M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme Gisèle Jourda. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation. J’y associe mes collègues Henri Cabanel et Franck Montaugé, ainsi que l’ensemble des sénateurs, siégeant sur toutes les travées, qui ont maintes fois sollicité le Gouvernement à propos du nouveau périmètre des zones défavorisées.

Oui, nous vous avons alerté sur cette question, et nous avons relayé auprès de vos services les inquiétudes de nos agriculteurs. C’est aujourd’hui que vous arrêtez la carte définitive des nouvelles zones, pour la transmettre à Bruxelles le 1er mars. Cela veut-il dire qu’il nous reste quatorze jours pour vous convaincre ou convaincre le Président de la République ?

Éclairez notre lanterne : qu’avez-vous inscrit dans cette carte ? Quel est le nouveau périmètre des zones défavorisées ? Quels critères avez-vous retenus ? Pouvez-vous nous les exposer ?

M. Travert dit avoir travaillé dans la concertation, l’équilibre et la clarté ; la concertation, l’équilibre et la clarté sont si flagrants que les agriculteurs touchés et les élus concernés ont manifesté et manifestent encore sur nos routes et autoroutes, ainsi qu’au cœur de départements aussi divers que l’Aude, le Gers, l’Ariège, la Haute-Garonne, les Hautes-Pyrénées, le Tarn-et-Garonne, le Lot-et-Garonne, les Pyrénées-Atlantiques, le Loiret, l’Aveyron, les Deux-Sèvres, jusqu’au Val de Loire… Avez-vous tenu compte de leurs revendications et de la réalité des situations dans ces territoires défavorisés ?

Chez moi dans l’Aude, en Occitanie, les agriculteurs de La Piège et du Razès, désormais exclus du zonage, se sont vu refuser par les services de l’État la transmission de l’étude de l’Institut national de la recherche agronomique et de ses critères de sélection. Au total, vingt-quatre communes et cinquante-cinq exploitations sont touchées. Est-ce normal ?

Au regard de ces inquiétudes et angoisses croissantes, pouvez-vous nous dire combien de communes ont été réintégrées dans le périmètre des zones défavorisées ? Comment le Gouvernement compte-t-il accompagner dans la durée les agriculteurs des communes qui resteront exclues du zonage ? Il y va de leur survie et de la pérennité de leur activité. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

M. Christophe Castaner, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice Gisèle Jourda, vous avez raison. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous nous avez alertés, mais peut-être auriez-vous pu, au lieu de cela, faire le travail. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe Les Républicains.)

En effet, le zonage que nous retravaillons a quarante ans, et cela fait quinze ans que la Cour des comptes européenne demande à la France de le revoir. Au fond, dans le passé, la couardise a poussé à laisser à d’autres la responsabilité de mettre cette injonction en œuvre. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.) En l’espèce, c’est le présent gouvernement qui s’en charge !

Madame la sénatrice, je ne doute pas de la sincérité de votre préoccupation, que je partage, concernant les exploitants agricoles qui perdront le bénéfice de l’aide compensatoire liée à l’appartenance à une zone défavorisée simple ou de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels, l’ICHN. Élu des Alpes-de-Haute-Provence, je sais l’importance de l’ICHN dans les territoires ruraux de montagne.

Je constate, à la lecture de la carte de France telle qu’elle a été présentée à l’ensemble de la profession, que le nouveau zonage comprendra 3 555 communes de plus que l’actuel. Pour ce qui concerne votre département – je fais mienne la méthode de Jean-Michel Blanquer –, une centaine de communes sont aujourd’hui incluses dans le périmètre ; demain, il y en aura le double !

Madame la sénatrice, je ne doute pas que vous irez expliquer aux agriculteurs concernés qu’ils doivent cette amélioration de la situation non pas à votre intervention de ce jour, mais à l’action de Stéphane Travert. Peut-être même aurez-vous le courage politique de leur dire pourquoi vous n’avez pas, dans le passé, entrepris cette révision de la cartographie dont une centaine de nouvelles communes de votre département vont bénéficier ! (Huées sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain. – Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

hausse de la csg

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Jérôme Bascher. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances.

Le Président de la République avait annoncé une réforme des retraites par points. Nous n’avons vu venir, dès janvier, que des points de CSG supplémentaires… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

En mai dernier, le Président de la République faisait la déclaration suivante : « Aux plus aisés des retraités, je demanderai un effort. » Le montant moyen de la retraite est de 1 376 euros, soit 100 euros de moins que le SMIC. Vous prenez directement 300 euros de plus chaque année dans les poches des deux tiers des retraités.

