Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de la Provôté, sur l’article.

Mme Sonia de la Provôté. Madame la présidente, mesdames les ministres, cette réforme de la première année des études de médecine, qui se traduit notamment par la suppression de la Paces, est une bonne chose.

Ces dernières années, nous avions assisté à la montée en puissance de ces fameuses prépas payantes qui permettaient à ceux dont les familles avaient les moyens de réussir plus facilement le concours.

Cette réforme va à mon sens permettre une véritable diversification des origines sociologiques et des profils des futurs médecins.

S’il est important d’être doté d’un profil scientifique pour devenir un bon médecin, certaines qualités, qui ne se situent pas sur le terrain exclusivement scientifique, peuvent être des atouts. Je pense surtout à l’appétence, à l’envie de s’engager dans ce métier, qui est un métier de terrain et demande des qualités humaines exceptionnelles. Compte tenu du déficit démographique, on voit bien que, pour devenir un médecin de premier recours, il faut réellement s’engager et ressentir une véritable envie d’être aux côtés des patients, dans tous les territoires, y compris ruraux.

L’exercice de la médecine suppose d’être compétent en sciences humaines, d’être imprégné de valeurs éthiques et d’être doué pour l’empathie. Il faut aussi savoir communiquer oralement, être en mesure d’échanger, de comprendre l’autre pour s’adapter avec aisance à tous ceux que l’on rencontre dans sa profession. Ces qualités, indispensables pour faire un bon médecin, ne ressortent pas des QCM, lesquels font uniquement appel à une exceptionnelle mémoire.

La réforme règle la « question du barrage quantitatif » en mettant un terme à cette gestion par l’échec qui résultait de la Paces. Il reste maintenant à répondre pleinement à la question qualitative. Il est clair que cette réforme de la Paces ne peut pas être déconnectée de l’ensemble de la réforme des formations de santé. C’est tout au long du parcours que le jeune devra construire son chemin professionnel, ce qui n’est pas le cas actuellement. S’ils sont en définitive aussi peu nombreux à choisir d’aller exercer dans les territoires, aux côtés des patients, c’est sans doute parce que l’on n’a pas forcément su leur donner cette envie d’être auprès des autres et de se dévouer. Seuls quelques-uns ont eu le courage de rester sur le terrain. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. L’amendement n° 290, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Après le mot : « Toutefois », la fin du 2° du I de l’article L. 631-1 du code de l’éducation est ainsi rédigée : « , au niveau régional, les universités peuvent répartir ce nombre entre plusieurs unités de formation et de recherche pour répondre à des besoins d’organisation et d’amélioration de la pédagogie et pour améliorer l’offre de soins dans les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins. Un arrêté détermine les critères de répartition de ce nombre de façon à garantir l’égalité des chances des candidats ; ».

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Pour simplifier le débat d’un point de vue politique, je voudrais revenir brièvement sur la suppression du numerus clausus dont on a beaucoup parlé.

Que se passe-t-il finalement ? La première année de médecine rentre dans le droit commun. Cela ne veut pas dire que les universités vont pouvoir former d’un seul coup tous les étudiants qui viendront, par la suite, peupler les campagnes de médecins. Non, cela veut simplement dire que les études de médecine vont, comme toutes les autres études, être soumises à la pénurie de moyens qui caractérise aujourd’hui l’université française.

Je ne vois pas du tout comment les universités, notoirement dépourvues de moyens, vont réussir, d’une part, à modifier la maquette de leurs formations – cela a été dit par notre rapporteur, que je suis complètement dans ce domaine – et, d’autre part, « en même temps », selon la formule consacrée (Sourires.), à augmenter significativement le nombre d’étudiants.

La réalité, c’est que le numerus clausus va disparaître tandis que les universités organiseront une forme de régulation beaucoup plus précoce par le biais de Parcoursup. Je crains que, l’année prochaine, le nombre d’admis en première année de médecine ne soit malheureusement pas plus élevé.

Je voudrais rappeler avec beaucoup de bienveillance à notre collègue Piednoir que je me souviens très bien de la discussion de la loi sur la réforme de l’université, défendue par la ministre ici présente au banc du Gouvernement. Dans le camp des Républicains, vous nous avez expliqué que cette réforme était indispensable parce qu’un taux d’échec de 60 % était insupportable. Et là, comme il s’agit de la Paces, vous nous mettez en garde contre le risque de décourager les meilleurs étudiants, estimant qu’une bonne sélection, se situant autour de 20 %, serait finalement positive !

