Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Les dispositions de l’amendement n° 888 rectifié procèdent de la même logique que le texte adopté par la commission : il s’agit simplement de remplacer l’autorisation préalable par une licence annuelle, ce qui risque selon moi de compliquer encore davantage le système. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.

L’amendement n° 816 tend à exprimer la même philosophie que l’amendement n° 932 du Gouvernement ; j’ai indiqué que la rédaction à laquelle nous vous demandons de revenir devrait être complétée, afin de prendre en compte les travaux de la commission. Le Gouvernement est donc a priori favorable à cet amendement.

L’examen de l’amendement n° 317 rectifié nous donne l’occasion de bien pointer la nécessité d’une régulation dans deux champs. Vous voulez, monsieur Karoutchi, exclure de la redevance les scooters qui seront déjà sur des places de stationnement que l’on peut supposer déjà être soumises à redevance. On devrait sans doute exclure une double redevance.

Pour autant, un enjeu de régulation demeure ; celle-ci devrait en l’occurrence être davantage exercée par l’autorité organisatrice. Je ne pense pas que le simple fait d’être immatriculé devrait permettre à un engin d’échapper à toute régulation par cette autorité. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement, ainsi que sur l’amendement n° 714.

Concernant les amendements identiques nos 397 rectifié bis, 563 rectifié et 1007 rectifié, on doit définir le champ des prérogatives de la collectivité, sous peine d’incompétence négative de la loi. L’avis du Gouvernement sur ces amendements est donc défavorable.

L’amendement n° 971 rectifié bis porte sur le même sujet. On doit ici aussi spécifier sur quel champ la collectivité ou l’autorité organisatrice peuvent intervenir. L’avis du Gouvernement sur cet amendement est donc défavorable, d’autant que la mise à disposition des données est déjà couverte par l’article 9.

L’amendement n° 207 rectifié bis vise à prendre en considération un enjeu effectivement très important. L’ensemble des personnes fragiles qui souhaitent utiliser tranquillement les trottoirs attendent que l’on régule mieux ces nouveaux services.

Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.

Quant à l’amendement n° 236 rectifié, qui a pour objet de permettre aux opérateurs de faire figurer leur logo sur les engins, le Gouvernement lui est également favorable.

Concernant le périmètre d’exploitation et la possibilité de moduler la redevance, objet de l’amendement n° 662 rectifié, il s’agit d’un enjeu important. Toutefois, d’un point de vue juridique, il est délicat de savoir si l’on peut moduler a posteriori cette redevance en fonction de la couverture. Nous allons travailler sur ce point, afin de déterminer si c’est juridiquement possible. Dans l’attente de ce travail, je vous propose, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer cet amendement.

Quant à l’amendement n° 1025 de M. le rapporteur, par cohérence, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Corbisez. Je retire l’amendement n° 888 rectifié, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 888 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 932.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 816.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote sur l’amendement n° 317 rectifié.

M. Roger Karoutchi. Je vais retirer cet amendement, sous couvert de l’explication fournie par Mme la ministre. Le problème de la double redevance serait absolument inacceptable, mais je comprends bien que ces véhicules ne doivent pas échapper aux contrôles nécessaires. Il faudra naturellement que le débat parlementaire intègre le fait que la double redevance doit être impossible.

Au bénéfice de ces observations, je retire cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 317 rectifié est retiré.

Monsieur Pellevat, l’amendement n° 714 est-il maintenu ?

M. Cyril Pellevat. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 714 est retiré.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 397 rectifié bis, 563 rectifié et 1007 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote sur l’amendement n° 971 rectifié.

M. Roger Karoutchi. M. le rapporteur ayant indiqué que cet amendement était satisfait par l’article 9, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 971 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 207 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 236 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour explication de vote sur l’amendement n° 662 rectifié.

M. Jean-Michel Houllegatte. Si l’on considère que le périmètre est englobé dans les conditions de déploiement mentionnées à l’alinéa 4 de cet article et que la modulation peut être une piste de travail, nous retirons cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 662 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 1025.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 18, modifié.

