M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc Laménie, rapporteur spécial. Ces amendements identiques portent sur un sujet qui a été abordé lors de l’examen des précédents projets de loi de finances, notamment l’an dernier.

À la suite de difficultés juridiques, certains anciens supplétifs de statut civil de droit commun se sont trouvés exclus du bénéfice de l’allocation de reconnaissance versée aux anciens supplétifs de statut civil de droit local. Le ministère des armées indique examiner au cas par cas les demandes en instance. Cependant, la budgétisation des allocations de reconnaissance qui seront éventuellement attribuées au terme de cet examen ne semble pas totalement assurée.

Toutefois, dans un esprit de respect et de reconnaissance, la commission des finances émet un avis favorable sur ces amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire dÉtat. L’exposé des motifs de ces amendements identiques comporte une petite erreur : je me suis engagée non pas à verser une allocation de reconnaissance à ces supplétifs, mais à examiner les dossiers. (M. Laurent Duplomb sesclaffe.)

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire dÉtat. C’est ce que nous avons fait. La liste des personnes concernées nous a été fournie par une association : elle comportait soixante-quatorze noms d’anciens supplétifs de droit commun, c’est-à-dire européens, qui auraient pu avoir droit à cette allocation de reconnaissance au titre d’une « fenêtre » judiciaire.

Cette liste a été examinée : il se trouve que vingt-trois personnes ne sont pas d’anciens supplétifs et que vingt-cinq autres sont introuvables dans nos fichiers, ce qui signifie qu’elles n’ont pas séjourné dans des harkas. Il reste vingt-six personnes qui ont travaillé dans des harkas et se sont manifestées au titre de la fenêtre judiciaire que j’évoquais.

Après examen, il s’avère que leurs demandes ont fait l’objet d’une décision implicite de rejet par l’administration et que cette décision n’a pas été contestée dans les délais requis devant un tribunal administratif. Par conséquent, leur situation est forclose – je l’ai appris il y a deux jours – et ces dossiers ne peuvent a priori donner lieu à indemnisation.

Il faut distinguer entre les harkis français ou européens et les harkis algériens de droit local. Les premiers ont en fait le même statut que les rapatriés – les pieds-noirs, comme on les appelle communément – et pouvaient prétendre aux indemnisations et réparations destinées à ceux-ci. Les seconds ont été accueillis en France dans les conditions que nous connaissons et, pour cette raison, le législateur a mis en œuvre au fil des années des allocations de reconnaissance spécifiques à leur intention. Il ne s’agit donc pas des mêmes publics ni des mêmes situations en termes de reconnaissance et de réparation.

La fenêtre judiciaire, qui ne concernait pas tout le monde, s’est refermée. Quoi qu’il en soit, mesdames, messieurs les sénateurs, je puis vous assurer que ces dossiers ont tous été examinés avec beaucoup d’impartialité et de bienveillance, dans le respect du droit : il n’était pas question pour nous d’essayer de léser quiconque.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.

M. Laurent Duplomb. Madame la secrétaire d’État, vous avez donné un avis défavorable à presque tous les amendements, au motif que les mesures proposées coûtaient trop cher ou ne constituaient pas la bonne solution.

Dans un souci de transparence, je ferai observer que, au palmarès de l’augmentation des rémunérations des cabinets ministériels, votre cabinet tient la première place ! (Protestations sur des travées du groupe Union Centriste.) Les rémunérations de vos collaborateurs sont ainsi passées de 271 204 euros en 2017 à 542 781 euros en 2018, soit un doublement. Je trouve cela un peu paradoxal !

M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.

M. Charles Revet. Je suis favorable à ces amendements. Je suis sans doute le dernier, dans cette assemblée, à avoir participé à la guerre d’Algérie et je me souviens du traitement inacceptable qui a été réservé aux harkis.

M. Charles Revet. Ceux qui sont restés en Algérie après avoir servi la France ont été maltraités, souvent même supprimés.

