M. Charles Revet. Exactement !

Mme Anne Chain-Larché, rapporteure pour avis. Comment les agences pourront-elles, demain, réaliser leurs investissements en matière d’eau potable et d’assainissement, si nous continuons à les ponctionner de la sorte ?

M. François Bonhomme. Elles sont à sec ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Anne Chain-Larché, rapporteure pour avis. Présenter des réformes non ficelées sur le plan budgétaire, cela devient une manie, une très mauvaise habitude.

En nous renvoyant au prochain projet de loi de finances, vous desservez, madame la secrétaire d’État, la réforme que vous proposez, et vous desservez la biodiversité que vous entendez défendre. Comme Jean-Claude Luche et Jean-Noël Cardoux, avec lesquels j’ai travaillé en bonne intelligence, et nos collègues sénateurs, nous serons au rendez-vous des débats budgétaires pour réexaminer le circuit de financement du nouvel établissement et revoir la contribution des agences de l’eau.

En conclusion, la commission des affaires économiques a donné un avis favorable à l’adoption du projet de loi sous réserve des amendements qu’elle a adoptés et des réponses apportées aux interrogations que soulève une réforme dont la soutenabilité financière n’est pas assurée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bignon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

M. Jérôme Bignon. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, « si l’on m’apprenait que la fin du monde est pour demain, je planterai quand même un pommier ». Je reprends cette phrase de Martin Luther King à mon compte, tant il est primordial dans la lutte pour la préservation de la biodiversité de ne jamais baisser les bras.

Mon engagement est ancien dans ce combat. Il m’a mené sur de nombreux chemins, un peu partout dans le monde, à la rencontre de multiples institutions, organismes et personnes concernés. Je puis vous confirmer qu’il existe de très belles initiatives, dans tous nos territoires métropolitains et ultramarins : chaque action, même la plus anodine, compte, et contribue à ce combat.

Dans le contexte actuel du réchauffement climatique, enrayer l’effondrement de la biodiversité est plus que jamais capital. Le maintien de la biodiversité est une condition sine qua non de notre propre survie ; nous en sommes un des éléments essentiels.

La biodiversité est tout à la fois le tissu vivant de notre planète et notre pharmacie ; elle fournit en biens et services près de deux fois la valeur de ce que produisent les humains chaque année ; plus de 70 % des cultures que nous consommons dépendent d’une pollinisation animale.

Or la dégradation de la biodiversité n’est pas un mythe : les experts français – ceux du Muséum, du Centre national de la recherche scientifique et des ONG – et mondiaux – de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques, l’IPBES – indiquent que la moitié des espèces vivantes pourrait disparaître d’ici à un siècle, compte tenu du rythme actuel de leur disparition, cent à mille fois supérieur au taux naturel d’extinction.

La crise d’extinction actuelle est bien plus rapide, et elle est quasi exclusivement liée aux activités humaines. Avec ses outre-mer, la France se situe parmi les dix pays abritant le plus grand nombre d’espèces mondialement menacées.

Les milieux naturels sont fragilisés ou détruits par les activités humaines : sur l’ensemble de la planète, 60 % d’entre eux ont été dégradés au cours des cinquante dernières années et près de 70 % sont exploités au-delà de leur capacité. Une superficie équivalente au département de notre rapporteure pour avis disparaît tous les dix ans et perd ses espaces cultivables.

J’ai récemment remis un rapport au Premier ministre sur les « zones humides ». Le constat est sans appel : ces terres d’eau, milieux dont les bienfaits sont inestimables pour l’homme, continuent de disparaître à un rythme accéléré.

Heureusement, le thème de la biodiversité et de sa préservation s’impose de plus en plus dans les débats publics ; les jeunes générations, à l’image de la Suédoise Greta Thunberg, sont de plus en plus réceptives à l’idée d’interroger notre place, notre rôle au sein de la biodiversité et l’impact de nos activités, en lien avec la problématique du changement climatique. Cela doit encore progresser. Il y a maintenant urgence à agir pour qu’un véritable changement de paradigme en faveur de la protection de la biodiversité ait lieu.

La France a pris part à de grands engagements internationaux, comme le Millenium Assessment pour 2030 et ses dix-sept objectifs de développement durable, ou ODD, sont essentiels. Les pays membres de l’ONU, les pays européens et l’Union européenne ès qualités se sont lancés dans cette formidable aventure dont le succès conditionne la réussite de l’accord de Paris.

