M. Jérôme Bascher. C’est fini !

Mme Cécile Cukierman. Eh oh, ça va !

Mme Michelle Gréaume. Il s’agit non pas de construire là où ce n’est pas utile, de manière inconsidérée et de participer à l’étalement urbain, mais, par exemple,…

M. le président. S’il vous plaît !

Mme Michelle Gréaume. …de réhabiliter le parc ancien et d’en changer la destination. Beaucoup de communes s’engagent dans cette direction. C’est donc bien un objectif utile, plus nécessaire que jamais, alors que la crise du logement se manifeste de manière accrue.

M. le président. Je vous demande, mes chers collègues, de ne pas dépasser de trente secondes votre temps de parole, d’autant que vous aurez tout l’après-midi pour intervenir.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. La commission des lois a déposé deux amendements importants : le premier concerne le champ d’application de la loi SRU, même si c’est à la marge, pour la mettre en harmonie avec la loi Asile et immigration, qui vient d’être votée par le Sénat ; le second porte sur la mutualisation des obligations en matière de taux de logements sociaux à l’échelon intercommunal.

Je voudrais rappeler les termes du débat, en respectant mon temps de parole, monsieur le président.

La loi SRU a rendu de grands services et a permis d’augmenter le nombre de logements locatifs sociaux – c’est indéniable ! Les ministres du logement qui se sont succédé – j’en fais partie – ont été intraitables pour faire respecter la loi SRU et ses principes fondateurs.

M. le ministre nous rappelait que les objectifs avaient été dépassés entre 2014 et 2016, puisque le taux de réalisation avait atteint 106 %. C’était le cas du temps de M. Apparu, de Mme Boutin et également précédemment.

Nous n’avons donc pas la volonté de détricoter la loi SRU. Il faut maintenir cette loi. Pour les communes qui sont de mauvaise foi, des textes ont été votés et les sanctions ont été progressivement aggravées. Je l’ai déjà dit, les préfets ont le pouvoir de doubler, de tripler, de quadrupler le montant de l’amende.

Comme plusieurs collègues l’ont indiqué, depuis la loi Égalité et citoyenneté, l’objectif brutal de 25 % est difficilement atteignable. La question est de savoir comment rendre efficiente la loi SRU.

« Les intercommunalités sont les chefs de file reconnus des politiques locales de l’habitat menées sur les territoires, au travers de la mise en œuvre de PLH […], dans le respect de l’exigence de mixité et de répartition équilibrée du parc social telle qu’imposée aux communes par l’article 55 de la loi SRU ». Ce n’est pas moi qui le dis, mais le Gouvernement dans l’objet de son amendement n° 805.

Nous pouvons mutualiser ces objectifs à l’échelon intercommunal, mais en posant des garde-fous extrêmement précis. Il n’est pas question de revenir sur le taux de 25 %, ni sur le stock. Si l’on veut mutualiser, il faut faire la somme de l’ensemble des exigences individuelles des communes. Il n’est pas question d’imposer à des communes très dotées en logements sociaux des exigences supplémentaires sans leur accord. Un plafond doit donc être fixé, comme le prévoit un sous-amendement de Mme Létard auquel je suis favorable, au nom de la commission des lois. Cela va tout à fait dans le sens des principes que nous voulons appliquer.

Pour rendre efficiente cette loi, il faut aider les communes qui, grâce à d’importants efforts, sont passées de 12 % à 15 %, voire de 15 % à 20 %, et qui ont maintenant des difficultés pour atteindre les 25 %. C’est l’objet de l’amendement que nous proposerons et que je présenterai de manière détaillée ultérieurement.

M. le président. Trente secondes de dépassement…

La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.

M. Fabien Gay. Il semble que la mise à mal de quelques avancées sociales soit un objectif de ce gouvernement et de la majorité sénatoriale. Si ces avancées sociales ne possédaient plus aucune vertu, nous pourrions le comprendre…

Pour quelle raison la loi SRU est-elle considérée comme une telle avancée ? Peut-être parce que, malgré les critiques qui lui sont souvent adressées sur son manque d’efficacité, elle a tout de même permis de construire plus de 600 000 logements en dix-huit ans. Peut-être aussi parce qu’elle poursuit l’objectif de créer un équilibre social entre les territoires. Enfin, parce que cette loi, comme l’avait rappelé l’abbé Pierre à l’Assemblée nationale le 26 janvier 2006 lorsqu’elle avait été mise en danger – déjà – par la droite, relève de l’honneur de la France, en ce sens qu’elle offre une certaine protection aux plus précaires.

