Mme la présidente. L’amendement n° 295 rectifié bis, présenté par MM. Karam, Théophile et Patient, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 36

Remplacer les mots :

entre La Réunion et Mayotte

par les mots :

avec les pays de leurs environnements régionaux respectifs

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Antoine Karam.

M. Antoine Karam. Le secteur du transport aérien est actuellement éligible aux exonérations spécifiques aux départements d’outre-mer prévues à l’article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale, dites « exonérations LODEOM ».

Le régime de droit commun se traduirait par un renchérissement du coût du travail pour ces employeurs, malgré le renforcement des allégements généraux. C’est pourquoi l’Assemblée nationale a adopté un amendement visant à leur appliquer le barème spécifique aux entreprises de moins de onze salariés et du secteur du bâtiment et des travaux publics : maintien d’une exonération de cotisations totale jusqu’à 1,3 SMIC, puis dégressivité jusqu’à 2 SMIC.

Cependant, la rédaction actuelle ne prend pas suffisamment en compte le transport régional, plus particulièrement les liaisons entre les territoires ultramarins et leur environnement régional direct.

Aussi le présent amendement vise-t-il à intégrer cette dimension, afin de mieux considérer la réalité de ces entreprises, mais également d’encourager l’ouverture de nouvelles dessertes entre les outre-mer et leurs voisins régionaux.

Pour rappel, l’article 1er de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 a consacré la stratégie de la Nation en faveur de l’égalité réelle outre-mer, avec le déploiement de politiques de convergence favorisant « l’inclusion des territoires dans leur environnement régional ». À cet égard, l’intégration régionale des outre-mer constitue une priorité à laquelle les entreprises du transport aérien participent activement.

Mme la présidente. L’amendement n° 296 rectifié bis, présenté par MM. Karam, Théophile et Patient, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 38

Remplacer les mots :

des employeurs concourant exclusivement aux dessertes mentionnées au c du présent 3°

par les mots :

de ces entreprises concourant à ces dessertes

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant de la création d’une exonération spécifique de cotisations est compensée à due concurrence par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Antoine Karam.

M. Antoine Karam. En pratique, il apparaît très difficile pour les entreprises de différencier leurs effectifs en fonction des destinations, les personnels n’opérant jamais de manière exclusive sur les liaisons visées.

Il convient, en outre, de soutenir davantage les entreprises régionales du secteur du transport aérien confrontées à une concurrence internationale extrêmement rude, les compagnies étrangères étant soumises à des règles moins contraignantes que la réglementation européenne, avec, de surcroît, des niveaux de rémunération nettement inférieurs.

Aussi, cet amendement tend, d’une part, à supprimer le terme « exclusivement », qui méconnaît la réalité des entreprises du transport aérien, et, d’autre part, à étendre le dispositif aux personnels des employeurs concourant aux deux autres dessertes visées par le présent 3°, c’est-à-dire à la liaison entre la métropole et la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Saint-Barthélemy et Saint-Martin, ainsi qu’à la liaison entre les territoires ultramarins eux-mêmes.

Mme la présidente. L’amendement n° 612, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. Après l’alinéa 39

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« 5° En Guyane, aux employeurs ayant une activité principale relevant de l’un des secteurs d’activité éligibles à la réduction d’impôt prévue à l’article 199 undecies B du code général des impôts, ou correspondant à l’une des activités suivantes : comptabilité, conseil aux entreprises, ingénierie ou études techniques. »

II. Alinéa 41, première phrase

Après le mot :

audiovisuelle,

insérer les mots :

pour les employeurs mentionnés au 5° du II,

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annick Girardin, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis un peu surprise de la manière dont s’organise la discussion, dans la mesure où je m’apprête à défendre un amendement sans que nous ayons débattu des différents sujets évoqués. Je vais toutefois me plier à cet exercice.

Vous en avez parlé, monsieur Patient, la Guyane a besoin d’un dispositif particulier prenant en compte ses spécificités. Nous rencontrons les acteurs du monde économique depuis un an et demi et nous en débattons. Nous avons comparé nos chiffres au niveau macroéconomique en juin dernier, avant d’entrer dans le détail secteur par secteur et entreprise par entreprise en septembre. Vous le savez, nous n’avons pas encore achevé notre réflexion.

