M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des armées.

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire dÉtat auprès de la ministre des armées. Monsieur Patrice Joly, vous interpellez Mme la ministre des solidarités et de la santé sur le problème de l’accès aux soins. Cette question est, vous le savez, l’une des priorités de Mme Buzyn, qui a annoncé, le 13 octobre dernier, aux côtés du Premier ministre, un plan pour renforcer l’accès territorial aux soins.

Dans le cadre des plans régionaux de santé, nous souhaitons améliorer l’accès aux soins de différentes façons.

Votre question porte plus particulièrement sur le département de la Nièvre, notamment sur le transfert du centre 15 de la Nièvre, qui est en effet prévu dans le futur plan régional de santé. J’insiste sur le fait qu’il s’agit juste de la régulation des appels, le personnel et le matériel restant sur place, dans la Nièvre.

La région a une solide expérience. Cette organisation est d’ores et déjà en place en Franche-Comté où le centre 15 du CHU de Dijon assure avec efficacité la régulation des appels du 15 des quatre départements franc-comtois : le Doubs, le Jura, la Haute-Saône et le Territoire de Belfort. Cette régulation téléphonique au travers d’une plateforme unique nous permet de redéployer sur le terrain les urgentistes, ressource particulièrement rare dans la Nièvre, dans les services des urgences du territoire, donc auprès des malades.

Aussi, je tiens à vous rassurer, sur l’ensemble des sites, il restera un SMUR H 24, un service mobile d’urgence et de réanimation fonctionnant vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Se pose uniquement la question de l’organisation en nuit profonde, de vingt-deux heures à neuf heures du matin, des services d’urgence, avec une fermeture éventuelle sur un créneau à déterminer selon la réalité de l’activité de chaque site.

Le ministère des solidarités et de la santé soutient la demande du préfet concernant le besoin d’un hélicoptère civil. Vos inquiétudes sont parfaitement légitimes. Actuellement, l’ARS travaille à améliorer globalement la desserte en transports sanitaires héliportés de toute la région.

Nous souhaitons intensifier le recours aux moyens héliportés actuellement disponibles sur le territoire régional, et ce afin de libérer du temps pour les équipes médicales au sol. Cela passera par la définition d’une doctrine régionale d’emploi des moyens héliportés et une gestion mutualisée des appareils disponibles pour que ce soit bien, à chaque instant, l’appareil le mieux placé qui intervienne indépendamment de son site de rattachement.

Monsieur le sénateur, j’espère avoir pu lever certaines de vos inquiétudes ; Mme la ministre des solidarités et de la santé pourra vous rassurer sur l’ensemble des points évoqués lors de sa visite dans votre département au début du mois de février pour les états généraux de la santé.

M. le président. La parole est à M. Patrice Joly.

M. Patrice Joly. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse.

Permettez-moi de vous proposer une solution alternative qui consiste à centraliser le centre de régulation des appels de Dijon à Nevers. Cette solution techniquement possible permettrait de renforcer l’attractivité du centre hospitalier de Nevers et constituerait de ce fait un élément de réponse à la difficulté de recruter des médecins. Aujourd’hui, il manque plus de cinquante médecins dans les effectifs de l’hôpital.

Par ailleurs, permettez-moi d’insister encore sur les grandes difficultés dans lesquelles se trouvent les Nivernais pour accéder à certains services indispensables.

Prenons l’exemple des femmes enceintes. Au mois de décembre dernier, la population a vu la fermeture précipitée de la maternité de Cosne-sur-Loire après celle des maternités de Decize et de Clamecy. Aujourd’hui, sur un département de plus de 7 000 kilomètres carrés, nous n’avons qu’une maternité. Nous sommes loin des objectifs de garantir à la population un accès, en moins de trente minutes, à une structure d’urgence.

Le projet de suppression des urgences de nuit au centre hospitalier de Clamecy dans la période horaire dite de nuit profonde, que vous avez évoqué, madame la secrétaire d’État, est une menace supplémentaire à la permanence des soins. Cette suppression créera en outre un transfert de charges insupportable vers les services d’incendie et de secours déjà très fortement sollicités. Les pompiers constituent souvent le dernier recours sur nos territoires.

Il paraît donc essentiel, au regard de notre démographie médicale déficitaire, de mettre rapidement en place une étude identifiant les risques de n’avoir personne sur certaines zones géographiques.

