compte rendu intégral

Présidence de M. Thani Mohamed Soilihi

vice-président

Secrétaires :

M. Éric Bocquet,

M. Yves Daudigny.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

M. le président. Avant toute chose, mes chers collègues, permettez-moi de vous présenter mes vœux pour la nouvelle année.

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Candidatures à une mission d’information

M. le président. L’ordre du jour appelle la nomination des vingt-sept membres de la mission d’information sur la gestion des risques climatiques et l’évolution de nos régimes d’indemnisation, créée sur l’initiative du groupe socialiste et républicain en application du droit de tirage prévu par l’article 6 bis du règlement.

En application de l’article 8, alinéas 3 à 11, et de l’article 110 de notre règlement, la liste des candidats établie par les groupes a été publiée.

Elle sera ratifiée si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.

3

Quelle politique d’attractivité de la France à l’égard des étudiants internationaux ?

Débat organisé à la demande du groupe socialiste et républicain

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe socialiste et républicain, sur le thème : « Quelle politique d’attractivité de la France à l’égard des étudiants internationaux ? »

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l’auteur de la demande du débat dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

Dans le débat, la parole est à Mme Sylvie Robert, pour le groupe auteur de la demande.

Mme Sylvie Robert, pour le groupe socialiste et républicain. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous souhaite, à mon tour, une excellente année 2019.

Cela dit, le titre II du livre Ier du code de l’éducation est limpide. Le service public de l’enseignement supérieur « veille à favoriser l’inclusion des individus sans distinction d’origine, de milieu social et de condition de santé », « contribue […] à l’attractivité et au rayonnement des territoires aux niveaux local, régional et national », « assure l’accueil des étudiants étrangers, en lien avec le réseau des œuvres universitaires et scolaires » et « veille à la promotion et à l’enrichissement de la langue française ».

Or l’annonce par le Gouvernement, il y a quelques semaines maintenant, de l’augmentation des frais d’inscription à l’université des étudiants étrangers hors Union européenne fait légitimement craindre une remise en cause des missions et des objectifs dévolus au service public de l’enseignement supérieur, et ce d’autant que la multiplication par plus de quinze du montant de ces droits n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact ni d’aucune concertation, que ce soit avec les premiers concernés, en l’occurrence la communauté universitaire et les syndicats étudiants, ou avec la représentation nationale.

Une nouvelle fois, cette mesure, aux incidences potentiellement lourdes et pluridimensionnelles, a été soudaine et, disons-le, brutale. Dans ce contexte, il n’est guère surprenant que les présidents d’université et les étudiants se soient mobilisés et aient exprimé, parfois vertement, leur désaccord, réclamant notamment un moratoire. Je rappelle qu’une quarantaine de présidents se sont déclarés contre cette hausse et qu’un mouvement de désobéissance universitaire s’est fait jour, quelques conseils d’administration ayant d’ores et déjà précisé qu’ils n’appliqueront pas l’arrêté.

Le groupe socialiste et républicain a souhaité demander l’inscription à l’ordre du jour du Sénat d’un débat sur la politique d’attractivité de la France à l’égard des étudiants étrangers extracommunautaires, afin que le Parlement puisse se saisir de cette problématique fondamentale et vous interroger, madame la ministre, pour obtenir des réponses que nous espérons argumentées.

Alors, commençons par le commencement. En écoutant la présentation du plan Bienvenue en France, la première interrogation qui m’est venue à l’esprit est « pourquoi ». Pourquoi décider d’un accroissement des frais d’inscription dans l’enseignement supérieur en vue d’attirer davantage d’étudiants étrangers ? Ou, plus justement, en quoi augmenter ces frais améliorera-t-il l’attractivité de la France ?

Vous conviendrez aisément que le raisonnement est a priori contre-intuitif, a fortiori quand est connue l’origine des étudiants internationaux venant étudier en France – environ la moitié provient du continent africain – et qu’il s’avère que près de 40 % de l’ensemble des étudiants reconnaissent avoir dû faire des sacrifices financiers pour concrétiser l’opportunité d’étudier dans l’Hexagone. Pour beaucoup, poursuivre leurs études en France est une chance ainsi qu’une joie, mais aussi un effort financier important. Il ne faut pas oublier cette réalité.