Cet article est la contrepartie de l’article 29, qui vise à céder le parc locatif social français à des personnes privées. L’objectif n’est autre que la vente de logements sociaux. La loi SRU est en travers de votre chemin, alors vous voulez l’abattre !

L’article 46 étend de cinq à dix ans la durée pendant laquelle les logements sociaux vendus resteront comptabilisés dans les « quotas SRU », et ce dans l’objectif annoncé de lever les réticences à la vente de ces logements sociaux en accordant aux communes un délai pour reconstituer leur stock. Or cet allongement du délai permettra en fait aux communes, particulièrement à certaines communes carencées, qui ne respectent pas leurs obligations, de tricher et d’éviter un effort de construction. Alors que 2 millions de personnes en France attentent un logement, la vente dans ces communes carencées est une aberration.

La commission a largement aggravé cette disposition en détricotant méthodiquement l’article 55 de la loi SRU. Qu’y a-t-il derrière ces dispositions ? Plus de profits pour le privé, et un moyen d’éviter la mixité et de favoriser l’entre soi dans certaines communes ou certains quartiers. Quoi qu’il en soit, le résultat est le même : ce sont toujours les plus précaires qui en subiront les dommages.

« Comment en est-on arrivé à privilégier ceux qui ont le moins besoin de privilèges ? », demandait l’abbé Pierre en février 2006. Avec ce projet de loi, comme avec presque tous ceux que nous avons examinés ici depuis quelques mois, quelques pas supplémentaires ont été franchis dans cette direction.

M. le président. Je vous remercie d’avoir respecté votre temps de parole.

La parole est à M. Olivier Léonhardt, sur l’article.

M. Olivier Léonhardt. Dans le cadre d’une opération de renouvellement urbain, la démolition de logements sociaux peut conduire à une chute importante du nombre de ces logements dans la commune qui bénéficie du programme de l’ANRU. Le temps de reconstituer l’offre, la commune peut se retrouver dans une situation de déficit de logements par rapport aux objectifs de la loi SRU. Elle pourrait alors être soumise à un prélèvement annuel sur ses ressources fiscales, ou voir celui-ci fortement augmenter, alors même qu’elle est mobilisée pour le financement d’importants investissements dans le cadre du programme ANRU.

Afin de laisser le temps à la commune de reconstituer une offre de logements sociaux, je propose que les logements démolis continuent à être comptabilisés, au titre de l’article 55 de la loi SRU, pendant une période de dix ans à compter de leur démolition, à condition que la reconstitution de l’offre de logements sociaux en compensation des logements démolis soit identifiée.

Pour avoir été maire d’une commune où ont été démolis de nombreux logements sociaux, je sais combien les aléas divers et variés peuvent retarder la reconstruction. Voilà le sens de l’amendement que je présenterai.

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, sur l’article.

M. Philippe Dallier. Nous voilà manifestement sur un point dur du texte et, quand j’entends certains, je crains que nous ne débattions pas vraiment dans la sérénité.

Je veux rappeler deux choses.

Le premier objectif de la loi SRU était de construire plus de logements sociaux. Cet objectif a-t-il été atteint ? Manifestement oui, et grandement ! Même si, et nous le savons, une poignée de maires répètent urbi et orbi qu’ils n’en veulent pas. Mais, de grâce, arrêtons les caricatures et ne regardons pas que cela !

Le second objectif était la mixité sociale. Le problème, c’est qu’on ne la regarde que dans un sens : comment faire en sorte que des ménages modestes puissent s’installer dans des villes où la mixité est relative ? Pour ma part, je vais de nouveau plaider pour l’autre cas de figure : celui des communes qui accueillent de fait beaucoup de logements sociaux. En Seine-Saint-Denis, il y en a, mais pas seulement là – je vous apporterai des éléments.

Pour des raisons souvent historiques, ces communes – pas qu’en Seine-Saint-Denis, je le redis – n’ont pas forcément un taux de logement social élevé. Pour autant, elles accueillent des ménages pauvres en nombre. À ces communes, on leur dit que, comme les autres et dans les mêmes conditions, elles vont devoir atteindre 20 % – c’était l’objectif initial – et maintenant 25 %. Madame Gréaume, il ne faut pas oublier de dire que, si on nous a donné un peu de temps – cinq ans – en plus, on a aussi augmenté de manière très importante les objectifs. Cela ne se fait pas en claquant des doigts !

