Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Nous avons évoqué ce matin la question de l’éthique en politique. Cet amendement va complètement dans ce sens.

Il est indiqué, dans l’objet de l’amendement, que l’Autorité de la concurrence doit aussi intégrer les dimensions qualitatives, en termes de services rendus au consommateur, dont le bien-être n’est pas évalué au travers du seul prisme du prix payé par le consommateur, et qu’elle doit évaluer la qualité sous l’angle nutritionnel, sanitaire, éthique et sociétal.

Je soutiens évidemment avec force cet amendement. J’invite notre assemblée à l’adopter.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 78.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 10 quater A - Amendement n° 78
Dossier législatif : projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous
Article 10 quinquies (supprimé)

Article 10 quater

(Non modifié)

La section 1 du chapitre II du titre III du livre Ier du code de la consommation est ainsi modifiée :

1° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 132-4, les mots : « peut ordonner » sont remplacés par le mot : « ordonne » ;

2° L’article L. 132-11 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de condamnation, le tribunal ordonne, par tous moyens appropriés, l’affichage ou la diffusion de l’intégralité ou d’une partie de la décision ou d’un communiqué informant le public des motifs et du dispositif de celle-ci. » – (Adopté.)

Article 10 quater
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Article 10 sexies (supprimé)

Article 10 quinquies

(Supprimé)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les amendements nos 468 rectifié bis et 532 rectifié sont identiques.

L’amendement n° 468 rectifié bis est présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Corbisez et Guillaume, Mme Jouve et M. Vall.

L’amendement n° 532 rectifié est présenté par MM. Cabanel et Montaugé, Mmes G. Jourda et Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Tissot, Kanner, Bérit-Débat, Botrel et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Cartron et M. Filleul, M. Jacquin, Mme Préville, M. Roux, Mmes Taillé-Polian et Tocqueville, M. Fichet, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. – En application du 15° de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, l’agriculture de groupe est définie par des collectifs composés d’une majorité d’agriculteurs, lesquels ont pour vocation la mise en commun de façon continue et structurée de connaissances ainsi que de ressources humaines et matérielles.

II. – Ces collectifs sont des personnes morales qui poursuivent un but d’utilité sociale ou d’intérêt général. Ils s’appuient sur une gouvernance démocratique, collégiale et contractuelle, fondée sur un droit égal de vote pour chacun des cocontractants.

III. – De façon complémentaire à l’action des chambres consulaires, ils sont au service de la triple performance économique, sociale et environnementale de l’agriculture, notamment par une maîtrise des charges de production et par l’optimisation de l’organisation du travail. Ils sont des acteurs de l’innovation et contribuent à l’effort de recherche et de développement.

IV. – Partenaires des acteurs publics et privés des territoires ruraux et périurbains, ces collectifs concourent par leur savoir-faire à la réussite de la transition agroécologique, alimentaire et énergétique. L’agriculture de groupe est facteur d’intégration pour les nouveaux entrepreneurs du monde rural et favorise le renouvellement des générations d’actifs agricoles.

La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 468 rectifié bis.

M. Joël Labbé. Cet amendement vise à rétablir un article définissant et promouvant l’agriculture de groupe qui avait été adopté par l’Assemblée nationale. Il tend à reconnaître les groupements d’agriculteurs, comme les coopératives d’utilisation de matériel agricole, les CUMA, les centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural, les CIVAM, et les groupes d’étude et de développement agricole, notamment.

Ces collectifs d’agriculteurs sont essentiels au lien social dans le monde rural. À l’heure où l’isolement et le repli sur soi gagnent de plus en plus d’agriculteurs en difficulté, où la concentration des fermes conduit à vider les campagnes, il est nécessaire de rappeler leur rôle.

Ces collectifs permettent également une intégration dans le milieu agricole des nouveaux agriculteurs. Cette intégration est essentielle à l’heure où de plus en plus d’installations se font hors cadre familial. On constate en effet qu’un nombre croissant de personnes non issues du milieu agricole souhaitent s’installer.

