M. le président. L’amendement n° 165, présenté par M. Gontard, Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéas 7 et 18, seconde phrase

Supprimer les mots :

à sa demande

La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Dans la lignée des propos que viennent de tenir MM. Ronan Dantec et François Patriat, et comme nous l’avons rappelé lors des débats sur l’article 1er, les missions de l’office français de la biodiversité nécessitent qu’il dispose des données sur l’état de la faune sauvage.

Or, on le voit bien, la situation actuelle n’est absolument pas satisfaisante. La Fédération nationale des chasseurs ne transmet quasiment aucune donnée à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, l’ONCFS, et ce dernier réalise des estimations de l’état de la faune sauvage tous les dix ou quinze ans, en sondant un échantillon de chasseurs. Tous nos voisins disposent pourtant de données fiables. C’est donc un vrai problème !

Nous avons déjà évoqué la question, hier, en parlant du loup. La Fédération nationale des chasseurs travaille sur le suivi de cette espèce ; l’ONCFS aussi. Il faut un partage des données ! C’est important !

Il convient donc de mettre fin à la situation actuelle. Les données récoltées par la Fédération nationale des chasseurs et par les fédérations départementales doivent être systématiquement, gratuitement et rapidement transmises à l’OFB. Il s’agit d’une condition indispensable à son efficacité !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Nous avons introduit, en commission, un principe général de transmission des données des fédérations des chasseurs à l’OFBC, à la demande de ce dernier, gratuitement et sans délai. Supprimer le principe d’une transmission à la demande risque de faire peser une contrainte excessive sur les fédérations, sachant, par ailleurs, que plusieurs dispositifs spécifiques de transmission de données précisent le rythme ou l’initiative des transmissions, notamment pour le fichier central des permis délivrés, des validations et des autorisations de chasser ou les données de prélèvement sur la gestion adaptative. La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire dÉtat. Dès lors que cette modification semble pouvoir faciliter la collecte des données des fédérations par l’office, l’avis du Gouvernement est favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 165.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Article 3 (début)
Dossier législatif : projet de loi portant création de l'Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement
Discussion générale

7

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

J’invite chacun à veiller au respect du temps de parole comme au respect des uns et des autres.

politique industrielle saint-gobain

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. Jean-François Husson. L’annonce d’une possible cession de l’entreprise Saint-Gobain basée à Pont-à-Mousson à son concurrent chinois a fait l’effet d’une bombe, d’abord pour les 2 000 salariés lorrains de l’entreprise. C’est en effet un vrai coup de tonnerre, car il s’agit du premier employeur privé du bassin d’emploi du sud du département de Meurthe-et-Moselle, fort de plus de 500 000 habitants.

Alors que le Gouvernement affiche à l’envi sa volonté de conduire une politique industrielle ambitieuse et conquérante, comment entend-il garantir le maintien sous pavillon français de tous nos brevets, consacrant ainsi la très haute valeur ajoutée du savoir-faire français, mondialement connu, avec Saint-Gobain ?

Par ailleurs, pour cette activité sensible, comment entend-il protéger et garantir nos intérêts stratégiques dans la mondialisation ?

Enfin, et comme souvent, cette entreprise ne lutte pas à armes égales, en raison de normes sociales et environnementales particulièrement exigeantes auxquelles échappent ses concurrents. Quand donc vous mobiliserez-vous avec l’Union européenne pour exiger la réciprocité normative pour les investissements étrangers en France ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Monsieur le sénateur, je salue votre engagement et celui de tous les élus du Grand Est, qui soutiennent dans un bel ensemble l’importante filiale de Saint-Gobain à Pont-à-Mousson.

Le groupe a annoncé aux représentants du personnel avoir ouvert une réflexion autour de la recherche de partenariats au mois de février dernier. Vous connaissez la situation mieux que quiconque : depuis la crise de 2008, les commandes de canalisations à l’entreprise de Pont-à-Mousson ont été divisées par deux. Des concurrents chinois et indiens ont émergé, faisant perdre à ce site de nombreuses parts de marché, notamment dans les pays du Golfe. Un projet de compétitivité visant à concentrer des investissements et des activités sur le site de Pont-à-Mousson a été engagé, avec 133 millions d’euros d’investissements dans les quatre ans qui viennent. En outre, un transfert de production d’Allemagne vers la France se traduit notamment par la relocalisation de quatre-vingts emplois. Telle est la situation actuelle. Ces efforts, certes nécessaires, ne sont pas suffisants pour renforcer durablement le site de Pont-à-Mousson. Saint-Gobain n’exclut pas d’ouvrir le capital de sa filiale.

