M. André Gattolin. Absolument !

M. Alain Richard, rapporteur. … plaidant donc pour une circonscription unique.

Certes, il peut arriver à chaque famille politique, avec le respect que nous nous devons dans le débat démocratique, de faire évoluer sa position.

Pour autant, comme l’a souligné André Gattolin tout à l’heure, du point de vue de la représentation géographique, il y aurait de toute façon de grosses différences. Certaines régions arriveraient à avoir peut-être un ou deux parlementaires, soit une représentativité tout de même fort réduite, tandis que d’autres en auraient beaucoup plus. Les effets de la proportionnelle seraient extrêmement différents entre les grandes et les petites régions.

Voilà pour la première série d’amendements, qui visent à faire élire les députés européens dans les régions, et non nationalement.

J’en viens à la seconde série d’amendements, qui, sans remettre en cause le principe d’une circonscription nationale unique, tendent à la création d’une circonscription spécifique pour l’outre-mer. La commission s’y est également opposée, pour trois motifs.

Premièrement, et j’insiste sur ce point, qui touche au sens politique des élections européennes, si nous pensons qu’il y a une représentation de la France au sein du Parlement européen, tous les eurodéputés français représentent tous les territoires ! Dès lors, chacun d’entre eux défend – et a d’ailleurs défendu par le passé – l’ensemble des régions françaises, notamment les régions ultrapériphériques et l’outre-mer.

Deuxièmement, il y aurait une différenciation forte, et sans doute trop forte du point de vue de l’égalité du suffrage, entre des régions auxquelles l’on reconnaîtrait une représentation spécifique – qui serait constituée de trois eurodéputés –, et les autres régions, dont certaines peuvent également se prévaloir de spécificités. M. Grosdidier a par exemple mentionné les régions frontalières ; nous pourrions également évoquer celles qui ont des particularités géographiques. Toutes seront fondues dans la circonscription nationale.

Troisièmement, je souhaite appeler l’attention des collègues ultramarins défendant de tels amendements sur le fait que le mode de scrutin de la circonscription d’outre-mer tel qu’il a été pratiqué en 2004, 2009 et 2014 n’a jamais été vérifié par le Conseil constitutionnel. C’est une chance ! En effet, en raison du mode assez indirect, « par ricochet », de choix des élus à l’intérieur des listes, et de la très forte disparité démographique – la circonscription de l’océan Pacifique compte moins de 500 000 habitants, alors que celle de l’océan Indien en compte pratiquement un million –, il y a là une disproportion à l’intérieur d’un ensemble électoral qui serait probablement critiquée par le Conseil constitutionnel !

Mieux vaut donc, me semble-t-il, nous en tenir au choix retenu dans le projet de loi, un choix qui a d’ailleurs recueilli une majorité nette au sein de la commission : tous les parlementaires européens représentent toute la France, y compris dans ses spécificités les plus éloignées !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement partage l’avis du rapporteur.

Je précise que nous avons étudié de près l’option de l’élection des eurodéputés dans le cadre des treize nouvelles régions.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. C’était effectivement une possibilité. Mais, comme M. le rapporteur vient de l’expliquer, le découpage en circonscriptions régionales présente un inconvénient certain, celui de limiter mécaniquement les effets du scrutin proportionnel.

Avec l’augmentation du nombre de circonscriptions, certaines régions, comme la Bourgogne-Franche-Comté, le Centre-Val de Loire, la Bretagne, la Normandie ou les Pays de la Loire, n’auraient que trois ou quatre eurodéputés, alors que, aujourd’hui, la plus petite circonscription hors outre-mer, celle du Massif central-Centre, en a cinq ! Il y aurait donc un problème de répartition des parlementaires sur le territoire national, et les effets de la proportionnelle en termes de représentation de la diversité politique seraient atténués : c’est mathématique !

J’en profite pour rappeler à M. Bonhomme que, comme le prévoit l’article 4 de la Constitution, les partis et groupements politiques « concourent à l’expression du suffrage ».

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je tiens à le préciser pour des raisons d’ordre démocratique. Chacun a la liberté d’appartenir ou non à un parti politique, et de se faire élire ou non avec une étiquette politique. Les partis politiques existent – ce ne sont pas évidemment les sénateurs qui me démentiront – et concourent à la vie démocratique du pays !