Je voudrais, à cet instant, évoquer la question de l’immigration. Qu’on le veuille ou non, nous devrons accueillir des migrants. Or nos territoires ruraux, nos terres agricoles présentent un extraordinaire potentiel d’accueil et d’intégration de migrants, à condition que la démarche soit réfléchie, organisée, envisagée dans une perspective humaniste. C’est un appel que je vous lance, monsieur le ministre, pour que vous abordiez ce sujet avec le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb.

Nous devons nous réjouir que des jeunes n’étant pas issus du monde agricole veuillent s’installer, mais nous devons leur donner toutes les chances de réussir à s’approprier ce beau métier d’agriculteur, souvent passionnant, mais aussi éminemment complexe. L’agriculture de groupe est, à cet égard, essentielle pour favoriser le renouvellement des générations.

Ces collectifs d’agriculteurs sont aussi promoteurs d’innovations pour assurer la transition de l’agriculture, notamment la transition écologique. En favorisant l’échange de pratiques, la réflexion collective, parfois en lien avec des chercheurs, ils permettent de trouver des solutions réellement efficaces, utiles aux paysans et à leur autonomie, adaptées aux enjeux de terrain. Il est donc nécessaire de les encourager, de leur donner une reconnaissance légale, afin que l’on puisse s’y référer, par exemple lors des débats budgétaires ou pour encourager l’accompagnement.

Mme la présidente. Il faut conclure, cher collègue !

M. Joël Labbé. Cet amendement a une véritable portée juridique, essentielle pour favoriser la transition agricole. (Applaudissements sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour présenter l’amendement n° 532 rectifié.

M. Franck Montaugé. Notre amendement vise à rétablir l’article 10 quinquies, supprimé en commission, qui réaffirme l’importance de l’agriculture de groupe sous toutes ses formes, en lui donnant une reconnaissance législative.

Les collectifs d’agriculteurs tels que les groupements agricoles d’exploitation en commun, le GAEC, les CUMA, les groupements d’intérêt économique et environnemental, les GIEE, ou les CIVAM permettent aujourd’hui à des agriculteurs de se réunir pour être plus forts et plus efficaces. Ces collectifs sont des lieux d’innovation, d’entraide, de solidarité et, par là même, de lutte contre l’exclusion sociale et économique.

Cela fait pourtant près d’une quarantaine d’années que ces groupements n’ont pas fait l’objet d’un texte législatif fondateur. Nous proposons ici de remédier à cet état de fait en inscrivant dans la loi une définition de l’agriculture de groupe, en tant que « collectifs composés d’une majorité d’agriculteurs, lesquels ont pour vocation la mise en commun de façon continue et structurée de connaissances, ainsi que de ressources humaines et matérielles ». Au service de la « triple performance économique, sociale et environnementale de l’agriculture », ils « participent à la réussite de la transition agroécologique ». Toutes ces notions qui nous tiennent à cœur sont issues de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.

Nous pensons utile de préciser que ces collectifs sont des personnes morales. Il s’agit de les rendre identifiables au travers d’une personnalité qui incarnera l’intérêt collectif de ses membres.

Nous avons bien conscience que la portée de cet amendement est plus déclarative que prescriptive, mais ce ne serait pas la première fois, mes chers collègues, que nous adopterions un amendement dont la dimension symbolique fait sens politique, dans l’intérêt de notre société.

Mme la présidente. L’amendement n° 697 rectifié, présenté par MM. Guillaume, Menonville, Artano, A. Bertrand, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Gabouty et Gold, Mmes Guillotin, Jouve et Laborde et MM. Léonhardt, Requier et Vall, est ainsi libellé :

Rétablir l’article dans la rédaction suivante :

I. - En application du 15° de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, l’agriculture de groupe est définie par des collectifs composés d’une majorité d’agriculteurs, lesquels ont pour vocation la mise en commun de façon continue et structurée de connaissances ainsi que de ressources humaines et matérielles.

II. - Ces collectifs poursuivent un but d’utilité sociale ou d’intérêt général. Ils s’appuient sur une gouvernance démocratique, collégiale et contractuelle, fondée sur un droit égal de vote pour chacun des cocontractants.