Le Gouvernement est à l’écoute. Nous avons déjà répondu, à l’Assemblée nationale, à une partie des demandes et, aujourd’hui, nous allons satisfaire la volonté de la Guyane de se voir traiter de manière particulière.

Cet amendement vise donc à rétablir en Guyane l’éligibilité au régime de compétitivité renforcé des secteurs également éligibles à la défiscalisation des investissements productifs, ainsi que les activités de comptabilité – certains d’entre vous l’ont demandé à l’instant –, de conseil aux entreprises et d’ingénierie d’études techniques.

En clair, en Guyane, toutes les entreprises qui bénéficiaient précédemment de la LODEOM renforcée seront placées en compétitivité renforcée. Vous comprendrez tous ce choix, compte tenu de la situation particulière que connaît ce territoire, dont le produit intérieur brut est inférieur de plus de dix points à celui des autres départements ou territoires d’outre-mer et ne représente que 49 % de la moyenne nationale.

Il était donc nécessaire de mettre en place un dispositif particulier afin de rattraper ce retard. Nous avons entendu les entreprises guyanaises. Nous avons discuté avec l’ensemble des élus. Et je vous avais déjà indiqué, monsieur Patient, que le Gouvernement allait répondre à vos sollicitations en déposant cet amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 209 rectifié, présenté par MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Guillotin, Jouve et Laborde et MM. Menonville, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 40

Après la référence :

A. –

insérer les mots :

En Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et à Saint-Barthélemy,

II. – Alinéa 41

Après la référence :

B. –

insérer les mots :

En Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et à Saint-Barthélemy,

III. – Après l’alinéa 41

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

… – À Saint-Martin, les seuils mentionnés aux A et B du présent III sont respectivement portés à 70 % et 150 % et à 90 % et 220 %.

IV. – Pour compenser la perte de recettes résultant des I à III, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Guillaume Arnell.

M. Guillaume Arnell. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, l’article 8 du PLFSS pour 2019 prévoit de recentrer et de simplifier le dispositif actuel d’exonérations de cotisations figurant à l’article 753-2-1 du code de la sécurité sociale.

Sans revenir sur les chiffres qui ont motivé la fusion des barèmes des exonérations LODEOM, il me semble important d’attirer votre attention, madame, monsieur les ministres, sur le fait qu’une application directe de cet article 8 ne prendrait pas en considération le contexte économique spécifique dans lequel évoluent les entreprises de Saint-Martin depuis le passage du cyclone majeur Irma au début du mois de septembre 2017.

Pour être tout à fait honnêtes, nous mesurons pleinement le soutien apporté par le Gouvernement dans le cadre de la reconstruction de Saint-Martin, ainsi que de son accompagnement constant depuis le passage des catastrophes naturelles précédemment évoquées.

Toutefois, le Gouvernement ne peut disconvenir que la première année qui a suivi ces événements a été consacrée, dans le territoire de Saint-Martin, à la stabilisation d’une économie qui a été touchée à plus de 80 %, et que la deuxième année, celle de la réactivation, commence tout juste.

Le Gouvernement ne saurait non plus nier que nous subissons une réelle crise du logement, à la suite, notamment, de ces cyclones majeurs, qui a affecté les rémunérations consenties aux salariés, ainsi qu’une augmentation des rémunérations destinée à attirer des compétences d’excellence sur le territoire. Dans le passé, la moyenne de salaires de Saint-Martin était plutôt plus élevée que le SMIC, et les circonstances actuelles vont encore l’accroître.

En outre, la nouvelle définition de la rémunération déterminant le franchissement des seuils, donc l’impact des exonérations de charges qui seront consenties, notamment à Saint-Martin, tient compte d’une base de rémunération annuelle globale brute intégrant primes et avantages en nature, et non plus d’un salaire pondéré, calculé au taux horaire brut mensuel. Ce changement aura pour conséquence d’imposer un différentiel de 30 % en sus.