M. Charles Revet. Je considère par conséquent que la France a une dette de reconnaissance à leur égard et a trop tardé à prendre en compte leur situation.

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Comme l’a très bien dit Charles Revet, nous avons un devoir de reconnaissance envers les harkis. Cela fait des années que nous en parlons et que nous demandons que l’on avance sur ce sujet – j’ai moi-même eu l’occasion de défendre des amendements en ce sens au fil des années. Un geste est infiniment nécessaire.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire dÉtat. Monsieur le sénateur Revet, je vous comprends. Je sais combien vous êtes attaché à ce que l’on répare les préjudices subis et que l’on respecte toutes les mémoires de ce conflit difficile. Il n’en reste pas moins qu’il existe des situations diverses. De nombreux dispositifs différents ont été mis en œuvre à des époques différentes, avec des strates qui se juxtaposent. Pour le cas particulier de ces vingt-six personnes, je vous ai dit ce qu’il en était. Je vous propose d’en rester là, même si je comprendrais que vous votiez ces amendements, ne fût-ce qu’à titre symbolique. Je respecte votre position.

J’en viens à l’attaque en règle dont j’ai été l’objet à l’instant.

Si l’on prétend donner des leçons, monsieur le sénateur Duplomb, il faut soi-même être irréprochable. Publier des articles sur l’évolution des rémunérations des cabinets ministériels entre août 2017 et août 2018 sans chercher à approfondir ni même à contacter les ministères pour avoir une explication me paraît déjà très discutable de la part de la presse. Que vous les relayiez de cette façon est totalement indigne.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire dÉtat. J’ai été nommée le 21 juin 2017. N’étant pas une fille de Paris, je ne connaissais pas grand monde et j’ai donc mis du temps à constituer mon cabinet. Au 1er août 2017, je n’avais encore recruté que deux collaborateurs : mon directeur de cabinet et un conseiller social, tous deux contrôleurs généraux des armées. Durant les mois de septembre et d’octobre suivants, j’en ai recruté trois autres. Ce décalage dans les recrutements explique que les rémunérations des membres de mon cabinet aient doublé entre août 2017 et août 2018 : entre ces deux dates, le nombre de mes collaborateurs avait, lui, plus que doublé, passant de deux à cinq.

Avant de lancer de telles attaques en séance publique, monsieur le sénateur, vous auriez pu m’interroger sur les raisons de cette augmentation des rémunérations. Du reste, d’autres journaux ont entièrement démenti les chiffres que vous avez relayés. Tout cela n’a pas de sens ! J’ai composé mon cabinet comme on me l’a demandé. J’ajoute que les deux premières personnes que j’ai recrutées travaillaient déjà pour le ministère des armées et que leur rémunération ne représente donc pas un coût supplémentaire pour la Nation.

Vous avez tenu des propos indignes, monsieur le sénateur. Je connais et respecte de nombreux membres de votre groupe politique, mais votre discours témoigne d’un total manque de respect envers mes collaborateurs et moi-même, et au-delà envers la politique. C’est à cause de la démagogie, du populisme de personnes comme vous que l’on en arrive à la situation que nous connaissons actuellement dans nos rues et que les élus perdent tout crédit ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste.)

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-3, II-106 rectifié et II-132.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Les crédits sont adoptés.)

M. le président. J’appelle en discussion l’article 73, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

État B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Justice

Article 73

I. – L’article 6 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés est ainsi modifié :

1° Les quatre premiers alinéas du I sont remplacés par huit alinéas ainsi rédigés :

« I. – Une allocation de reconnaissance, sous condition d’âge, est versée en faveur :

« 1° Des anciens harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives de statut civil de droit local ayant servi en Algérie, qui ont fixé leur domicile en France ;

« 2° Aux conjoints ou ex-conjoints survivants, non remariés ou n’ayant pas conclu de pacte civil de solidarité, des personnes mentionnées au 1°.