Alors, oui, je pense que, comme nous l’avons fait depuis l’origine, on peut adapter la loi aux difficultés d’un certain nombre de communes. On l’a d’ailleurs fait à plusieurs reprises. Je me souviens même de sénateurs communistes plaidant dans cet hémicycle pour un assouplissement en faveur de communes en difficulté, parce qu’elles étaient dans des bassins miniers, avaient des problèmes de sous-sol, etc.

Je vais faire de même pour plaider le cas de ces communes qui ont un taux important de ménages pauvres et dont la situation continuerait à se dégrader en termes de mixité sociale si jamais elles devaient atteindre le taux de 25 %.

Plusieurs sénateurs du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. Mais où ?

M. Philippe Dallier. Vous verrez !

Je ne propose pas de les exempter de toute obligation, mais d’adapter le dispositif pour revenir à 20 %. Ce serait une mesure de bon sens que le Sénat pourrait adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, sur l’article.

M. Xavier Iacovelli. Qu’il s’agisse des amendements sur l’article 46 ou des articles additionnels après l’article 46, je suis effaré, mais pas surpris, de voir la majorité sénatoriale faire totalement fi des 4 millions de personnes mal logées dans ce pays.

En comptabilisant dans les 25 % de logements sociaux des logements provisoires, tels que les centres d’hébergement, les logements d’urgence, les PSLA, en permettant aux communes ayant 15 % de logements sociaux de renégocier le calendrier pour atteindre 25 % sans cadrage dans le temps, en mutualisant à l’échelon des EPCI le reste à construire des logements sociaux par les communes, vous vous attaquez sans ambages à la mixité sociale, vous faites de la dérogation la règle, vous dévitalisez avec méthode la loi SRU, en opposition à toute logique de justice et de bon sens économique. Avec ces dérogations, vous allez engendrer une concentration de la construction dans certaines villes en dédouanant les autres de leur devoir de mixité sociale.

La loi SRU est un puissant outil de construction de logements sociaux sur les territoires, on l’a déjà dit, et de mixité sociale. Avec mon groupe, nous défendrons une loi pragmatique, qui permet de construire la moitié des logements sociaux neufs du pays dans les communes qui en manquent cruellement et qui, bien souvent, y sont réticentes.

Rappelons à quoi sert cette loi : à organiser une politique de production harmonieuse de logements sociaux pour les plus modestes, qui n’ont pas la possibilité de se loger.

Comment pouvons-nous revenir sur cette loi qui est en quelque sorte un acquis social ? Vous avez déjà tenté de le faire en 2006, et – mon collègue Fabien Gay l’a rappelé – l’abbé Pierre était alors venu en personne, à quatre-vingt-treize ans, en fauteuil roulant, à l’Assemblée nationale pour dénoncer ces mêmes amendements inacceptables, qui mettent en question l’honneur de la France.

Permettez-moi de prendre, pour conclure, l’exemple de mon département, les Hauts-de-Seine. Si, comme vous le souhaitez avec l’amendement de Mme la rapporteur, nous faisons sortir les communes de moins de 3 500 habitants en Île-de-France du dispositif SRU, une ville qui ne connaît pas les plus grandes difficultés financières, Marnes-la-Coquette, n’aura plus à répondre à son engagement de construction de logements sociaux, alors même que nous sommes dans une zone tendue pour les logements.

Comment peut-on se permettre, quand 70 % des Franciliens sont éligibles au logement social, d’avoir, d’un côté, des poches de privilégiés et, de l’autre, des poches de défavorisés ? La mixité sociale est le ciment de notre République, et chacun doit en prendre sa part dans la lutte contre la ségrégation sociale.

M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, sur l’article.

Mme Viviane Artigalas. Trop d’amendements de la majorité sénatoriale que nous allons examiner ont pour objectif la disparition de l’article 55 de la loi SRU et, donc, des quelque 700 000 logements sociaux attendus d’ici à 2025 dans les communes carencées et déficitaires.

Le calendrier, le taux, la mutualisation, le financement, le nombre de logements décomptés : tout est encore remis en cause ! Pourtant, la loi SRU est une loi « socle » de notre République, un texte fondateur en matière de mixité sociale.

