M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, un remaniement ne règle pas tous les problèmes, nous le savons tous, mais ce non-remaniement, auquel nous assistons depuis deux jours, devient un problème pour l’image politique de votre exécutif.

La difficulté n’est pas tant le casting – celui-ci n’intéresse pas grand-monde, en réalité – que la politique qui sera menée – celle-là, tous les Français s’en préoccupent.

Vos hésitations, la différence de vues que l’on vous prête avec le Président de la République, l’absence de ministre de l’intérieur, le fait que certains ministres soient sur le départ forcé depuis dix jours – je remarque d’ailleurs que moins de la moitié de votre gouvernement est présente aujourd’hui au banc des ministres ! –, et cette confusion empêchent de parler de l’essentiel, la politique que vous menez. Pourtant, les sujets ne manquent pas.

Quelles sont vos réelles intentions pour le pouvoir d’achat, notamment celui des retraités ? Quel est le montant réel de la revalorisation de la prime d’activité au niveau du SMIC ? Vous aviez annoncé 20 euros mensuels ; or le décret qui vient d’être publié retient une augmentation réelle de 8 euros. Allez-vous bloquer longtemps les salaires des fonctionnaires, alors que l’inflation est fortement de retour ? La même question se pose pour les revenus sociaux.

Monsieur le Premier ministre, je ne vais pas faire durer mon intervention ; la liste est longue et aurait dû, j’y insiste, relever d’un débat de politique générale. Retenez seulement cette question : est-ce que la vie quotidienne des Français, de plus en plus nombreux à ne plus vous croire, va changer avec votre remaniement ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Kanner, vous avez commencé votre intervention en évoquant la portée politique que pouvait avoir tel ou tel remaniement et en indiquant qu’aucun remaniement ne pouvait, à lui seul, changer une donne politique. Vous vous fondiez probablement sur une expérience passée, que nous avons tous en tête… (Sourires sur les travées du groupe La République En Marche. – Murmures sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Xavier Iacovelli. Un peu d’humilité !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. J’en suis persuadé depuis longtemps et, encore une fois, l’expérience me conduit à vous donner raison ; plus exactement, l’expérience sur laquelle vous vous fondez ou que vous avez vécue me conduit à vous donner raison. (Mêmes mouvements.)

M. Roland Courteau. Restez humble, monsieur le Premier ministre !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je le dis avec beaucoup de simplicité, mesdames, messieurs les sénateurs, et dans les mêmes termes que le président Kanner.

Vous indiquez que notre État doit faire l’objet de directives qui soient claires et de mises en œuvre de politiques publiques qui soient fermes. Vous avez raison, monsieur le président Kanner, et je partage en tout point cet avis. C’est la raison pour laquelle les ministres sont à leur tâche. En effet, il ne vous a pas échappé que les ministres travaillent, qu’ils sont présents et qu’ils répondent aux questions.

M. Michel Boutant. Ils sont à Lyon !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Il ne vous a pas non plus échappé que le Président de la République avait décidé de confier au Premier ministre que je suis la responsabilité du ministère de l’intérieur pendant cette période d’intérim, comme l’on dit. Je l’exerce pleinement, avec sérieux, en consacrant le temps et l’attention requis à cette tâche.

La situation n’a pas vocation à durer, je vous l’accorde, mais, entre-temps, je rencontre l’ensemble des responsables de la sécurité publique et l’ensemble des acteurs du ministère de l’intérieur, car je sais à la fois la sensibilité de la période et l’exigence d’une action ferme – je dirai même très ferme.

Monsieur le président Kanner, le Président de la République a pris des engagements. Ceux-ci seront tenus – si vous me permettez de le dire de façon triviale, je suis là pour ça ! –, et en tous points. En effet, nous considérons que, même si l’on peut être en désaccord avec les engagements pris par le Président de la République – c’est d’ailleurs votre cas –, l’honneur de la politique est de faire en sorte que ces engagements soient tenus dans l’action et que les résultats soient probants.

