Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article unique.

Article additionnel après l'article unique - Amendement n° 3 rectifié
Dossier législatif : proposition de loi relative à la performance des services de la navigation aérienne
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Intitulé de la proposition de loi

Mme la présidente. L’amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Capo-Canellas, Bonnecarrère, Prince, Henno, Cigolotti, Médevielle, Lafon, Laugier, Moga, Canevet, Détraigne, Vanlerenberghe, Kern et Janssens et Mmes de la Provôté, Létard, Gatel, Doineau, Vermeillet, Tetuanui, Vullien, Loisier, Dindar, Férat, N. Goulet et Guidez, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet intitulé :

Proposition de loi relative à la performance des services de la navigation aérienne

La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.

M. Vincent Capo-Canellas. Cet amendement vise à modifier l’intitulé de la proposition de loi. Certains m’objecteront peut-être qu’il s’agit d’un problème sémantique, ce que je peux entendre.

Je propose de remplacer l’intitulé : « Proposition de loi sur la déclaration d’un préavis de grève des contrôleurs aériens » par : « Proposition de loi relative à la performance des services de la navigation aérienne ». La performance constitue un tout : elle englobe le dialogue social et l’ensemble des sujets que nous venons d’aborder.

Je soumets donc cette suggestion à votre sagacité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Fouché, rapporteur. Cet amendement vise à modifier l’intitulé du texte, afin de l’appeler : « Proposition de loi relative à la performance des services de la navigation aérienne ». C’est un amendement de conséquence par rapport aux amendements précédents, tendant à réécrire en totalité la proposition de loi.

La commission, qui s’est prononcée en faveur du maintien du dispositif prévu par la proposition de loi sur l’obligation de déclaration préalable de participation à une grève lors de l’examen des amendements précédents, émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Il me semble que cet amendement vise finalement à fixer l’objectif autour duquel nous sommes tous réunis, à savoir l’amélioration de la performance des services de la navigation aérienne, pour in fine rendre un meilleur service aux passagers. J’émets donc un avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 4 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’intitulé de la proposition de loi est ainsi rédigé.

Vote sur l’ensemble

Intitulé de la proposition de loi
Dossier législatif : proposition de loi relative à la performance des services de la navigation aérienne
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. J’espère que Mme la secrétaire d’État profitera du vote de cette proposition de loi pour obtenir, d’ici à quelques mois ou un an, un véhicule qui lui permettra, comme ça a été le cas en d’autres occasions au Sénat, de faire évoluer les choses afin d’aboutir à cette performance de service, en intégrant un certain nombre d’éléments qui, pour l’instant, ne figurent pas encore dans la loi et en améliorant le système de déclaration du droit de grève.

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures cinquante.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures vingt, est reprise à vingt et une heures cinquante, sous la présidence de M. Philippe Dallier.)

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Dallier

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
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Emplois non pourvus en France : quelles réponses ? quelles actions ?

Débat organisé à la demande du groupe Les Indépendants – République et Territoires

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Indépendants – République et Territoires, sur le thème : « Emplois non pourvus en France : quelles réponses ? quelles actions ? »

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je vous rappelle que l’auteur de la demande du débat dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l’issue du débat, le groupe auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

Voici qui est original : M. Joël Guerriau, représentant du groupe auteur de la demande, auquel je devrais donner la parole en cet instant, n’est pas là ! (Sourires.)

Mes chers collègues, je vais donc suspendre la séance quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt et une heures cinquante-deux, est reprise à vingt et une heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Madame la ministre, mes chers collègues, M. Joël Guerriau ne nous ayant pas encore rejoints, nous allons innover et commencer par entendre le Gouvernement. (Assentiment.)

Dans le débat, la parole est donc à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier le groupe Les Indépendants – République et Territoires d’avoir inscrit ce thème très important à l’ordre du jour de la Haute Assemblée.