M. Jérôme Bascher. Sont-ils les plus aisés, ceux qui ont travaillé toute leur vie pour un salaire modeste, ceux qui ont connu des carrières incomplètes du fait du chômage de masse ?

Ce nouveau revirement n’est, hélas ! que l’illustration de vos ratés technocratiques en matière de pouvoir d’achat. La neutralité fiscale annoncée s’est muée en simple neutralité du paquet de cigarettes, accompagnée de taxes supplémentaires. Elle s’est muée en hausse des taxes sur les carburants d’aujourd’hui et de demain pour le banlieusard, toujours obligé de prendre sa voiture pour aller travailler, ou pour le provincial, qui en a besoin tout simplement pour vivre. Et je ne parle pas du nombre et du montant des amendes de stationnement, qui explosent… (Marques dapprobation sur les travées du groupe Les Républicains.)

Toutes ces classes moyennes, oubliées voire inconnues du Gouvernement, souffrent d’un pouvoir d’achat fortement entamé en ce début d’année, menaçant la croissance enfin retrouvée. À cette triste réalité humaine s’ajoutent les annonces de l’INSEE sur la baisse générale du pouvoir d’achat, qu’un de vos collègues s’est permis de dénoncer, toute honte bue.

Monsieur le ministre, ma question est simple : pour corriger radicalement les erreurs qui découlent du tropisme par trop technocratique et parisien du Gouvernement, quelles mesures allez-vous prendre dès ce printemps en vue d’assurer un partage enfin juste des fruits de la croissance ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat auprès du ministre de laction et des comptes publics. Monsieur le sénateur Jérôme Bascher, votre question est intéressante, car elle porte sur le pouvoir d’achat et sur la manière dont nos concitoyens peuvent vivre et envisager de construire leur avenir aujourd’hui.

Il est vrai que la CSG a été augmentée. Cette augmentation a été compensée, pour l’ensemble des salariés du secteur privé, par une diminution de 3,15 points des cotisations salariales d’assurance chômage et d’assurance maladie, ce qui se traduit par une progression du pouvoir d’achat, laquelle sera amplifiée par la deuxième vague de baisse des cotisations, au mois d’octobre, et la mise en œuvre du dégrèvement de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages.

La CSG a été augmentée pour les fonctionnaires, mais nous avons veillé à ce que cette augmentation soit totalement neutralisée. Nous avons ainsi prévu une indemnité compensatrice, dont les modalités ont été fixées par un décret du 31 décembre 2017. Par ailleurs, nous avons fait en sorte que les employeurs publics aient les moyens de compenser l’augmentation de la CSG, en inscrivant 290,5 millions d’euros de crédits à cette fin dans le budget de l’État, et nous avons instauré, pour les autres employeurs, une diminution de la cotisation patronale d’assurance maladie de 11,5 % à 9,78 %.

Il est vrai que la CSG a été augmentée pour les retraités. Toutefois, cette augmentation s’applique uniquement à partir d’un revenu fiscal de référence supérieur à 14 404 euros pour une personne seule, ce qui correspond à un montant de pension mensuel net de 1 394 euros pour une personne de plus de 65 ans, et de 1 289 euros pour une personne retraitée de moins de 65 ans.

Pour les deux tiers des retraités, la mesure sera neutre. Une partie d’entre eux bénéficiera d’une exonération et, par ailleurs, le montant moyen de dégrèvement de la taxe d’habitation permettra de neutraliser l’augmentation de la CSG. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Monsieur le sénateur, permettez-moi de vous dire que les fruits de la croissance sont partagés équitablement et qu’ils continueront de l’être. Les Français le savent, et ils savent que le projet présidentiel s’appliquera progressivement à leur avantage.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d’État !

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. Permettez-moi aussi de rappeler que les mesures que nous mettons en œuvre sont bien différentes de l’augmentation de deux points de la TVA préconisée par le candidat à l’élection présidentielle que vous souteniez. Si cette mesure avait été mise en œuvre par votre famille politique, elle aurait entraîné un accroissement de la fiscalité de 13 milliards d’euros… (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

polémique sur le nombre de sdf

M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marta de Cidrac. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, la misère existe dans notre pays, des femmes et des hommes vivent dans la rue et, depuis le début de l’année, plusieurs SDF sont morts à Paris. Nous devons tous lutter contre cette réalité ; c’est une question d’humanité.