Comme vous le savez, le président de Saint-Gobain étudie actuellement un certain nombre de pistes. Nous ferons le point avec lui lundi. L’ouverture du capital au concurrent chinois, qui produit en Chine, mais pourrait utiliser la France comme base de production, est un schéma envisagé. À ce stade, rien n’est fait. D’autres options sont également sur la table. Nous allons donc réunir l’ensemble des élus, comme vous l’avez demandé avec d’autres. Nous vous tiendrons ainsi informés de ces options.

Vous m’avez également interrogée sur les investissements étrangers en France ou, plus exactement, sur la possibilité d’actionner un tel levier pour une entreprise comme celle de Pont-à-Mousson. En l’occurrence, c’est possible, en raison du caractère spécifique des canalisations, utilisées pour la distribution d’eau, qui est un service de base.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Vous m’avez aussi interrogée sur la réciprocité. Nous y travaillons, notamment à propos des marchés publics. Nous avons avancé à cet égard.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour la réplique.

M. Jean-François Husson. Madame la secrétaire d’État, je sais que vous êtes mobilisée, mais les inquiétudes demeurent.

En matière de politique industrielle, le rachat du site de Pont-à-Mousson avait permis de sauver l’entreprise Saint-Gobain dans les années quatre-vingt pour en faire le leader de la métallurgie qu’il est aujourd’hui. Sans action forte de l’État, ce sont plus de 150 ans d’histoire économique et industrielle qui se trouveraient sacrifiés sur l’autel d’une mondialisation aveugle et destructrice, où tous ne jouent pas à armes égales.

Nous avons besoin de plus de France et de mieux d’Europe. Nous devons impérativement renforcer nos exigences économiques et commerciales et travailler à leur harmonisation.

L’ensemble des forces politiques, économiques et syndicales sont aujourd’hui mobilisées dans une forme d’union sacrée. Ne passez pas à côté de cet élan ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

brexit (i)

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. Olivier Henno. Ma question concerne le Brexit, ce mauvais feuilleton, avec des rebondissements décevants, dramatiques, dignes d’une série B.

Cela commence avec l’inspiration catastrophique du Premier ministre de l’époque, David Cameron, qui souhaitait se relégitimer à bon compte grâce à un référendum a priori gagné d’avance, un peu comme un footballeur qui dribblerait le poteau de corner pour marquer un but ! (Sourires.)

On sait ce qu’il est advenu : un réveil avec une gueule de bois, un peuple britannique qui a été victime des menteurs et des populistes et le « non » qui l’a emporté de peu. C’est d’ailleurs une leçon à méditer pour tous les gouvernements en quête de légitimité.

Le mauvais feuilleton se poursuit au parlement britannique et à la Chambre des communes. Débat après débat, vote après vote, les parlementaires britanniques montrent le triste spectacle de ceux qui savent ce qu’ils ne veulent pas, mais ne savent pas ce qu’ils veulent !

Face à ces turbulences subies par le gouvernement et le parlement britanniques, il est essentiel que l’Union européenne montre un visage d’unité, de solidité et de sérénité. C’est ce à quoi s’est exercé avec conviction et savoir-faire Michel Barnier. Les populistes se sont trouvés sans voix face à une telle volonté politique.

Aujourd’hui, les Britanniques demandent un nouveau délai. Nous le comprenons, parce que nous voulons éviter le hard Brexit.

Mais quel est le sens de la décision du Conseil européen d’accorder un délai supplémentaire au gouvernement britannique ? Est-ce pour rouvrir la négociation ou pour laisser du temps au parlement britannique pour voter l’accord négocié ? Quelle réponse pouvons-nous apporter aux entreprises et aux personnes concernées pour les rassurer et leur permettre d’exercer sereinement leur activité ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, cette nuit, les Vingt-Sept ont été unis ; il importe de le noter.

L’objet de la prorogation accordée est très clair. Il s’agit non pas de rouvrir les négociations de l’accord de retrait, mais de laisser aux autorités britanniques le temps de procéder à sa ratification en permettant un retrait ordonné.

De la même manière, les conclusions du Conseil européen de cette nuit précisent que le délai supplémentaire ne peut pas être utilisé pour rouvrir les négociations sur les relations futures. Comme nous l’avons déjà indiqué, nous sommes disposés à amender la déclaration politique sur les relations futures si la position britannique venait à évoluer. Mais la négociation des modalités de celles-ci ne s’ouvrira qu’après le retrait du Royaume-Uni.