III. - De façon complémentaire à l’action des chambres consulaires, ils sont au service de la triple performance économique, sociale et environnementale de l’agriculture, notamment par une maîtrise des charges de production et par l’optimisation de l’organisation du travail. Ils sont des acteurs de l’innovation et contribuent à l’effort de recherche et de développement.

IV. - Partenaires des acteurs publics et privés des territoires ruraux et périurbains, ces collectifs concourent par leur savoir-faire à la réussite de la transition agroécologique, alimentaire et énergétique. L’agriculture de groupe est facteur d’intégration pour les nouveaux entrepreneurs du monde rural et favorise le renouvellement des générations d’actifs agricoles.

La parole est à M. Didier Guillaume.

M. Didier Guillaume. Lors des États généraux de l’alimentation, dont on propose depuis deux jours de reprendre le meilleur des travaux, les missions de solidarité et d’innovation assurées par l’agriculture de groupe sur le territoire ont été rappelées.

En matière d’agriculture de groupe, il y a déjà eu des avancées, par exemple avec la création, par la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, des GIEE, que Franck Montaugé a évoqués.

Nous souhaitons vivement le rétablissement de l’article 10 quinquies, car l’agriculture de groupe fait partie de la palette des formes d’agriculture qui fonctionnent. Comme l’a indiqué à juste titre tout à l’heure le rapporteur, certains agriculteurs gagnent de l’argent, d’autres non. Cela dépend des régions, des formes d’agriculture, des productions : l’agriculture n’est pas uniforme. L’agriculture de groupe s’inscrit dans cette diversité, ne pas en faire mention relèverait d’un choix politique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Raison, rapporteur. La commission a en effet supprimé l’article 10 quinquies, faute de comprendre quelle pouvait être son utilité !

L’agriculture de groupe est inscrite dans l’ADN des paysans ! Elle peut prendre de nombreuses formes, avec les coopératives, dont on a abondamment parlé, les CUMA, les nombreux groupements d’employeurs, qui relèvent eux aussi d’une forme d’agriculture collective, les fameux GAEC, ces sociétés de personnes qui sont spécifiques à la France. Il existe également d’autres formes sociétaires, ainsi que des services de remplacement : ce n’est plus tout à fait de l’agriculture de groupe, mais c’est une solution très originale pour remplacer l’agriculteur ou l’agricultrice en cas de maladie ou même de vacances. J’ai essayé de transposer ce modèle, souvent cité en exemple, chez les artisans et les commerçants. Aujourd’hui, un agriculteur qui sait s’organiser peut prendre des vacances, soit parce qu’il est en GAEC, soit parce qu’il fait appel au service de remplacement.

Je ne vois pas pourquoi on devrait recenser dans la loi tout ce qui existe – dans ce cas, on pourrait passer trois nuits à y inscrire tout ce qui fonctionne bien dans notre pays –, à moins que ceux qui sont à l’origine de l’introduction de cet article ne veuillent voir se développer rien d’autre que les personnes morales…

Vous connaissez tous Airbnb ou Le Bon Coin. Nous sommes d’ailleurs en train de travailler sur le projet de loi ÉLAN, et j’ai moi-même préparé quelques amendements, avec des collègues, afin de réguler au mieux ces nouvelles formes d’activité commerciale sur internet. En agriculture aussi se développent des services sur internet. Ils succèdent aux petits journaux agricoles où l’on pouvait mettre une annonce pour proposer un tracteur à la location, par exemple.

Tout cela existe, mais nous ne souhaitons pas l’inscrire dans le texte, parce que l’objectif n’est pas de faire une loi inutilement bavarde. Vraiment, je ne vois pas en quoi l’insertion de cet article pourrait favoriser l’agriculture de groupe, qui est de toute façon appelée à se développer de plus en plus.

Vous parliez tout à l’heure d’immigration, monsieur Labbé. Dans mon département, il y a quelques années, on a accueilli un jeune Algérien, qui a fait quelques stages dans des fermes. On a réussi à l’aider à s’installer via l’intégration à un GAEC : comment faire autrement si l’on n’a pas un rond en poche ? Il a acheté des parts sociales, et il a appris le métier au sein du GAEC : pas besoin d’un article de loi pour que de telles solutions existent et se développent. L’avis de la commission est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Travert, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements, même s’il est important de promouvoir toutes formes d’agriculture et d’organisation collective, telles que les GAEC, les GIEE, les CIVAM, les CUMA. Dans l’ouest, les nombreuses CUMA assurent un maillage territorial très important. Nous sommes attachés à ce mode d’organisation.