Puisque vous m’avez interrogé sur ce qui change, monsieur le président Kanner, permettez-moi de vous indiquer que, depuis quelques jours, les Français reçoivent leur feuille d’impôts. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Et ils voient que la taxe d’habitation a baissé de façon effective pour 80 % des contribuables (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.),…

M. Édouard Philippe, Premier ministre. … sauf, vous le savez parfaitement, lorsque des communes, informées que la mesure s’accompagnait d’un dégrèvement, ont choisi, sans doute librement, de remonter leur taux. (Oh ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Chacun assume ses décisions, mais dix-huit millions de Français, monsieur le président Kanner, ont vu le montant de leur taxe d’habitation baisser. Voilà des éléments précis et fermes. Nous allons tenir les engagements pris par le Président de la République. Je n’ai aucun état d’âme en la matière, et je suis certain que vous n’en avez aucun non plus. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, je ne suis pas convaincu par votre réponse (Exclamations ironiques sur les travées du groupe La République En Marche.), et les Français non plus, manifestement, au regard des sondages qui se succèdent.

Je pense, monsieur le Premier ministre, que votre théorie du ruissellement est en train de devenir la théorie du goutte-à-goutte pour le plus grand nombre de nos concitoyens. Vous ne maîtrisez pas réellement le temps des horloges.

Finalement, nous en arrivons au temps des désillusions, après le temps des espoirs que vous avez portés. Vous ne possédez pas la clef qui permettrait de remettre en route cette horloge aujourd’hui défaillante. Telle est la vérité que découvrent aujourd’hui le plus grand nombre de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Jean-Marc Todeschini. Très bien !

violences sur les élus et les fonctionnaires territoriaux

M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

M. Alain Marc. Monsieur le président, vous me permettrez d’associer à cette question mon collègue de l’Aveyron, Jean-Claude Luche, ici présent.

Monsieur le Premier ministre, je voudrais revenir sur la tragédie qui s’est déroulée le 27 septembre dernier à Rodez. Ce jour-là, le directeur général adjoint des services de la ville, M. Pascal Filoé, était lâchement assassiné sur la voie publique par un individu qui avait été interpellé quarante-deux fois pour violences et qui avait plusieurs fois menacé les élus et les agents municipaux.

Pascal Filoé est mort pour avoir accompli son devoir et pour avoir fait appliquer la loi. Vous le savez bien, monsieur le Premier ministre, vous qui avez assisté à ses obsèques, la semaine dernière, pour lui rendre un dernier hommage.

Ce drame rappelle malheureusement que les personnels des administrations et des collectivités, et même parfois les élus, sont quotidiennement victimes de menaces et d’attaques. Confrontés à des délinquants de plus en plus dangereux et déterminés, les représentants de l’autorité sont exposés à une insécurité grandissante : menaces, actes d’intimidation, violences à répétition.

Les exactions perpétrées à l’encontre de ces femmes et de ces hommes dépositaires de l’autorité publique sont inacceptables dans un État de droit. Je veux rappeler ici la qualité de leur travail et leur dévouement, mais aussi le fait qu’ils sont les gardiens de notre sécurité, donc de nos libertés, et qu’ils agissent avec courage, parfois au péril de leur vie.

Aussi, monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous indiquer les mesures que le Gouvernement envisage de prendre en faveur des personnels des administrations des collectivités et des élus, qui sont trop souvent victimes d’incivilités et de violences, que celles-ci soient verbales ou physiques, alors même qu’ils sont les garants indispensables du bon fonctionnement de notre République ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur Marc, je voudrais d’abord exprimer avec vous une pensée attristée et adresser un hommage respectueux à la mémoire de Pascal Filoé, le directeur général adjoint des services de la ville de Rodez, qui dirigeait les services de la police municipale et qui a été assassiné la semaine dernière.

J’ai pu mesurer à quel point cet homme suscitait autour de lui une confiance, un engouement et un respect tout à fait exceptionnels. J’étais avec vous, monsieur le sénateur, sur cette place de Rodez, avec les élus et avec un très grand nombre de Ruthénois, qui étaient à la fois bouleversés par l’émotion et, en même temps, marqués, je veux le dire ici, au Sénat, par l’exceptionnelle dignité et l’exceptionnel courage de la famille de Pascal Filoé et de ses collègues de travail.

Au fond, la question que vous posez, monsieur le sénateur, c’est : « Comment protéger ceux qui nous protègent ? » C’est une question importante, car le pacte républicain et la paix civile reposent entièrement sur l’idée que certains nous protègent, dans le respect de la loi.