Il va permettre de prolonger les débats que nous avons eus il y a une semaine exactement, sur la mission « Travail et emploi », rapportée notamment par votre collègue Emmanuel Capus. Plus largement, ce débat sur les emplois non pourvus nous permet de poursuivre nos discussions sur les réformes en cours et sur les ordonnances pour le renforcement du dialogue social, ainsi que sur la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

Le paradoxe, et c’est tout le sens de la question qui est posée, c’est l’existence concomitante, d’une part, de 2,6 millions de personnes qui cherchent un emploi et, d’autre part, d’un nombre croissant d’entrepreneurs qui veulent embaucher, mais qui, faute de trouver les compétences, voire même des candidats, renoncent à des marchés ou à défaut sont contraints à recourir au travail détaché.

En 2018, l’enquête besoins en main-d’œuvre, ou BMO, de Pôle emploi, montre que la pénurie de candidats dans 83 % des cas est le premier motif des difficultés de recrutement, devant l’inadéquation des candidatures et la nature du poste proposé.

Ce sont ainsi entre 250 000 à 330 000 offres d’emploi qui n’avaient pas été pourvues en 2017. Même si nous n’avons bien évidemment pas encore les chiffres, ce sera plus en 2018, en raison de la dynamique de création d’emplois : 211 000 créations nettes en un an, soit l’équivalent des habitants de la ville de Rennes. Plus la dynamique de création d’emplois est forte, plus le désajustement entre l’offre et la demande, entre les compétences disponibles et les compétences recherchées, apparaît.

Il convient toutefois de rappeler que, dans un contexte d’accroissement fort des offres d’emploi déposées – plus 9,2 % entre la mi-2017 et la mi-2018, soit 3,5 millions d’offres déposées –, une large majorité des offres – plus de 90 % – sont pourvues. Ici, on parle du delta. Dans l’ensemble, le système fonctionne, mais nous sommes tous d’accord ici pour trouver insupportable que 300 000 emplois ne soient pas pourvus faute de compétences alors qu’il existe tant de demandeurs d’emploi.

Une étude de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, publiée hier, identifie clairement deux situations de tension sur le marché du travail. Elles sont sensiblement différentes.

D’une part, on trouve des métiers pour lesquels on recherche des personnes plutôt qualifiées, avec des besoins de recrutements forts, mais où le nombre de demandeurs d’emploi est faible. Dans ce cas, la problématique apparaît davantage liée à la qualification et au manque de qualification disponible sur le marché : soudeurs, chefs cuisiniers, ingénieurs de l’informatique, techniciens de l’électricité, de la maintenance, etc.

D’autre part, on trouve des métiers où les besoins de recrutement de la part des entreprises sont importants et coexistent avec un nombre significatif de chômeurs, souvent peu qualifiés et avec une forte rotation de la main-d’œuvre : ouvriers du bâtiment, aides à domicile, serveurs.

Une question préalable se pose : comment en sommes-nous arrivés à une telle situation, qui se retrouve sur l’ensemble du territoire, même si certains d’entre eux sont plus tendus que d’autres ?

Ces tensions sur le marché du travail sont liées au fait que la croissance s’accélère : il y a donc plus de demandes. Mais elles résultent aussi d’une série de résignations dont le caractère insidieux et interdépendant au fil du temps a produit ces effets.

La France est un des pays qui a connu trente ans de chômage de masse – et nous n’en sommes pas encore sortis –, fruit de décennies de croissance en berne, qui ont entamé notre capacité d’anticipation des besoins en main-d’œuvre. Chacun le comprendra aisément, cela n’a pas grand sens de se former quand on n’a pas de perspectives d’avenir. Résultat, la qualification de notre main-d’œuvre disponible est assez peu élevée par rapport aux besoins. Il importe de sortir de cette fatalité.

Nous sommes ensuite résignés face à un système de formation professionnelle pourtant en pointe dans les années soixante-dix et quatre-vingt, mais qui s’est progressivement sclérosé, devenant très injuste puisque seul un demandeur d’emploi sur dix a accès à la formation depuis une dizaine d’années. Encore aujourd’hui, un salarié sur trois – notamment les ouvriers, les employés et les salariés des TPE – a peu accès à la formation.

