M. le président. L’amendement n° 125, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer les mots :

d’orientation et de programmation

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Avant de présenter le dernier amendement du Gouvernement, j’en profite pour remercier l’ensemble des sénatrices et des sénateurs qui se sont mobilisés sur cette question nous tenant tous à cœur, pour souligner aussi la qualité des débats et des échanges, même si nous avons certains désaccords sur les moyens et les modus operandi. En tout cas, le débat a été extrêmement enrichissant pour le Gouvernement.

Nous considérons que le présent projet de loi a pour objectif d’être non pas une loi d’orientation et de programmation, mais une loi de meilleure condamnation des violences sexistes et sexuelles. Nous vous proposons donc, par cet amendement, de supprimer les mots « d’orientation et de programmation ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 125.

(Lamendement nest pas adopté.)

Vote sur l’ensemble

Intitulé du projet de loi
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Nous avons eu de longs débats, d’excellente qualité, me semble-t-il, puisque nous avons su, dans une atmosphère très respectueuse des uns des autres, échanger sur des sujets difficiles et rechercher les meilleurs voies et moyens pour atteindre l’objectif que nous partageons tous.

Le projet de loi, dont nous attendions beaucoup, nous a déçus d’emblée. Il manque d’ambition, comme en témoigne le dernier amendement du Gouvernement visant à en modifier le titre.

Cela dit, votre texte comportait d’ores et déjà des points positifs, madame la secrétaire d’État, tels que l’allongement du délai de prescription, la création de l’outrage sexiste, dont nous espérons qu’il trouvera sa voie dans la répression générale.

D’autres éléments positifs ont été ajoutés en commission ou en séance, soutenus par le groupe socialiste et républicain : je pense au report du délai de prescription à la majorité de la victime, à l’amélioration des notions de violence, de menace et de surprise, au droit à l’enregistrement audiovisuel pour toutes les victimes, au renforcement de l’obligation de signalement de mauvais traitements sur mineurs, au renforcement de la prévention et de la formation, à la lutte contre le cyberharcèlement et, bien sûr, à la suppression en commission, puis au retrait par le Gouvernement de l’atteinte sexuelle aggravée avec pénétration sur mineur de quinze ans, qui avait tant fait couler d’encre.

Pour autant, nous n’avons pas réussi à convaincre le Sénat d’accepter la création de l’infraction criminelle de violence sexuelle avec pénétration sur mineur de treize ans ; nous en avons longuement parlé, je n’y reviens pas. C’est pour nous, vous le savez, un point capital.

Nous regrettons que la notion de maturité sexuelle suffisante, qui nous semble périlleuse, ait été maintenue.

Enfin ont été abordées, parfois avec intérêt, parfois insuffisamment, les questions de la prévention des violences, mais aussi de l’évaluation.

Comme le montre ce bref récapitulatif, nos débats ont été fructueux. Le groupe socialiste et républicain a été entendu sur un certain nombre de points. Le texte initial, décevant, a été en partie amélioré. Pour autant, en raison notamment de l’absence de création de l’infraction criminelle évoquée précédemment, le groupe socialiste et républicain s’abstiendra sur l’ensemble du projet de loi.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes.

Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes et à légalité des chances entre les hommes et les femmes. Je tiens tout d’abord à remercier Mme la rapporteur et M. le président de la commission des lois, qui ont veillé à la sérénité de la discussion, ainsi que tous les collègues qui y ont participé.

L’intensité et la qualité des débats de ces derniers jours reflètent l’implication de chacun à mieux protéger les mineurs victimes de violences sexuelles. Il est vrai que nous ne nous accordons pas sur les moyens à mettre en œuvre pour y participer. Je souhaite néanmoins saluer un texte porteur d’avancées majeures, à l’instar de l’allongement du délai de prescription de vingt à trente ans, de la répression du harcèlement de rue, ainsi que de la condamnation des « raids numériques ».

Je me félicite tout particulièrement que notre chambre ait pu amener le Gouvernement à revoir sa position sur la notion d’atteinte sexuelle avec pénétration. Il s’agit d’une décision importante, qui fait écho aux doléances de nombreux experts, pour la protection des mineurs.

Je me réjouis par ailleurs que l’amendement de notre collègue Laure Darcos visant à renforcer la protection des personnes particulièrement vulnérables, comme les sans domicile fixe, ait été adopté. C’est l’un des amendements émanant de la délégation aux droits des femmes adoptés par le Sénat.

Je regrette toutefois que notre chambre n’ait pas posé un interdit clair à toute relation sexuelle entre un enfant et un adulte. À mon avis, ce texte ne mettra pas fin aux questionnements sur la capacité d’un enfant à consentir à un rapport sexuel avec un adulte. Rappelons que cette assemblée était, il y a peu, largement hostile à l’allongement des délais de prescription. Aujourd’hui, ces dispositions font presque consensus, et je ne doute pas qu’il en sera de même, à l’avenir, pour la reconnaissance de l’incapacité absolue d’un enfant à consentir à un acte sexuel avec un adulte.