« II. – La perception de l’allocation de reconnaissance peut prendre la forme, au choix du bénéficiaire :

« 1° D’une rente viagère dont le montant annuel ne peut être inférieur à 4 109 € à compter du 1er janvier 2019 ;

« 2° D’un capital de 20 000 € et d’un complément de capital sous la forme d’une rente viagère dont le montant annuel ne peut être inférieur à 2 987 € à compter du 1er janvier 2019 ;

« 3° D’un capital de 30 000 €.

« Un arrêté conjoint des ministres chargés des rapatriés et du budget fixe le montant annuel de la rente viagère et du complément de capital prévus respectivement aux 1° et 2° du présent II. » ;

2° Au début du sixième alinéa du même I, est ajoutée la mention : « III. – » ;

3° Au début du dernier alinéa dudit I, est ajoutée la mention : « IV. – » ;

4° Le II devient le V.

II. – A. – Le b du 4° de l’article 81 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« b. L’allocation de reconnaissance prévue à l’article 6 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ; ».

B. – Le 11° du I de l’article L. 136-1-3 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« 11° L’allocation de reconnaissance prévue à l’article 6 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ; ».

III. – Le I de l’article 133 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « de 3 663 € à compter du 1er janvier 2018, indexé sur le taux d’évolution en moyenne annuelle des prix à la consommation de tous les ménages, hors tabac, » sont remplacés par les mots : « qui ne peut être inférieur à 4 109 € à compter du 1er janvier 2019 » ;

2° Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le montant annuel de l’allocation est fixé par arrêté conjoint des ministres chargés des rapatriés et du budget. »

IV. – L’article 47 de la loi de finances rectificative pour 1999 (n° 99-1173 du 30 décembre 1999) est abrogé.

M. le président. Je mets aux voix l’article 73.

(Larticle 73 est adopté.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures quinze, est reprise à onze heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2019, des différentes missions.

Justice

Article 73
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Rappel au règlement

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Justice ».

La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Joissains applaudit également.)

M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le constat est partagé, je le crois, sur toutes les travées : depuis quelques années, le ministère de la justice n’a pas les moyens d’exercer convenablement ses missions. Les effets de l’augmentation de ses moyens intervenue ces dernières années tardent encore à se matérialiser. Dans les tribunaux ou les établissements pénitentiaires, les personnels expriment leurs difficultés à exercer leur métier, voire leur désarroi. En effet, la surpopulation carcérale ou des délais de jugement trop longs contribuent à décourager les agents, qui, parfois, ne trouvent plus de sens à leur action.

C’est dans ce contexte de fortes attentes que s’inscrit ce projet de loi de finances : attentes en termes des moyens, mais aussi de fonctionnement même de la justice. À ce titre, le Gouvernement a présenté un projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, que le Sénat a largement amendé sur l’initiative de sa commission des lois.

De véritables réformes sont en effet indispensables, car les moyens seuls ne suffiront pas au « redressement » de la justice, pour reprendre l’intitulé de la proposition de loi déposée par notre collègue Philippe Bas, président de la commission des lois.

Madame la garde des sceaux, la commission des finances a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits du ministère de la justice, considérant que l’augmentation de près de 4,5 % des crédits hors compte d’affectation spéciale « Pensions » se justifie, s’agissant d’un ministère régalien que nous considérons comme prioritaire.

Certains regrettent que la hausse des crédits ne soit pas plus importante. Je partage leur impatience, mais je pense que la proposition du Gouvernement est équilibrée. En effet, les hausses de crédits doivent être crédibles et il serait illusoire de penser pouvoir dépenser – judicieusement s’entend – beaucoup plus. En effet, une fois le budget voté, il faut l’exécuter, et l’on se heurte alors à la réalité. Recruter et former du personnel, construire des établissements pénitentiaires, des juridictions, repenser des systèmes d’information : tout cela prend du temps et tous vos prédécesseurs, madame la garde des sceaux, en ont largement pris conscience.