Résignation également face à une image dévalorisée ou simplement datée des métiers, en particulier des métiers manuels ainsi que de leur voie de formation en apprentissage. Nous sommes en train de changer cet état de fait. La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a créé une vraie dynamique puisque nous enregistrons une hausse de 6 % du nombre d’inscrits et de 45 % des demandes à la rentrée. Néanmoins, il faudra clairement continuer également à lutter contre ce phénomène.

Enfin, résignations face à des règles de l’assurance chômage qui ne permettent pas suffisamment de lutter contre la précarité et d’inciter au retour à l’emploi. Ce sera tout l’objet de la réforme à venir de l’assurance chômage.

Notre première réponse par rapport à ces défis a bien évidemment été la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, avec la formation professionnelle et l’apprentissage. Nous avons également répondu par un effort inédit par son ampleur et sa durée en direction du Plan d’investissement dans les compétences, le PIC, qui s’étalera sur cinq ans.

Je rappellerai les trois axes d’action mis en œuvre par le Gouvernement.

Le premier axe, c’est le renforcement de l’attractivité des métiers en tension, couplée à une meilleure identification en temps réel de leur besoin en compétences. À cette fin, il convient tout d’abord d’améliorer la connaissance des métiers, car elle est très faible. Un effort devra être fait en matière d’éducation et d’orientation. Tel est le sens de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

Nous avons lancé avec Pôle emploi le 20 septembre dernier l’opération #VersUnMétier. Elle consiste à organiser une fois par semaine et dans l’ensemble des agences Pôle emploi une rencontre – job dating, ateliers, visites – entre employeurs et candidats autour d’un métier ou d’un secteur en tension. Beaucoup d’emplois en tension sont accessibles à des salariés qui n’ont aucune expérience ni compétence dans le domaine, à condition qu’ils suivent une formation, ce à quoi personne ne pense.

Par exemple, dans le secteur de la cybersécurité ou du développement web, on peut former en plusieurs mois des personnes pour qu’elles soient en mesure d’occuper des emplois qualifiés. Pour autant, si on ne présente pas ces métiers et si on ne dit pas qu’ils sont accessibles, les demandeurs d’emplois restent dans l’ignorance et ne demandent pas à se former.

Cette meilleure connaissance des métiers, nous l’avons aussi renforcée sur le plus long terme au travers de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Le même objectif est visé avec l’instauration des prépa-métiers ou des prépa-apprentissage en cours de lancement. Le PIC permettra de financer des prépa-apprentissage dans à peu près tous les secteurs.

En outre, près de la moitié du Plan d’investissement dans les compétences se fera en partenariat avec les régions au travers de pactes. Le PIC comprendra un important volet sur les métiers en tension. Je signerai d’ailleurs le premier pacte, celui du Grand Est, mercredi prochain à Metz avec le président de cette région.

La loi permet aussi de mettre en place les dispositifs « Pro A », de « reconversion et promotion par l’alternance », qui seront en particulier ciblés sur les nouveaux métiers.

Le Plan d’investissement dans les compétences comprendra 10 000 formations numériques puisque le secteur cherche 80 000 personnes et 10 000 formations aux métiers verts, qui se développent à toute vitesse. Au travers des PIC régionaux, nous disposerons de nombreux leviers pour travailler sur ces métiers en tension, y compris via le financement de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dans toutes les branches qui le souhaitent.

Enfin, le volet de l’assurance chômage sera important, car il importe également que le travail paie mieux. Cela fait partie des mesures annoncées par le Président de la République en début de semaine pour rendre l’emploi plus attractif.

En clair, ce débat aborde un vrai sujet. Il s’agit même d’une question d’intérêt national. L’offre et la demande, cela signifie plus de compétences pour les entreprises et moins de chômage pour les demandeurs d’emploi. Pour ce faire, il importe d’agir sur tous les leviers : la connaissance des métiers, l’incitation au travail, la reconnaissance des métiers et la formation massive pour tirer vers le haut l’ensemble des compétences. C’est ce à quoi nous nous sommes attelés avec votre concours. (MM. Daniel Chasseing et Olivier Cigolotti applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour le groupe auteur de la demande de débat.