D’ailleurs, intéressons-nous à cette réalité. Le baromètre de Campus France sur l’image et l’attractivité de la France auprès des étudiants étrangers, qui date de 2018, prodigue des enseignements qui vont précisément à l’encontre de votre postulat, madame la ministre.

Tout d’abord, les freins principaux mentionnés sont le coût global de la vie, les complexités administratives liées en particulier à la délivrance des visas – j’y reviendrai – et les difficultés d’accès à un premier emploi après les études.

À l’inverse, les raisons premières qui motivent le choix des étudiants étrangers sont la qualité de l’enseignement dispensé, la langue et le rayonnement culturel de la France, la maîtrise du coût des études, en forte hausse par rapport à la précédente analyse.

En d’autres termes, la stratégie marketing du Gouvernement, qui consiste à augmenter les droits d’inscription à l’université en estimant qu’un coût plus élevé serait gage d’une formation d’un niveau supérieur, semble quelque peu déconnectée des motivations qui président, justement, à la décision des étudiants internationaux de venir en France.

Pis, elle renforce la barrière économique relative au coût de la vie et des études, et revient sur un avantage comparatif de la France par rapport au modèle anglo-saxon, dans lequel les études supérieures sont onéreuses. Pour de nombreux jeunes, l’accessibilité de l’université française est un critère décisionnel majeur ; si la France occupe une position enviable à l’échelle mondiale – quatrième position, et même première hors pays anglophones, avec 300 000 étudiants étrangers –, c’est aussi parce qu’elle ne s’inscrit pas dans le schéma anglo-saxon et qu’elle apparaît comme un contre-modèle, abordable et de qualité.

Madame la ministre, je ne crois absolument pas que libéraliser l’accès à l’enseignement supérieur pour les étudiants étrangers hors Union européenne sera source d’attractivité – mais peut-être nous direz-vous le contraire, arguments à l’appui – et permettra d’atteindre votre objectif de 500 000 étudiants internationaux d’ici à 2027. Au contraire, eu égard à la structure des étudiants étrangers dans l’enseignement supérieur français, l’effet d’éviction risque d’être massif ; et ce n’est aucunement l’octroi de 30 000 bourses, lesquelles représentent à peine 6 % des objectifs que vous vous êtes fixés, qui de mon point de vue compensera cet effet. En revanche, vous affecterez la provenance des jeunes et provoquerez une substitution partielle tendant, comme je l’ai dit à l’occasion d’une autre intervention, à « attirer les étudiants les plus riches et, en même temps, à écarter les plus pauvres ».

Ensuite, comme le révèle le baromètre de Campus France, le premier facteur d’attractivité demeure la qualité de la formation. Or cette dernière nécessite des ressources pédagogiques substantielles et oblige à créer et à adapter en permanence les contenus, afin qu’ils soient en adéquation avec les transformations de la société, aujourd’hui multiples et très rapides.

Par conséquent, les universités ont besoin de moyens humains et financiers pour développer des filières attractives, spécifiques et reconnues. Pour le Gouvernement, la hausse des frais d’inscription des étudiants extracommunautaires est une manière d’accroître les ressources propres des établissements ; mais n’est-elle pas également le signal d’un désengagement à venir de l’État en matière de financement du service public de l’enseignement supérieur ?

Quelles garanties offrez-vous, madame la ministre, afin que cette mesure n’ait pas pour corollaire une baisse égale du budget de l’État alloué aux universités qui provoquerait un renforcement des disparités entre celles-ci ?

Par ailleurs, la question de l’attractivité est intimement liée à celle de l’accueil, d’autant que les étudiants internationaux sont nombreux à pointer du doigt le maelstrom administratif et le coût de la vie en France. S’il est heureux que l’exécutif ait prévu de simplifier la politique de visas dans le cadre du plan Bienvenue en France, il est regrettable que si peu ait trait au quotidien des étudiants étrangers, singulièrement à la question du logement.