(Larticle 18 est adopté.)

Article 18
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Article 20

Article 19

I. – À l’article L. 3120-2-1 du code des transports, après le mot : « aptitude », sont insérés les mots : « à l’exclusion des conducteurs de cycles à pédalage assisté, ».

II. – À l’article L. 3120-2-2 du code des transports, après la référence : « L. 3120-1 », sont insérés les mots : «, à l’exclusion des conducteurs de cycles à pédalage assisté, ».

III. – Le chapitre III du titre II du livre Ier de la troisième partie du code des transports est ainsi modifié :

1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Les véhicules à deux ou trois roues » ;

2° Au début, est ajoutée une section 1 intitulée : « Les véhicules motorisés à deux ou trois roues » qui comprend l’article L. 3123-1 ;

3° Est ajoutée une section 2 ainsi rédigée :

« Section 2

« Les cycles à pédalage assisté

« Art. L. 3123-2. – Les entreprises qui mettent à la disposition de leur clientèle, pour assurer leur transport ainsi que celui de leurs bagages, des cycles à pédalage assisté conduits par le propriétaire ou son préposé, doivent disposer :

« 1° D’un ou plusieurs véhicules adaptés répondant à des conditions techniques et de confort et sur lesquels doit être apposée une signalétique visible ;

« 2° De conducteurs répondant à une condition d’honorabilité professionnelle et justifiant d’aptitude à la conduite en circulation ;

« 3° D’un contrat d’assurance couvrant leur responsabilité civile en matière de véhicule et de transport de personnes. » ;

« Art. L. 3123-2-1 (nouveau). – Les communes et les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de police de la circulation et du stationnement peuvent, après avis de l’autorité organisatrice de la mobilité concernée, soumettre les services de transport par cycle à pédalage assisté à un régime d’autorisation préalable, en vue de s’assurer du respect par les entreprises mettant à disposition ces cycles des conditions prévues à l’article L. 3123-1.

« La durée de l’autorisation d’exploiter et les conditions de sa délivrance sont définies par la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale. » ;

4° Est ajoutée une section 3 intitulée : « Dispositions communes » qui comprend l’article L. 3123-3.

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l’article.

Mme Éliane Assassi. Cet article réglemente l’activité des cycles à pédalage assisté assurant le transport de personnes.

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a renforcé le dispositif de régulation des vélos-taxis en les soumettant à un régime d’autorisation préalable, mais aussi à des conditions d’honorabilité professionnelle et d’aptitude à la conduite des conducteurs. Les modifications apportées par la majorité sénatoriale vont dans le bon sens.

Pour autant, dans sa nouvelle rédaction, cet article n’apporte pas de garanties suffisantes aux conducteurs des vélos-taxis, dont le nombre est estimé à quatre cents dans la capitale et dont la dureté du travail n’est ni reconnue ni prise en considération, entraînant un risque d’exposition à l’épuisement professionnel, mais également des dangers pour la santé, notamment à cause de l’absorption en grande quantité de particules fines, puisqu’ils se trouvent au même niveau que les pots d’échappement des véhicules motorisés.

En matière de sécurité, le port du casque devrait être obligatoire pour le conducteur comme pour les passagers, afin de réduire les conséquences des accidents de la route.

À partir du moment où les conducteurs utilisent leur cyclomoteur pour un usage exclusivement commercial, une plaque d’immatriculation devrait être obligatoire, tout comme la souscription d’une assurance de type cyclomoteur et la détention du code de la route.

Bref, les conditions de sécurité sont loin d’être réunies. C’est la raison pour laquelle nous émettons des réserves sur cet article.