M. Joël Guerriau, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, chaque année, des centaines de milliers d’offres d’emploi ne trouvent pas preneur. À l’heure où le taux de chômage en France est de 9,3 % alors qu’il n’est que de 2,3 % en République tchèque et de 3,4 % en Allemagne et en Pologne, nous pouvons légitiment nous interroger, d’autant que le taux de chômage a baissé dans tous les États membres pour atteindre 6,6 % en moyenne dans la zone euro alors qu’il stagne en France.

Nous avons tous en mémoire une phrase qui a fait le buzz « traverser la rue pour trouver du travail ». Derrière cette phrase devenue célèbre se cache une réalité à nuancer.

En 2017, Pôle emploi a publié une étude sur les fameux emplois non pourvus. Ces offres restées sans réponse ne le sont pas forcément faute de « gens prêts à travailler ». Sur les 300 000 offres, 97 000 d’entre elles ont été annulées par les recruteurs eux-mêmes et 53 000 concernaient des offres toujours en cours. Et si 150 000 recrutements restants ont été abandonnés faute de candidat, surtout faute de profils adéquats, selon cette étude 19 500 offres d’emploi n’ont fait l’objet d’aucune candidature.

Enfin, quand on sait que les employeurs ont transmis en 2017 près de 24 millions de déclarations d’embauche, le nombre d’emplois non pourvus prend à cet égard une importance relative.

Néanmoins, cette absence de candidatures pose la question de l’inadéquation entre l’offre et la demande. Il existe des secteurs qui peinent à recruter et qui en souffrent.

Les candidatures sont inadaptées, les entreprises déplorent le manque de compétences, de connaissances techniques, d’expérience professionnelle ou l’absence d’un diplôme en lien avec le métier.

Les principaux postes non pourvus sont ceux d’employés et d’agents de maîtrise de l’hôtellerie et de la restauration, de cuisiniers, d’assistantes maternelles, de conducteurs de véhicule, de cadres, de technico-commerciaux, d’ingénieurs, de techniciens de l’informatique et de carrossiers. Cette liste ne présente aucune surprise, ces métiers connaissant régulièrement des problèmes de recrutement.

Si certains secteurs en tension demeurent, c’est sur eux qu’il faut donc concentrer nos efforts. Ce sont souvent des emplois ressentis comme peu valorisants et/ou peu rémunérateurs, mais aussi des métiers que l’on ne connaît pas vraiment ou qui ont mauvaise presse, comme celui de chaudronnier qui a aujourd’hui peu à voir avec l’image que l’on s’en fait communément.

Mon département, la Loire-Atlantique, malgré un taux de chômage inférieur à la moyenne nationale, ne déroge pas à cette situation. Selon le recensement de Pôle emploi des besoins en main-d’œuvre pour 2018, plus de 50 % des 54 236 projets de recrutement sont réputés difficiles. Pour 442 d’entre eux, la difficulté est même estimée à 100 %.

Dans ces projets de recrutement très difficiles qui représentent donc moins de 1 % du volume global, on retrouve principalement les métiers de charpentier, de régleur, d’ouvrier qualifié industriel, d’ouvrier non qualifié en artisanat, de vendeur en gros, de personnel navigant de l’aviation, d’agent de maîtrise en entretien, de conducteur d’engins, de contrôleur de transports ou encore de concierge.

Si certaines offres d’emploi ne trouvent pas preneur, c’est peut-être aussi parce qu’elles ne sont pas assez attractives, que ce soit au niveau des missions, du salaire ou au regard de la pénibilité.