Enfin, évoquer l’attractivité d’un pays, c’est aborder son image et plus profondément sa consistance, ce que j’appelle son « âme ». Il est tellement significatif que la culture et le patrimoine français soient le deuxième motif invoqué par les étudiants étrangers pour justifier leur choix de venir étudier dans notre pays ! La France continue à être perçue, je l’espère pour longtemps encore, comme accueillante et attractive.

Or je crois que l’impact le plus négatif de la mesure considérée concerne l’image de la France qui se trouve écornée dans son aire d’influence, la francophonie. Mes collègues y reviendront dans la suite du débat.

La tradition d’ouverture de l’université française, pourtant séculaire, est mise à mal. C’est le fondement philosophique même de notre identité politique – l’égalité républicaine, l’accès universel aux savoirs et aux connaissances indépendamment des conditions matérielles initiales – qui est remis en question. La France doit tout simplement rester elle-même, sans chercher à entrer dans la logique anglo-saxonne, car c’est à la fois son honneur, sa singularité et sa force d’attractivité. Les étudiants étrangers d’aujourd’hui sont les futurs ambassadeurs itinérants de la France.

J’espère, madame la ministre, que vous reviendrez sur votre mesure et que le principe d’autonomie des universités ne servira pas de paravent au Gouvernement pour se départir de sa responsabilité, y compris sur le plan diplomatique, car il y a, là aussi, un enjeu majeur pour demain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Frédérique Vidal, ministre de lenseignement supérieur, de la recherche et de linnovation. Monsieur le président, madame la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de vous souhaiter une très belle année 2019.

Le premier mérite de ce débat est de nous permettre de mettre les choses au clair. À l’évidence, c’est indispensable, car l’écart est parfois immense entre la réalité de la stratégie Bienvenue en France et la description qui en est parfois faite ici et là.

À mes yeux, ce débat doit être l’occasion de dire clairement non seulement ce qu’est la stratégie d’attractivité menée par le Gouvernement, mais aussi ce qu’elle n’est pas, et de permettre à chacun de déterminer son opinion sur la base des faits. Rendre possibles de tels débats, c’est l’habitude du Sénat, et je me réjouis que nous ayons l’opportunité d’évoquer ensemble ce sujet essentiel.

Avant tout, je souhaite rappeler que la stratégie Bienvenue en France est une première. Jamais, jusqu’à présent, un gouvernement n’avait fait de la question de l’accueil des étudiants internationaux une priorité.

Si nous avons fait ce choix, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est parce que nous vivons une révolution silencieuse. Non seulement la jeunesse du monde est de plus en plus nombreuse à accéder à l’enseignement supérieur, et c’est très bien ainsi, mais elle est aussi de plus en plus nombreuse à faire tout ou partie de ses études supérieures à l’étranger. Il y a aujourd’hui un peu plus de 5 millions d’étudiants en mobilité dans le monde ; ils seront 9 millions en 2025.

La question posée est donc de savoir si la France sera ou non au rendez-vous de cette explosion de la mobilité étudiante, et si nous saurons saisir cette occasion d’accroître notre rayonnement, celui de notre enseignement supérieur comme celui de notre culture et des valeurs qui sont les nôtres.

Ne nous y trompons pas, aujourd’hui, certaines des grandes nations universitaires font face à des moments d’hésitation et sont confrontées à la tentation de la fermeture. La politique de visas américaine est ainsi devenue plus restrictive. Quant à nos amis britanniques, chacun sait qu’ils traversent une période de profonde incertitude.