Lorsque j’entends M. Julien Denormandie, secrétaire d’État, déclarer que « le nombre de personnes isolées dormant dans la rue en Île-de-France correspond à une cinquantaine », je m’indigne et je l’invite à aller à leur rencontre.

M. François Grosdidier. Il ne parle que du VI e arrondissement !

Mme Marta de Cidrac. À l’occasion d’une récente interview, Louis Gallois, président de la Fédération des acteurs de la solidarité, a révélé que les préfets excluraient de leur comptage des personnes sans abri les célibataires et ceux qui vivent sous une tente. Sans doute les préfets se sentent-ils liés par la promesse du Président de la République qu’« il n’y aura[it] plus personne dans la rue à la fin de l’année 2017 ». Nous sommes en 2018 et, hélas, cette promesse non plus n’est pas tenue…

Monsieur le Premier ministre, pensez-vous, comme Julien Denormandie, qu’il n’y a qu’une cinquantaine de personnes qui dorment dans la rue en Île-de-France ? Pensez-vous, comme le député de votre majorité Sylvain Maillard, que l’immense majorité des SDF passent la nuit dehors par choix ? Pensez-vous, monsieur le Premier ministre, que le Président de la République, emporté par sa communication, a tenu sa promesse ? Monsieur le Premier ministre, ne pensez-vous pas plutôt que nous sommes là face à trois fake news ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la cohésion des territoires.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Marta de Cidrac, au regard des drames de la misère et la solitude que vous évoquez, cette polémique sur les chiffres est tout à fait déplorable. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je ne me suis jamais engagé dans ce débat sur les chiffres, mais je sais que nous partageons tous, dans cet hémicycle, au Gouvernement, à l’Assemblée nationale et dans nos collectivités locales, un même objectif : qu’il y ait le moins possible de nos concitoyens qui vivent dans la rue.

Cette polémique est déplorable ! Jamais nous ne donnerons des ordres aux préfets afin de cacher la vérité ! Nous les respectons trop pour cela, et si Julien Denormandie et moi-même tenons chaque semaine une conférence avec les treize préfets de région, ce n’est pas pour leur demander de masquer les chiffres, mais pour réaffirmer la nécessité de faire en sorte qu’il n’y ait plus un enfant, plus une famille dans la rue.

Effectivement, si des résultats positifs ont été obtenus, il y a encore beaucoup trop d’hommes et de femmes sans abri dans notre pays. Mais, je vous le dis en face, faire de ce drame un sujet de polémique et de petites phrases pour les matinales, c’est détestable ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour la réplique.

Mme Marta de Cidrac. De grâce, monsieur le ministre, attelez-vous au travail de fond, et cessons de polémiquer. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe La République En Marche.) Ensemble, faisons mentir Bertolt Brecht, selon qui « si les puissants de la terre sont capables de provoquer la misère, ils sont incapables d’en supporter la vue ». Nous comptons tout de même sur vous… (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que la prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement aura lieu le mardi 20 février, à seize heures quarante-cinq.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Marie-Noëlle Lienemann.)

PRÉSIDENCE DE Mme Marie-Noëlle Lienemann

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Dossier législatif : projet de loi relatif à l'orientation et à la réussite des étudiants
Discussion générale (suite)

Orientation et réussite des étudiants

Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'orientation et à la réussite des étudiants
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants (texte de la commission n° 295, rapport n° 294).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le vote des conclusions d’une commission mixte paritaire réussie est toujours un moment fort et émouvant.

Je tiens, tout d’abord, à remercier le rapporteur de l’Assemblée nationale, Gabriel Attal, pour son travail, ses propos à mon égard et la réussite de la commission mixte paritaire. Je remercie également Mme la ministre pour son écoute et le respect de la Haute Assemblée dont elle a fait montre.

La réussite de la commission mixte paritaire était loin d’être une évidence au début de l’examen de ce projet de loi. Je m’étais d’ailleurs, dès l’automne, engagé auprès de mes collègues à être un rapporteur vigilant ; je m’y suis astreint. C’est ainsi que le Sénat a pu, indiscutablement, apposer sa marque de fabrique sur le texte.