Enfin, il faut tenir compte de la spécificité des territoires ruraux auxquels appartient le département de la Nièvre pour définir d’autres critères que ceux qui sont habituellement exigés par l’agence régionale de santé en vue de maintenir des activités de soins. Nous avons plus que jamais besoin d’un service de santé organisé autour des hôpitaux de proximité.

service national universel

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, auteur de la question n° 129, adressée à Mme la ministre des armées.

Mme Jocelyne Guidez. « Jeunesse. L’âge du possible », écrivait Ambrose Bierce.

Si cette étape de la vie est marquée du sceau de l’insouciance, elle n’en demeure pas moins importante, tant par les expériences, les découvertes que par les décisions qui en résultent. Toutefois, la situation de certains jeunes de notre pays demeure aujourd’hui préoccupante : chômage encore trop élevé, précarisation liée à un faible pouvoir d’achat, perte de repères. Il devient urgent de mettre en œuvre une politique publique résolument ambitieuse pour cette génération.

Aussi, parallèlement aux réformes économiques et sociales envisagées, le service national universel constituerait un tremplin d’émancipation et de solidarité, ce creuset de la cohésion nationale. En outre, les armées permettraient de recréer ce lien de confiance entre la République et la Nation. Elles ont ainsi un rôle majeur. Or, madame la secrétaire d’État, le parcours citoyen, tel qu’il a été dernièrement présenté par les députés, ne demeure pas satisfaisant sur la forme, et le fond et ne serait pas à la hauteur des enjeux.

Par ailleurs, la question de la durée est au cœur des débats. Un mois, initialement envisagé par le Président de la République, puis, désormais, une semaine par an paraissent insuffisants. En effet, cette durée ne permettrait pas de sensibiliser correctement les intéressés aux règles civiques et républicaines, de les accompagner avec efficacité dans leurs projets et de les préparer convenablement au monde de la défense nationale. C’est pourquoi il serait préférable d’envisager une période de six mois, tout en tenant compte des problématiques liées au calendrier universitaire, à la signature de contrats de travail ou d’alternance.

Surtout, faire dans la demi-mesure coûterait cher pour peu de résultats. Si nous voulons donner à ces jeunes les moyens de réussir, alors allons jusqu’au bout, avec un budget adéquat. Certes, les contraintes budgétaires sont réelles, mais il s’agit avant tout d’un effort pour la Nation, un choix d’avenir.

Enfin, je tiens à le souligner, il existe des dispositifs qui fonctionnent très bien dans notre pays. Je pense aux centres du service militaire volontaire, en particulier celui de Brétigny-sur-Orge, qui opèrent un travail remarquable au niveau de l’insertion professionnelle et offrent ainsi une seconde chance à ces filles et ces garçons. Il pourrait donc être intéressant, une fois les objectifs déterminés, de s’orienter vers ce type de mesure, où l’association du militaire et du civil fonctionne parfaitement, où la mixité est rendue possible au travers, notamment, d’échanges avec des élèves issus de grandes écoles. Pouvez-vous nous préciser, madame la secrétaire d’État, les intentions du Gouvernement à ce sujet ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des armées.

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire dÉtat auprès de la ministre des armées. Madame Guidez, le Gouvernement partage évidemment votre préoccupation concernant l’avenir de nos jeunes et le lien entre la jeunesse et la Nation.

Comme vous l’indiquez dans votre question, le Président de la République s’est engagé à renforcer le lien entre l’armée et la jeunesse et, plus largement, à développer le sentiment d’appartenance à la Nation de notre jeunesse par la création d’un service national universel, qui sera marqué du sceau de l’engagement. Aussi, le Premier ministre a nommé en septembre dernier une mission interministérielle composée des inspections générales des ministères concernés pour dresser un état des lieux des nombreux dispositifs existants – ils sont très nombreux –, les évaluer et formuler des propositions. Le rapport a été remis au début du mois de novembre.

D’autres travaux menés parallèlement par les députés et les sénateurs vont permettre d’enrichir la réflexion du Gouvernement.

À ce stade, certains présupposés paraissent incontournables : le dispositif aura vocation à contribuer à la résilience de la Nation et à permettre un brassage social de la jeunesse ; il revêtira un caractère interministériel au regard des nombreuses contributions dont il bénéficiera ; il permettra de développer l’esprit de défense, de valoriser les métiers des armées et d’en renforcer l’attractivité ; il s’agira d’un dispositif en adéquation avec les objectifs et les moyens de l’État ; l’engagement des jeunes au profit de la société sera valorisé.