Dans le même temps, de nouveaux acteurs émergent et affirment une politique d’attractivité que l’on peut, sans jugement de valeur, qualifier de dynamique, voire d’agressive. La Chine, la Turquie, l’Arabie saoudite, l’Iran sont quelques-uns des États qui connaissent la plus forte croissance du nombre d’étudiants internationaux accueillis. Face à cette concurrence, nous avons des atouts évidents – vous les avez rappelés, madame la sénatrice –, mais nous avons aussi des faiblesses. Il faut être conscient des uns comme des autres.

Les atouts, nous les connaissons : notre culture, notre patrimoine, la qualité de notre offre de formation et de recherche. Mais nos faiblesses sont aussi extrêmement visibles pour les étudiants internationaux. Nous les accueillons mal, et ils disent souvent qu’étudier en France se mérite.

Bien sûr, des progrès ont été effectués. Un certain nombre de grandes écoles, mais aussi d’universités se sont saisies de cette question. Ces efforts demeurent toutefois insuffisants, car faire des études en France relève encore trop souvent du parcours du combattant. Ce parcours démarre avec la demande de visa, se poursuit avec la recherche d’un logement, l’ouverture d’un compte en banque et l’inscription administrative. Trop souvent, les étudiants internationaux sont livrés à eux-mêmes pour accomplir ces démarches, tandis que dans les universités étrangères, un étudiant en mobilité est accueilli et accompagné de bout en bout.

Il suffit de comparer et de voir comment les étudiants français sont accueillis dans les universités étrangères… L’enjeu est donc bien là : être à la hauteur des standards internationaux de l’accueil.

Je veux insister sur ce point devant vous, car l’objectif du Gouvernement est bien d’augmenter de façon volontariste le nombre d’étudiants internationaux accueillis dans notre pays et de le porter à 500 000 d’ici à 2027. Nous sommes donc bien loin de la caricature qui circule ici ou là ! Il s’agit non pas de construire je ne sais quel mur autour des universités et des écoles, mais bien d’augmenter le nombre d’étudiants accueillis dans les prochaines années.

Évidemment, pour attirer ces étudiants, nous devons nous saisir des questions que nous avons trop longtemps laissées à l’écart. Je pense aux enseignements et aux formations délivrés en langue étrangère. Nous avons la chance de pouvoir compter sur la francophonie à laquelle je sais que vous êtes, comme moi, profondément attachés. Mais pour attirer en France et vers la pratique du français des étudiants qui, de prime abord, en sont davantage éloignés, nous devons réfléchir au moyen de leur permettre d’apprendre notre langue de manière intensive à leur arrivée sur le territoire, et en parallèle, à celui de développer des formations, notamment en langue anglaise, chaque fois que cela a du sens.

Pour accueillir les étudiants internationaux, il faut des moyens. Dès cette année, le Gouvernement a dégagé 10 millions d’euros pour permettre aux universités et aux écoles de mettre en place des actions concrètes, de créer des guichets uniques pour accompagner les étudiants dans leurs démarches, de faciliter l’accès au logement, notamment au sein des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, les CROUS, et de développer les formations en français langue étrangère que j’évoquais à l’instant.

Pour aider les étudiants qui choisiront la France à s’y retrouver, le premier appel à labellisation Bienvenue en France, qui témoignera de l’engagement des établissements d’enseignement supérieur, sera ouvert dans les prochains jours.

Je veux aussi être claire : dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, si nous voulons financer durablement l’amélioration de ces conditions d’accueil, nous n’avons pas d’autre choix que d’instaurer un vrai modèle redistributif, qui passe par la mise en place de droits d’inscription différenciés pour les étudiants internationaux et qui s’accompagne d’un triplement des bourses et exonérations. Il s’agit de garantir qu’aucun étudiant souhaitant choisir la France n’en soit empêché pour des raisons financières.

J’insiste, car ces frais différenciés ne peuvent se concevoir sans une véritable politique d’exonérations, de stratégies et de choix internationaux pour les établissements, ainsi que de bourses, qui se décline à l’échelle nationale et à celle de chaque établissement.