Le plan Biodiversité lancé en 2018 répond en partie à cet objectif. Il faut aussi des opérateurs publics puissants et efficaces. La gouvernance est en effet un enjeu majeur de la préservation et de la gestion de la biodiversité.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires et moi-même nous félicitons donc de la création de l’Office français de la biodiversité, qui sera, nous en sommes certains, un opérateur clé pour restaurer et protéger la biodiversité de façon efficace.

À l’Assemblée nationale, j’avais été le promoteur législatif de l’Agence des aires marines protégées en 2005. J’avais soutenu le regroupement de cette agence avec l’Onema, l’ATEN et l’établissement public Parcs nationaux de France au travers de la création de l’Agence française pour la biodiversité ; j’avais eu l’honneur d’être le rapporteur du texte dans notre assemblée. J’approuve donc, et mon groupe avec moi, cette étape qui devrait faire de ce nouvel établissement public un outil pertinent, concret et complet, pour agir sur le terrain partout en France.

Il faudra, madame la secrétaire d’État, lui en donner les moyens – je souscris à l’avis des rapporteurs – humains et financiers : je partage à cet égard les inquiétudes exprimées sur les 40 millions d’euros manquants. L’office doit être doté des moyens d’agir.

Le projet de loi semble à première vue assez technique, mais il traduit en réalité un portage politique affirmé pour répondre aux enjeux de la biodiversité en France. Ce nouvel office devrait permettre d’accroître l’efficacité des politiques de l’eau et de la biodiversité par une meilleure connaissance, surveillance, préservation et gestion des espèces et milieux. Le renforcement de la police de l’environnement sur le terrain, au plus près des besoins, et l’adossement à une expertise scientifique et technique reconnue étaient bien sûr indispensables.

Je tiens à saluer le travail du rapporteur Jean-Claude Luche et de la rapporteure pour avis Anne Chain-Larché pour les améliorations déjà apportées à ce projet de loi par notre assemblée en commission.

Le travail en bonne intelligence avec toutes les parties intéressées – chasseurs, agriculteurs, acteurs économiques, organismes privés et publics, ONG, scientifiques – sera également primordial pour le bon fonctionnement de ce nouvel office. Leur présence dans les instances délibérantes avec un effectif qui devra, je le répète, car je l’ai déjà dit en commission, rester raisonnable – le conseil d’administration est une instance de décision, non de discussion – est une très bonne chose, tout comme l’association étroite des chasseurs à la préservation de la biodiversité.

Je conclurai mes propos en citant Platon et en évoquant le fameux kairos grec : « Si on laisse passer le temps de faire une chose, on la manque. » Ce moment est aujourd’hui arrivé. Chaque pierre sera utile pour fortifier l’édifice de la préservation et de la reconquête de la biodiversité. Espérons que ce nouvel office sera l’une de ces pierres ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Patriat.

M. François Patriat. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, c’est un honneur pour moi d’intervenir après Jérôme Bignon dans cette discussion. Cela montre bien non pas la forme de consensus, mais la complémentarité qui a régné durant l’élaboration de cette loi et qui va perdurer pendant nos débats.

Ce texte est celui des engagements tenus, par le chef de l’État et le Gouvernement, par le monde de la chasse, mais aussi par les environnementalistes. C’est le texte de tous les acteurs de la protection des écosystèmes. À ce titre, il mérite d’être salué.

Voté à la quasi-unanimité à l’Assemblée nationale, le présent projet de loi va permettre d’envisager des pratiques plus rationnelles et une meilleure protection de l’environnement.

C’est un projet de loi à la fois ambitieux, courageux et visionnaire ; il est équilibré à l’égard de l’ensemble des partenaires du monde rural. Il s’inscrit dans un pari audacieux, auquel j’adhère totalement, car il s’agit d’assurer et d’assumer le développement de la chasse française dans tous nos territoires ruraux.

Il s’agit également de porter l’idée que la chasse doit s’adapter, se moderniser, s’ouvrir pour gérer plus efficacement la faune sauvage, responsabiliser les gestionnaires des territoires, partir à la reconquête de l’opinion publique et promouvoir une chasse durable.