Mme la présidente. L’amendement n° 160 rectifié bis, présenté par Mmes Assassi et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cohen, M. Collombat, Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Je retire cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 160 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 1013 rectifié bis, présenté par MM. Féraud, Assouline et Jomier, Mme de la Gontrie, MM. Bérit-Débat et Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte, Jacquin et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Kanner, Cabanel, Courteau et Devinaz, Mmes Grelet-Certenais, Guillemot, Jasmin et Lubin, MM. Lalande et Lurel, Mme Monier, MM. Montaugé, Raynal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 1 et 2

Après le mot :

conducteurs

insérer les mots :

de cyclomoteurs et

II. – Alinéa 8

Après le mot :

Les

insérer les mots :

cyclomoteurs et

III. – Alinéa 9

Après les mots :

bagages, des

insérer les mots :

cyclomoteurs ou

La parole est à M. Rémi Féraud.

M. Rémi Féraud. Cet amendement vise à inclure les cyclomoteurs à deux ou trois roues, qui sont exclus du projet de loi – celui-ci ne prend en compte que les cycles à pédalage assisté –, comme de la réglementation des motos-taxis.

Il faut absolument éviter que, lorsque ce texte entrera en vigueur, il reste des trous dans le gruyère et des zones d’ombre dans la réglementation des moyens de transport qui ne puissent faire l’objet d’une régulation. Mais peut-être que Mme la ministre, ou M. le rapporteur, apportera un autre éclairage sur cette question.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Mandelli, rapporteur. L’article 19 créé un cadre juridique spécifique pour le transport de personnes par cycle à pédalage assisté, le vélo-taxi, simplifié par rapport au régime applicable pour les autres types de transport particulier de personnes, étant donné la faible puissance de ces engins. Nous avons voulu encadrer et moraliser – j’ose le mot – cette pratique.

Étendre ce régime simplifié aux cyclomoteurs, dont la puissance est supérieure et qui présentent donc davantage de risques pour les usagers, ne me paraît pas opportun.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. L’article 19 met en place un régime juridique allégé pour les seuls cycles à pédalage assisté. Les cyclomoteurs sont d’ores et déjà encadrés en tant que véhicules motorisés à deux ou trois roues. Je ne pense pas qu’il soit souhaitable d’alléger cet encadrement non plus que de permettre aux véhicules de moins de quarante kilowatts de déroger aux obligations actuelles d’être électriques ou hybrides.

Le Gouvernement émet donc également un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1013 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 19.

(Larticle 19 est adopté.)

Article 19
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Article additionnel avant l'article 21 - Amendements n° 800 rectifié, n° 162 rectifié, n° 663 rectifié bis, n° 343 rectifié et n° 873 rectifié

Article 20

Le chapitre II du titre IV du livre III de la septième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° L’article L. 7342-1 est complété par quatorze alinéas ainsi rédigés :

« À ce titre, la plateforme peut établir une charte déterminant les conditions et modalités d’exercice de sa responsabilité sociale, définissant ses droits et obligations ainsi que ceux des travailleurs avec lesquels elle est en relation. Cette charte, qui rappelle les dispositions du présent chapitre, précise notamment :

« 1° Les conditions d’exercice de l’activité professionnelle des travailleurs avec lesquels la plateforme est en relation, en particulier les règles selon lesquelles ils sont mis en relation avec ses utilisateurs. Ces règles garantissent le caractère non-exclusif de la relation entre les travailleurs et la plateforme et la liberté pour les travailleurs d’avoir recours à la plateforme ;

« 2° Les modalités visant à permettre aux travailleurs d’obtenir un prix décent pour leur prestation de services ;

« 3° Les modalités de développement des compétences professionnelles et de sécurisation des parcours professionnels ;

« 4° Les mesures visant notamment :

« a) À améliorer les conditions de travail ;

« b) À prévenir les risques professionnels auxquels les travailleurs peuvent être exposés en raison de leur activité ainsi que les dommages causés à des tiers ;

« 5° Les modalités de partage d’informations et de dialogue entre la plateforme et les travailleurs sur les conditions d’exercice de leur activité professionnelle ;

« 6° Les modalités selon lesquelles les travailleurs sont informés de tout changement relatif aux conditions d’exercice de leur activité professionnelle ;

« 7° La qualité de service attendue sur chaque plateforme et les circonstances qui peuvent conduire à une rupture des relations commerciales entre la plateforme et le travailleur ainsi que les garanties dont ce dernier bénéficie dans ce cas ;

« 8° Les garanties de protection sociale complémentaire négociées par la plateforme et dont les travailleurs peuvent bénéficier, notamment pour la couverture du risque décès, des risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, des risques d’incapacité de travail ou d’invalidité, des risques d’inaptitude, ainsi que la constitution d’avantages sous forme de pensions de retraite, d’indemnités ou de primes de départ en retraite ou de fin de carrière.