Lors de mes récents déplacements sur le terrain, j’ai eu l’impression que les choses commençaient, lentement, à s’améliorer, notamment dans les juridictions. Les vacances de postes semblent s’amenuiser, l’ouverture du nouveau palais de justice de Paris ou la réouverture prochaine de la prison de Paris-La Santé – sites que j’ai tous deux visités – sont des signes visibles que la situation commence à évoluer, même si le défi reste de taille.

En ce qui concerne l’administration pénitentiaire, le projet de loi de finances prévoit une hausse de 95 millions d’euros des dépenses de personnel, afin notamment de créer de nouveaux postes de surveillant pénitentiaire pour combler les vacances.

À cet égard, madame la garde des sceaux, je souhaite vous poser quelques questions. Comment est-il envisagé de faire face à l’ouverture de nouveaux établissements pénitentiaires, conjuguée aux départs à la retraite et à des difficultés de recrutement de surveillants pénitentiaires ? Pouvez-vous nous préciser les contours que devrait prendre la prime de fidélisation annoncée en janvier dernier à la suite du mouvement social de la fin de 2017 ? Combien d’agents seront concernés ? Quel en sera le coût ?

Le programme de construction de nouvelles places de prison retenu par le Gouvernement est moins ambitieux que ce qu’avait initialement annoncé le candidat Emmanuel Macron. Il est pourtant urgent de garantir un encellulement individuel, mais aussi, tout simplement, de dignes conditions de détention, permettant aux surveillants d’accomplir convenablement leur travail.

Le présent projet de loi de finances prévoit de consacrer près de 230 millions d’euros aux projets informatiques du ministère, soit une augmentation de 20 % par rapport à 2018. Ces investissements sont le signe du rôle crucial que le numérique peut et doit jouer dans la modernisation de la justice. Il devra toutefois en résulter, à terme, des économies.

La dématérialisation de la demande du bulletin n° 3 du casier judiciaire est une première étape, que je tiens à saluer, mais il faudra aller plus loin, en particulier en ce qui concerne les applications utilisées par le ministère lui-même, mais aussi avec ses partenaires, qu’il s’agisse des services de police ou de ceux des impôts.

Il conviendra de veiller à ce que la numérisation des procédures et des démarches demeure compatible avec un accès au droit sur l’ensemble du territoire, afin qu’à la fracture sociale et territoriale ne s’ajoute pas la fracture numérique.

Madame la garde des sceaux, je tiens également à vous faire part d’une inquiétude concernant le dynamisme des frais de justice. Il est justifié que les magistrats souhaitent recourir à toutes les techniques modernes existantes en vue de la manifestation de la vérité et leurs décisions ne sauraient être contraintes par des questions de coûts. Si d’importants progrès ont déjà été réalisés pour rationaliser le circuit de la dépense, les charges à payer demeurent particulièrement élevées.

Les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ, augmentent, notamment afin de financer la création de cinq nouveaux centres éducatifs fermés. Le Sénat est très dubitatif quant à cette mesure, en raison du coût prohibitif du fonctionnement de ces structures – le prix de journée s’élèvera à 672 euros en 2019 – et du manque d’évaluation.

Enfin, la réforme de l’aide juridictionnelle engagée par le précédent gouvernement, qui a, entre autres mesures, abaissé le plafond de ressources pour en bénéficier, a conduit à une très forte augmentation de cette dépense dite « de guichet ». Ainsi, elle est passée de 360 millions d’euros en 2015 à 507 millions d’euros en 2019, soit une augmentation de 41 %.

L’aide juridictionnelle est financée en partie par des crédits budgétaires, en partie par des ressources fiscales affectées au Conseil national des barreaux. Dans ce contexte de croissance forte de l’aide juridictionnelle, une révision de ses modalités de financement paraît indispensable ; nous en reparlerons à l’occasion de l’examen des amendements.