Vous l’aurez compris, il s’agit d’un projet de société d’envergure – on compte, je le rappelle, 800 000 jeunes par tranche d’âge –, qui nécessite du temps et une concertation avec tous les acteurs directement intéressés.

Même si nous n’en sommes qu’au début du processus d’élaboration du service national universel, la durée de six mois que vous évoquez, je vous le dis, n’est pas envisagée à l’heure actuelle.

Enfin, comme vous, le Gouvernement est mobilisé pour l’insertion professionnelle des jeunes. C’est pourquoi le dispositif du service militaire volontaire sera préservé dans son format actuel et inscrit dans la loi de programmation militaire, qui sera bientôt examinée par la représentation nationale.

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez.

Mme Jocelyne Guidez. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. Je serai très attentive à la suite de ce projet, qui m’intéresse beaucoup. Je vous fais entièrement confiance : je sais que nous avancerons dans le bon sens.

conséquences de la crise migratoire dans le calvados

M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, auteur de la question n° 102, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

M. Pascal Allizard. Madame la secrétaire d’État, je souhaiterais faire état devant vous des conséquences de la crise migratoire dans le Calvados.

Ainsi, je rappelle que le démantèlement des campements près de Calais et le renfort des effectifs pour sécuriser les accès au tunnel sous la Manche n’ont pas pour autant fait disparaître les migrants, les conduisant à se déplacer.

Dans le Calvados, des communes littorales comme Ouistreham, petite ville portuaire, voient arriver de plus en plus de clandestins candidats au départ pour l’Angleterre – uniquement à cette fin ! –, surtout depuis le démantèlement de la « jungle » calaisienne et le rétablissement des contrôles aux frontières. Il s’agit de jeunes hommes, parfois mineurs, originaires du Soudan ou d’Érythrée, désireux de s’embarquer par tout moyen sur les navires de la liaison maritime entre Ouistreham et Portsmouth assurée par la compagnie Brittany Ferries.

Des groupes d’individus, démunis, sont régulièrement signalés, errant en ville ou cachés sur des chantiers, dans des jardins ou sous des haies. Ils survivent dans des conditions précaires, en particulier durant la période hivernale. Ce flux de migrants, en augmentation croissante ces derniers mois, crée tensions et inquiétudes auprès de la population. La situation n’est satisfaisante sur le plan ni humanitaire ni sécuritaire. Quant à l’économie locale, elle se détériore par la baisse des ventes dans les commerces de la ville. De plus, des ventes de commerces et de biens immobiliers ainsi que des réservations d’hébergements touristiques sont annulées.

À Ouistreham, beaucoup ont en mémoire la détresse des habitants de Calais face au marasme de leur ville et craignent une crise migratoire qui s’installe dans la durée.

Il est impératif de mettre un terme à cet odieux trafic d’êtres humains sur notre territoire et de ne pas laisser se créer de nouveaux points de fixation.

Madame la secrétaire d’État, quels sont les résultats concrets obtenus à l’encontre des réseaux de traite des êtres humains opérant dans ou vers le Calvados ? Quelles mesures supplémentaires le Gouvernement entend-il prendre pour lutter plus efficacement contre les organisations criminelles et aider les collectivités territoriales débordées ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des armées.

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire dÉtat auprès de la ministre des armées. Monsieur Allizard, les routes et les modes opératoires utilisés par les migrants souhaitant se rendre illégalement au Royaume-Uni, souvent guidés par des réseaux de passeurs sans scrupule, vous l’avez dit, varient. En conséquence, les autorités françaises adaptent leurs réponses afin de lutter contre les filières d’immigration irrégulière, de prévenir les franchissements illicites de la frontière et de garantir l’ordre public sur l’ensemble du territoire national.

Afin de contrecarrer l’activité des réseaux de passeurs, un travail impliquant l’ensemble des services de police et de gendarmerie est mené avec l’institution judiciaire. Dans l’ensemble de la zone de défense « ouest », quinze filières ont ainsi été démantelées de janvier à septembre 2017, soit une progression de plus de 36 % par rapport à la même période en 2016.