En séance publique, la semaine dernière, nous avons rappelé les principes auxquels nous sommes attachés en matière d’enseignement supérieur.

Il s’agit, d’abord, de la primauté de l’insertion professionnelle, car il est criminel de laisser des jeunes s’engager dans des voies que l’on sait sans issue.

C’est au nom de ce principe que votre commission avait proposé que les modifications des capacités d’accueil prennent en compte les taux d’insertion professionnelle observés, de façon à éviter d’ouvrir toujours plus de places dans des formations certes très demandées, mais sans débouchés professionnels. Je sais, madame la ministre, que certains syndicats s’en sont émus. Je tiens à affirmer solennellement ici que, à aucun moment, vous n’avez envisagé de fermer des filières en fonction des perspectives d’insertion professionnelle. Vous avez, en revanche, été attentive à l’inscription de ce principe dans le projet de loi, parce que cette dimension doit être prise en compte.

C’est également au nom de ce principe que de nombreux amendements visant à renforcer la prise en compte de l’insertion professionnelle des étudiants avaient été adoptés par notre assemblée, sur l’initiative de nos collègues Guy-Dominique Kennel et Max Brisson.

Le deuxième principe qui a guidé notre travail est le respect de l’autonomie des établissements. Nous devons faire confiance à nos établissements et à leurs équipes dirigeantes ! Ils sont bien souvent, dans les dispositifs que le législateur imagine, les mieux placés pour évaluer les situations et apporter des solutions adaptées à la réalité du terrain.

La loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, dite loi LRU, à l’élaboration de laquelle j’ai pu participer, est une loi importante pour l’université française et marquante pour nos territoires.

Au nom de ce principe, votre commission avait souhaité que l’établissement soit associé à la décision d’inscription dans une formation du candidat qui n’aurait reçu aucune réponse positive à l’issue de Parcoursup.

Au nom du même principe, nous avions proposé que les établissements puissent fixer librement les droits de scolarité des étudiants extracommunautaires, comme l’avait proposé notre collègue Olivier Paccaud.

Le troisième principe que nous avons souhaité défendre est celui de transparence, car l’accès à l’information permet à nos jeunes de prendre des décisions éclairées pour leur avenir.

Ce principe avait conduit votre commission à proposer la publication des algorithmes locaux qui seront utilisés par les établissements pour classer les candidatures.

Au nom de ce même principe, nous avons renforcé les obligations statistiques des établissements d’enseignement supérieur, mais aussi des établissements scolaires, comme le souhaitait notre collègue Stéphane Piednoir.

Mes chers collègues, je dois le reconnaître, le texte que nous avons voté en commission mixte paritaire et que le Gouvernement nous soumet cet après-midi est, en de nombreux points, bien différent de celui que nous avons voté voilà une semaine. Plusieurs apports du Sénat, parmi ceux que je viens de citer, n’ont pas passé le cap de la commission mixte paritaire. C’est la loi du genre…

Cela ne signifie aucunement que nous aurions renoncé à nos convictions, que nous aurions accepté de signer un blanc-seing au Gouvernement. Nous avons décidé, en conscience, d’aboutir à un texte de compromis avec l’Assemblée nationale, car il aurait été irresponsable de prendre en otage les quelque 850 000 candidats qui ont déjà commencé à renseigner Parcoursup.

M. David Assouline. Avant le vote de la loi…

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Bien entendu, nous avons regretté l’étroitesse du calendrier parlementaire dans lequel nous avons été enserrés. Mais notre sens de l’intérêt général, monsieur Assouline, nous a naturellement conduits à accepter le caractère d’urgence de cette réforme et les contraintes qui en découlaient.

La semaine dernière, madame la ministre, vous avez eu l’obligeance de rappeler à cette tribune que, sur de nombreux sujets, le Sénat avait été précurseur. Je vous en remercie.

De fait, il l’a été sur la réforme du régime de sécurité sociale des étudiants, grâce à Catherine Procaccia, sur l’orientation vers et dans le supérieur, grâce à Guy-Dominique Kennel, sur la sélection à l’entrée dans le second cycle, grâce à Jean-Léonce Dupont.