Telles sont, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, les observations que je souhaitais formuler sur ce projet de budget du ministère de la justice, que la commission des finances a considéré comme équilibré, compte tenu des nécessaires redressements de la justice et, bien sûr, des comptes publics. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale pour les programmes « Justice judiciaire » et « Accès au droit et à la justice ». Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, les crédits de la mission « Justice » progressent de 4,5 % en 2019, hors dépenses de pensions, pour atteindre un montant total de 7,29 milliards d’euros en crédits de paiement, identique à celui qui a été prévu par le Sénat lors de l’examen du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, mais avec une ventilation différente.

Les crédits de paiement des programmes « Justice judiciaire », « Accès au droit et à la justice », « Conduite et pilotage de la politique de la justice » et « Conseil supérieur de la magistrature » augmentent quant à eux de 2,29 %, et leurs autorisations d’engagement de 2,94 %.

Il est toutefois regrettable que, parmi tous les programmes de la mission « Justice », le budget consacré aux juridictions judiciaires soit celui qui augmente le plus faiblement – 0,87 % en crédits de paiement –, à périmètre constant entre 2018 et 2019.

Plusieurs points positifs méritent d’être relevés.

Le schéma de création d’emplois est plus ambitieux que l’année dernière, avec la création de 192 postes dans les juridictions judiciaires.

Le nombre de postes vacants de magistrat a baissé de façon significative en 2018 : on ne compte plus que 252 vacances de postes de magistrat au 1er octobre 2018, contre 417 l’année précédente.

Les crédits de paiement en matière d’investissement progressent de 8,5 % par rapport à 2018 et les autorisations d’engagement de 211 %, ce qui s’explique par le lancement d’un nouveau programme pluriannuel de rénovation et de construction dans l’immobilier judiciaire. Ce programme est très attendu, madame la garde des sceaux, étant donné le piètre état des locaux de trop nombreuses juridictions.

En dernier lieu, les crédits en faveur de l’informatique et du numérique augmentent de 20 % entre 2018 et 2019.

Ces mesures ne peuvent cependant pas occulter une situation qui demeure encore fragile dans les juridictions.

Ainsi, les délais de traitement des affaires continuent de croître, tant en matière civile qu’en matière pénale. En matière civile, ils sont passés de 7,5 mois en 2007 à 11,8 mois en 2017 devant les tribunaux de grande instance, et de 12,7 mois à 14,7 mois devant les cours d’appel. En matière pénale, la situation est toujours aussi alarmante : le délai de traitement moyen d’une affaire criminelle est de 40,6 mois, mais il peut atteindre 62,6 mois en incluant la procédure d’appel. C’est considérable.

Les tribunaux de grande instance vont en outre devoir absorber, à compter du 1er janvier 2019, le contentieux social actuellement traité par les tribunaux des affaires sociales et les tribunaux du contentieux et de l’incapacité, ce qui suscite beaucoup d’interrogations parmi les personnels, madame la ministre.

De même, les frais de justice demeurent une source d’inquiétude. Même s’ils font l’objet d’une meilleure budgétisation, leur augmentation est constante. Vous trouverez dans le rapport écrit quelques chiffres parlants, mes chers collègues.

Pour terminer ce trop court panorama des moyens dédiés à la justice judiciaire en 2019, je dirai quelques mots sur l’absence de réforme de l’aide juridictionnelle.

Le Sénat a fait des propositions concrètes et utiles lors de l’examen du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

M. le président. Veuillez conclure.

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis. Il a notamment proposé le rétablissement d’une contribution à l’aide juridique en première instance et l’instauration de l’obligation de consultation préalable d’un avocat avant toute demande d’aide juridictionnelle. Le Gouvernement est resté sourd à ces propositions jusqu’à présent. C’est pourtant un enjeu essentiel. Madame la garde des sceaux, que comptez-vous faire pour sauver un système qui est aujourd’hui à bout de souffle ?

Au bénéfice de ces observations, et malgré ces fortes réserves, la commission des lois a donné un avis favorable à l’adoption des crédits des programmes de la mission « Justice » concernant la justice judiciaire et l’accès au droit.