Vous le voyez, le calendrier est établi. Un délai supplémentaire est accordé. Mais il appartient désormais aux Britanniques de déterminer s’ils souhaitent sortir de l’Union européenne dans les termes convenus dans l’accord, sortir sans accord ou revenir sur leur décision prise au titre de l’article 50 du traité sur l’Union européenne. Cela relève de leur responsabilité. Ni les Britanniques ni les citoyens de l’Union européenne ne peuvent vivre dans un Brexit permanent ou éternel ; j’espère que ce message sera entendu. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour la réplique.

M. Olivier Henno. Monsieur le ministre, notre responsabilité est de nous situer au bon niveau et de garder à l’esprit cette réflexion d’Henry Kissinger : « Quand on ne sait pas où l’on va, tous les chemins mènent nulle part. » (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

budget européen

M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe La République En Marche.

M. André Gattolin. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée des affaires européennes.

La réunion extraordinaire du Conseil européen qui s’est achevée tardivement la nuit dernière a accordé au Royaume-Uni un nouveau délai, jusqu’au 31 octobre prochain, pour permettre au parlement britannique de ratifier l’accord de retrait déjà maintes fois rejeté par cette instance.

Il faut le souligner, la fermeté dont a fait preuve la France quant à la durée du nouveau délai a permis de conjurer l’impasse institutionnelle et politique qui aurait pu survenir si celui-ci s’était étendu au-delà de la date d’installation de la future commission européenne, fixée au 1er novembre prochain.

Nous ne pouvons que nous en féliciter. L’Union européenne et ses futures instances ont tant de défis à relever que nous ne pouvons clairement pas nous permettre d’affronter un éventuel blocage de son fonctionnement.

Pour autant, toutes les options concernant le Brexit restent ouvertes. Si Mme May a engagé des discussions avec le parti travailliste, il y a bien peu de chances qu’elle parvienne à obtenir un accord avec celui-ci avant la date du 22 mai.

Le Royaume-Uni s’apprête donc très vraisemblablement à participer aux élections européennes le 23 mai prochain. Nous y verrons un peu plus clair, au Royaume-Uni comme dans le reste de l’Union européenne, à l’issue des résultats de ce scrutin.

D’après ce que j’ai cru comprendre, le Conseil européen fera un point d’étape de la situation lors de son conseil statutaire, dans le courant du mois de juin.

Madame la secrétaire d’État, pensez-vous que ce point d’étape permettra de clarifier la position de nos amis britanniques quant à leurs relations futures avec l’Union européenne ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des affaires européennes.

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Monsieur le sénateur, Mme May avait demandé une extension jusqu’au 30 juin. De nombreuses dates ont été évoquées hier soir au Conseil européen, où j’accompagnais le Président de la République, correspondant parfois à de très longues durées et sans condition particulière. Mais, cette nuit, la France a été entendue (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) et l’Union européenne a été préservée.

Une extension trop longue aurait pu être comprise comme la volonté de l’Union de retarder ou d’annuler le Brexit. Nous devons respecter le choix souverain du peuple britannique. C’était notre première priorité. Le Conseil européen a donc décidé d’accorder une extension jusqu’au 31 octobre. À cette date, la page du Brexit aura été tournée, et la nouvelle commission européenne pourra prendre ses fonctions le 1er novembre en se consacrant pleinement à ses travaux, à son ambition et aux projets concrets, au bénéfice des citoyens européens.

Notre deuxième priorité était de ne pas décider à la place des Britanniques. Il leur appartient de choisir d’organiser ou non des élections européennes : s’ils ne le font pas, ils quitteront l’Union le 1er juin ; s’ils le font, les parlementaires britanniques élus quitteront le Parlement européen lorsque le Royaume-Uni sortira de l’Union.

Enfin, et c’est évidemment le plus important pour nous, la troisième priorité était de préserver le fonctionnement de l’Union. Londres devra donc s’abstenir de toute mesure susceptible de mettre en péril les objectifs européens. Mme May s’y est engagée par écrit, et le Conseil européen l’a redit très clairement.

Vous avez raison, monsieur le sénateur : nous devons veiller avec le Conseil européen, qui fera un point en juin, à examiner très attentivement le respect par le Royaume-Uni de ses engagements.

Vous le voyez, nous voulons – Jean-Yves Le Drian l’a rappelé – un retrait ordonné. Mais nous sommes prêts à tous les scénarios. Je serai demain à Calais et à Boulogne-sur-Mer pour rencontrer nos concitoyens qui vivent de la pêche et qui seraient en première ligne en cas d’absence d’accord.