Devant tous les dirigeants de la chasse française réunis à l’occasion de leur congrès en 2017, le chef de l’État Emmanuel Macron, qui était alors candidat et que j’accompagnais, avait affirmé avec bon sens et conviction : « La chasse n’est ni un sport ni un loisir, mais un mode de vie. » Mais, soyons clairs, mes chers collègues, et je tiens à le préciser ici, ce n’est pas une loi « chasse » !

Il y a près de vingt ans, à la suite d’une très grande consultation, j’ai écrit un rapport contenant 110 propositions pour une chasse apaisée et responsable. Il a abouti à la loi du 24 juillet 2000, qui a fait du droit de chasse un droit positif confortant toutes les pratiques de chasses, accordant à la Fédération nationale des pouvoirs dont elle ne disposait pas jusque-là et reconnaissant la responsabilité de chacun.

Cette loi a permis de nombreuses avancées, aujourd’hui reconnues par le monde cynégétique.

Madame la secrétaire d’État, j’en profite pour saluer votre engagement et celui de tous les partenaires – je remercie également la commission – sur ces sujets qui me tiennent à cœur, ainsi que votre prédécesseur Sébastien Lecornu, avec lequel nous avons travaillé.

La création de l’OFB répond à ces attentes, puisque cet office permettra de faire travailler ensemble le monde de la chasse et celui de l’environnement. Les expertises sont rapprochées, et les pouvoirs de la police de l’environnement renforcés.

Mme la secrétaire d’État les ayant évoqués, je ne m’attarde pas sur les cinq piliers sur lesquels repose l’office – je pense notamment aux pouvoirs de police, à la connaissance des espèces et à la politique de l’eau. Je veux en retenir que deux.

Le premier est la mission de police, qui correspond à un engagement du chef de l’État et à une demande très forte du Gouvernement, des maires, des territoires ruraux et des agents de l’environnement qui veulent une police rurale aux missions bien définies et disposant des moyens juridiques et financiers nécessaires à l’exercice de ses missions.

Je le redis, c’est une attente réelle des territoires et de leurs acteurs. Le monde de la chasse est très attaché à cette police. Il fait d’ailleurs preuve de responsabilité en termes de mission sur les espèces, de police et de sécurité. Tout le monde peut en convenir, la sécurité n’est pas absente de nos pensées. Nous pourrons d’ailleurs soutenir les amendements du Gouvernement qui vont en ce sens.

Mon deuxième point, moins facile à évoquer, concerne la gestion adaptative des espèces. J’entends déjà le bruit gronder en dehors de cet hémicycle. Il s’agit pourtant d’une notion de bon sens, nous le savons tous ici. Chacun veut la survie des différentes espèces, et personne ne souhaite mettre à mal les espèces menacées.

La gestion adaptative doit s’appliquer seulement aux espèces qui posent des problèmes, soit parce que les populations diminuent soit parce qu’à l’inverse elles augmentent en causant souvent des dégâts sur leur environnement, et plus globalement sur la biodiversité.

Il faut brise le tabou selon lequel les espèces, qu’elles soient protégées ou chassables, demeureraient pour toujours intouchables. Il faut mettre fin à l’effet cliquet, qui veut qu’une espèce non chassable aujourd’hui le soit indéfiniment.

La gestion adaptative doit s’appliquer autant à l’oie cendrée qu’au cormoran ou à la tourterelle des bois, une espèce actuellement menacée. J’ajoute que cette gestion doit concerner toutes les espèces en danger, et pas seulement les espèces chassables. Les États-Unis et le Canada gèrent parfaitement cette situation, avec une méthode adaptée et éprouvée depuis plus de vingt ans.

Madame la secrétaire d’État, je sais tous les efforts que vous avez déployés auprès de la Commission européenne. Il est regrettable que le Conseil d’État n’ait encore rien compris, alors que même le commissaire européen à l’environnement a écrit, pour la première fois en vingt ans, que l’on pouvait chasser les oies en février sans aucun problème.

Durant la discussion de ce texte, je sais que nous allons revenir sur de nombreux sujets : les dégâts de gibier, en forêts ou ailleurs, déjà très bien assumés aujourd’hui par de nombreuses fédérations, l’engrillagement, l’agrainage. Dans ces domaines, je tiens à le dire ici, les fédérations de chasse font des propositions que nous allons examiner dans un souci de sagesse, tout en gardant à l’esprit notre objectif de clarification, d’efficacité et de responsabilité.