Le Gouvernement a également examiné l’option du maintien d’une circonscription ultramarine. Nous avons effectivement constaté que cela emportait plusieurs risques juridiques susceptibles d’être sanctionnés par le Conseil constitutionnel.

Je le répète, créer une circonscription ultramarine reviendrait à faire élire des représentants européens selon deux légitimités différentes : l’une nationale, l’autre régionale. Un décalage apparaîtrait ainsi entre la part, prépondérante, des députés européens élus dans la circonscription métropolitaine et les quelques représentants élus dans la circonscription ultramarine.

Garantir la spécificité d’une représentation territoriale aux électeurs ultramarins, spécificité dont le reste des électeurs ne bénéficieraient pas, présente des risques en termes d’égalité des citoyens devant le suffrage.

Et le découpage de la circonscription ultramarine en trois circonscriptions correspondant aux trois océans, Pacifique, Atlantique et Indien, présente des risques majeurs d’inconstitutionnalité au regard des écarts substantiels de représentation qu’elle emporte.

Ainsi, dans la section Pacifique, un député européen représenterait 570 000 habitants, contre plus d’un million dans les sections Indien et Atlantique. Les difficultés juridiques que ces écarts soulèveraient au sein même de la circonscription ultramarine seraient accrues par un écart de représentativité encore plus important entre les électeurs de celle-ci et ceux de la circonscription hexagonale.

Si le Conseil constitutionnel peut accepter de déroger au principe d’élections sur des bases essentiellement démographiques, il y a fort à craindre que tel ne serait pas le cas ici au vu, d’une part, des écarts ainsi créés et, d’autre part, de l’objectif du projet de loi : créer une circonscription unique, qui deviendrait hexagonale dans une telle hypothèse. Les écarts de représentativité entre les électeurs seraient accrus et susceptibles de faire l’objet d’une censure par le Conseil constitutionnel, toujours au regard du principe d’égalité.

En outre, de telles circonscriptions ne laisseraient aucune place à l’opposition. En effet, en vertu du principe constitutionnel de répartition des sièges sur des bases essentiellement démographiques, elles ne compteraient qu’un seul siège. Les risques d’une censure sont dès lors accrus.

Sur le plan des principes, la création d’une circonscription ultramarine ne manquerait pas d’être légitimement contestée par d’autres régions. M. le rapporteur vient de mentionner les régions frontalières. Je pourrais évoquer, pour des raisons qui n’échapperont à personne, la Corse. (Sourires.)

La création d’une circonscription ultramarine nuirait évidemment à l’intelligibilité du scrutin pour les électeurs. Elle créerait pour les populations d’outre-mer le sentiment de bénéficier d’un traitement politique différencié, en distinguant les Ultramarins et les Métropolitains parmi les représentants français au Parlement européen. Or les électeurs, comme certains députés européens élus dans le cadre de l’actuelle circonscription d’outre-mer ne souhaitent pas nécessairement une telle différenciation.

En outre, une étude comparée montre que d’autres États membres disposant de régions ultrapériphériques, certes peut-être pas aussi étendues, comme le Danemark, l’Espagne, les Pays-Bas ou le Portugal, ont retenu le principe d’une circonscription unique intégrant leurs territoires ultramarins.

Très sincèrement, le Gouvernement fait confiance aux différents partis politiques, qui constitueront les listes. Certes, si l’on veut passer outre les partis politiques, il est toujours possible – cela se fait dans d’autres États membres – de constituer des listes avec des candidats issus des mêmes territoires ; d’ailleurs, jusqu’en 2003, il existait en France des listes composées exclusivement de candidats ultramarins. On observe des pratiques similaires sur d’autres élections au scrutin de liste, comme les municipales.

Il faut le rappeler, c’est la France qui est représentée au Parlement européen. Et tous les territoires ultramarins font partie de la communauté nationale. Il est donc bien normal qu’il y ait une circonscription unique.

Encore une fois, il appartient aux responsables politiques et à ceux qui constituent des listes de faire en sorte de représenter aussi bien le territoire hexagonal que les territoires ultramarins. Je n’imagine pas des responsables politiques oublier l’outre-mer lors de la composition des listes : ce serait une erreur fondamentale ! (MM. François Patriat et André Gattolin applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Je soutiens complètement les amendements identiques de nos collègues François Bonhomme et Max Brisson.