Cette nouvelle définition, ajoutée aussi aux circonstances que je viens de rappeler, va entraîner la dégressivité accélérée des exonérations, voire leur suppression dans certains cas, rendant ce dispositif moins favorable que le droit existant.

Dans ces conditions, et sans remettre en cause l’essence même de cet article 8, nous ne voyons d’autre issue que de solliciter a minima un relèvement de 30 % des seuils qui y sont inscrits. Cela permettrait de consentir à Saint-Martin un régime équitable d’exonérations de charges et donnerait à ce territoire le temps d’envisager une véritable reprise de son secteur économique, indispensable à sa réactivation.

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 208 est présenté par Mmes Malet et Dindar.

L’amendement n° 438 rectifié bis est présenté par Mme Conconne, MM. Antiste et Lurel, Mme Jasmin, MM. J. Bigot, Daudigny et Kanner, Mmes Féret et Grelet-Certenais, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Blondin, MM. Fichet et Cabanel, Mme Guillemot, MM. Kerrouche et Magner, Mme Monier, M. Montaugé, Mme S. Robert, M. Tissot, Mme M. Filleul, MM. P. Joly, Mazuir et Jacquin, Mme Bonnefoy, M. Duran et les membres du groupe socialiste et républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. - Alinéa 40

1° Première phrase

Remplacer le taux :

30 %

par le taux :

60 %

2° Seconde phrase

Remplacer le taux :

100 %

par le taux :

150 %

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Viviane Malet, pour présenter l’amendement n° 208.

Mme Viviane Malet. Avec l’article 8 et dans le cadre de la suppression du CICE, le Gouvernement revoit les aides économiques à la compétitivité des entreprises ultramarines et propose un nouveau régime d’exonérations de charges sociales patronales applicable outre-mer.

Le Gouvernement opère ainsi un recentrage général sur les bas salaires, ce qui provoquera une augmentation importante des coûts salariaux. Or ce sont les entreprises de moins de onze salariés et celles du BTP, qui concentrent le gros de la masse salariale entre 1,4 SMIC et 2 SMIC, qui seront les plus affectées.

Par ailleurs, le resserrement des seuils proposé renforcera considérablement l’effet de trappe à bas salaires, constituant un frein au développement des entreprises les plus exposées à la concurrence régionale et internationale.

C’est pourquoi le présent amendement vise à relever le seuil applicable aux entreprises du nouveau dispositif dit « de compétitivité renforcée ». Ainsi, le seuil de début de dégressivité linéaire serait porté de 1,3 à 1,6 SMIC, tandis que le point de sortie passerait de 2 à 2,5 SMIC.

En adoptant cet amendement, nous redonnerions de l’oxygène à nos entreprises, de l’espoir à nos jeunes diplômés et un avenir aux salariés.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour présenter l’amendement n° 438 rectifié bis.

Mme Catherine Conconne. Cet amendement va dans le même sens que celui de ma collègue Viviane Malet, qui vit dans un département d’outre-mer et dont les préoccupations sont proches des miennes. Plutôt que d’en relire l’objet, je vais travailler mon argumentaire pour tenter de convaincre, une fois de plus.

Je m’adresse, cette fois, au ministre des comptes publics, qui disait précédemment que les cadres ne manquaient pas, que l’on ne peinait pas à en recruter et que, à la limite, en France hexagonale, on pourrait se passer d’exonération sur certains niveaux de salaire. En Martinique, en Guadeloupe, en outre-mer, c’est exactement le contraire, monsieur le ministre.

Nous avons besoin de cadres ! Quelque 51 % des personnes inscrites à Pôle emploi sont sans qualification ou très peu qualifiées et ne répondent pas aux besoins de main-d’œuvre de nos territoires. Aujourd’hui, nous avons besoin d’ingénieurs, de comptables, de gestionnaires financiers, de professionnels qu’il faut rémunérer à la juste valeur de leurs diplômes et de leurs qualifications. Comment devons-nous faire ?

Quand des jeunes reviennent passer des entretiens de recrutement, ils repartent à toute vitesse, parce que nos entreprises, qui prennent à peine leur envol, ne peuvent pas supporter de tels niveaux de charges sociales. Résultat : nos pays se dépeuplent. Ainsi, le mien perd 3 500 à 5 000 personnes par an, essentiellement des jeunes en âge de procréer, en sorte que la fertilité dans le pays décroît à une vitesse incroyable.