La pression migratoire constatée dans le Calvados, et plus particulièrement au port de Ouistreham, s’est en effet accrue au cours des dernières semaines. L’action des forces de sécurité intérieure a été orientée en conséquence : trente-huit militaires du groupement de gendarmerie du Calvados interviennent quotidiennement pour empêcher les tentatives d’intrusion dans l’emprise du port et contrôler la régularité du droit au séjour des personnes interpellées, avec le renfort de seize réservistes opérationnels, de seize gendarmes mobiles et le soutien d’un demi-escadron de gendarmes mobiles qui sera maintenu tant que cela sera nécessaire. Les militaires de l’opération Sentinelle interviennent également en soutien.

Enfin, il importe de dissuader les tentatives de franchissement illégal de la frontière franco-britannique par une sécurisation accrue des emprises portuaires. À cette fin, le Gouvernement a sollicité et obtenu du gouvernement britannique une contribution financière au renforcement des infrastructures de plusieurs ports de la Manche. Dans ce cadre, 2,44 millions d’euros sont alloués à la sécurisation du port de Ouistreham, notamment pour l’acquisition de systèmes de détection, la création d’un hangar d’inspection filtrage ainsi que l’installation de clôtures, de portails et de systèmes de vidéosurveillance. Ces travaux de sécurisation seront engagés au cours des prochaines semaines.

M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard.

M. Pascal Allizard. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de ces précisions. Toutefois, je souhaite rappeler que les collectivités territoriales se retrouvent à devoir gérer matériellement une situation anormale, qu’il s’agisse notamment du ramassage des détritus, du nettoyage ou de l’accroissement des patrouilles de police municipale. Rien que pour une petite ville comme Ouistreham, le coût supplémentaire s’élevait à 100 000 euros pour 2017, à un moment où les dotations de l’État aux collectivités diminuent.

Par ailleurs, et vous l’avez souligné, les stratégies des réseaux de passeurs sont de plus en plus élaborées, ce qui rend les opérations de police d’autant plus compliquées. Ce qui nous inquiète également, c’est que des trafics s’organisent désormais sur nos aires d’autoroutes la nuit, mettant en péril la sécurité tant, certes, des migrants que des usagers ; c’est un fait avéré.

Des migrants ont déjà été condamnés en correctionnelle à Caen pour des violences sur les forces de l’ordre. La situation déborde d’ailleurs largement sur Caen et sa proche périphérie, où se créent des points de regroupement de migrants dans lesquels les trafics et la misère prospèrent. Nous souhaiterions que l’État en prenne toute la mesure. La seule augmentation des effectifs de police et de gendarmerie, que je salue par ailleurs – elle était nécessaire –, ne pourra pas tout résoudre.

Au-delà de la France, c’est bien, je le crois, l’Union européenne qui est face à une crise migratoire qu’elle a laissé s’amplifier. Une plus grande fermeté et un meilleur respect des règles d’entrée et de séjour dans l’Union européenne, ainsi probablement qu’une plus grande coopération pour le développement avec les pays d’origine seraient nécessaires. Peut-être faudrait-il également que le Royaume-Uni s’implique davantage – vous avez évoqué les 2,44 millions d’euros, information que nous partageons – dans la résolution de la crise migratoire et dans la prise en charge des migrants.

Je souhaite que le sommet franco-britannique prévu jeudi traite également de ce sujet. Je crois que nous n’échapperons pas à une réflexion sur la remise en cause ou, en tout cas, sur la renégociation des accords du Touquet.

M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Valérie Létard.)

PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

6

Modifications de l’ordre du jour

Mme la présidente. Mes chers collègues, mercredi 31 janvier, en raison de la tenue de la conférence des présidents à dix-neuf heures et en accord avec le groupe Les Républicains, les commissions concernées et le Gouvernement, l’examen de la suite éventuelle de la proposition de loi relative au développement durable des territoires littoraux, puis l’examen de la proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité des propriétaires ou des gestionnaires de sites naturels ouverts au public commenceraient à vingt et une heures trente.

Par ailleurs, il sera procédé au dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes jeudi 8 février, à dix heures trente.

Y a-t-il des observations ?…

Il en est ainsi décidé.

Enfin, le groupe Union Centriste a demandé de limiter à quarante-cinq minutes la durée de la discussion générale sur la proposition de loi créant un dispositif de don de jours de repos non pris au bénéfice des proches aidants de personnes en perte d’autonomie ou présentant un handicap examinée au sein de son espace réservé du mercredi 31 janvier 2018.