Nous avons déjà eu un débat important il y a moins de deux ans au travers de la loi Égalité et citoyenneté. Cette loi majeure du précédent quinquennat a consolidé le périmètre d’application du dispositif SRU pour le rendre plus cohérent avec la réalité du terrain. Un certain nombre de communes peuvent en effet sortir du dispositif, notamment lorsque la demande de logements n’est pas suffisante ou lorsque les communes sont insuffisamment desservies par les transports.

La loi a également renforcé les moyens opposables aux communes qui s’exonèrent de l’effort national de solidarité. C’est essentiel ! Il faut continuer la pression sur les territoires dits tendus, où la demande de logement est très importante. La loi SRU répond à des logiques de solidarité qui doivent s’imposer à toutes et tous.

Nous nous opposerons aux amendements qui remettent en cause la loi SRU et donnent un mauvais signal quant à la conception même du logement social. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, sur l’article.

M. Frédéric Marchand. J’aimerais réaffirmer dans cet hémicycle l’esprit qui anime l’article 46, dont la teneur a été évolutive depuis le début de son parcours parlementaire.

Le présent projet de loi n’a pas pour dessein la remise en cause de la loi SRU. Il me semble d’ailleurs que le Gouvernement a démontré, depuis maintenant plus d’un an, son ferme attachement à une loi qu’il juge bonne, en ce qu’elle favorise la mixité sociale.

Le Gouvernement part cependant d’un constat : les communes hésitent fortement à donner un avis favorable à la vente de logements sociaux à leurs occupants – ayant été maire d’une commune de 20 000 habitants, je peux attester de cette difficulté –, de crainte de ne pas parvenir à reconstituer à temps le parc de logements sociaux correspondants, et donc d’être pénalisées.

Pourtant, faciliter la vente de ces logements à leurs occupants est un moyen de rendre accessible la propriété pour les ménages les plus modestes, de renforcer la mixité sociale que nous appelons tous de nos vœux et de dégager des ressources pour les organismes d’HLM afin qu’ils puissent rénover leur parc de logements et en construire de nouveaux.

Allonger de cinq à dix ans la durée pendant laquelle des logements sociaux vendus à leurs occupants seront pris en compte dans le quota fixé par la loi SRU est un moyen d’apporter une réponse pragmatique et efficace à cet enjeu majeur, qui concerne en premier lieu les ménages les plus modestes.

Enfin, j’aimerais mettre un terme aux inquiétudes que l’on a pu entendre jusqu’ici, légitimes pour certaines d’entre elles, sans doute moins, et il faut le regretter, pour d’autres. Mes chers collègues, il va de soi que l’allongement proposé est strictement encadré : il ne pourra bénéficier qu’aux ventes réalisées au bénéfice du locataire occupant, et en aucun cas aux ventes en bloc.

Je vous invite à la plus grande prudence dans les débats que nous allons avoir dans les heures à venir.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. La loi SRU resurgit à chaque fois que nous débattons d’une loi sur le logement. On voit bien que nos collègues du groupe Les Républicains sont depuis longtemps assez réticents, pour ne pas dire totalement opposés, à sa logique.

Je rappelle que cette loi a, certes, permis de produire plus, mais qu’elle a avant tout permis de garantir la mixité sociale. C’est l’un des piliers de la République. Comment voulez-vous qu’on réduise la concentration des problèmes dans les communes ou les quartiers si l’ensemble des communes ne font pas un effort de construction de logements locatifs sociaux ?

J’ai bien entendu l’argumentaire de M. Dallier. Si ce taux correspondait au nombre de gens modestes de notre pays, il faudrait plus de 25 % de logements sociaux ! Le taux de 20 %, puis de 25 %, s’applique au parc locatif social conventionné ou d’HLM, c’est-à-dire au parc disponible, qui garantit de façon pérenne la rotation et le droit au logement.

Par ailleurs, le législateur a déjà donné de la souplesse à la loi SRU : une commune peut sortir du dispositif lorsque la demande de logements n’est pas suffisante ou lorsque le secteur est très mal desservi par les transports en commun, car, pour les gens modestes, ce ne serait pas un service à leur rendre. Cet assouplissement a donc eu lieu, il n’y a pas si longtemps, et je reste persuadée que les trois quarts, voire les neuf dixièmes des problèmes rencontrés peuvent être traités par ce biais, ou alors il s’agit d’une autre problématique.