Enfin, je souhaiterais aborder la question du financement, qui a déjà été évoquée. L’État doit se recentrer sur ses compétences régaliennes, et il est normal de faire confiance aux fédérations qui sont déjà chargées de missions de service public. Elles les gèrent pour un coût moins élevé et avec davantage d’efficacité que la puissance publique.

J’ai l’intime conviction que la réforme sera totalement financée et que l’État assumera ses choix. Mais comme beaucoup d’entre vous, mes chers collègues, je pense que les flux croisés qui sont indispensables pour cette première saison doivent faire l’objet d’une renégociation rapide pour la prochaine loi de finances.

Pour être très clair, j’ai toujours pensé que l’argent de la chasse devait payer la chasse, que l’argent de l’eau devait d’abord payer l’eau et que les missions régaliennes de police rurale et d’expertise sur la biodiversité terrestre devaient être prises en charge de l’État.

En conclusion, mes chers collègues, alors que des esprits chagrins pensent encore que le Président de la République et le Gouvernement ne savent pas négocier les réformes avec les corps intermédiaires, notamment ruraux, nous avons la démonstration du contraire avec ce projet de loi qui a été bien négocié.

M. François Bonhomme. Mais cela ne rattrapera pas le reste !

M. François Patriat. Je sais que cela vous énerve que l’on touche à vos tabous, mais avouez que, en l’espèce, le Gouvernement a négocié avec les corps intermédiaires ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je salue le président de la Fédération nationale des chasseurs, qui a présenté des propositions et a su être à l’écoute. J’en profite pour souligner le remarquable travail de concertation que vous avez mené, madame la secrétaire d’État. Vous avez su gérer le « en même temps » – le grand débat national et cette loi sur la biodiversité –, et avez réussi l’exploit d’amener les chasseurs à des compromis sans que personne perde son âme.

Pour cette raison, j’appelle mes collègues à ne pas dénaturer ce texte et à être à l’écoute de Mme la secrétaire d’État, notamment en soutenant les amendements du Gouvernement, qui ont fait l’objet d’intenses négociations, jusqu’à la dernière minute, avec le monde de la chasse et les parlementaires. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi quau banc des commissions. – MM. Jérôme Bignon et Franck Menonville applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. Guillaume Gontard. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’idée de rassembler au sein d’un opérateur unique l’ensemble des opérateurs de la biodiversité n’est pas nouvelle. Jérôme Bignon l’a rappelé, elle avait émergé, il y a déjà quelques années, avec le Grenelle de l’environnement. Ce n’est pas un hasard si le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui a été adopté à l’unanimité à l’Assemblée nationale.

En effet, de par leurs missions respectives, l’AFB et l’ONCFS sont complémentaires, et leur fusion permettra l’émergence d’un opérateur public cohérent et puissant, présent sur l’ensemble du territoire métropolitain et ultramarin. Cette fusion marque, en outre, un changement d’approche et la volonté affirmée de ne plus séparer gestion de la biodiversité et activités cynégétiques.

En effet, l’AFB a vocation à appuyer les services de l’État dans la gestion des espaces naturels et la police de l’eau. Elle organise la connaissance en matière de biodiversité, et elle fournit aux acteurs locaux les données et l’expertise dont ils ont besoin.

L’ONCFS, quant à lui, fait partie intégrante de la politique de préservation de la biodiversité, ne serait-ce que par ses activités « non cynégétiques » de connaissance et d’expertise, de police de l’environnement, de lutte contre le trafic d’espèces menacées, ou encore de suivi des espèces protégées comme le loup.

Dès lors, comment ne pas souscrire à l’objectif de rassembler et de renforcer les prérogatives des inspecteurs de l’environnement des deux opérateurs en un service unique, afin de permettre une action mieux coordonnée et mieux répartie sur le territoire ?

Notons cependant que, après l’Agence nationale de la cohésion des territoires, après la loi d’orientation des mobilités, ce gouvernement est devenu spécialiste en « plomberie administrative ». Regrouper des services, des administrations pour tenter d’améliorer les politiques publiques peut être utile et louable, mais tout bon plombier sait que la réparation de fuite, le colmatage, ne remplacera jamais un réseau régulièrement entretenu. En d’autres mots, on ne fait pas d’action publique de long terme sans moyens financiers.

Ainsi, alors que nous n’avons pas vu dans le dernier projet de loi de finances la couleur des 600 millions d’euros supplémentaires promis pour le plan Biodiversité, ce nouvel office est créé avec près de 40 millions d’euros annuels non financés.