Acte est donné de cette demande.

7

Situation et avenir de la SNCF

Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur le thème : « La situation de la SNCF et son avenir ».

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

L’orateur du groupe qui a demandé ce débat, en l’occurrence le groupe Les Républicains, disposera d’un temps de parole de dix minutes, y compris la réplique, puis le Gouvernement répondra pour une durée équivalente.

Dans le débat, la parole est à M. Roger Karoutchi, pour le groupe auteur de la demande.

M. Roger Karoutchi, pour le groupe Les Républicains. Madame la présidente, madame la ministre chargée des transports, mes chers collègues, si notre groupe a demandé l’organisation de ce débat, c’est en raison des très nombreux incidents et dysfonctionnements qui ont eu lieu au cours de l’année 2017. Nous n’allons cependant pas refaire la SNCF en dix minutes…

Madame la ministre, si je vous dis : « La situation de la SNCF est dramatique. Il faut faire des réformes. Il faut envisager, par exemple, une réorganisation de l’entreprise. Il faut envisager de modifier le système des régimes spéciaux. Il faut envisager une réforme du statut. Il faut envisager une réforme du rythme même des rotations. » Vous allez conclure que la droite veut déclarer la guerre à la SNCF. Manque de chance, ce sont les déclarations du Président de la République lorsqu’il envisageait, en parallèle, de reprendre à la charge de l’État une partie de la dette de la SNCF…

Vous avez reçu les responsables de la SNCF. Après chaque réunion, fort intéressante, on a entendu : « Nous allons faire une expertise ! Il va y avoir un diagnostic des gares, des lignes ! La SNCF s’engage à mieux informer, à faire en sorte que ça se passe mieux avec les usagers ! » La réalité est malheureusement catastrophique. C’est vrai pour l’Île-de-France, qui représente 60 % des déplacements, mais ça l’est aussi pour l’ensemble du pays.

Tous les Français, quel que soit leur attachement à la SNCF ou aux « valeurs cheminots », constatent des retards, des annulations, une insécurité dans les trains ou une très mauvaise utilisation de lignes. Tous sont amenés à se demander ce que devient l’entreprise publique ferroviaire.

Les documents de la SNCF contiennent évidemment des éléments positifs : on nous annonce 5 milliards d’euros d’investissement en 2018, des efforts en matière d’information, de nouvelles technologies, de numérisation… Mais quelle est la réalité ? Les usagers sont lassés ! Madame la ministre, ce qui s’est passé à plusieurs reprises, que ce soit à la gare Montparnasse, à la gare Saint-Lazare, à Rennes, à Marseille ou à Nice est absolument inadmissible pour un service public. Il ne suffit plus d’annoncer qu’on va prendre des mesures ou faire un diagnostic : on attend un plan d’urgence ferroviaire ! On attend que vous mettiez en œuvre la véritable révolution des transports promise par le candidat Macron, mais dont il parle beaucoup moins aujourd’hui, à savoir la réorganisation du système. Avec mon collègue Philippe Dominati, nous avions par exemple proposé de fusionner les entreprises franciliennes de transports pour créer une entreprise unifiée de transports en Île-de-France. Il s’agit non pas de remettre en cause le service public, mais de le réorganiser.

En disant aujourd’hui, et encore demain, qu’en tout état de cause, nous ne voulons pas prendre de mesures de réorganisation de l’ensemble de l’entreprise publique ferroviaire, nous n’avons aucune chance de voir la situation s’améliorer. Comprenez-nous bien : nous ne mettons en cause ni les agents ni les dirigeants de la SNCF. C’est l’État, dirigé par des gouvernements de gauche comme de droite – de ce point de vue, nous sommes tranquilles ; il y en a pour tout le monde ! –, qui s’est désengagé : soit il a très souvent laissé l’entreprise seule face aux investissements, soit il lui a imposé une politique en faveur des lignes à grande vitesse en n’assurant plus en réalité l’entretien des lignes du quotidien ou des lignes classiques. Résultat des courses, nous avons, certes, beaucoup plus de lignes à grande vitesse qu’il y a dix ans ou vingt ans, mais le réseau du quotidien est complètement usé. Le matériel et le réseau ferroviaire sont en grande partie dépassés. C’est la cause des accidents, des incidents, des retards et des dysfonctionnements.