Nous suivrons donc le dossier. Nous nous réunirons effectivement de nouveau le 30 juin. L’essentiel est que l’Union puisse continuer ses travaux et installe une nouvelle commission européenne, avec de nouveaux commissaires, le 1er novembre, pour porter l’ambition européenne qui est la nôtre et qui va beaucoup plus loin que la gestion du Brexit. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

vente de médicaments par la grande distribution

M. le président. La parole est à M. Raymond Vall, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Raymond Vall. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Dans son avis du 4 avril dernier, l’Autorité de la concurrence recommande d’élargir la vente des médicaments sans ordonnance à la grande distribution. Cela ne peut que réjouir l’un des principaux leaders, qui annonce depuis des années à quel point il fera baisser les prix des médicaments dans l’intérêt du consommateur.

Une étude de l’ordre des pharmaciens réalisée sur vingt médicaments dans six pays européens montre que la France est le pays qui pratique globalement les tarifs les plus modérés.

L’accès aux médicaments ne peut pas uniquement s’apprécier en termes de marché, car ce ne sont pas des biens de consommation courante. Dans certains cas, ils peuvent avoir des effets secondaires très graves. Les pharmaciens d’officine assurent une mission de santé publique au service des 4 millions de Français qui entrent chaque jour dans une pharmacie. Dans les zones fragiles, ils assurent souvent seuls l’accès aux soins et un service de garde jour et nuit, ce que ne fera certainement pas la grande distribution. Ils ont un rôle irremplaçable de conseil et d’orientation vers les médecins selon la pathologie. Ils assurent la vaccination et la vigilance contre la surconsommation, parfois dangereuse, des médicaments. Par exemple, sous une apparence bénigne, le paracétamol est toxique à des posologies peu supérieures aux doses thérapeutiques.

Malgré les dispositions de votre projet de loi sur la santé, madame la ministre, il n’y aura pas d’amélioration concernant la désertification médicale avant dix ans. Permettre la vente de médicaments dans les grandes surfaces fragiliserait financièrement les officines et remettrait gravement en cause le maillage territorial des pharmacies, stratégique en matière d’accès à la santé sur l’ensemble du territoire national, en particulier en zone rurale. En 2018, tous les trois jours, une pharmacie a fermé.

Madame la ministre, dans un entretien accordé vendredi dernier à Europe 1, vous avez déclaré que vous n’étiez pas favorable à une telle recommandation. Pouvez-vous nous confirmer solennellement dans cet hémicycle l’engagement du Gouvernement de ne pas y donner suite ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, je vous remercie de poser cette question. Cela fait effectivement longtemps que le monopole pharmaceutique est contesté par certains acteurs de la grande distribution. Ces derniers veulent notamment pouvoir vendre les médicaments à prescription facultative.

Tout comme vous, je suis assez défavorable à une telle demande. À mon sens, même en présence d’un pharmacien dans ces grandes surfaces, le conseil pharmaceutique concernant le médicament est indispensable. Au-delà, une telle commercialisation laisserait penser que le médicament est un bien de consommation courante. Or, nous le savons, même les médicaments vendus sans ordonnance peuvent entraîner des effets secondaires, voire des pathologies s’ils sont combinés avec d’autres médicaments. Une vigilance accrue s’impose. Nos concitoyens doivent être alertés sur les effets secondaires des médicaments, même à prescription facultative.

Je considère également comme vous que le maillage territorial des pharmacies est exceptionnel en France. Aujourd’hui, la quasi-totalité des Français vit à moins de quinze minutes d’une pharmacie. Le rôle de conseil des pharmaciens me paraît très utile, notamment pour les personnes les plus vulnérables, les personnes âgées, qui ont confiance dans ces professionnels.

Enfin, j’estime que la fin du monopole pharmaceutique fragiliserait les pharmacies en zone rurale. Nous avons absolument besoin de ce maillage territorial. La pharmacie est souvent le lieu du premier accès aux soins de nos concitoyens. Vous l’avez rappelé, les pharmaciens s’impliquent de plus en plus dans des missions de santé publique, comme la vaccination ou l’information sur les dépistages et l’arrêt du tabac. J’ai besoin d’eux comme professionnels de santé partout sur le territoire. Je suis donc défavorable à une telle demande. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)

conséquences des élections israéliennes

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Pierre Laurent. Avant d’en venir à ma question, qui s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, permettez-moi de me réjouir de la chute du dictateur el-Béchir au Soudan ; j’espère que nous aiderons à présent les démocrates soudanais à réussir une transition civile. (Approbations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