Bien entendu, nous devons être exigeants avec eux pour qu’ils respectent la loi, mais, je le répète, dans ce cadre, ce sont eux qui nous protègent. Or si ceux-là mêmes qui doivent nous protéger sont, à chaque instant, soumis à des violences, qui peuvent être verbales, mais qui peuvent également être physiques, s’ils deviennent des cibles, s’ils sont l’objet permanent de l’irrespect, de l’incivilité, voire de la violence ou de l’agressivité d’un certain nombre de nos concitoyens, alors, le système entier se trouve fragilisé.

Comment protéger ceux qui nous protègent ? D’abord, monsieur le sénateur, en faisant en sorte de ne rien accepter et de ne rien laisser passer. Il est assez troublant d’avoir à le rappeler, et c’est malheureusement trop facile à dire et extrêmement difficile à obtenir, mais nous ne devons rien laisser passer.

Il y a quelques semaines, Mme la garde des sceaux a adressé à l’ensemble des procureurs du territoire une circulaire leur rappelant que notre droit prévoit déjà des circonstances aggravantes ou des éléments permettant de sanctionner durement ceux qui s’attaquent aux dépositaires de l’autorité publique, qu’ils soient fonctionnaires ou élus ; elle précisait qu’il fallait veiller à ce que les poursuites soient engagées et les réquisitions prises, de manière ferme, car, ce faisant, nous protégeons véritablement la solidité du pacte républicain.

Ensuite, il y a la question des moyens, parce que, pour protéger ceux qui nous protègent, il faut qu’ils soient équipés et en nombre suffisant. C’est un combat délicat, car nous partons peut-être d’un peu trop loin.

Dans le budget de 2019, comme dans celui de 2018 et comme dans ceux qui suivront, vous trouverez des éléments traduisant cette priorité et cet engagement, avec un recrutement supplémentaire, sur l’ensemble du quinquennat, de 10 000 fonctionnaires de police, gendarmes et agents de la DGSI. Ce sont 2 000 recrutements par an en moyenne, même si, avec les effets de lissage, il y en aura parfois 2 500, parfois 1 500, selon les années ; en tout cas, c’est de cet ordre-là, et c’est indispensable. Nous veillerons à ce que ces personnels soient équipés, car, si le nombre est important, la capacité à utiliser des moyens modernes est évidemment décisive.

Enfin, monsieur le sénateur, même s’il est peut-être optimiste de le dire ainsi, je crois qu’il ne faut pas laisser nos forces de l’ordre seules face à ces incivilités.

Il ne faut pas simplement leur dire qu’elles seront plus nombreuses, mieux équipées et mieux protégées par le droit. Il faut aussi, comme cela a été le cas à Rodez, et comme cela doit être le cas partout en France, que nos concitoyens protègent ceux qui nous protègent, dénoncent les incivilités, disent ouvertement aux fonctionnaires de police, aux gendarmes et aux sapeurs-pompiers, qui œuvrent pour notre sécurité et pour notre bien, qu’ils sont fiers d’eux, qu’ils sont derrière eux et que, d’une certaine façon, ils les protègent aussi.

Peut-être est-il optimiste de formuler cela ainsi, dans cette enceinte, au Sénat, mais je suis convaincu que c’est au moins aussi important que les deux éléments que j’ai mentionnés auparavant. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour la réplique.

M. Alain Marc. Monsieur le Premier ministre, dans les gendarmeries, dans les commissariats, dans les centres de secours, vous trouverez toujours les élus du Sénat auprès des forces de l’ordre, pour les appuyer et les encourager. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi

M. le président. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Christine Bonfanti-Dossat. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Monsieur le ministre, après la refonte ratée de la carte des zones défavorisées simples, après la baisse du budget de la politique agricole commune, après l’humiliation des retraites agricoles, après le rendez-vous manqué de la loi Agriculture et alimentation, vous semblez vouloir désespérer une fois de plus nos agriculteurs.

Vous souhaitez désormais supprimer le dispositif d’exonération des charges patronales pour l’emploi de travailleurs occasionnels agricoles. Si cette mesure était confirmée, elle causerait un préjudice considérable à la profession agricole.