Quand on recherche un emploi, on privilégie celui qui correspond à son souhait et à sa formation, ce qui est assez légitime. Généralement, le fait d’élargir ses recherches à d’autres secteurs d’activité fait que les niveaux de qualification et de rémunération sont alors moindres. Il est alors difficile pour la personne en recherche d’emploi de se projeter dans un nouveau projet professionnel quand celui-ci, en plus de l’éloigner de son profil initial, est financièrement non stimulant.

Enfin, l’attractivité d’un poste dépend aussi des conditions de vie et de la qualité de vie environnante. Entre 2007 et 2011, environ 500 000 personnes ont dû renoncer à un poste en raison de problèmes de logement et du surcoût de la mobilité exigée. À ce niveau, le mouvement des « gilets jaunes » a mis en évidence dans nos campagnes la problématique du coût de l’essence.

Un postulant qui se rend compte qu’aucun logement ne lui sera accessible au regard de ses revenus et/ou que les transports ne seront pas adaptés à ses horaires, même s’il a les capacités professionnelles pour répondre à l’offre, risque de se retrouver en difficulté et ne déposera peut-être pas sa candidature. C’est un élément très important à prendre en compte, surtout pour les secteurs qui fonctionnent essentiellement en temps partiel et en CDD. La restauration est, de ce point de vue, un bon exemple.

Cet environnement favorable est du ressort des collectivités locales, qui doivent penser leur aménagement en ce sens. Il est aussi du ressort des entreprises, qui doivent adapter ces offres non pourvues, notamment en termes de temps de travail, de rémunérations, de mobilité géographique, pour mieux répondre aux possibilités des candidats.

Enfin se pose le problème des nombreux jeunes formés dans des filières aux débouchés insuffisants pour satisfaire tout le monde. Le rôle des instances publiques doit être d’orienter ceux qui n’ont pas de projet professionnel défini vers les secteurs en tension et en devenir, et de les inciter à se former en ce sens.

Dans un monde du travail où le secteur des services occupe près de 75 % de l’économie française, où la numérisation et la robotisation constituent une vague irrésistible, la politique de formation est un enjeu stratégique. La formation professionnelle, initiale et continue demeure donc un enjeu clé. Il est essentiel de mieux cibler les formations et surtout de mieux les adapter aux demandeurs d’emploi.

Pour conclure, le chômage n’est pas simplement un choix personnel qui se résoudrait en traversant la rue.

Concernant les emplois non pourvus, il ne faut pas se concentrer sur une vaine bataille de chiffres. Le marché du travail est en perpétuelle évolution et a besoin de souplesse. La question fondamentale de la politique de l’emploi demeure l’accroissement du nombre d’offres, pas leur pourvoi intégral !

Néanmoins, pour changer la donne, chacun doit prendre ses responsabilités : à l’État de mieux adapter l’offre de formation aux besoins ; aux entreprises de rendre certains métiers boudés par les candidats plus attractifs en termes de salaire, d’horaires ou de conditions de travail ; aux collectivités de faciliter la mobilité géographique liée aux coûts du logement ou des transports. Bref, ce débat a pour objet d’esquisser des pistes, car il y a urgence. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – MM. Yves Bouloux et Olivier Cigolotti applaudissent également.)

Débat interactif

M. le président. Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes maximum pour présenter sa question avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente. Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.

Dans le débat interactif, la parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que le Président de la République a annoncé regretter ses propos blessants à l’égard des Français, nous avons encore toutes et tous en tête la réponse faite à un jeune en recherche d’emploi qui l’avait interpellé sur la question du chômage et auquel il avait répondu : « Je traverse la rue et je vous trouve un emploi » !

L’attitude arrogante du Président de la République qui ramène le problème du chômage à une question de bonne « volonté » reprenait un vieil argument du patronat selon lequel ce sont les chômeurs qui ne souhaitent pas travailler.

Pourtant les chiffres sont têtus. Selon Pôle emploi, en 2017, plus de neuf offres d’emploi sur dix ont été pourvues et les offres d’emploi qui n’ont fait l’objet d’aucune candidature sont rares : seulement 18 000 d’entre elles, soit 0,6 % du total. Rapporté aux 6 millions de chômeurs, cela représente un poste disponible pour trois cent trente-trois demandeurs d’emploi. Nous sommes donc bien loin du compte !

