Éliane Assassi. On y vient !

M. François Bonhomme. … où l’on voyait un sol souillé de sang, sur lequel traînait une matraque, avec le mot d’ordre suivant : « La police doit protéger les citoyens et non les frapper ».

M. François Bonhomme. Quelle caricature !

Je n’oublie pas que, le 11 janvier 2015, les Français se sont rassemblés, en réponse aux attentats, précisément pour exprimer leur gratitude aux forces de l’ordre. (Nous aussi ! sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Pour autant, nous savons que nos gendarmes et policiers regrettent une trop grande verticalité de leur organisation. Or, en ordonnant la création d’une direction générale de la police de proximité, sur le modèle de la direction générale de la sécurité intérieure, vous renforcez cette organisation verticale, qui va à l’encontre du besoin exprimé.

Nos forces de l’ordre ont besoin d’être réorganisées afin de permettre de réduire les tâches indues et de se concentrer sur leur cœur de métier.

Elles ont également besoin d’une simplification de la procédure pénale.

Enfin, elles réclament davantage de coopération entre elles, notamment avec les polices municipales, qui sont au plus près des populations.

Le sujet de l’action policière territorialisée est important, mais ce n’est pas le seul, contrairement à ce que ce texte laisse croire.

Au bout de compte, il ne faudra pas s’étonner que cette proposition de loi aille rejoindre le magasin des accessoires idéologiques (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains. – Rires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) et, plus largement, mes chers collègues, la catégorie des propositions de loi placebo, ne contenant aucun principe actif.

M. Jean-Marc Boyer. Il a raison !

M. Pierre-Yves Collombat. Quelle fine analyse !

Mme Éliane Assassi. Quel apport au débat !

M. François Bonhomme. Pour paraphraser Montesquieu, les propositions inutiles et incantatoires « affaiblissent les lois nécessaires. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Grosdidier, rapporteur. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Priou.

M. Christophe Priou. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en préambule, je souhaite rendre hommage au travail exceptionnel que réalisent nos policiers et nos agents au service de nos concitoyens dans la lutte contre l’insécurité. La police nationale est une police de proximité, puisqu’elle traite 70 % de la délinquance quotidienne et 10 millions d’appels passés au 17, avec une mobilisation importante, dans le contexte que l’on connaît.

Forte d’un maillage territorial complet, la police nationale accomplit les missions de police du quotidien au plus près de nos concitoyens. Qu’elle en soit remerciée. Je salue également les autres forces de sécurité, gendarmerie et polices municipales, impliquées au quotidien pour assurer notre protection, garantir la paix civile et protéger la République.

On peut regretter que l’exposé des motifs de la proposition de loi reprenne de vieux arguments clivants et idéologiques, aujourd’hui dépassés, à l’heure où nous sonnons la mobilisation générale pour assurer notre défense et notre sécurité dans un contexte très difficile.

Chers collègues, vous évoquez le « pré carré » de certains partis au sujet de la sécurité, le « tout-sécuritaire » ou encore « la priorité donnée à la répression plutôt qu’à la prévention », les « dérives et violences policières ». J’ai l’impression de relire un tract électoral d’il y a trente-cinq ans, voire davantage ! Remarquez, ce n’est pas désagréable : cela nous rajeunit… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

L’année prochaine, nous fêterons le cinquantième anniversaire de mai 68 et du slogan Il est interdit dinterdire. (Mme Esther Benbassa sexclame.)

Si l’on revient même aux fondamentaux rousseauistes, « l’homme naît bon, c’est la société qui le corrompt. » Au reste, je sais que le parti communiste a joué un rôle important, en mai 68, dans le retour à l’ordre…

Au milieu de cet argumentaire, vous reconnaissez brièvement des conditions de travail difficiles, sans jamais évoquer les besoins et les moyens des fonctionnaires de police.

Depuis la loi du 21 janvier 1995, comme vous le signalez fort justement, « la mission de la police se définit désormais en termes de sécurisation du territoire et non plus seulement en termes de maintien de l’ordre ». Pour autant, quelle a été l’efficacité réelle de cette police de proximité mise en place à la fin des années quatre-vingt-dix pour muter en zones de sécurité prioritaires, ou ZSP, en 2012 ?

Je souscris néanmoins à un constat : les nombreuses mutations et réorientations du travail de proximité de la police ont pu manquer de cohérence et, finalement, nuire à ce précieux travail de terrain, au plus près des besoins préventifs et répressifs. Je sais que ce mot vous fait peur,…

Mme Éliane Assassi. Non ! Prévention, dissuasion, répression !

M. Christophe Priou. … mais la répression des actes délictueux est une nécessité absolue dans toute société organisée.

Votre texte n’est pas à la hauteur des enjeux. La territorialisation de l’action policière et le contact régulier avec les acteurs locaux existent déjà.

Chaque circonscription de sécurité publique, calée sur les ressorts territoriaux des agglomérations, effectue des interventions, de l’aide et de l’assistance de proximité par le biais des unités territoriales dédiées, notamment le groupe de sécurité de proximité, le GSP, et la brigade spécialisée de terrain, la BST, sans ignorer, dans le domaine de l’investigation, l’unité de protection sociale et des familles.

La situation d’urgence dans laquelle se trouve le pays mérite mieux que les déclarations de principes énumérées dans votre proposition de loi.

Vous évoquez les moyens humains, mais aucunement les moyens matériels, sinon l’utilisation du vélo et des rollers…

Votre article 2, par exemple, est déjà caduc. Le recueil des demandes de sécurité auprès de partenaires locaux existe déjà. Multiplier les recensements, indicateurs et autres réunions n’apportera rien de plus sur le terrain.

Le contact permanent avec la population est une réalité quotidienne pour les policiers. Ceux-ci ne sont pas inaptes au dialogue ni à l’écoute ! Et que signifient « un déplacement simple », « un équipement léger » ? C’est à l’organisation interne dans chaque commissariat de déterminer les besoins matériels adaptés à chaque mission. La loi détermine un cadre légal ; elle n’a pas vocation à empiéter indéfiniment sur les aspects réglementaires de premier échelon.

Prendre « en compte les attentes de la population » est plutôt du ressort des élus que de la police. Il s’agit plutôt de prendre en compte la situation de vie des populations pour adapter la réponse policière à une réalité de terrain.

La « polyvalence de l’activité policière », c’est tous les jours, en tous lieux et à toute heure !

La sensibilisation aux questions de sécurité existe déjà, dans les réunions de proximité avec les élus et les policiers, dans les établissements scolaires sur des activités de prévention, notamment par le biais des conseils locaux ou intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance ou la cellule partenariale dans les ZSP, sans oublier différentes conventions de coordination avec les communes ou encore la participation aux comités de quartier.

L’article 3 souligne qu’il faut « déployer de véritables moyens » sans jamais dire lesquels, au-delà d’une énumération laconique de l’administratif pur – cabinets, état-major, ressources humaines, etc.

La police proche des gens est déjà une réalité, même si cette réalité est inégalement vécue sur le territoire de la République. Il faudra peut-être chercher des réponses ailleurs que dans les intentions, fussent-elles écrites avec conviction dans votre proposition de loi. La police se trouve souvent entre le marteau et l’enclume et ne peut pas combler les carences de la société dans les domaines qui sont du ressort de la justice pour la réponse pénale et du politique pour ce qui est du vivre ensemble.

Ce texte est peut-être rempli de bonnes intentions, mais aucune réponse concrète ni stratégique ne l’alimente. Nous voterons donc contre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)