On peut donc comprendre que l’actuelle direction de la SNCF nous dise : « Soutenez-nous, aidez-nous, mais ne nous mettez pas en cause ! » Mais il y a tout de même un problème ; en fait, il y en a même plusieurs. J’évoquerai simplement deux ou trois sujets, en espérant obtenir des réponses.

D’abord, voilà cinq ans, lorsque je m’exprimais dans cet hémicycle sur le même thème, le ministre des transports de l’époque me répondait : « Rassurez-vous, monsieur Karoutchi. Certes, j’ai bien compris que vous vous interrogiez sur l’ouverture à la concurrence, et c’est vrai que c’est un problème compliqué. Mais nous allons aider l’entreprise, et vous allez voir ce que vous allez voir : dans cinq ou six ans, l’entreprise SNCF sera prête à l’ouverture à la concurrence ! » Cinq ans après, le ministre n’est plus le même ; moi, je suis à peine différent…

M. Bruno Sido. Tu as un peu vieilli quand même !

M. Roger Karoutchi. Je vous en prie… (Sourires.)

L’entreprise SNCF, elle, n’a pas changé : elle n’est toujours pas prête, pour diverses raisons.

Certains sont opposés à l’ouverture à la concurrence et souhaitent trouver d’autres systèmes, afin que l’ouverture prévue en 2020 ne se fasse pas. D’autres constatent ce qu’est la réglementation européenne. Sommes-nous prêts pour l’ouverture à la concurrence dans deux ans ? J’ai vu que Xavier Bertrand faisait le pari de l’ouverture à la concurrence dès 2018 pour la région Hauts-de-France ; nous verrons bien s’il y parviendra. Je le répète, l’entreprise SNCF est-elle prête pour l’ouverture à la concurrence qui arrive ? Est-ce qu’un plan a été mis en place entre le Gouvernement et la SNCF ?

Autre sujet : la dette de la SNCF doit être aux alentours de 55 milliards d’euros. Il lui est donc difficile d’investir dans ces conditions. L’État répond qu’il va demander aux régions de participer aux financements. D’ailleurs, j’ai vu que les responsables de la SNCF indiquent dans leurs documents pour 2018 avoir mis en place quarante nouveaux trains en Île-de-France. Ils sont bien gentils, mais je m’empresse de préciser que c’est la région qui les a payés. Rendons à César ce qui est à César !

Aujourd’hui, la SNCF n’a ni moyens ni marges de financement. Elle se vante d’un surcroît de fréquentation – et c’est tant mieux ! –, mais, sur le réseau non-LGV, son offre n’est plus une offre digne de ce nom. Le matériel est usé, les réseaux sont usés et les usagers sont aussi usés que le matériel !

Par conséquent, madame la ministre, il faut peut-être un plan d’urgence sur l’ensemble des lignes ; nous l’avons demandé pour l’Île-de-France, mais il faut sans doute le demander pour toute la France. C’est bien sympathique de nous dire qu’il va y avoir des diagnostics… Honnêtement, je ne pensais pas qu’il y aurait besoin d’une rencontre entre le président de la SNCF et la ministre chargée des transports pour nous annoncer qu’il allait y avoir un diagnostic des gares. On aurait pu imaginer que l’entreprise le fasse d’elle-même sans avoir besoin d’une rencontre au sommet.

M. Bruno Sido. Bien sûr !

M. Roger Karoutchi. Ouverture à la concurrence, dette insupportable, refus de changement de statut… Madame la ministre, que comptez-vous faire de l’entreprise ferroviaire ? Que proposons-nous aux Français, aux agents et à la direction de la SNCF ? Personne ne remet en cause les traditions de cette entreprise publique. Tous les Français sont très attachés à leur entreprise ferroviaire. Mais il ne faut pas la laisser mourir sous la dette, les dysfonctionnements et le ras-le-bol des usagers ! S’il ne se passe rien, si l’on continue comme avant, avec une réunion au sommet chaque année pour dire que l’on va prendre des mesures, ça finira mal ! La SNCF devra affronter une concurrence effrayante de la part des sociétés allemandes, britanniques, italiennes ou espagnoles, et le crédit public ne marchera tout simplement plus !

Madame la ministre, les Français tiennent beaucoup à la SNCF surtout si elle fonctionne, si les trains sont à l’heure, s’ils sont modernes et si l’entreprise leur fait envie. Comment allez-vous leur redonner envie ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)