L’État s’est purement est simplement désengagé progressivement du financement de l’AFB et de l’ONCFS, remplaçant ses contributions et subventions par des ponctions sur les agences de l’eau, comme cela a été rappelé. En plomberie, nous appelons cela du siphonnage ! Cette contribution des agences de l’eau est comprise entre 240 millions d’euros et 260 millions d’euros pour l’Agence française pour la biodiversité et entre 30 et 37 millions d’euros pour l’ONCFS.

Madame la secrétaire d’État, vous ne nous avez rassurés – c’est peu de le dire ! – ni lors de votre audition devant la commission ni lors de votre intervention. Nous sommes plus que jamais inquiets par la tentation de siphonner une nouvelle fois les agences de l’eau.

La seule fiscalité de l’eau, assise sur les redevances aux agences de l’eau, ne peut financer l’ensemble de la biodiversité. En revenant sur le principe selon lequel « l’eau paye l’eau », admis par l’ensemble de nos concitoyens, vous prenez le risque, une nouvelle fois, de créer de l’incompréhension.

Nous sommes passés de « l’eau paye l’eau », à « l’eau paye l’eau et la biodiversité » et maintenant à « l’eau paye l’eau, la biodiversité et la chasse ». Ponctionner les agences, c’est limiter les investissements en matière d’eau potable et d’assainissement, donc agir moins pour la biodiversité. C’est un comble, alors même que les Assises de l’eau ont mis en lumière d’importants besoins liés aux conséquences des changements climatiques sur l’état et la répartition des masses d’eau !

Encore une fois, si la question du financement est la principale faiblesse de ce texte, celui-ci fait naître une autre inquiétude, qui lui est directement liée : le déploiement de l’office dans les territoires.

Comme l’a souligné la rapporteure à l’Assemblée nationale, dans de nombreux départements, les effectifs planchers de l’office ne sont pas atteints… La présence des agents sur le terrain est pourtant la raison d’être d’une telle administration, qui ne pourra pas préserver la biodiversité depuis des bureaux parisiens.

Néanmoins, vous nous avez confirmé en commission une baisse continue de 2 % des effectifs. Je ne prendrai qu’un exemple qui me tient à cœur : celui de la « brigade loup ». Ses 11 agents, qui ont fait montre de toute leur efficacité, ont vu leurs CDD non renouvelés avant d’être prolongés, au bout d’un long suspense, via des contrats d’avenir…

Cette situation précaire n’est pas acceptable, tout d’abord pour ces agents et leurs familles, mais aussi au regard de la transmission de l’expérience qu’ils ont acquise, indispensable pour favoriser la cohabitation entre le prédateur et les activités d’élevage, alors que la population de loups est en croissance exponentielle.

Au-delà de ces deux écueils importants, l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale a permis de bâtir un bon compromis, dont je me félicite. Ce texte équilibré a permis de trouver un consensus entre les chasseurs et les associations de protection de l’environnement.

Ce compromis, cet équilibre fragile, a malheureusement été mis à mal lors de l’examen du texte ici en commission. Je le regrette, dans l’intérêt des activités cynégétiques et pour la préservation de la biodiversité. Il est utile de le rappeler, ce texte sur la biodiversité incluait la chasse comme partie intégrante de cette biodiversité. Briser cet équilibre n’est pas souhaitable, et c’est dommageable en premier lieu pour les chasseurs eux-mêmes. La transformation du nom de l’Office français de la biodiversité en Office de la biodiversité et de la chasse est assez symptomatique : cela revient à nier une reconnaissance pourtant si souvent souhaitée.

Dans le même sens, les amendements adoptés en commission et tendant à autoriser la chasse à la glu, la gestion des réserves naturelles par les fédérations de chasseurs ou encore l’extension de la chasse aux oiseaux migrateurs sont purement inacceptables. Nous tenterons, avec nos amendements, lors du débat, de retrouver le compromis de l’Assemblée nationale et de revenir à un texte plus équilibré.

Il faut sortir des postures caricaturales, comme le soulignait M. le rapporteur. Alors que notre planète connaît sa sixième extinction de masse, laquelle est directement liée aux activités humaines, j’espère que le Sénat, chambre des territoires, gardera raison et saura défendre notre patrimoine commun, la diversité de la vie. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Ronan Dantec et Éric Gold applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte.