Cela dit, la réélection de Benyamin Netanyahou menace comme jamais l’avenir d’une solution de paix entre Israël et les Palestiniens. À la tête d’une nouvelle coalition d’extrême droite, il veut désormais annexer la Cisjordanie occupée. Avec le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem, une colonisation galopante, le feu vert américain à l’annexion du Golan, Netanyahou et Trump piétinent sans vergogne les résolutions de l’ONU et veulent enterrer cette fois la solution à deux États. Leur projet déboucherait sur un seul État discriminatoire et colonial, réduisant 6,5 millions de Palestiniens à vivre sans droits, sans État, parqués derrière un mur de la honte.

Je reviens d’Israël et des territoires palestiniens où je me suis rendu en compagnie d’une quarantaine d’élus locaux français. La situation est terrible !

Tous les Palestiniens, ceux d’Israël, comme ceux de Jérusalem, de Cisjordanie et de Gaza, sont discriminés, chassés par les colons, empêchés de vivre, de travailler et de circuler. Avec 700 check-points et des incursions meurtrières quotidiennes, près de 300 colonies ou avant-postes, un mur de 700 kilomètres qui a coûté la destruction de 400 000 oliviers, leur vie est un enfer. Quant aux Palestiniens des camps de réfugiés, ils sont abandonnés, sauf par l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, l’Unrwa, auquel les Américains ont coupé les vivres.

Que fait la France ? Nous maintenons dans les mots une position de principe qui est chaque jour foulée aux pieds en toute impunité par Israël. Benyamin Netanyahou est adoubé par les extrêmes droites européennes. Notre inertie ressemble de plus en plus à une capitulation.

M. le président. Il faut conclure !

M. Pierre Laurent. Monsieur le ministre, la voix de la France doit se faire entendre avec force et courage dans ce moment crucial. Allez-vous enfin reconnaître l’État de Palestine pour dire clairement « stop » au processus d’annexion ?

M. le président. Veuillez conclure !

M. Pierre Laurent. La France va-t-elle enfin agir pour des sanctions internationales contre un gouvernement qui bafoue si gravement les droits humains et le droit international ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, vous avez raison d’évoquer l’évolution de la situation au Soudan, que nous suivons avec beaucoup d’attention. Nous souhaitons que le départ de M. el-Béchir puisse ouvrir la voie à une solution pacifique. Cette grande vigilance doit s’imposer de manière minutieuse.

Vous avez ensuite évoqué les élections législatives en Israël qui ont eu lieu mardi. Je ne voudrais pas faire de commentaire particulier.

D’abord, les résultats n’ont pas encore été proclamés officiellement, même s’il apparaît que l’issue du vote est claire et que le parti du Premier ministre Netanyahou et ses alliés sont sortis vainqueurs du scrutin, puisque leur principal adversaire, M. Gantz, l’a reconnu hier.

Et une fois les résultats proclamés, il appartiendra au président de l’État d’Israël, M. Rivlin, de désigner la personnalité qui sera chargée de former une coalition gouvernementale. Compte tenu du pluralisme de la démocratie israélienne – il y a une grande diversité des formations politiques représentées –, cela risque de prendre du temps, peut-être plusieurs semaines. La France se tient prête à travailler avec le nouveau gouvernement israélien, dans l’esprit de coopération et d’amitié qui préside à nos relations depuis soixante-dix ans.

Sur le processus de paix, notre ligne est claire. J’entends vos déclarations et je suis conscient des faits que vous rapportez. Mais vous avez oublié d’indiquer que la France a décidé de renforcer son aide à l’Unrwa pour compenser le retrait américain. (M. Pierre Laurent acquiesce.) Je vous remercie de le reconnaître.

La position de la France n’a pas changé. Nous sommes attachés à un cadre : le droit international, avec les résolutions du Conseil de sécurité auxquelles vous faites référence.

Mme Laurence Cohen. Et concrètement, vous faites quoi pour le faire respecter ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Nous sommes attachés à une méthode : la négociation.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Nous sommes attachés à un objectif : deux États, Israël et la Palestine, vivant dans la paix et la sécurité au sein de frontières reconnues, avec Jérusalem pour capitale des deux.

Mme Éliane Assassi. Alors, reconnaissez l’État palestinien !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. C’est la position de la France ; elle ne bouge pas. C’est aussi la position de l’Union européenne. Et c’est sur ces bases-là que nous souhaitons qu’un nouveau processus de paix puisse se réaliser. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

saint-gobain