Je voterai donc ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Mme Françoise Gatel. Notre collègue évoquait tout à l’heure « un moment délicieux ». Je n’irai pas jusque-là, mais ce fut un remarquable débat démocratique, sur un sujet extrêmement complexe. Nombre d’entre nous auraient souhaité pouvoir panser toutes les plaies, même si nous savons que c’est impossible. Comme je l’ai dit en discussion générale, la République a le devoir de protéger tous ses enfants, notamment les plus faibles.

Madame la secrétaire d’État, vous avez pu constater l’esprit constructif, mais pugnace, du Sénat. Nous sommes capables de soutenir avec conviction des thèses différentes, voire opposées, dans le respect les uns des autres. J’ai été sensible, madame la secrétaire d’État, à la qualité des échanges que nous avons eus avec vous.

Je veux saluer le travail difficile et courageux réalisé par Marie Mercier. Notre société évolue, les seuils de tolérance également, les parlementaires doivent en tenir compte. Pour autant, nous ne devons pas céder à l’émotion du moment, en fonction des faits divers. Il nous appartient de travailler dans le sens de l’intérêt général et de la protection des enfants.

Madame la secrétaire d’État, au-delà de ce texte qui renforce la protection des mineurs et reconnaît les violences sexuelles et sexistes, nous ne parviendrons pas à protéger ces victimes, qui ne pourront jamais parler, sans un encerclement naturel des gens déviants par tous les acteurs de la société, qu’il s’agisse de chacun d’entre nous, des familles, des personnels de l’éducation et de la santé. Je le souhaite de tout cœur.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. À mon tour, je salue la grande qualité de nos débats. Ici, nous parvenons à nous écouter ! Je tiens à remercier tout particulièrement Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe Union Centriste et du groupe socialiste et républicain.), qui nous a permis, grâce à un travail remarquable, de présenter des amendements communs, toutes sensibilités politiques confondues. Par ce travail collectif, la Haute Assemblée a réussi à enrichir la loi. Il convenait de le noter.

Nous avons démontré, madame la secrétaire d’État, qu’il fallait beaucoup concerter avant de produire une loi. Le projet de loi initial aurait pu être bien meilleur à l’issue d’une concertation bien plus large avec les associations féministes, les associations de protection de l’enfance et un certain nombre d’élus et de parlementaires. C’est là un enseignement qui peut nous faire progresser ensemble.

Le projet de loi contenait déjà des mesures fortes, comme l’allongement du délai de prescription à trente ans, que nous avons soutenu. Chaque groupe a permis de faire évoluer positivement le texte, et c’est une bonne chose.

Nous regrettons toutefois que le Sénat n’ait pas eu l’audace de créer une infraction spécifique, un crime de violences sexuelles commis sur mineurs qui nous aurait permis de sortir de la définition du viol. Je ne suis toujours pas convaincue que les mesures proposées dans ce texte sont de nature à protéger réellement les mineurs.

C’est d’ailleurs ce qui conduira le groupe communiste républicain citoyen et écologiste à s’abstenir. Je le regrette fortement, parce que nous aurions pu, ensemble, aller plus loin. Nos débats sur le seuil d’âge ont quelque peu tourné en rond, hier, car nous ne sommes pas parvenus à nous entendre. C’était pourtant un point essentiel.

Je conclurai mon propos en attirant votre attention, madame la secrétaire d’État, sur la nécessité d’une loi-cadre globale concernant les violences faites aux femmes. Des associations féministes sont disposées à vous rencontrer pour aller encore plus loin, vous le savez, mais il faut des moyens humains et financiers. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour explication de vote.

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe du RDSE votera ce texte, qui présente quelques avancées par rapport au droit existant, en particulier en matière de prescription, et nous savons ô combien le droit se construit pas à pas.

Je pense à l’allongement du délai de prescription de vingt à trente ans pour les crimes sexuels, bien sûr, mais également à l’interruption de la prescription en cas de commission par leur auteur d’un même crime contre d’autres mineurs, la transformation du délit de non-dénonciation des mauvais traitements, des privations et des atteintes sexuelles commises à l’encontre de mineurs, ainsi que l’allongement du délai de prescription pour ce délit de six à dix ans.

En ce qui concerne le renforcement de la protection des violences sexuelles sur mineurs, nous considérons que le texte modifié par notre Haute Assemblée comporte également quelques avancées.

La vulnérabilité en ressort mieux définie, avec la prise en compte de la détresse économique et la création d’une circonstance aggravante d’ivresse stupéfiante.

L’introduction de la possibilité pour les victimes de violences sexuelles de se faire accompagner d’un représentant d’une association conventionnée d’aide aux victimes dès le début du dépôt de la plainte est également une avancée importante.