Permettez-moi de penser, et même d’espérer, que le Sénat aura été, cette fois encore, précurseur dans ses travaux et que, dans les mois à venir, nous constaterons des progrès sur les nombreux sujets que nous avons soulevés dans cet hémicycle et qui n’ont pas trouvé grâce aux yeux de nos collègues députés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – Mme Colette Mélot applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Frédérique Vidal, ministre de lenseignement supérieur, de la recherche et de linnovation. Madame la présidente, madame la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, au cœur du projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants, il y a une ambition : accompagner un plus grand nombre de lycéens et d’étudiants vers l’enseignement supérieur et vers la réussite. Telle est l’épine dorsale de ce texte, telle est la boussole que je me suis fixée ; telle est, aussi, la conviction que j’ai souhaité partager avec vous tout au long des débats parlementaires.

Chacun le voit bien : la massification s’est faite, à l’école comme à l’université, mais la démocratisation reste à faire. L’accomplir et la réussir, tel est le défi qui se présente à nous.

C’est la raison pour laquelle, au-delà des dysfonctionnements inacceptables qu’a connus la procédure d’entrée dans l’enseignement supérieur, le Gouvernement a souhaité construire un plan Étudiants qui appréhende dans sa globalité la question de l’accès aux études supérieures, dans ses composantes tant pédagogiques que matérielles.

Le plan Étudiants est un bloc, qui apporte des réponses concrètes à des questions concrètes, sans séparer l’accompagnement pédagogique des politiques de prévention ni de l’action en faveur de la vie étudiante.

Tout au long de la préparation et de l’examen de ce projet de loi, je me suis attachée à faire vivre le dialogue le plus large avec l’ensemble des acteurs de l’enseignement supérieur et des forces politiques représentées dans cet hémicycle, parce que je sais que l’enjeu est essentiel, et que l’avenir de notre jeunesse fait partie de ces grandes causes qui peuvent nous rassembler très largement.

Aussi ai-je souhaité asseoir ce projet de loi sur une base saine et solide, en ouvrant une large concertation dès le mois de juillet dernier et en la conduisant tout au long de l’été.

Ce dialogue, je l’ai noué dès le jour de ma prise de fonctions et je le poursuis jour après jour. Il est essentiel, en effet, de continuer à partager, chaque fois que cela est nécessaire, les points de vue et les attentes, d’entendre les interrogations et de dissiper les incompréhensions.

Je sais que vous partagez cette conviction, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs ; nos débats en ont témoigné : ils ont permis à chacun, dans le respect, d’exprimer ses convictions propres et d’entendre ce que l’ensemble des forces politiques avaient à dire.

Ce débat est légitime, il est nécessaire et sain dans une démocratie, et c’est le rôle constitutionnel du Sénat d’apporter ainsi un autre regard sur les orientations politiques du Gouvernement.

En première lecture, le Sénat a fait entendre sa voix. Nous avons eu, parfois, des divergences, comme chacun a pu le constater, mais nous avons aussi eu à cœur, collectivement, d’avancer. Je tiens, mesdames, messieurs les sénateurs, à vous en remercier.

Au stade de l’examen des conclusions la commission mixte paritaire, je me réjouis très sincèrement que celle-ci ait été conclusive. Je remercie la présidente de la commission, Catherine Morin-Desailly, le rapporteur, Jacques Grosperrin, et l’ensemble des membres de la commission mixte paritaire d’avoir su travailler dans un esprit constructif.

En effet, quelles que puissent être nos divergences, le souci de tourner la page du tirage au sort et de mieux accompagner les futurs étudiants vers l’enseignement supérieur et vers la réussite nous rassemble.

Comme je l’ai souligné lors de la présentation du projet de loi, sur de nombreux sujets, tels que l’orientation et le tirage au sort, mais également le régime de sécurité sociale étudiant, le Sénat a été précurseur.

Sur de nombreux points, nous sommes parvenus ensemble à améliorer le texte présenté par le Gouvernement, qu’il s’agisse de l’accueil sur Parcoursup de toutes les formations dès 2019, du renforcement des informations mises à la disposition des futurs étudiants sur la plateforme ou de l’élargissement aux étudiants âgés de 25 à 28 ans des actions de prévention mises en place dans le cadre de la réforme.

Le rôle de vos commissions et de vos rapporteurs a été décisif, et je tiens à le saluer, comme je salue et remercie l’ensemble des sénateurs, issus des différents groupes politiques, qui ont contribué à enrichir et à améliorer ce texte.

Nous avons aussi eu des désaccords. J’en rappellerai trois principaux.