Ces amendements visent à faire en sorte que les structures relevant de l’agriculture de groupe soient attachées à une personnalité morale. Or on ne doit pas chercher à figer les choses dans la loi, d’autant que cette définition n’apporte rien de plus, aucun changement normatif par rapport à ce qui existe déjà sur le terrain.

À l’Assemblée nationale, c’est vrai, j’avais émis un avis de sagesse sur l’introduction de cet article, mais en rappelant les éléments que je viens de vous donner. La commission des affaires économiques du Sénat ayant décidé de supprimer ce dispositif et légiférer n’étant pas nécessaire pour inciter au développement de ces outils, j’émets un avis défavorable sur la réintroduction de l’article 10 quinquies.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.

M. Laurent Duplomb. Monsieur le ministre, vos propos me rassurent ! Quand on fait une recherche sur internet, le mot-clé « collectif » renvoie à des groupes de personnes militant contre une chose ou une autre. (M. Joël Labbé sexclame.) Le monde agricole ne s’est jamais inscrit dans une telle attitude. Permettez-moi un rappel historique : c’est Gambetta qui, après la défaite de Sedan, a voulu faire chausser les sabots de la République aux paysans afin qu’ils protègent la patrie, en leur ouvrant la possibilité d’acquérir du foncier. C’est à ce moment que les agriculteurs, pour pouvoir s’organiser, ont commencé à travailler collectivement, en recourant à des termes qui sonnent mieux que « collectif » : coopérative, groupement, etc. Je suis tout à fait d’accord avec le ministre de l’agriculture – c’est rare ! – et le rapporteur pour dire que cet article ne sert à rien : aujourd’hui, ceux qui ont envie de travailler positivement ensemble disposent de tous les outils nécessaires pour ce faire. (Mme la présidente de la commission des affaires économiques applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Si j’ai bien entendu et le rapporteur et M. Duplomb, tout va bien, tous les outils dont on dispose aujourd’hui fonctionnent bien. Si tel était le cas, une part importante du monde agricole – au moins un tiers de nos exploitants – ne serait pas dans la situation catastrophique que nous connaissons tous ! Un collectif ne se constitue pas forcément contre quelque chose. À cet égard, je citerai le seul exemple d’un collectif associant des paysans et des chercheurs qui ont accompli un travail extraordinaire dans le domaine des semences. Des agriculteurs ont acquis une expertise, y compris scientifique et juridique. Ils nous ont d’ailleurs permis de faire évoluer la législation.

Monsieur le ministre, je suis vraiment déçu que, après vous en être remis à la sagesse de l’Assemblée nationale, vous ayez émis un avis défavorable au Sénat ! Les collectifs d’agriculteurs sont porteurs d’avenir pour une agriculture attachée au terroir, au territoire, une agriculture de résilience, dans laquelle le collectif retrouve toute sa force, en réponse à un individualisme exacerbé qui mène une partie de nos agriculteurs dans l’impasse.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Émorine, pour explication de vote.

M. Jean-Paul Émorine. Je remercie nos collègues d’avoir déposé ces amendements qui permettent au moins d’ouvrir un débat très intéressant sur l’évolution de l’agriculture dans notre pays.

On a beaucoup parlé d’exploitations familiales ; ne s’agit-il pas ici plutôt d’entreprises ? Ayant été exploitant agricole pendant quarante ans, j’ai vécu l’émergence des CUMA et des GAEC. Pour ma part, le fait d’être exploitant à titre individuel me valait de travailler sept jours sur sept pour gagner peu…

Le développement des GAEC était tout à fait nécessaire, car les structures d’exploitation ont beaucoup augmenté. La forme du GAEC présente l’intérêt de réduire les charges d’exploitation. Si l’agriculture de groupe s’est développée, c’est aussi parce que, dans beaucoup d’autres secteurs d’activité, on travaillait 35 heures par semaine. La jeunesse agricole ayant fait des études a voulu travailler en société, et c’est une très bonne chose parce que cela permet de diminuer les coûts de production. Moi qui étais plutôt réservé à une certaine époque, je suis devenu très favorable à l’agriculture de groupe.