« La charte est publiée sur le site internet de la plateforme et annexée aux contrats ou aux conditions générales d’utilisation qui la lient aux travailleurs.

« L’établissement de la charte et le respect des engagements pris par la plateforme dans les matières énumérées aux 1° à 8° ne peuvent caractériser l’existence d’un lien de subordination juridique entre la plateforme et les travailleurs.

« L’autorité administrative se prononce sur toute demande d’appréciation de la conformité du contenu de la charte au présent titre, formulée par la plateforme dans des conditions fixées par décret. » ;

2° Le second alinéa de l’article L. 7342-3 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Il bénéficie, à sa demande, des actions mentionnées au 3° de l’article L. 6313-1. La plateforme prend alors en charge les frais d’accompagnement et lui verse une indemnité dans des conditions définies par décret.

« Le compte personnel de formation du travailleur est alimenté par la plateforme, dans des conditions fixées par décret, lorsque le chiffre d’affaires qu’il réalise sur cette plateforme est supérieur à un seuil déterminé. Ce seuil peut varier en fonction du secteur d’activité du travailleur et est fixé par décret. » ;

3° L’article L. 7342-4 est ainsi rédigé :

« Art. L. 7342-4. – L’article L. 7342-2 n’est pas applicable lorsque le chiffre d’affaires réalisé sur la plateforme est inférieur à un seuil défini par décret. Pour le calcul de la cotisation afférente aux accidents du travail, seul est pris en compte le chiffre d’affaires réalisé par le travailleur sur la plateforme. »

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Forissier, sur l’article.

M. Michel Forissier. Cet article nous ennuie beaucoup ! (Sourires.) Plusieurs tentatives ont déjà été menées pour faire adopter cette disposition par voie d’amendement dans des textes relatifs au code du travail.

Or pour moi, une charte non seulement constitue un bavardage, d’autant qu’il suffirait d’appliquer les dispositions prévues par le code du travail pour résoudre ces problématiques, mais surtout forme un rideau de fumée sur des obligations normales dans des relations de travail. D’ailleurs, et c’est en cela que cet article nous pose le plus problème, il est précisé que cette charte ne peut constituer « un lien de subordination entre la plateforme et les travailleurs ». En d’autres termes, on démontre qu’il y a subordination, pour la nier ensuite.

Il nous semble dangereux de légiférer sur une charte qui n’est pas obligatoire, qui ne donne pas de garantie systématique à tous les travailleurs et qui, je le répète, relève en réalité du rideau de fumée sur une situation qui demande à être éclaircie.

Pour les rapporteurs de la commission des affaires sociales qui ont travaillé sur ce sujet en d’autres occasions, notamment Frédérique Puissat et Catherine Fournier, il faut absolument supprimer cet article.

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.

M. Fabien Gay. Les plateformes numériques de travail se construisent sur un modèle économique qui a vocation à contourner les règles applicables aux secteurs dans lesquels elles évoluent, en particulier celles du droit du social.

« L’intermédiation numérique » comme activité spécifique justifierait une telle mise à l’écart : il y aurait non plus des « travailleurs », encore moins des « salariés », mais des « utilisateurs » ou des « prestataires extérieurs » ; non plus des « employeurs », mais des « intermédiaires » ; non plus des sanctions directes, mais des incitations. Et la désactivation fait figure de rupture contractuelle euphémisée.

Il ne s’agit pourtant que d’une torsion de la réalité opérée par le recours à un langage spécifique. Dans les faits se multiplient les pratiques de concurrence déloyale envers les entreprises qui respectent la loi et une vaste opération de dumping social s’observe.