M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez dépassé de plus d’une minute votre temps de parole, qui était de trois minutes.

J’invite les orateurs à respecter le temps de parole qui leur est imparti.

La parole est à M. François-Noël Buffet, en remplacement de M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François-Noël Buffet, en remplacement de M. Alain Marc, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale, pour le programme « Administration pénitentiaire ». Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, il me revient de présenter, en lieu et place d’Alain Marc, qui ne pouvait être présent ce matin, l’avis de la commission des lois sur les crédits du programme « Administration pénitentiaire ».

Cet avis est défavorable.

Certes, les crédits de paiement augmenteront de 5,75 % en 2019, mais cette hausse est insuffisante au regard des besoins de l’administration pénitentiaire et des enjeux du redressement de la justice.

Pour l’administration pénitentiaire, 2018 a été une année de crise. Le début de l’année a été marqué par un important mouvement de contestation des surveillants pénitentiaires, qui sont aujourd’hui en nombre insuffisant pour faire face à la surpopulation carcérale. Ce mouvement a été suivi, au printemps, de la mobilisation des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation, qui ne peuvent plus suivre correctement et efficacement les personnes condamnées en milieu ouvert. Au mois de juillet, une évasion spectaculaire, celle de Rédoine Faïd, a soulevé de nombreuses questions quant à la sécurité de nos établissements pénitentiaires.

Enfin, 2018 a été une année critique, de nouveaux records ayant été battus en matière de surpopulation carcérale : au 1er octobre 2018, 70 714 personnes étaient détenues, soit 3,1 % de plus qu’un an auparavant. Actuellement, le taux d’occupation moyen de nos maisons d’arrêt est supérieur à 140 %.

Imagine-t-on que des détenus puissent se réinsérer à leur sortie lorsqu’ils passent vingt heures par jour dans une cellule de 9 mètres carrés avec un ou plusieurs codétenus ? Quels effets ces conditions de détention indignes peuvent-elles avoir sur des personnes incarcérées pour la première fois, dans le cadre d’une détention provisoire par exemple ?

Cette situation rend aussi déplorables les conditions de travail des personnels de l’administration pénitentiaire. Si la plupart d’entre eux sont d’un grand dévouement, ils sont exténués, voire découragés. Leurs métiers ne sont plus attractifs.

Le projet de budget présenté ne répond pas à cette situation de crise. Madame la garde des sceaux, le Gouvernement a fait le choix de renoncer à l’engagement présidentiel de construire 15 000 nouvelles places de prison sur le quinquennat. Le plan pénitentiaire que vous avez annoncé nous paraît insuffisant, voire trompeur à certains égards.

Il est insuffisant, car il ne prévoit la livraison que de 7 000 places environ d’ici à 2022, dont un peu moins de 5 000 seulement concerneront les maisons d’arrêt et les centres pénitentiaires. Les 2 000 autres places sont destinées à des structures d’accompagnement vers la sortie, les SAS.

Or, pour atteindre un taux d’encellulement individuel de 80 % en 2022, et au regard des trajectoires d’évolution de la population carcérale, il aurait fallu livrer au moins 9 500 nouvelles places de prison, en privilégiant les établissements pour peines.

Lors de sa visite de la maison d’arrêt de Paris-La Santé, notre collègue Alain Marc a constaté avec effarement que toutes les cellules individuelles de 9 mètres carrés avaient d’ores et déjà été « doublées », des lits superposés ayant été installés afin de pouvoir y accueillir deux personnes dès la réouverture de l’établissement, au mois de janvier prochain.

Le plan pénitentiaire annoncé est trompeur, disais-je, car plus de 90 % des places qui seront livrées en 2022 étaient prévues et financées par des programmes précédents.

Telles sont les remarques qu’Alain Marc aurait souhaité présenter à cette tribune. Sur le fond, je les partage. Elles ont conduit la commission des lois à émettre un avis défavorable sur l’adoption des crédits du programme « Administration pénitentiaire ». (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Joissains applaudit également.)