Monsieur Labbé, j’ai souri lorsque vous avez parlé des installations hors cadre familial, parce que pour s’installer dans ces conditions, sauf peut-être si l’on élève des chèvres ou des volailles, il faut quand même quelques moyens… L’intérêt des GAEC, c’est de permettre l’intégration puis l’installation de jeunes.

Je me rallie bien sûr à la position du rapporteur, mais ces amendements permettent un débat utile sur l’agriculture du XXIe siècle. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour explication de vote.

Mme Gisèle Jourda. Rétablir l’article 10 quinquies est primordial pour restaurer la confiance. L’agriculture de la coopération est inscrite dans notre ADN : nous l’avons toujours connue.

Dans nos départements, cependant, on voit des groupes coopératifs disparaître. On porte un coup à tout ce qui est collectif. Avec ces amendements, il s’agit de réaffirmer l’importance de l’agriculture de groupe sous toutes ses formes, en lui donnant la reconnaissance législative dont elle a besoin.

Toutefois, nous tenons à rétablir une précision, supprimée à l’Assemblée nationale : ces collectifs sont des personnes morales. En effet, le collectif, véritable levier de triple performance pour l’agriculture, doit être identifiable au travers d’une personne morale qui, de ce fait, peut incarner l’intérêt collectif de ses membres, permettre de renforcer la pérennité et la structuration du projet porté par les adhérents du collectif, réguler le fonctionnement entre agriculteurs parties prenantes par des règles juridiquement établies.

Identifier, rendre visibles les collectifs concernés et leur donner la priorité au sein des politiques publiques est vital. Prendre en compte les attentes des 12 000 coopératives agricoles du réseau des CUMA, réaffirmer l’importance de l’agriculture de groupe, promouvoir l’intérêt collectif de ses acteurs : tel est l’objet de ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Le rapporteur et le ministre ont rappelé l’essentiel concernant le fonctionnement de l’agriculture dans notre pays. La France a une chance assez extraordinaire : aucun autre pays de l’Union européenne n’a pu mettre en place une telle organisation collective de son secteur agricole. Nous sommes l’exception européenne ! D’ailleurs, monsieur le ministre, vous devez régulièrement vous battre à Bruxelles pour faire reconnaître les GAEC.

À propos de l’insertion et de l’accueil des jeunes, je voudrais, sans raconter ma vie, évoquer une expérience professionnelle. Quand j’étais responsable des jeunes agriculteurs pour le département des Vosges, nous avons créé un dispositif d’installation-formation, un contrat de solidarité. Nous avions obtenu à l’époque la reconnaissance de stagiaires de la formation professionnelle, qui permettait à des jeunes extérieurs au monde agricole de s’installer avec des agriculteurs proches de la retraite. Michel Rocard, alors ministre de l’agriculture, avait repris cette idée.

Aujourd’hui, on dispose donc d’un arsenal complet pour à la fois s’organiser et promouvoir l’installation de jeunes non issus du milieu agricole, voire venant d’autres pays. Nous avons tous, dans nos départements, des exemples de jeunes venus d’ailleurs qui se sont installés et ont réussi en agriculture. Les CUMA, les coopératives sont des outils assez extraordinaires, mais ne nous affaiblissons pas, continuons à nous battre pour faire en sorte que Bruxelles reconnaisse l’exception française, l’agriculture de groupe. Dans cette perspective, je souhaiterais que, dans cet hémicycle, on en revienne à l’essentiel : nous disposons de tout l’arsenal juridique et réglementaire nécessaire. Avant nous, des femmes et des hommes avaient déjà imaginé comment faire vivre l’agriculture de groupe : nous n’avons rien inventé, tout existe déjà, tout est en place ! (M. Laurent Duplomb applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

M. Didier Guillaume. Monsieur le ministre, votre position me surprend. Il n’est question nulle part de collectif dans les rédactions présentées par les trois amendements pour l’article 10 quinquies. Nulle part il n’y est dit que l’agriculture de groupe doit être placée au-dessus de tout. Que l’on ne me prête pas une telle intention, à moi qui défends depuis longtemps l’agriculture y compris lorsque les femmes et les hommes qui la font ne sont pas organisés en collectif.