La Cour de justice de l’Union européenne est pourtant formelle : l’intermédiation numérique n’est que la modalité d’exécution d’un service qui dépasse la simple mise en relation. Si Uber est une société de transport, Deliveroo une société de livraison de repas, ces plateformes ont besoin des travailleuses et des travailleurs qui réaliseront, pour leur compte, l’activité économique et commerciale qu’elles encadrent et dirigent. C’est ce que l’on appelle du travail salarié.

Or le développement des plateformes numériques de travail est l’occasion d’une paupérisation terrible des travailleuses et des travailleurs, qui restent à l’écart du statut de l’emploi et sont payés à la tâche, sans assurance maternité, chômage, vieillesse ou maladie, sans protection contre le pouvoir de contrôle, de direction et de sanction des plateformes, et soumis à la loi du plus fort.

Pour protéger ces travailleurs, lutter contre le faux travail indépendant, le dumping social et les pratiques de concurrence déloyale, il semble indispensable d’établir bien plus qu’une charge, mais une réelle présomption de salariat, comme nous l’avions proposé lors de la discussion de la loi relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, qui explicite la nature de l’état de subordination, et de mieux identifier le débiteur des obligations légales et contractuelles par une définition de l’employeur.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, sur l’article.

M. Olivier Jacquin. Mes chers collègues, je vais vous parler de Kévin Durand. Ce jeune travailleur ubérisé de mon secteur, âgé de vingt et un ans, vient de lancer une pétition sur change.org pour alerter ses collègues et la population sur la forte baisse de revenus qu’il subit depuis près d’un an ; cela fait deux ans qu’il exerce cette activité.

Si, dans un premier temps, les plateformes sont relativement attractives pour recruter des travailleurs, au bout d’un certain temps, elles serrent la vis. C’est si vrai qu’émerge un nouveau phénomène que dénonce et refuse Kévin Durand, à savoir la location d’identifiants – forcément vers des plus précaires – contre rémunération. Les travailleurs qui n’ont que leur force de travail pour survivre s’adressent à plus précaires qu’eux, à savoir des gens qui n’ont pas le droit de travailler, et leur louent leur compte pendant qu’ils sont occupés à autre chose, et ce contre une rémunération de l’ordre de 30 %.

En examinant ses contrats, j’ai découvert que Kévin Durand, qui livre en vélo, n’était pas assuré à son retour de course ; il ne l’est qu’à l’aller. S’il se fait écraser pendant le trajet retour, il ne bénéficie d’aucune protection.

Ce modèle économique ne rémunère pas le travail ! Ce n’est donc pas avec une charte facultative, même bien pensée, que l’on réglera ces questions. Si elle était adoptée dans le domaine des transports, il est évident qu’elle ferait jurisprudence ailleurs, dans d’autres domaines de l’ubérisation. Nous avons besoin d’un véritable texte qui soit consacré à cette question grave et sérieuse.

D’ailleurs, lorsque, le 10 janvier dernier, la cour d’appel de Paris a retoqué et requalifié un nouveau contrat en salariat, Mme Muriel Pénicaud a elle-même évoqué la nécessité d’un véhicule législatif spécifique. Il nous semble également qu’il faudrait mener des négociations par branches d’activité pour définir les conditions minimales d’activité, notamment en termes de revenus.

Je conclus en évoquant les coopératives d’activités et d’emplois. Dans le cadre de ce statut créé par la loi relative à l’économie sociale et solidaire de 2014, il est possible d’obtenir un statut d’entrepreneur salarié à temps partiel en CDI. C’est le cas de la coopérative Mobicoop, spécialisée dans le covoiturage sans frais. Cela permettrait de rétablir un rapport de force entre les travailleurs et les plateformes.

Nous voterons donc contre cet article.

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Marchand, sur l’article.