Madame la présidente de la commission, vous avez dit que les maires nous ont interpellés sur le sujet. Ce ne sont pas « les » maires, ce sont « des » maires. À ma connaissance, il n’y a pas de demande formelle de l’Association des maires de France de remettre en cause telle ou telle disposition de la loi SRU. On ne peut donc pas dire que, sur ce sujet, les maires parlent d’une seule voix. Certes, des difficultés techniques peuvent surgir, mais, je le répète, des assouplissements ont déjà eu lieu.

On en revient au débat que nous avons depuis l’origine de la loi SRU : faut-il appréhender la situation à l’échelon de l’intercommunalité pour globaliser l’enjeu ? Pour ma part, j’ai toujours plaidé contre cette solution et pour une raison simple : j’ai été maire d’une commune de banlieue, qui comptait 30 % de logements sociaux, alors que la commune voisine n’en comptait pas du tout ; son maire m’incitait à continuer mes efforts en faveur du logement social,…

Mme Marie-Noëlle Lienemann. … parce que lui-même n’avait pas l’intention d’en faire ! Ce n’est pas ça, la République !

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, sur l’article.

M. Roger Karoutchi. Je tiens à dire à mon collègue Iacovelli que, si c’est la pauvre commune de Marnes-la-Coquette – riche, certes, mais pauvre en nombre d’habitants : 1 800 – qui doit assurer le logement social pour les 1 650 000 habitants du département des Hauts-de-Seine, elle va avoir du mal.

M. Xavier Iacovelli. C’est symbolique !

M. Roger Karoutchi. J’ai peur que même la maison de Johnny Hallyday n’y suffise pas. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Il faut de temps en temps savoir garder raison.

Selon vous, madame Lienemann, la droite n’a jamais accepté la loi SRU. Depuis que cette loi a été votée, la France a connu plusieurs Présidents de la République de droite, et on en parle encore. Voilà bien la preuve qu’on n’a pas été si violent !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Vous avez essayé !

M. Fabien Gay. On s’en souvient !

M. Roger Karoutchi. S’il vous plaît, je vous ai écoutés avec attention !

Aujourd’hui, il faut trouver une solution acceptable pour tous. Pour ma part, je ne cache pas que je suis plutôt favorable à l’échelon intercommunal. Pourquoi ? Parce que, sans parler de Marnes-la-Coquette, dans certaines communes du département des Hauts-de-Seine, on ne trouve plus un centimètre carré de disponible : il s’agit de toutes petites communes hyper peuplées, où trouver des terrains n’est pas facile. Maintenant qu’il existe des territoires, on pourrait fixer des taux pour eux, il serait ainsi plus aisé de trouver des solutions.

Personne aujourd’hui ne soutient qu’il ne faut pas de loi SRU, mais tout le monde reconnaît que des solutions s’imposent pour favoriser la construction et faire en sorte que ce soit accessible et moins cher.

Arrêtons également les faux procès. J’étais le président de la commission des finances de la région Île-de-France lorsque celle-ci a décidé que toute commune qui ne remplissait pas l’engagement de 30 % de logements sociaux se verrait supprimer l’ensemble des subventions régionales.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Super !

M. Roger Karoutchi. Était-ce normal ? Bien sûr que non ! Ce qu’il faut, je le répète, c’est une solution acceptable pour tous. Le texte de la commission me semble bon et équilibré.

Ce n’est sûrement pas la dernière fois qu’on parle de la loi SRU.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques. C’est sûr !

M. Roger Karoutchi. N’en faisons pas un totem !

Quant à dire, madame Lienemann, que c’est un pilier de la République… On a déjà beaucoup de mal avec les vrais piliers de la République en ce moment, n’en ajoutons pas d’autres ! (Sourires et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, sur l’article.

Mme Valérie Létard. La loi SRU est un totem que l’on convoque à chaque fois que nous entamons un texte sur le logement. C’est normal, vu l’importance du sujet. S’il faut en reconnaître les limites, qui sont liées aux évolutions qu’elle a connues et aux réalités du terrain, force est d’admettre qu’elle a permis de rééquilibrer la situation et de produire du logement social en tout point de notre territoire. Si elle a des limites, elle a aussi d’énormes qualités.