Le premier tenait à la signification de l’autonomie des universités. Nul n’est plus attaché à celle-ci que moi, vous le savez : je suis convaincue que les universités sont fortes lorsqu’elles sont autonomes et qu’elles ont les moyens de construire et d’affirmer un projet à la fois pédagogique et scientifique.

Reste que la régulation assurée par l’État doit être à la hauteur de cette autonomie, afin de garantir le respect des attentes collectives qui sont les nôtres et de principes fondamentaux.

Il s’agit non pas d’une posture théorique, mais d’une conviction pragmatique : c’est bien l’État, par exemple, qui est le garant de l’ouverture de l’enseignement supérieur à l’ensemble des étudiants. C’est la raison pour laquelle, dans la procédure Parcoursup, c’est le recteur qui doit pouvoir inscrire les futurs bacheliers lorsqu’ils n’ont pas reçu de proposition d’affectation.

Le Sénat, rejoint sur ce point par la commission mixte paritaire, a souhaité que cette inscription d’office puisse être précédée d’un dialogue. J’y suis bien sûr favorable, comme je suis favorable à l’idée, issue des travaux de la commission mixte paritaire, de permettre aux établissements de nourrir ce dialogue en faisant à leur tour des propositions.

Ce dialogue est nécessaire, de même qu’il est nécessaire que le recteur puisse, in fine, prononcer l’inscription. Je salue donc la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire, qui me paraît parfaitement équilibrée.

Les critères de fixation des capacités d’accueil ont été un deuxième sujet de divergence entre nous.

Sur ce sujet qui fait couler beaucoup d’encre depuis quelques jours, vous aviez souhaité, sur l’initiative de votre rapporteur, corréler directement la décision aux taux de réussite et d’insertion professionnelle. Le Gouvernement entend la volonté exprimée par le Sénat de donner toute sa place à la mission d’insertion professionnelle, qui est, depuis 2007, l’une des quatre missions reconnues aux universités, au côté de la création de connaissances, de la diffusion de celles-ci et de la diffusion de la culture scientifique et technologique.

De nombreux amendements déposés en ce sens ont permis de consolider les dispositifs existants. Les dispositions qui en sont issues figurent dans le texte adopté par la commission mixte paritaire.

Pour autant, établir une corrélation directe entre les capacités d’accueil et les taux de réussite et d’insertion aurait comporté le risque d’installer une forme d’« adéquationnisme », alors même que nous voyons tous les jours émerger de nouveaux métiers et de nouveaux besoins de qualifications, par exemple dans le domaine du numérique.

Nous avons beaucoup échangé sur ce sujet avec le rapporteur, Jacques Grosperrin, que je remercie de la qualité du dialogue noué, sur ce point comme sur tous les autres.

Là aussi, la commission mixte paritaire a permis une clarification, en mettant en avant la notion de perspectives d’insertion professionnelle, mais en prenant en compte aussi le projet de formation et de recherche des établissements et les attentes des étudiants.

Cette rédaction me paraît plus équilibrée et permet de prendre en compte l’intégralité des attentes exprimées, y compris celles des étudiants. En effet, comme vous le voyez chaque jour sur vos territoires, le choc démographique est là : nous avons le devoir d’y répondre, en accompagnant et en guidant les futurs étudiants, bien sûr, mais aussi en ouvrant largement les portes de notre enseignement supérieur, y compris celui qui est plus professionnalisant, à l’ensemble des étudiants.

C’est la marque du Sénat que de pouvoir exprimer ses différences de point de vue tout en faisant œuvre législative utile. Tel est bien le cas en l’occurrence, ainsi qu’en témoignent le texte de la commission mixte paritaire et vos travaux.

Vous avez, mesdames, messieurs les sénateurs, saisi tout l’enjeu de cette réforme, et je tenais à vous en remercier. L’important, c’est bien de répondre aux attentes des futurs étudiants et de leurs familles, qui ont besoin de clarté et de sérénité pour faire leurs choix en toute responsabilité.

Si vous adoptez les conclusions de la commission mixte paritaire, votre vote nous permettra de clore le chapitre de la refondation juridique de l’accès à l’enseignement supérieur, pour ouvrir celui de la mise en œuvre de la campagne d’affectation 2018.

Je sais que les attentes et les exigences qui pèsent sur le Gouvernement sont fortes : sachez que je suis déterminée à y répondre avec énergie, calme, sérénité, dans l’intérêt de notre jeunesse ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)