Pour un employeur, la perte par contrat est de 189 euros chaque mois. Au niveau national, la suppression du dispositif TODE, c’est-à-dire Travailleurs Occasionnels Demandeurs d’Emploi, représente une hausse de charges comprise entre 144 millions et 178 millions d’euros, alors que le coût du travail saisonnier dans notre pays est déjà plus élevé de 27 % par rapport à l’Allemagne et de 20 % par rapport à l’Espagne.

Dans mon département du Lot-et-Garonne, cette suppression représente une perte de 4 millions d’euros et concerne 25 000 emplois. Il n’est pas le seul à être concerné : mon collègue François Bonhomme aurait également pu poser cette question pour le Tarn-et-Garonne.

Tous les secteurs agricoles employant des saisonniers, en particulier l’arboriculture, le maraîchage, l’horticulture et la viticulture, seront ainsi directement pénalisés.

Monsieur le ministre, allez-vous renoncer à la suppression de ce dispositif ou souhaitez-vous que nos agriculteurs soient obligés de « traverser la rue », pour trouver du travail ailleurs ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Madame Bonfanti-Dossat, vous étiez hier en commission des affaires sociales, ici, au Sénat, et, visiblement, vous n’avez pas bien écouté ce que vous ont dit Gérald Darmanin et Agnès Buzyn. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Ils vous ont indiqué très clairement que nous étions en train de travailler – ce matin encore, avait lieu une réunion à ce sujet à mon ministère –, pour faire en sorte de trouver des solutions pour les arboriculteurs, les pépiniéristes, les maraîchers, bref, pour les secteurs qui aujourd’hui emploient la main-d’œuvre de travailleurs occasionnels.

Je veux vous le dire, madame la sénatrice, l’objectif que nous portons aujourd’hui, c’est l’amélioration de la compétitivité de l’agriculture en France. Nous le faisons à partir de trois volets.

Tout d’abord, le volet de la loi Agriculture et alimentation, que vous avez refusé de discuter en nouvelle lecture. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Rémy Pointereau. C’est faux !

M. Stéphane Travert, ministre. Avec ce volet, nous travaillons, madame la sénatrice, sur le revenu des agriculteurs, pour faire en sorte que, demain, ceux-ci puissent investir et de nouveau innover, au service de la qualité alimentaire.

Ensuite, nous travaillons sur le volet de la fiscalité, avec des mesures comme la dotation pour aléa, la DPA, très attendue par le monde agricole, qui patiente depuis quinze ans. C’est ce gouvernement qui l’a fait ! Nous avons également pris des mesures liées à la viticulture, un secteur que vous connaissez bien, mesures elles aussi très attendues par le monde viticole.

Enfin, nous travaillons à la compétitivité des exploitations agricoles au travers du Grand plan d’investissement, sur lequel, vous le savez, 3,5 milliards d’euros seront consacrés à l’amont agricole, à la structuration des filières et à l’amélioration de la vie des agriculteurs. Par ailleurs, vous le savez, le CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, a été transformé en exonérations de charges. C’est aussi une mesure de compétitivité pour nos exploitations agricoles.

Vous le voyez, nous travaillons à un ensemble de solutions, qui vous seront présentées dans les prochains jours, et je ne doute pas un seul instant, parce que vous avez le souci de la compétitivité des arboriculteurs, des pépiniéristes, des maraîchers et des viticulteurs, que vous soutiendrez le dispositif que nous aurons le plaisir de vous présenter. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat, pour la réplique.

Mme Christine Bonfanti-Dossat. Tout d’abord, soyez rassuré, monsieur le ministre, j’ai bien écouté les propos de M. Darmanin hier. Ce que vous semblez oublier, c’est que les paysans savent compter ! Ils ont calculé que l’allégement des charges ne serait pas à la hauteur du dispositif supprimé.

Non seulement vous ne les écoutez pas et ne les entendez pas, mais vous amplifiez leur désespérance. (Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

plainte à l’onu sur les essais nucléaires en polynésie française

M. le président. La parole est à Mme Lana Tetuanui, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme Lana Tetuanui. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, j’interviens aujourd’hui au nom du président de la Polynésie française, Édouard Fritch, et des autorités polynésiennes, au moment où le parti indépendantiste, soutenu par l’église évangélique ma’ohi, vient de déposer plainte auprès de la Cour pénale internationale contre la France, pour crime contre l’humanité.