Peut-être que ce qui vous gêne, c’est la référence unique, dans le texte, à la triple performance, notion inscrite dans la loi sur l’initiative du Sénat tandis que le ministre Le Foll voulait s’en tenir à la double performance ? L’introduction de cette mention avait été votée à l’unanimité par le Sénat ; le groupe centriste, en particulier, s’était fortement mobilisé. Aujourd’hui, monsieur le ministre, vous voulez supprimer la seule référence à la triple performance contenue dans le projet de loi : je ne vous comprends absolument pas ! Vous semblez fermé aux propositions tant de votre majorité à l’Assemblée nationale que de l’opposition au Sénat. Vous n’écoutez pas ceux qui veulent vous soutenir, attitude qui n’est pas forcément de nature à les motiver…

Nous disons simplement que l’agriculture de groupe est un facteur d’innovation et contribue à l’effort de recherche-développement : qu’y a-t-il de gênant à parler des GAEC, des GIEE et des CUMA en ces termes ? L’agriculture de groupe est un facteur d’intégration des nouveaux entrepreneurs du monde rural et favorise le renouvellement des générations d’actifs agricoles : qu’y a-t-il de gênant à affirmer ce genre de choses ? Joël Labbé le disait, 80 % des installations de jeunes agriculteurs se font hors cadre familial. Eh bien soit, aidons-les ! Mon père était agriculteur, je ne le suis pas, mais je me réjouis que des jeunes fassent le choix de s’installer : ce n’est pas le désastre dans l’agriculture ! Je regrette que la majorité du Sénat et le ministre de l’agriculture veuillent effacer la seule mention dans le texte de la triple performance.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Raison, rapporteur. Je ne voudrais pas que le débat prenne un tour mensonger et que l’on donne l’impression que le Sénat serait contre l’agriculture de groupe : c’est presque ce que vous êtes en train de nous expliquer, mon cher collègue !

M. Didier Guillaume. Pas du tout, mais il faut être honnête !

M. Michel Raison, rapporteur. Nous sommes de grands défenseurs de l’agriculture de groupe. Je n’ai pas pour habitude de parler de mon cas personnel, mais j’ai passé ma vie d’agriculteur en GAEC et, si je devais me réinstaller aujourd’hui, je ne voudrais pas faire autrement. C’est peut-être pour cette raison que je suis en bonne santé aujourd’hui ! Je partage l’avis de M. Labbé : la seule chance de survie des agriculteurs, c’est l’agriculture de groupe, de quelque façon qu’elle soit organisée.

Les dispositions que nous avons supprimées ne contenaient aucun outil nouveau, aucune forme juridique nouvelle : cet article ne servait à rien !

L’agriculture de groupe est la seule chance de survie des agriculteurs sur les plans social et économique, mais aussi technique. Les techniques nouvelles inventées par les agriculteurs biologiques peuvent parfois aussi servir aux agriculteurs raisonnés. Ils mettent déjà en place des groupes communs afin d’échanger sur leurs pratiques. (M. Joël Labbé approuve.)

Nous sommes favorables à tout cela, et je ne voudrais pas que nos débats donnent une impression contraire. Simplement, cet article ne contient pas d’outil nouveau : nous sommes en train de palabrer pour rien !

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Mes chers collègues, notre rythme d’examen des amendements devient vraiment préoccupant : il est descendu à moins de douze amendements par heure.

M. Didier Guillaume. Acceptez nos amendements, cela ira plus vite !

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. À ce rythme-là, nous ne sommes pas certains de pouvoir terminer en siégeant aujourd’hui, demain et lundi, y compris la nuit. Je vous invite donc à faire preuve de concision dans vos interventions sur des sujets qui nous rassemblent, même si nous divergeons dans l’expression.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. J’entends l’appel de Mme la présidente de la commission, mais si nous ne pouvons pas débattre correctement de sujets aussi importants, cela va devenir compliqué…