Nous avons besoin de redonner un souffle à l’Europe. Et, pour cela, le seul moyen, c’est d’avoir des femmes et des hommes élus dans les territoires, qui rendent comptent à leur territoire.

Au demeurant, les régions – je n’ai pas entendu le Gouvernement revenir sur le découpage de ces dernières – ont un rôle opérationnel majeur dans la gestion, notamment, des fonds européens. L’exercice de la responsabilité – rendre compte de l’action que l’on mène au Parlement européen – a donc bien un sens aujourd’hui.

L’Europe est une chance ; il faut aller plus loin et parachever la construction européenne ! Or nous ne pourrons pas aller plus loin si ces femmes et ces hommes ne sont pas enracinés dans des territoires et ne font pas partager le projet européen aux électrices et aux électeurs de ces territoires. Nous avons besoin de proximité, de lien territorial !

Je soutiens donc ces deux amendements, qui incarnent avec bon sens l’Europe en laquelle nous croyons.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Je souhaite d’abord rappeler un élément à Mme la ministre : il s’agit d’une représentation non pas de la France au Parlement européen, mais des citoyens européens qui vivent sur le territoire de la République ; c’est totalement différent !

Pour ma part, habitant en Pologne, j’ai voté trois fois pour des listes polonaises. Et la moitié des Français établis hors de France, qui peuvent effectivement voter dans leur pays de résidence dès lors qu’il s’agit d’un État membre de l’Union européenne, font de même.

Les territoires des outre-mer ont des spécificités. En termes de liberté de circulation, lorsque vous êtes en Guyane et que vous êtes étranger ou demandeur d’asile, vous n’avez pas la liberté de circuler sur l’ensemble du territoire français et européen. Ces territoires connaissent d’autres réalités géopolitiques, qu’il faut, me semble-t-il, prendre en compte au Parlement européen.

Je me permets d’ailleurs de vous rappeler le contenu de la résolution européenne du Sénat du 16 avril 2016. En vertu de cette dernière, le Sénat juge « indispensable que les élus d’assemblées ou de parlements des régions ultrapériphériques et des pays et territoires d’outre-mer dotés de pouvoirs législatifs continuent à être représentés au sein du Parlement européen », demande l’abandon des règles alors envisagées d’incompatibilité entre un mandat en outre-mer et celui de député européen, appuie, comme je l’ai évoqué lors de la discussion générale, « la mise en œuvre d’un système d’échange d’informations entre les États membres » et – c’est une réponse à Joëlle Garriaud-Maylam – souhaite « la mise en place d’une circonscription commune pour les citoyens de l’Union résidant dans les pays tiers afin d’assurer à ceux-ci de manière systématique et égale le droit à une représentation au Parlement européen ».

À mon sens, nous serions aujourd’hui bien inspirés d’essayer de faire converger nos votes avec les dispositions de cette résolution, en particulier celles qui concernent la circonscription spécifique à l’outre-mer. Pour le coup, il n’y a absolument aucun risque d’inconstitutionnalité. Il s’agit d’instaurer non pas trois circonscriptions avec des députés qui représenteraient un nombre d’électeurs très différent, mais une seule circonscription. Je pense donc que ces amendements permettent d’atteindre les objectifs visés.

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que les explications de vote portent sur les amendements identiques nos 11 rectifié ter et 57 rectifié bis.

La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Dans la foulée de ce que mon collègue vient d’indiquer, je précise qu’il s’agit bien d’une circonscription d’outre-mer, et non pas de trois circonscriptions. Il est vrai que les auteurs de certains amendements réclament trois circonscriptions, avec une répartition par bassin océanique. Mais ce n’est pas le sens de nos amendements.

M. le rapporteur indique que le dispositif n’a pas été examiné par le Conseil constitutionnel et qu’il y aurait un risque de rupture d’égalité, voire de rupture du critère démographique. Mais il s’agit d’une circonscription ; c’est la répartition des sièges qui se fait par bassin océanique. En matière d’intelligibilité, de loyauté, de clarté et de sincérité du scrutin, on ne fait pas mieux ! Le système que nous proposons n’est pas plus compliqué que ce qui existe. Très sincèrement, ce qui est envisagé à l’échelon national n’est pas forcément plus lisible. Nos électeurs se sont fort bien accommodés de la répartition par bassin océanique et la comprennent parfaitement.