Madame la ministre, donnez-nous les moyens de structurer l’encadrement de nos entreprises, d’afficher les indicateurs d’un pays en développement et, de grâce, cessez de croire qu’il suffirait d’instaurer des exonérations plus fortes pour que le chômage baisse, car c’est exactement le contraire qui se passe. Je vous demande de regarder non pas la partie pleine du verre, mais celle qui reste vide, à savoir les besoins en main-d’œuvre non satisfaits pour des salaires auxquels correspondent des niveaux de charges que nos entreprises ne peuvent pas supporter.

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont également identiques.

L’amendement n° 213 est présenté par Mmes Dindar et Malet.

L’amendement n° 436 rectifié bis est présenté par M. Lurel, Mme Conconne, M. Antiste, Mme Jasmin, MM. J. Bigot, Daudigny et Kanner, Mmes Féret et Grelet-Certenais, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Blondin, MM. Fichet et Cabanel, Mme Guillemot, MM. Kerrouche et Magner, Mme Monier, M. Montaugé, Mme S. Robert, M. Tissot, Mme M. Filleul, MM. P. Joly, Mazuir et Jacquin, Mme Bonnefoy, M. Duran et les membres du groupe socialiste et républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 41

1° Première phrase

Remplacer le taux :

40 %

par le taux :

80 %

2° Seconde phrase

Remplacer le taux :

140 %

par le taux :

200 %

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Nassimah Dindar, pour présenter l’amendement n° 213.

Mme Nassimah Dindar. Madame, monsieur les ministres, vous constatez que l’ensemble des sénateurs ultramarins défend des amendements visant la réforme des aides économiques voulue par le Gouvernement et inscrite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Madame la ministre, je vous ai bien écoutée : vous expliquez que cette réforme a pour vocation majeure de protéger les secteurs d’activité générateurs d’emplois dans les DOM – ils ne sont pas les mêmes dans les différents départements que nous représentons – et le plus grand nombre d’entreprises, en l’occurrence celles de moins de onze salariés.

Or nous pensons que les seuils retenus pour le calcul des exonérations qui seront appliquées en 2019, avec le recentrage sur les bas salaires dont ma collègue Conconne vient de parler, entraînent une baisse substantielle du coût de travail mettant en péril bon nombre d’entreprises dans nos territoires, qu’elles relèvent du régime de compétitivité ou du régime de compétitivité renforcée.

Viviane Malet et moi-même proposons, dans la continuité des suggestions émises par nos collègues Patient et Karam, de relever les seuils à des niveaux de salaire plus élevés. Cette mesure serait financée par les 200 millions d’euros que nous ne retrouvons pas dans l’enveloppe de 1,7 milliard d’euros annoncée. Je ne reviens pas sur les simulations faites par la FEDOM, la Fédération des entreprises des outre-mer, sur la base de l’étude Mazars ; Georges Patient en a déjà parlé.

La proposition du Gouvernement cassera, nous en sommes sûrs, la dynamique actuelle de montée en gamme de nos activités, dont nous savons la nécessité pour mieux affronter la concurrence. En effet, tous nos territoires sont voisins de pays où le niveau de vie est moins élevé et les salaires bien plus bas, ce qui entraîne une forte concurrence pour nos entreprises.

La solution que nous préconisons a pour mérite de faire progresser ensemble les secteurs d’activité des DOM qui nécessitent des efforts spécifiques, dans leur diversité et leur pluralité : notre collègue Magras a parlé du nautique, l’expertise comptable a été évoquée par notre collègue Patient, et je pense aussi au transport régional inter-DOM. Nous estimons que la création d’un étage supplémentaire pour distinguer quelques secteurs nuirait à la simplicité, à la lisibilité et à l’efficacité voulues par le Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter l’amendement n° 436 rectifié bis.

M. Victorin Lurel. J’aurais pu me contenter de dire que cet amendement était défendu, car, on le voit, de toutes les travées de cet hémicycle s’élève une contestation, ferme quoique courtoise : nous disons au Gouvernement que sa mesure est précipitée.