M. Jean-Michel Houllegatte. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, tout le monde a conscience désormais du fait que la biodiversité fait partie du patrimoine commun de l’humanité, que sa préservation est essentielle, qu’elle est pour nous un devoir. En effet, nous avons pris acte que la biodiversité était menacée. On peut le souligner, il n’y a pas de « biodiversito-sceptiques ».

Cela a déjà été mentionné, la France héberge quelque 10 % de la biodiversité de notre planète, dont 90 % dans les territoires ultramarins. C’est dire la richesse de la nature outre-mer ! Pourtant, le constat de la disparition des espèces s’impose à tous. La communauté scientifique est unanime sur la gravité et l’urgence de la situation. La moitié des espèces vivantes pourrait disparaître d’ici à un siècle, compte tenu du rythme d’extinction des espèces animales.

Cette dégradation de la biodiversité et son rythme effréné trouvent très essentiellement leur origine dans les activités humaines : réduction et fragmentation des espaces naturels, déforestation, pollution de l’eau, des sols et de l’air, changement climatique, surexploitation des ressources, trafic d’espèces, etc. Il convient donc de nous doter des structures les plus adaptées, cohérentes et efficaces pour agir en la matière.

L’Agence française pour la biodiversité, née de la loi du 8 août 2016, avait déjà regroupé plusieurs établissements publics, comme cela a déjà été indiqué.

L’intégration de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage à l’Agence française pour la biodiversité avait été envisagée lors les réflexions relatives à la création de cette dernière, puis abandonnée. Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui a donc pour objet de fusionner ces deux établissements sous l’égide d’un Office français de la biodiversité et de la chasse, ainsi que la commission vient de le renommer, et qui verra le jour le 1er janvier prochain.

La fusion de ces deux établissements, qui est d’ailleurs souhaitée par la majorité des acteurs de la biodiversité, nous apparaît cohérente. Elle s’inscrit dans la continuité de la Stratégie nationale pour la biodiversité. Elle conforte l’idée d’une culture commune, rapproche les expertises complémentaires de ces établissements, et renforce l’action territoriale, ainsi que la police de l’environnement.

Je tiens à souligner le travail de précision des missions du futur office auquel a procédé l’Assemblée nationale et l’esprit de concertation dans lequel l’examen du texte en commission s’est déroulé, permettant l’adoption d’avancées telles que le renforcement des pouvoirs des inspecteurs de l’environnement, ou encore l’inscription dans la loi de la contribution de 10 euros de l’État par permis de chasser.

Concernant la chasse, soulignons certaines dispositions de ce projet de loi, notamment le renforcement de la sécurité qu’il opère, l’amélioration de l’indemnisation des dégâts de gibier ou encore la gestion adaptative des espèces.

Cependant, nous resterons particulièrement vigilants sur certains points.

Comme vous le savez, madame la secrétaire d’État, la question du financement de ce nouvel office fusionné reste bien trop incertaine à nos yeux. Avec la baisse du prix du permis de chasser national, les charges supplémentaires correspondant aux nouvelles missions transférées, et l’abondement de l’État de 10 euros par adhérent ayant un permis de chasser validé dans l’année, ce sont 40 millions d’euros de financement pour 2020 qui restent en suspens.

Concernant l’organisation de l’office, nous souhaiterions aussi être assurés que cette fusion ne se résumera pas in fine à un moyen de faire des économies sous prétexte de mutualisation. N’oublions pas, par parallélisme, qu’au sein de l’ANCT, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, le Cérema, l’un des organismes constitutifs, va subir une baisse importante de ses effectifs, puisqu’il perdra 105 postes par an jusqu’en 2022.

Par ailleurs, ce texte bouleverse un établissement particulièrement jeune, puisqu’il aura tout juste trois ans au moment de la fusion. Nous devons donc penser à l’ensemble des agents. Cette seconde fusion, à un intervalle si proche, pourrait susciter chez eux un sentiment d’instabilité dont nous devons être conscients.

Enfin, nous sommes convaincus qu’il existe entre le monde de la chasse et la protection de la nature une convergence des objectifs et une complémentarité justifiant la fusion de ces deux établissements. Nous devons donc garder à l’esprit que cela ne tombe pas sous le signe de l’évidence pour tous.

Nous espérons que cet office pourra être un outil pertinent et efficace de lutte contre le déclin de la vie sauvage. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Richard applaudit également.)