Encore une fois, la France est peut-être la seule République « archipélique ». Il y a plusieurs articles spécifiques dans la Constitution ; je pense à l’article 73, à l’article 74, aux dispositions concernant la Polynésie française, voire au titre XIII, qui appellent la République à tenir compte des intérêts propres de ces territoires. Si le Conseil constitutionnel ne veut pas en tenir compte, où va-t-on ?

L’article 73 introduit la notion « d’adaptations ». Certes, jusqu’ici, le Conseil constitutionnel l’a interprétée, sur certains aspects, pas en matière électorale, de manière fort restrictive. Nous demandons donc que, à la faveur de la révision constitutionnelle, la notion puisse être élargie.

Honnêtement, je ne vois pas où est le risque. Et quand bien même il y en aurait un, qu’est-ce que cela nous coûterait de le prendre, quitte à parfaire la loi ensuite ? Quelle urgence y a-t-il à tenter de figer la jurisprudence du Conseil constitutionnel ? Nous ne croyons pas à ce qui nous est répondu, et nous persistons à dire que le dispositif proposé est un bon compromis. Le Sénat, conformément à sa tradition transpartisane, devrait pouvoir voter ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

M. François Bonhomme. J’ai entendu notre collègue André Gattolin indiquer tout à l’heure que le débat devait se tenir non pas ici, mais au sein des partis politiques, et appeler à se battre à l’intérieur de ceux-ci. Ses arguments ont été repris par Mme la ministre, qui a déclaré faire confiance aux partis politiques.

Pour ma part, je ne fais pas confiance aux partis politiques. (Exclamations sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. Alain Richard, rapporteur. Parlez pour le vôtre !

M. François Bonhomme. Moi, je fais confiance aux électeurs.

M. François Bonhomme. C’est précisément par l’absence d’ancrage territorial que vous donnez une forme de toute-puissance politique aux partis politiques. Dieu sait pourtant qu’ils sont faibles en matière de réflexion programmatique ! Dieu sait qu’ils sont forts dès que vous leur donnez les moyens d’interférer dans le suffrage universel ! C’est parce que vous leur donnez la possibilité de s’exonérer du critère régional que vous les renforcez dans leur rôle de sélection des candidats.

À l’inverse, introduire un élément d’ancrage territorial permettrait de tempérer un peu la toute-puissance des partis et d’avoir un peu moins d’apparatchiks parmi les élus, ce qui serait tout de même un avantage. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Je reconnais que notre proposition de circonscriptions régionales n’est pas la panacée, mais elle a le mérite de poser la question du mode de scrutin. L’Acte du 20 septembre 1976, qui empêche de porter atteinte au scrutin proportionnel, est une vraie entorse à la démocratie ! (M. André Gattolin sexclame.) Je ne vois pas pourquoi les États ne pourraient pas choisir leur mode de scrutin. (Exclamations sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Oui, je vois bien l’intérêt d’un tel système pour des formations ultra-minoritaires : cela permet de protéger des espèces en voie de disparition !

Mais je rappelle que c’est tout de même lorsqu’il s’exprime par le scrutin direct et clair que le suffrage universel est le plus lisible et le plus intelligible ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nassimah Dindar, pour explication de vote.

Mme Nassimah Dindar. Je souhaite m’exprimer sur la deuxième série d’amendements, pour une représentation équilibrée des citoyens européens que sont les Français habitant dans les territoires ultrapériphériques.

Nous sommes des citoyens européens, et l’Union européenne le reconnaît : l’article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne nous fait bien exister en tant que régions ultrapériphériques au sein de celle-ci.

Je défends donc, avec l’ensemble de mes collègues, les amendements tendant à faire en sorte que nous soyons représentés au sein d’un seul corps électoral. Nous ne voulons pas de trois corps électoraux distincts. Mais il faut que les Réunionnais, les Guadeloupéens, les Martiniquais et les habitants des collectivités d’outre-mer puissent aussi être représentés.