Même sa propre majorité reconnaît que le Gouvernement n’a pas fourni d’éléments suffisants : je n’ai pas le talent de Georges Patient pour dire, moi qui suis dans l’opposition, la même chose que lui… De fait, les propositions qui nous sont faites ne sont ni documentées ni étayées.

Je sais que Bercy rêve depuis longtemps de cette réforme, si l’on peut parler de réforme. Et voilà que, aujourd’hui, notre ministre des outre-mer la fait. Madame la ministre, vous allez créer un choc budgétaire, fiscal et social considérable. Alors que la croissance est tirée par la consommation, vous allez la réduire considérablement. Alors que certaines productions sont exportées, l’écart de compétitivité ne sera plus préservé.

Quand on fait le calcul, avec les documents fournis, de la transformation du CICE en allégements de charges, qu’il s’agisse du secteur général ou du secteur renforcé, le compte n’y est pas ! Quand on vous le fait remarquer, madame la ministre, vous le vivez très mal, mais vous n’avez pas fourni les documents attendus.

Depuis toujours, les sénateurs de toutes sensibilités demandent une mise à plat des dispositifs fiscaux dans les outre-mer : ce travail devrait être fait avant toute réforme unilatérale et brutale, comme celle qui est aujourd’hui imposée.

C’est la raison pour laquelle les auteurs de cet amendement proposent de revoir la dégressivité et de porter le seuil de 2,3 à 3 SMIC.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, j’ai écouté patiemment, comme vous, la présentation de ces amendements, qui émanent, comme il a été souligné, de toutes les travées.

Par son amendement n° 561, M. Patient propose de supprimer la réforme des régimes spécifiques d’exonération issus de la LODEOM. Après un long débat, la commission a considéré que cette réforme n’avait pas, à ce stade, fait l’objet d’une concertation suffisante. Je crois d’ailleurs avoir entendu Mme la ministre, il y a quelques instants, confirmer en quelque sorte ce constat, ou en tout cas ne pas l’infirmer.

La concertation n’a pas été suffisante, il me semble, avec les acteurs locaux.

M. Victorin Lurel. Dites plutôt qu’elle n’a pas eu lieu !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Manifestement, il y a des exceptions territoriales qu’il faut envisager. Vous-même, madame la ministre, proposez une exception pour la Guyane. D’autres amendements visent Saint-Martin ou Saint-Barthélemy.

On propose d’intégrer d’autres catégories professionnelles, comme les particuliers employeurs et les conseils en entreprise, et d’autres secteurs, en particulier l’hébergement des personnes âgées, les aéroports, le transport aérien et le nautisme. Excusez cet inventaire à la Prévert, mais c’est ce que j’ai entendu. On a parlé aussi d’élargir la fourchette des exonérations jusqu’à quatre fois le SMIC pour intégrer les cadres et les cadres supérieurs.

À l’évidence, les inquiétudes des entreprises ultramarines concernées ne sont pas levées. C’est pourquoi il nous a semblé plus sage de revenir sur ce sujet l’année prochaine, avec un texte mieux compris. Tel est l’objet de l’amendement n° 561. Notre objectif, qui est aussi celui du Gouvernement, est de simplifier, mais, à mon sens, la réforme proposée ne simplifie pas. Essayons donc de revoir cette copie.

M. Victorin Lurel. C’est cela : prenons le temps de la réflexion.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Aussi, la commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 561, qui vise à la suppression de cette réforme. Par cohérence, elle est défavorable à tous les autres amendements, qui, de toute manière, deviendront sans objet si l’amendement n° 561 est adopté.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Annick Girardin, ministre. L’amendement n° 561 vise à reporter d’une année la réforme défendue par le Gouvernement. Permettez-moi de rappeler le sens de cette réforme.

Il s’agit d’opérer, en outre-mer comme dans le reste du pays, le basculement du CICE vers des exonérations de charges sociales. Des spécificités des territoires d’outre-mer ont d’ailleurs déjà été prises en compte dans la LODEOM. Nous partons de beaucoup moins loin que dans le reste du pays.