La mise en œuvre de nouvelles bourses et d’exonérations d’ici à la rentrée prochaine joue un rôle central dans la stratégie Bienvenue en France. Au-delà, les universités et les écoles disposent d’une large faculté d’exonération. Ainsi, tous les étudiants internationaux accueillis dans le cadre de conventions entre établissements d’enseignement supérieur sont exonérés de ces frais différenciés, de même que les étudiants accueillis dans le cadre d’Erasmus +. Au total, et sans que rien de nouveau soit proposé par les établissements, ce sont d’ores et déjà près de 25 % des étudiants internationaux concernés par les frais différenciés qui bénéficieront d’une exonération.

La stratégie internationale de chaque établissement doit se construire dans le contexte de ces établissements. C’est pourquoi j’ai demandé dès le mois de décembre à chaque établissement d’identifier ses besoins en bourses et en exonérations, et de nous les communiquer.

Pour intégrer pleinement l’objectif d’amélioration des conditions d’accueil, il doit y avoir un débat autour des modalités de financement de cette politique d’accueil, mais il ne doit en aucun cas nous faire oublier notre but : mieux accueillir les étudiants internationaux.

Ainsi pourrons-nous aborder, dans le cadre de la concertation et de ce débat, certains des points d’inquiétude qui ont déjà été formulés et auxquels je suis bien évidemment attentive. Je pense à l’accompagnement des étudiants internationaux d’ores et déjà présents en France, qui ne seront pas concernés par les frais différenciés et doivent donc être parfaitement rassurés à cet égard. En ce qui concerne les doctorants, qui sont essentiels pour notre système d’enseignement supérieur et de recherche, nous avons fait en sorte que les frais d’inscription d’un très grand nombre d’entre eux puissent être pris en charge.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, cette stratégie a une seule ambition : permettre à nos universités et à nos écoles de rayonner pleinement dans un monde où la mobilité étudiante connaîtra une accélération sans précédent. Au-delà des divergences qui s’exprimeront tout au long de ce débat, je suis certaine que cette ambition pourra nous réunir.

Débat interactif

M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes maximum pour présenter sa question, suivie d’une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.

Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.

Dans le débat interactif, la parole est à Mme Mireille Jouve.

Mme Mireille Jouve. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission de la culture, mes chers collègues, le 19 novembre dernier, le Premier ministre a annoncé une augmentation très significative des frais d’inscription des étudiants étrangers extracommunautaires lors de la prochaine rentrée. Cette décision a vocation, selon le Gouvernement, à permettre de financer un meilleur accueil des étudiants étrangers en France.

La pertinence de ce choix visant à renforcer l’attractivité de la France à l’égard des étudiants internationaux est loin d’emporter l’adhésion des principaux acteurs de la vie universitaire. La Conférence des présidents d’université, la CPU, a en effet demandé la suspension de cette décision dès le 13 décembre, ainsi que l’ouverture d’une concertation. Par ailleurs, en ce début d’année, les facultés d’Aix-Marseille et de Clermont-Ferrand ont d’ores et déjà indiqué qu’elles ne pratiqueraient aucune majoration sur les droits d’inscription lors de la rentrée 2019.

Madame la ministre, devant ces multiples réactions, vous venez de lancer une concertation tout en indiquant que la hausse des frais d’inscription pour les étudiants étrangers hors Union européenne « n’a pas vocation à être remise en cause dans son principe comme dans son calendrier ».

Cette concertation au cadre contraint a aussitôt été déplorée par la CPU. Celle-ci appelle de nouveau à la suspension de la décision d’augmenter très fortement les droits d’inscription des étudiants extracommunautaires à la prochaine rentrée, et demande l’ouverture d’une discussion au cadre élargi, sans a priori.

Madame la ministre, il paraît très difficilement envisageable, quelles que soient les options retenues pour renforcer l’attractivité à l’international de nos universités, qu’elles puissent être sereinement mises en œuvre sans recueillir préalablement l’assentiment des présidentes et présidents d’université.