M. Stéphane Piednoir. C’est un peu plus subtil que cela !

M. Pierre Ouzoulias. Il faut une certaine cohérence ! Si vous ne tolérez pas un taux d’échec à 60 % à l’université, vous ne pouvez admettre un taux d’échec à 80 % en Paces !

Je propose de diminuer ce taux d’échec, ce qui sera une très bonne chose pour les étudiants et pour les finances publiques !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Je n’avais pas compris qu’il s’agissait de la défense d’un amendement ! Je pensais, cher collègue Ouzoulias, que vous vous exprimiez sur l’article !

Sachez que la rédaction de l’article 1er recueille le consensus de la grande majorité des acteurs de santé, comme des acteurs de la formation. À ce stade, tout au moins, la commission ne souhaite donc pas revenir sur la nouvelle organisation des études de santé.

En outre, après une lecture attentive de l’article et de l’objet de votre amendement, je ne suis pas certain que votre rédaction permettrait de passer au modèle de numerus apertus que vous décrivez.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission émet un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Monsieur le sénateur Ouzoulias, peut-être votre propos va-t-il me permettre de clarifier un certain nombre de choses par rapport au déroulement actuel des études de santé.

Un peu plus de 57 000 étudiants s’inscrivent en première année. S’ils réussissent quasiment tous leur année, ils sont seulement 13 000 à passer en deuxième année à l’issue du concours. C’est justement contre cette situation que nous souhaitons lutter en nous inspirant de ce qui a été mis en place à Angers avec l’AlterPaces. Notre objectif est d’éviter de contraindre au redoublement ces étudiants qui ont réussi une première année à l’université sans avoir néanmoins été admis à poursuivre leurs études de santé.

Si vous voulez absolument des chiffres, le redoublement de la première année de Paces coûte 55 millions d’euros. Cette somme pourrait trouver une utilisation beaucoup plus judicieuse que le redoublement imposé à des étudiants dont certains vont échouer une seconde fois ! C’est exactement sur ce sujet que nous sommes en train de travailler.

On peut maintenir une sélection à l’entrée des études médicales, notamment pour satisfaire nos compatriotes peu enthousiastes à l’idée que les futurs médecins soient moins bien formés que leurs prédécesseurs, et néanmoins garantir la réussite des étudiants, c’est-à-dire permettre à ceux qui n’atteindront pas la deuxième année de médecine de poursuivre leur cursus. Nous proposons non une fausse suppression du numerus clausus, mais une véritable modification du processus, ce qui me paraît important. Nous allons ouvrir la voie de la diversification, qui permet de privilégier les qualités humaines sans pour autant négliger la qualité de la formation. C’est sur ces deux pieds que nous devons être capables de marcher.

Le diplôme de médecin, délivré par une université, conservera évidemment sa dimension nationale. Le processus de sélection sera précisé par décret. Les universités, qu’elles comportent ou non des facultés de médecine, sont justement en train de le préparer sur le modèle des expérimentations qui ont fonctionné.

Monsieur Jomier, vous avez exprimé votre crainte de ne pas voir augmenter le numerus clausus. Je veux dissiper un malentendu mis en avant par quelques-uns. Cette année, certaines universités parisiennes, qui pratiquaient l’expérimentation et étaient donc en avance sur la loi, ont augmenté le numerus clausus. Et il y a eu maintien du numerus clausus dans un certain nombre d’autres universités : elles n’étaient pas entrées dans un processus d’expérimentation, car la loi n’était pas votée et elles n’ont pas pu faire valoir leur pleine capacité d’accueil. C’est précisément pour remédier à cette situation que nous souhaitons avancer.

La sélection cessera d’être exclusivement fondée sur des QCM. Il existe dans de très nombreux pays des oraux normés, validés, qui permettent de maintenir la qualité de la formation suivie par les jeunes sans pour autant tout faire reposer sur des QCM. Il faudra bien sûr diversifier le contenu des formations, mais je remercie sincèrement la commission de n’avoir pas souhaité entrer dans le détail de ce contenu, qui relève vraiment de l’équipe pédagogique et de l’ensemble des professionnels concernés.

À ce moment, je vais faire une allusion qui fera probablement rougir la personne qui siège près de moi. PluriPass a été mis en place à l’université d’Angers notamment grâce au doyen de la faculté de médecine de l’époque, qui est devenue ma conseillère. Croyez bien que le texte qui vous est soumis a été pour une large part inspiré de cette expérimentation qui n’est cependant pas forcément adaptable partout.