Le parti indépendantiste ne représente pas la Polynésie ! Il n’a obtenu que 20 % des voix aux dernières élections territoriales. Ces déclarations politiciennes, électoralistes, ne sauraient jeter le trouble dans nos actions en faveur des Polynésiens.

Cette plainte et certaines déclarations de ce parti ont pu susciter des réactions parfois virulentes dans l’opinion publique, notamment en France hexagonale. Malgré ces tensions, je tiens à vous assurer, monsieur le Premier ministre, de la pleine coopération des autorités polynésiennes. Avec notre président, Édouard Fritch, nous restons déterminés à travailler main dans la main avec le gouvernement central, comme nous l’avons toujours fait depuis notre accession aux responsabilités.

Cette bonne entente est essentielle à l’heure où nous travaillons sur des sujets aussi graves que l’indemnisation des victimes des essais nucléaires.

J’étais moi-même à l’ONU, voilà à peine deux jours, pour rappeler l’engagement de la France dans la mise en œuvre des moyens dédiés à la réparation des essais nucléaires en Polynésie française et de leurs conséquences. Avec la commission extra-parlementaire créée sur ce sujet par la loi EROM, la loi sur l’égalité réelle outre-mer, dont j’ai l’honneur d’assurer la présidence, nous venons justement de rentrer de mission en Polynésie, et notamment de l’atoll de Moruroa.

Nous sommes conscients de l’ampleur du travail qu’il reste à réaliser. J’ai dit, et je le répète aujourd’hui de la façon la plus claire qui soit, dans le cadre solennel du Parlement, à quel point la Polynésie française tenait à cette coopération.

Monsieur le Premier ministre, ma question est toute simple : pouvez-vous me confirmer l’attachement et le soutien de la France à notre action sur le sujet du nucléaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Catherine Conconne proteste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer. (Protestations sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Madame la sénatrice, tout d’abord, je vous adresse un grand merci pour les propos que vous avez tenus, avec le président Édouard Fritch, devant le comité spécial de la décolonisation des Nations unies.

Ensuite, vous le savez, la situation de la Polynésie ne justifie pas qu’elle figure sur cette liste des territoires non autonomes. C’est pour raison que les représentants de la France ne participent pas à ces réunions. Nous voulons redire, au président Fritch et à vous-même, que le degré d’autonomie dont vous disposez, et dont vous avez rappelé l’importance, est bien sûr totalement respecté par la France. Nous respectons de la même manière les Polynésiens qui votent à chaque élection territoriale.

M. Temaru a annoncé qu’il portait plainte contre la France. Eh bien, nous allons nous défendre et rappeler les faits ! Nous allons pouvoir dire également que le détournement à des fins politiques locales des juridictions internationales doit être dénoncé.

La France aborde ce passé de manière responsable. Le fait nucléaire, nous en assumons avec sérénité l’héritage.

C’est le cas lorsque la ministre des armées investit massivement dans la dépollution et le suivi des atolls concernés.

C’est le cas lorsque nous relançons, sous votre impulsion, madame la sénatrice, l’indemnisation des victimes des essais nucléaires. D’ailleurs, le CIVEN, le comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, travaille très bien depuis un certain nombre de mois, et nous nous en félicitons tous.

C’est le cas lorsque nous travaillons ensemble pour que vous puissiez formuler un certain nombre de recommandations, afin que nous soyons certains que ce sont bien les victimes des essais nucléaires qui seront indemnisées. Nous attendons vos propositions et nous les étudierons.

C’est le cas, enfin, lorsque nous nous engageons, avec le pays et les associations, pour créer un lieu de mémoire de cette page de l’histoire, qui est extrêmement importante pour la Polynésie et pour la France tout entière. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

accueil des migrants en loire-atlantique

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Ronan Dantec. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.

Monsieur le secrétaire d’État, pendant tout l’été 2018, la ville de Nantes s’est retrouvée confrontée à l’existence d’un camp de migrants en plein centre-ville. Les conditions indignes dans lesquelles ont vécu ces centaines de personnes dans un lieu insalubre auront de nouveau montré notre incapacité à gérer collectivement les situations migratoires, sources de tous les fantasmes et des récupérations politiques les plus infâmes.