M. Frédéric Marchand. Nous le savons, nous le voyons, les plateformes se sont considérablement développées ces dernières années, ce qui a entraîné une augmentation du nombre de travailleurs indépendants et provoqué un questionnement quant à leur statut. Les fortes perspectives de développement du secteur et la fréquence des conflits sociaux en son sein appellent une réaction.

Mes chers collègues, il incombe aux responsables politiques de prendre acte des changements profonds qu’opère la révolution numérique au sein de notre société et de les accompagner. La sécurisation de la relation entre les plateformes et les travailleurs indépendants et le développement de la responsabilité de ces plateformes doivent être une priorité.

L’article 20 permet de rendre cette responsabilité effective par le biais de l’établissement d’une charte. Celle-ci sera annexée aux contrats de prestation de services des travailleurs indépendants, afin de la rendre opposable aux parties.

Les effets bénéfiques de cet article sont nombreux, le rapporteur l’avait lui-même reconnu lors de l’examen en commission : de meilleures conditions d’exercice de l’activité des travailleurs, des garanties de protection sociale, la sécurisation des parcours professionnels.

Cet article répond donc à un double enjeu : le besoin de sécurisation des relations entre les plateformes et les travailleurs, d’une part, le besoin de moralisation du secteur par le renforcement des garanties sociales offertes à ces travailleurs, d’autre part.

Vous l’aurez compris, ces dispositions doivent être un vecteur de sécurité juridique, tout en encourageant les plateformes à adopter de bonnes pratiques dans leurs relations avec leurs salariés. Il convient de continuer les travaux sur cette question et de légiférer de façon posée.

Je pense que l’enjeu auquel nous faisons face est moins de trouver des moyens de requalification en salariat que d’imaginer des protections adaptées à ces nouvelles formes de travail, qui correspondent à des évolutions profondes de notre société.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre. On constate un développement important des plateformes, en particulier dans le domaine des transports, qu’il s’agisse du transport des personnes ou de marchandises.

Pour ma part, je souhaite insister sur le fait que ces plateformes offrent à des personnes qui ne souhaitent pas être salariées – il est souhaitable de ne pas inventer des demandes à leur place – la possibilité de développer une activité. Elles contribuent à créer de l’emploi, y compris pour des publics qui en sont aujourd’hui éloignés.

Par conséquent, nous ne devons pas entraver leur développement. Bien plus, nous devons le faciliter.

Pour autant, il n’est pas acceptable que, au prétexte qu’ils sont indépendants, les travailleurs des plateformes soient dépourvus de protection et de droits. Il nous faut donc avancer dans un champ nouveau, où nous devons réguler sans entraver, répondre aux aspirations de travailleurs attachés à leur indépendance, qui souhaitent organiser librement leur travail, et aux attentes des plateformes, qui, pour fonctionner, doivent pouvoir correctement fixer certaines obligations.

À ce titre, l’article 20, tel qu’il vous est présenté, constitue une première étape. Il permet aux plateformes de prendre des engagements vis-à-vis des travailleurs qui s’y inscrivent, sans que celles-ci soient dissuadées par le risque d’une requalification en contrat de travail.

Oui, il faudra aller plus loin. C’est le sens des discussions que nous menons actuellement, notamment dans le secteur des VTC. Peut-être faut-il travailler à des règles inter-plateformes ou réfléchir à la façon dont les travailleurs peuvent être associés à la définition des chartes.

En tout cas, ce qui est proposé constitue une avancée, même si, je le redis, d’autres champs sont en cours de discussion : dans quelle mesure revoir les conditions d’accès à la profession, comment encadrer le temps de travail, notamment dans le domaine des transports où des règles de sécurité doivent s’appliquer, comment répondre aux aspirations des chauffeurs en termes de rémunération, comment encadrer davantage les conditions d’exercice des plateformes et leur ouverture de données ?

Il s’agit là d’un premier pas. On ne peut pas vouloir plaquer sur ce secteur des règles qui conviennent bien aux salariés. Certes, monsieur le sénateur, vous avez cité le cas de Kévin Durand, mais je pense que nombre de ses collègues ne souhaitent en aucun cas être salariés.