Aussi, êtes-vous prête à faire évoluer le cadre de la concertation qui s’ouvre en levant toutes les barrières du débat, comme vous le demande la CPU ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Frédérique Vidal, ministre de lenseignement supérieur, de la recherche et de linnovation. Madame la sénatrice, je vous remercie de cette question qui permet de poser le cadre du débat.

Le Premier ministre a annoncé, lors de la présentation du plan Bienvenue en France, qu’il y aurait une concertation, laquelle ne visera pas à revenir sur une décision qu’il a souhaité prendre dans le cadre d’un accord interministériel qui affecte le ministère des affaires étrangères et celui de l’intérieur pour ce qui a trait à l’amélioration de la politique de visas, ainsi que le ministère de l’enseignement supérieur. Cette concertation a donc été annoncée dès le départ.

Cela étant, les universités sont des établissements publics opérateurs de l’État. Il est donc normal qu’ils soient consultés, non pas sur les choix du Gouvernement en tant que tels, mais sur les modalités de leur mise en application. C’est pourquoi j’ai indiqué aux présidents d’université qu’ils devaient dès à présent faire des propositions sur la façon dont ils souhaitaient accueillir davantage d’étudiants internationaux. Ils ont d’ailleurs tous déjà saisi cette opportunité dans le cadre de diplômes d’établissements, qu’ils facturent parfois jusqu’à 15 000 euros sans que cela pose de problème à personne puisqu’il ne s’agit pas de diplômes nationaux. Ce dispositif permet ainsi aux universités de disposer de plus de 50 millions d’euros de ressources propres.

Il faut bien resituer le débat. Nous souhaitons la mise en place d’un système redistributif dans lequel les étudiants internationaux qui en auront les moyens contribueront à l’amélioration de l’accueil de l’ensemble des étudiants, et la sortie du système actuel, lequel prévoit un accueil correct dans nos établissements d’enseignement supérieur pour les seuls étudiants qui peuvent payer 15 000 euros. Tel est, je crois, le fond du débat.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’accueil d’étudiants étrangers est une réelle chance pour notre pays. Outre que ceux-ci « rapportent » à notre économie davantage que ce qu’ils nous « coûtent » – un sondage BVA de novembre 2014 faisait état d’un bilan économique largement favorable à la France –, ils sont ensuite de précieux ambassadeurs pour notre pays, notre langue, notre culture, nos valeurs.

Au-delà de la valeur intrinsèque des études en France, de l’attrait de notre culture et de notre cadre de vie, je pense que les craintes actuellement suscitées par le Brexit et la politique de Donald Trump sont autant d’atouts pour faire valoir la destination France auprès des communautés étudiantes en mobilité internationale. Nos postes diplomatiques et nos antennes de Campus France s’y emploient, et nous pouvons le vérifier à chacun de nos déplacements à l’étranger.

J’ai bien compris, madame la ministre, votre réflexion et votre démarche globales pour attirer davantage d’étudiants internationaux, et c’est un pas en avant tout à fait appréciable.

Dans l’optique d’améliorer l’attractivité estudiantine internationale, dans un contexte d’explosion de la mobilité et de concurrence très vive qui ne fera que se renforcer, le Sénat a toujours soutenu la démarche des gouvernements successifs visant à créer des champions français de l’enseignement supérieur visibles et attractifs à l’international. Souvenez-vous des pôles de recherche et d’enseignement supérieur, les PRES, prévus dans la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, dite loi LRU, soutenue par Mme Valérie Pécresse, puis des communautés d’universités et établissements, les COMUE, de la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, dite loi ESR, défendue par Mme Geneviève Fioraso !

Quel bilan tirez-vous, madame la ministre, de cette politique de regroupement de nos établissements ? A-t-elle réellement porté ses fruits ? Comment s’est-elle traduite dans les classements internationaux, celui de Shanghai par exemple, avec toutes les réserves qui doivent bien entendu entourer ce type de classification nécessairement incomplète ? Les grandes écoles françaises, qui bénéficiaient déjà d’une belle réputation à l’étranger, n’y ont-elles pas perdu un peu de leur âme ?