Madame la ministre, je vous ai bien entendue, mais je ne crois pas du tout que le principe d’égalité soit touché. Sinon, au regard du nombre de parlementaires comparé au nombre d’électeurs, il faudrait sans doute revoir, par exemple, le nombre de sénateurs élus à Mayotte. Je ne pense donc pas que ce principe soit remis en cause.

Légitimement, je ne crois pas qu’une circonscription ultramarine remette en cause la représentation nationale. Il faut revenir sur ce qu’a dit Mme la ministre ; cela participe d’une vision.

Oui, l’Europe doit représenter et unir tous les Français, vous l’avez rappelé, mais elle doit aussi permettre à la France de rayonner dans le monde entier, à travers tous les océans ! Nous sommes, nous, des atouts supplémentaires pour faire exister l’Union européenne dans les zones géographiques du Pacifique et de l’océan Indien, à proximité des grands continents et des lieux d’échanges internationaux, puisque tel est déjà le chemin, ou plutôt l’autoroute, qu’empruntent la mondialisation et les grands axes de développement.

Je voudrais rappeler un exemple. Nous avons beaucoup débattu des événements qui se déroulent aujourd’hui à Mayotte, lesquels continuent de faire réagir les populations mahoraise et réunionnaise, ainsi que l’ensemble des élus, des citoyens, des députés et des Européens.

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue !

Mme Nassimah Dindar. J’ajoute que l’Union européenne consacre beaucoup d’argent à ces territoires via le Fonds européen de développement, lequel, en plus d’aider Mayotte et La Réunion, intervient à hauteur de plus de 25 millions d’euros en faveur des Comores. Ne pensez-vous pas qu’il faudrait une cohérence avec la vision européenne,…

Mme la présidente. Il faut vraiment conclure, chère collègue !

Mme Nassimah Dindar. … afin que cet argent que nous dépensons profite véritablement au développement ? Nous n’aurions pas connu tous ces problèmes à Mayotte si le codéveloppement avec les Comores avait eu lieu.

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à dix-neuf heures trente-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à M. Maurice Antiste, pour explication de vote.

M. Maurice Antiste. Les enjeux européens sont majeurs pour nos territoires.

L’Union européenne reconnaît la spécificité des outre-mer, à travers notamment les statuts qu’elle a créés, celui des RUP, cité précédemment, et celui des PTOM, grâce auxquels ces territoires bénéficient de traitements adaptés permettant de tenir compte des obstacles inhérents à leur situation spécifique : éloignement de l’Europe continentale, contraintes naturelles liées à leur insularité et à leur étroitesse territoriale, vulnérabilité climatique – cyclones, volcans, séismes – et écologique, ainsi qu’une dépendance économique à l’égard de quelques produits agricoles, tels que les bananes ou le rhum. N’oublions pas également que certains territoires – Martinique, Guyane, Guadeloupe, Saint-Martin, La Réunion et Mayotte – sont concernés par le POSEI dans le domaine de la pêche et de l’agriculture.

Ce sont ces spécificités qui nécessitent la survie d’une circonscription outre-mer. Comme l’affirmait avec sagesse le docteur Pierre Aliker, premier adjoint d’Aimé Césaire à la mairie de Fort-de-France pendant quarante-cinq ans, « les meilleurs spécialistes des affaires martiniquaises sont les Martiniquais eux-mêmes ». Je pourrais adapter ce propos en disant que les meilleurs spécialistes des affaires ultramarines sont les Ultramarins eux-mêmes.

Cette idée de double circonscription a été prétendument étudiée, puis écartée au motif que les populations d’outre-mer auraient le sentiment de bénéficier d’un traitement politique différencié auquel elles n’aspirent pas nécessairement et que les députés européens n’ont pas vocation à représenter un territoire en particulier, mais l’ensemble des citoyens.

Madame la ministre, mes chers collègues, soyons sérieux ! Si le sujet n’était pas vital pour nos concitoyens et nos territoires, cet argumentaire prêterait à sourire.

Nos populations méritent le respect, celui de leur pensée, de leur liberté de vote, de leur identité et de leur représentativité. Je vous le dis, ce projet de loi est l’annonce de désastres assurés.

Les pays et territoires d’outre-mer sont associés à l’Union européenne. Ils ont accès, sous certaines conditions, au marché commun et bénéficient d’un soutien financier de cette dernière pour leur développement économique et social.