Enfin, le renforcement de la prévention grâce à une plus grande précision des textes relatifs aux obligations de signalement des médecins en cas de suspicion de violences psychologiques, physiques et sexuelles, répond aux préoccupations que nous avions évoquées lors de la discussion générale.

Je me félicite, avec mes collègues du RDSE, que nos échanges nourris aient permis ces avancées, le Sénat prouvant une nouvelle fois qu’il apporte une réelle plus-value. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.

M. Arnaud de Belenet. Voilà un bon projet de loi, cohérent, efficace, qui s’inscrit dans la longue histoire de la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.

Je voudrais saluer la contribution de Mme la rapporteur. Si un rapport m’est confié un jour, j’espère être aussi rigoureux, précis, attentif, que l’a été Marie Mercier sur ce sujet. Je salue également l’ouverture d’esprit de Mme la secrétaire d’État en charge du dossier, Marlène Schiappa, qui a su intégrer un certain nombre de propositions émanant du Sénat.

Sur l’un des points saillants du projet de loi, l’article 2, la proposition initiale du Gouvernement semblait aux membres du groupe La République En Marche plus efficace et de nature à répondre plus rapidement à des condamnations.

Je ne reviens pas sur ce qui a été dit en discussion générale ou exprimé par mon groupe lors de nos échanges, mais notre préférence pour la version initialement présentée par le Gouvernement, en dépit d’un certain nombre d’améliorations portées par le Sénat, nous empêche, hélas, d’approuver ce texte.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

M. Philippe Bas. Monsieur le président, je voudrais, au nom de mon groupe, remercier tous nos collègues ayant pris part à ce débat qui, me semble-t-il, honore notre assemblée.

Ce fut un débat approfondi. Nombre de points de vue convergents se sont exprimés ; certains points de vue divergents aussi, mais ils ont été généralement surmontés avec le meilleur état d’esprit, ce qui permet d’offrir à nos concitoyens l’image d’une assemblée délibérative qui va au fond des choses.

Je voudrais adresser des remerciements tout particuliers à Marie Mercier, notre rapporteur. Le groupe de travail dont elle a assumé l’animation a permis à des représentants de tous les groupes politiques de se rassembler pour forger les positions de la commission des lois, exprimer de très larges consensus ; il avait déjà permis l’adoption par le Sénat à l’unanimité d’une proposition de loi, le 27 mars dernier.

Ses capacités d’écoute, de dialogue et de rassemblement, pour aller au-delà des frontières de chacun de nos groupes, ont été particulièrement dignes d’éloges, de même que sa sensibilité, qui doit sans doute beaucoup au métier qu’elle exerçait et continue partiellement à exercer, celui de médecin. Je tenais à lui présenter ce témoignage au nom du groupe Les Républicains.

Je voudrais enfin dire ma satisfaction de voir le résultat de notre travail, et combien il a permis d’agréger encore, à partir de ce point de départ déjà marqué par beaucoup d’ouverture d’esprit, des points de vue jusqu’alors dissociés et maintenant pris en compte dans ce texte.

Le groupe Les Républicains votera donc ce projet de loi, ainsi amendé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Marie Mercier, rapporteur. Je voudrais remercier les collègues avec lesquels nous avons travaillé pendant plusieurs mois, ainsi que l’administratrice qui nous a aidés. C’était un travail difficile, et nous avons la conscience aiguë de n’avoir pas répondu à tout, profondément et intimement.

Nous avons fait de notre mieux. Cela ne suffira pas, mais nous avons au moins le mérite de porter sur la place publique l’horreur des violences sexuelles envers les mineurs, dont il faut oser parler et pour lesquels il faut briser le tabou. Nous comptons évidemment sur chacune et chacun d’entre nous pour porter ce combat.

Nous avons travaillé, ensemble, pour protéger au mieux les mineurs, tous les mineurs. Je voulais vous en remercier tous, et chacun en particulier. Je suis intimement persuadée que c’est le rôle d’une société solide de protéger les plus faibles ; ce doit même être un honneur de les servir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Jean-Pierre Decool applaudit également.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 202 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 247
Pour l’adoption 225
Contre 22

Le Sénat a adopté.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
 

9

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 10 juillet 2018 :

À quatorze heures trente ;

Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour la liberté de choisir son avenir professionnel (n° 583, 2017-2018) ;

Rapport de M. Michel Forissier, Mme Catherine Fournier, M. Philippe Mouiller et Mme Frédérique Puissat, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 609, 2017-2018) ;

Avis de M. Laurent Lafon, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 591, 2017-2018) ;

Texte de la commission (n° 610 rectifié, 2017-2018).

À seize heures quarante-cinq : questions d’actualité au Gouvernement.

À dix-sept heures quarante-cinq et le soir : suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour la liberté de choisir son avenir professionnel (n° 583, 2017-2018).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures cinquante-cinq.)

Direction des comptes rendus

GISÈLE GODARD