Dès lors que le premier étage de la fusée de la réforme nationale s’impose aussi aux territoires d’outre-mer, nous avons essayé de travailler sur la manière de prendre en considération les spécificités de ceux-ci, de répondre à leurs besoins dans le cadre d’une enveloppe constante, puisque tel était l’exercice auquel nous devions nous livrer : faire des propositions de réforme à enveloppe constante.

L’enveloppe est bien constante. Nous n’avons pas aujourd’hui les mêmes chiffres que ceux qui sont fournis par un certain nombre d’études, mais nous travaillons depuis plusieurs mois pour rapprocher les chiffres et faire des exercices pratiques, entreprise par entreprise, secteur par secteur.

Voilà de nombreuses semaines que nous rencontrons le milieu économique, et je crois honnêtement que nous allons arriver à une issue la plus juste possible. Il serait dommage de ne pas pouvoir y parvenir.

On a parlé de secteurs importants, comme le BTP. Oui, le BTP est dans cette réforme, il en est même l’un des gagnants : pas sur la totalité des salaires, puisque des seuils sont prévus, mais il en sera tout de même un grand gagnant. De même, le tourisme, dont vous avez tous parlé, sera un grand gagnant de cette réforme, y compris la plaisance. Posons-nous donc les vraies questions !

J’entends bien que l’on nous demande de prendre plus de temps, mais je crois honnêtement que, en quinze jours, soit d’ici à la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, nous sommes en mesure, avec l’ensemble des entreprises, d’arriver à une proposition satisfaisante.

En première lecture à l’Assemblée nationale, nous avons apporté une première réponse à des secteurs qui n’avaient pas été, ou pas suffisamment, pris en compte, comme la presse, les transports maritimes, les transports aériens et la communication. Nous avançons aujourd’hui une proposition forte pour la Guyane, qui répond à une demande spécifique de ce territoire.

Nous savons que les cas de Saint-Martin et Saint-Barthélemy sont un peu différents, puisqu’il n’y a pas de CICE dans ces territoires. Nous avons donc une réponse différente à apporter, et j’entends bien la proposition formulée par le sénateur Magras pour Saint-Barthélemy. Il est vrai qu’elle répond à une réalité de ce territoire, mais tous les territoires ont leurs réalités, et des secteurs qui méritent que nous échangions ensemble davantage encore. Nous allons le faire dans les quinze prochains jours.

Il faut se dire les choses clairement : si nous supprimons cette réforme pour l’année prochaine, ceux qui aujourd’hui ne parlent pas beaucoup, parce qu’ils en sont les gagnants – vous savez très bien que les gagnants s’expriment peu, mais que les quelques perdants s’expriment avec force, moyennant quoi il faut les écouter, ce que je fais en les voyant régulièrement –, il faudra leur expliquer que, de gagnants, ils deviendront perdants !

L’année prochaine, ils auront la possibilité de cumuler la réforme des exonérations et les 500 millions d’euros de CICE. Prenons bien en compte ces 500 millions d’euros de CICE pour les territoires d’outre-mer : cela n’est pas banal et n’arrivera pas deux fois.

Prenons en compte également le fait que, dans les territoires d’outre-mer, la vraie difficulté est le taux de chômage des jeunes ; à cet égard, madame Conconne, je ne suis pas d’accord avec vous. Dans certains territoires ultramarins, ce taux dépasse les 40 %, avec des jeunes très peu formés ! Si l’on avait su répondre à ce problème par le passé, on n’aurait pas ces taux-là. C’est donc que les réformes mises en œuvre jusqu’ici n’étaient pas au bon niveau.

L’attractivité des territoires, ce n’est pas seulement les salaires : ce sont aussi les écoles, les routes, l’eau et l’assainissement. Le Gouvernement propose aussi d’agir dans ces domaines, en accompagnement de la réforme des exonérations. Permettez-moi de passer en revue rapidement les différentes propositions.

Pour la Guyane, vous l’avez entendu, la réponse est là. Je pense honnêtement que, avec le travail complémentaire qui va être accompli sur les seuils, la Guyane sortira de cette réforme, au total, dans une situation identique à celle qu’elle connaît actuellement grâce aux aides. C’est d’ailleurs normal, compte tenu des conditions de ce territoire.