Nos ressortissants possèdent la citoyenneté européenne et sont, à ce titre, électeurs et éligibles aux élections européennes. Ne nous ôtez pas ce droit, au motif que l’abstention lors des dernières élections européennes était de l’ordre de 83 %.

Mme la présidente. Il faut conclure, cher collègue !

M. Maurice Antiste. Si tel était le cas, la réponse de nos concitoyens ultramarins serait cinglante !

Je voterai donc ces amendements. S’ils n’étaient pas adoptés, je ne voterai pas ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour explication de vote.

M. Guillaume Arnell. Je voudrais mêler ma voix à celle de mes collègues.

Après avoir écouté le rapporteur et la ministre, quatre remarques me viennent à l’esprit.

Premièrement, à l’argument du risque d’inconstitutionnalité, je répondrai simplement que la vie est faite de prises de risques.

Deuxièmement, s’agissant du propos de M. le rapporteur sur le Conseil constitutionnel, est-ce à dire qu’à l’époque ces éminents spécialistes n’auraient pas fait leur travail ?

M. Alain Richard, rapporteur. Le Conseil constitutionnel n’a pas été saisi !

M. Guillaume Arnell. S’il n’a pas été saisi, cela signifie que le point ne prêtait pas à discussion…

Troisièmement, pourquoi remettrait-on en cause aujourd’hui, au motif de son inconstitutionnalité, une règle qui est encore en application ?

Quatrièmement, Maurice Antiste a dit que les meilleurs défenseurs des spécificités d’un territoire étaient ses habitants et ses élus. Je rappellerai deux sujets qui ont fait polémique et qui posent encore quelques difficultés.

Le premier est celui des sucres spéciaux. Un accord a été conclu entre la France et le Vietnam sans qu’une concertation ait été organisée avec les élus ultramarins.

Le second sujet concerne l’aide européenne aux flottilles de pêche. Qui a défendu les intérêts des outre-mer ? Personne !

Je conclurai par une boutade. Pourquoi devrions-nous avoir un ministre des outre-mer ? Un autre ministre, par exemple, celui de l’intérieur, pourrait tout aussi bien s’occuper de tous les territoires… L’existence d’un ministre des outre-mer se justifie par les particularismes et les spécificités de ces territoires, auxquels il convient d’accorder une attention particulière. (M. Maurice Antiste et Mme Victoire Jasmin applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Je ferai quatre remarques.

La première concerne le mode de scrutin.

Il est incontestable que nous n’avons pas tous la même histoire. Pour ma part, je suis par atavisme favorable au scrutin uninominal majoritaire à deux tours. C’est dans mes gènes ! Avec ce mode de scrutin, la question des territoires ne se pose pas, elle est une évidence. La question des territoires ne se pose qu’avec le mode de scrutin proportionnel.

Une idée à la mode est que les parlementaires n’ont pas besoin d’être ancrés dans les territoires. Je pense le contraire, et c’est ce qui fait notre différence. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Ma deuxième remarque a trait aux régions.

Pour l’Europe, les régions sont importantes ; on parle même parfois de l’Europe des régions. Ce n’est pas vraiment dans ma culture, mais nous aurions là l’occasion de donner à la représentation française au sein du Parlement européen une possibilité d’ancrage dans les régions, dont on sait l’importance au niveau européen.

Or, après le découpage régional, nous allons passer à côté de cela ! Il y avait pourtant une cohérence, même si c’était imparfait, dans le fait que les députés européens soient élus dans le cadre de circonscriptions régionales. Les circonscriptions d’aujourd’hui sont parfois découpées sur plusieurs régions et ne présentent pas la même cohérence avec l’organisation politique et administrative de notre pays.

Ma troisième remarque porte sur la participation. Celle-ci a fortement baissé lorsque le scrutin portait sur des listes nationales. Avec l’instauration de circonscriptions régionales, l’érosion a été moins forte.

Quatrième et dernière remarque, vous avez dit que la plupart des pays européens avaient fait le choix d’une circonscription unique. Or ce n’est le cas d’aucun des grands pays européens, à l’exception de l’Espagne, qui entretient un rapport très particulier aux régions. Nous serons donc les seuls, avec l’Espagne, à faire ce choix !