Face à ce « problème », le Premier ministre a déclaré vouloir faire du développement de la formation et de l’apprentissage « une voie royale pour trouver un métier ». Pourtant, à la demande du Gouvernement, l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, projette de fermer trente-huit centres de formation et de supprimer 1 541 postes en CDI.

Avez-vous l’intention, madame la ministre, de laisser fermer des sites de formation de l’AFPA sur nos territoires alors qu’ils sont pourtant indispensables à la formation aux nouveaux métiers ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Madame la sénatrice, votre question soulève beaucoup de points. Je reprendrais ceux qui correspondent à la formation.

Oui, tout n’est pas formation, mais les enquêtes de l’INSEE, de Pôle emploi ou de Bpifrance montrent qu’une fois sur deux les difficultés de recrutement sont liées à un problème de compétence et donc de formation.

Voilà pourquoi nous avons engagé une grande réforme de l’apprentissage. Comme je l’ai rapidement évoqué dans mon propos liminaire, on peut réussir grâce à l’apprentissage, car il s’agit d’une véritable voie d’excellence et de réussite. Les résultats sont très encourageants. Les décrets n’ont pas encore été publiés que la dynamique est déjà enclenchée autour de la loi puisque l’apprentissage augmente significativement. Des outils ont d’ores et déjà été mis en place pour permettre aux opérateurs d’agir.

En ce qui concerne le Plan d’investissement dans les compétences, il a démarré de façon très forte. Nous nous préparons à signer avec la quasi-totalité des régions des plans d’accélération.

En ce qui concerne l’AFPA, la situation est très claire. Cela fait dix ans que l’AFPA survit chaque année grâce à une aide d’urgence de l’État qui lui permet de boucler son budget. Depuis cinq ans, ce sont plus de 700 millions d’euros de déficit qui ont été accumulés. Cette situation est désespérante à la fois pour les territoires et pour les salariés de l’AFPA, qui ne voient pas l’avenir.

La Direction générale de l’AFPA a proposé une réforme structurelle qui va permettre de recentrer cette agence sur des missions plutôt régaliennes : la formation des réfugiés, des personnes les plus vulnérables et les plus en difficulté.

On ne peut pas continuer à demander à l’AFPA de toujours jouer le jeu de la concurrence et donc de perdre, très souvent, les appels d’offres lancés par les régions parce qu’elle n’est pas dans la même situation que ses concurrents.

Il faut faire en sorte, bien sûr, de garder une offre de formation dans les territoires. Les centres AFPA feront ainsi une offre mobile – l’« AFPA nomade » –, afin que des formations soient assurées sur tout le territoire, y compris là où des regroupements sont faits.

Sur le plan social, j’ai demandé à la Direction générale de mener cette réforme afin de sauver l’AFPA, et ce dans les meilleures conditions. Pour 600 personnes qui partent à la retraite, 600 postes seront créés. J’espère que tous ces mouvements se feront de façon volontaire. C’est en tout cas l’esprit de la réforme.

Mais on ne pourra pas, en 2019, compter sur l’AFPA pour tout !

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour la réplique.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Je vous remercie pour votre réponse, madame la ministre, mais elle ne me satisfait guère.

La décision qui touche l’AFPA va en effet se traduire par des fermetures d’établissements publics qui fonctionnaient sur nos territoires et permettaient à des personnes, au terme de six à onze mois de formation, d’acquérir une qualification, ce qui n’est pas rien ! Cet organisme affichait tout de même un taux de réinsertion dans l’emploi de l’ordre de 66 %.

Nous regrettons donc cette décision du Gouvernement.

S’agissant de l’apprentissage, je suis d’accord avec vous lorsque vous dites qu’il peut mener à une voie d’excellence. Lorsque la formation initiale est bonne, l’apprentissage permet en effet de décrocher un diplôme d’études supérieures.