J’ai demandé à mon collègue Philippe Dallier s’il se rappelait quand avait été débattu l’amendement Ollier – à mon avis, c’était en 2006 –,…

M. Roger Karoutchi. Oui, en 2006 !

Mme Valérie Létard. … qui avait suscité de vives oppositions. En fin de compte, la majorité du Sénat s’était rendue à l’évidence : il fallait préserver la loi SRU, mais il était nécessaire de l’ajuster et de l’adapter. C’est le même sujet aujourd’hui. Mme la rapporteur et M. le rapporteur pour avis formuleront, par voie d’amendements, des propositions en ce sens. Ne commençons pas le débat avant l’heure.

Je rappellerai quelques éléments essentiels.

Dans le contexte budgétaire actuel, il est parfois difficile d’atteindre les objectifs dans certains territoires avec des bailleurs en surchauffe.

Par ailleurs, il ne vous a pas échappé que, parmi les nouvelles orientations qui nous sont données pour le financement du logement social neuf, il n’est plus question de produire de logement neuf en zone non tendue.

Dans les zones non tendues carencées, on nous enjoint de produire 25 % de logements sociaux ! Comme ma collègue Michelle Gréaume, je suis élue d’un territoire dont les communes ne sont pas très aisées ; celles qui sont carencées se trouvent totalement isolées dans des poches de ruralité minière et se voient frappées par l’article 55 : on y trouve des cités de rapatriés et du « logement de fait », c’est-à-dire des propriétés privées où les marchands de sommeil font leur œuvre.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis de la commission des lois. Eh oui !

Mme Valérie Létard. Dans ces territoires, il faudrait passer à l’échelle de l’intercommunalité, afin de produire du logement social là où on en a cruellement besoin, là où ça a du sens et non dans des territoires très isolés, où les gens ne peuvent même pas bénéficier de transports en commun ou d’un environnement idéal pour avancer.

Mme Valérie Létard. Des amendements ont été déposés pour faire avancer ce débat, tout en préservant l’intérêt général. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, sur l’article.

Mme Christine Lavarde. La loi SRU donne parfois lieu à des exemples grotesques, mais c’est souvent l’arbre qui cache la forêt.

M. Roger Karoutchi. Oui, en plus !

Mme Christine Lavarde. Je reprendrai l’exemple de Marnes-la-Coquette, pour dire à M. Iacovelli que cette ville a largement satisfait à ses obligations de rattrapage en matière de loi SRU. Ainsi, sur la période 2011-2013, elle a réalisé ses objectifs à hauteur de 208 % et, sur la période 2014-2016, alors même que les dernières données ne sont pas consolidées, à hauteur de 161 %.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Donc, c’est possible !

M. Xavier Iacovelli. Pourquoi vouloir sortir du dispositif, alors ?

Mme Christine Lavarde. C’est vous qui avez pris cet exemple !

Vous cataloguez les maires de droite. Vous affirmez qu’ils ne veulent pas faire de logement social, mais ce n’est pas vrai !

M. Xavier Iacovelli. Asnières ? Neuilly ? Saint-Cloud ?

Mme Christine Lavarde. Ils doivent faire avec la réalité de leur territoire. Comme cela a été très bien dit par certains de mes collègues, en petite couronne, les villes ont une très forte densité de population : plus de 8 700 habitants au kilomètre carré dans les Hauts-de-Seine, 8 600 habitants en Seine-Saint-Denis et 20 000 habitants à Paris !

M. Xavier Iacovelli. À Paris, ils y arrivent !

M. Roger Karoutchi. Ils achètent de l’haussmannien !

Mme Christine Lavarde. Aujourd’hui, le problème, c’est de trouver du foncier.

Dans ce débat, on se focalise sur la définition du logement social, mais on oublie de parler du logement intermédiaire. Pourquoi des foyers qui ont des revenus trop élevés pour se loger dans le logement intermédiaire, mais pas assez pour se loger dans le parc privé, seraient-ils contraints d’aller habiter à plusieurs dizaines, voire à des centaines de kilomètres et de prendre le train tous les jours pour venir travailler à Paris ? En matière de politique du logement, il est plus que nécessaire de créer une continuité entre le logement social, le logement intermédiaire et le logement dans le parc privé.

J’espère que, à l’occasion de l’examen de cet article, nos débats seront constructifs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Sébastien Meurant, sur l’article.

M. Sébastien Meurant. On a parlé des maires de mauvaise foi, mais parlons des maires de bonne foi. Depuis la loi Égalité et citoyenneté, des maires bâtisseurs peuvent être carencés, alors qu’ils sont au vert dans leur agglomération au regard des critères de tension.