S’agissant plus spécifiquement de l’accueil et de l’hébergement des personnes âgées, Madame Jasmin, votre amendement est satisfait, puisque les exonérations accordées à ce secteur vont passer de 46 à 65 millions d’euros par an.

Madame Conconne, monsieur Magras, vous avez soulevé la question de l’économie bleue. La France possède le deuxième domaine maritime au monde et le premier en Europe. Vous savez que mon combat est celui-là depuis les années 2000. Ce secteur sera largement pris en compte à l’issue des négociations en cours. Nous y travaillons aussi en matière de défiscalisation ; vous le savez, des réponses seront apportées sous peu.

En ce qui concerne les services aéroportuaires, il s’agit en effet d’une activité peu délocalisable. On voit bien que l’on a fait des choix de secteurs, qui tiennent compte de la compétitivité, bien sûr, mais aussi du bassin dans lequel chaque territoire peut se développer avec ses entreprises. En l’occurrence, il n’y a pas de délocalisation possible.

Pour ce qui est des billets d’avion, une question à laquelle je vous sais sensibles, mesdames, messieurs les sénateurs, nous menons une action résolue contre la vie chère. Comme ministre, M. Lurel avait d’ailleurs fait adopter une loi sur la régulation économique. Nous avons besoin aujourd’hui de l’évaluer, pour voir quelles en ont été les conséquences et comment l’on peut aller plus loin.

À propos des structures et des besoins en Guyane, monsieur Patient, plus particulièrement dans certains secteurs, je vous ai précédemment répondu sur le transport aérien. N’oublions pas que, dans ce secteur, une réglementation internationale et européenne s’applique, qui est indispensable et que nous devons surveiller de près. D’où la difficulté pour le Gouvernement d’émettre un avis favorable sur votre amendement.

J’ai déjà parlé du BTP et du tourisme ; je n’y reviens pas.

S’agissant des différents scénarii qui vous seront présentés d’ici à la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, ceux-ci devraient répondre à la préoccupation exprimée sur les seuils. Il nous faut lutter contre le chômage de masse des jeunes non formés. Au-delà du plan formation, nous devons leur donner leur première chance. C’est pourquoi nous allons jusqu’au « zéro charge », un dispositif particulier à l’outre- mer que je soutiens largement. Nous prendrons en compte certaines spécificités, à travers des changements dans les seuils.

On a affirmé qu’il n’y avait pas eu une concertation suffisante, ni suffisamment de chiffres fournis. Je ne suis pas d’accord. Les chiffres macroéconomiques ont été donnés en juin dernier, les chiffres microéconomiques en septembre dernier : c’est tard, mais ils ont été donnés. D’autres chiffres devaient être fournis, mais je fais face au secret statistique, qui m’empêche de fournir un certain nombre de données généralisées ou par secteur. En revanche, je puis répondre à des cas particuliers venant des différents territoires d’outre-mer et des différents secteurs ; c’est ce que nous faisons depuis quelques mois déjà et que nous allons continuer à faire dans les quinze jours qui viennent.

Je ne m’énerve pas plus que cela quand on me fait des remarques, monsieur Lurel ! Ainsi, l’outre-mer a vécu en 2013 un coup de rabot sur les exonérations de 90 millions d’euros ; j’étais parlementaire à l’époque et je me souviens qu’il n’y a pas eu plus d’échanges que cela. En 2015, quand l’outre-mer a subi un nouveau rabot sur les exonérations, de 80 millions d’euros, il n’y a pas eu de concertation non plus.

Les mauvais exemples ne sont pas obligatoirement à reprendre, mais je crois honnêtement que, dans les quinze jours qui sont devant nous, nous pouvons travailler tous ensemble pour aboutir à une réforme à la hauteur de ce que les territoires d’outre-mer attendent et, surtout, qui réponde aux objectifs du Gouvernement et assure la cohérence entre le cadre national et la prise en compte de la différenciation voulue par le Président de la République dans les territoires d’outre-mer.