Nous ne sommes pourtant en rien, c’est l’occasion de le dire, en face d’une invasion, puisque les entrées illégales dans toute l’Europe seront cette année, d’après les estimations que vient de publier FRONTEX, de moins de 130 000 personnes, ce qui représente 0,025 de la population européenne, de 511 millions d’habitants. À ce rythme, l’invasion mettra au moins 4 000 ans à se préciser !

Ces situations indignes en plein cœur de nos villes fragilisent pourtant nos valeurs humanistes, nous habituant peu à peu insidieusement à tolérer l’intolérable.

C’est pourquoi de nombreux élus de Loire-Atlantique ont décidé de relever le défi et de ne pas s’en accommoder plus longtemps. Ainsi, la ville de Nantes, vous le savez, a mobilisé des moyens considérables, à savoir cinq gymnases, pour loger plus correctement ces personnes et ses services pour les accompagnements administratifs.

Ensuite, et c’est particulièrement à souligner, des élus de toute la Loire-Atlantique se sont déclarés prêts à accueillir des réfugiés ayant obtenu le statut, ce qui soulagerait des CADA, des centres d’accueil des demandeurs d’asile, engorgés – « embolisés », dirait M. le Premier ministre (Sourires.) –, dans lesquels auraient dû justement être accueillis les demandeurs d’asile. C’est une vraie solution de long terme qui est proposée par ces élus de toutes sensibilités, notamment de droite.

Aujourd’hui, c’est la ville de Nantes seule qui assume le coût financier de cet accueil ; l’État, qui ne finance rien, ne respecte pas la directive européenne de 2013 sur les conditions d’accueil, pourtant transposée en droit français.

Je vous poserai une question simple, monsieur le secrétaire d’État : pourquoi l’État refuse-t-il d’intervenir financièrement en soutien aux communes d’accueil ? Cette position peut-elle évoluer ? (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.

M. Benjamin Griveaux, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Dantec, vous m’interrogez sur la situation migratoire à Nantes. On constate dans cette ville, depuis le début de l’année, une augmentation importante – elle a été près de 23 % – des flux migratoires et du nombre de demandeurs d’asile.

Monsieur le sénateur, vous avez évoqué dans votre question la situation du campement qui s’était installé sur l’espace public, dans le square Daviais, à Nantes. Après de nombreux échanges avec la maire de Nantes, Mme Johanna Rolland, des procédures juridictionnelles ont été engagées. Elles ont permis l’évacuation de ces 698 personnes, comme vous l’avez rappelé, dans cinq gymnases différents.

Je vous confirme que le Gouvernement souhaite traiter ce type de situation dans le cadre d’une politique d’asile et d’immigration qui soit équilibrée.

Nous consacrons des moyens importants à l’accueil. Je le rappelle, dans le projet de loi de finances voté l’an dernier – vous aurez l’occasion de débattre de nouveau de ce sujet dans les semaines à venir –, les crédits à l’intégration ont été augmentés de 26 %. De la même manière, différents éléments permettant une meilleure intégration des populations accueillies ont été prévus, par exemple le doublement du nombre d’heures de cours de français. Nous avons aussi décidé de créer 7 500 nouvelles places d’hébergement pour les demandeurs d’asile d’ici à 2019.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux dire aussi, puisque c’est la ligne qui est la nôtre sur cette politique migratoire depuis le premier jour, que nous avons décidé d’allier l’humanité, avec les éléments dont je viens de vous faire part, à la fermeté.

En effet, à notre sens, c’est bien dans cet équilibre entre humanité et fermeté que nous arriverons à convaincre et à combattre les caricatures, les mauvais procès, les angoisses et le caractère anxiogène que certains instrumentalisent dans le débat politique, à l’endroit de personnes dont on sait qu’elles fuient, bien souvent la mort, bien souvent les persécutions, et qui ne voient sur le territoire et sur le continent européen rien d’autre qu’un espace de liberté.

Je le sais, monsieur le sénateur, nous avons cela en partage. Vous l’avez dit, cette préoccupation va au-delà des sensibilités politiques. Nous y avons consacré des moyens dans la loi de finances votée l’an dernier et nous confirmerons cette tendance dans le projet de loi de finances pour 2019. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

rapport du giec (II)