En tout cas, la philosophie et le principe qui nous guident – et je vous remercie, monsieur le sénateur Piednoir, de l’avoir signalé – visent en effet à garantir un large succès dans ces formations et une bien meilleure qualité de vie pour les étudiants tout en leur maintenant un très haut niveau de formation. Tout cela sera évalué au fur et à mesure, à l’instar de ce qui a été fait dans les universités qui ont expérimenté.

Pour toutes ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Toutes mes excuses, monsieur le rapporteur ! En effet, emporté par mon élan, je n’ai pas défendu l’amendement, car je ne voulais pas dépasser mon temps de parole. Je suis très content de m’être exprimé de la sorte, sur un plan plus général, permettant ainsi une discussion sur le fond qui a clarifié un certain nombre des intentions du Gouvernement.

Vous avez parfaitement raison, monsieur le rapporteur. Pour passer du numerus clausus au numerus apertus, il aurait fallu un budget, ce que l’article 40 de la Constitution nous a malheureusement interdit ! Nous aurions aimé proposer ici une loi de programmation qui aurait donné aux universités les moyens de modifier leur enseignement et d’accueillir plus d’étudiants.

Je partage votre sentiment, ce que nous proposons n’est pas satisfaisant, mais considérez qu’il s’agit d’un amendement d’appel !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 290.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 285, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 2, seconde phrase

Après le mot :

compétences

insérer les mots :

, ses souhaits

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. En matière de prise en considération des souhaits des étudiants, le Gouvernement et l’Assemblée nationale ont, une fois de plus, et ce n’est pas coutume, fait une avancée remarquable en réformant le numerus clausus et en supprimant les épreuves classantes.

Toutefois, il me semble qu’il faut aller plus loin en inscrivant dans la loi la notion de « souhaits de l’étudiant », qui tient à deux éléments. Tout d’abord, je l’ai déjà évoqué, nous assistons non pas à une réforme pure et simple du numerus clausus, mais, finalement, à un report de son initiative. Les notions de numerus clausus et de capacité d’accueil comportent de nombreux points communs. Dans ce cadre, il nous semble essentiel d’évoquer les souhaits d’orientation des étudiants. Cela l’est d’autant plus que l’architecture que vous proposez, fortement décentralisée, risque d’aggraver les difficultés en matière de mobilité interrégionale.

De fait, la prise en compte des souhaits et aspirations des étudiants dans le processus d’orientation doit permettre aux ARS et aux universités d’anticiper au mieux les volontés de mobilité et de gérer les flux d’étudiants.

Cette problématique se ressent déjà dans certains centres universitaires, principalement au niveau des licences 3 et des masters, ce qui explique d’ailleurs pourquoi de nombreuses universités ont mis en place des outils de concertation en amont.

Cela doit également permettre de transformer radicalement la vision de l’orientation et d’en faire non un processus par défaut, mais un processus positif. À ce titre, la mention actuelle de « projet d’études » est largement insuffisante, car ce dernier renvoie exclusivement, in fine, à la question de l’intégration sur le marché de l’emploi. Or les choix des jeunes, lorsqu’ils avancent dans leur orientation, sont bien évidemment guidés par cette finalité, mais pas seulement.

La présence, dans le corps enseignant, de tels ou tels spécialistes, la possibilité de se diriger vers tel ou tel stage, les spécialisations et options disponibles, sans compter les éléments extérieurs aux études mêmes, font que l’orientation doit s’appuyer sur les souhaits des étudiants et non se contenter de plier les aspirations des jeunes aux moyens mis en œuvre.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Je vais être plus bref que Mme Apourceau-Poly, car sa proposition me semble déjà couverte par la notion de « projet d’études », dont on peut évidemment imaginer qu’il est élaboré par l’étudiant en fonction de ses souhaits.

C’est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement. Sinon, son avis sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Même avis !

Mme la présidente. Madame Apourceau-Poly, l’amendement n° 285 est-il maintenu ?

Mme Cathy Apourceau-Poly. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 285 est retiré.

Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 286, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Elles favorisent, par leurs modalités d’accès et leur organisation, la répartition optimale des futurs professionnels sur le territoire au regard des besoins de santé.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. M. le rapporteur sera content, je vais être brève ! Beaucoup de choses ont été dites à propos du numerus clausus, y compris sur la position du groupe CRCE. Je ne vais donc pas en rajouter.

Je veux simplement signifier que cet amendement n° 286 est un amendement de repli. Nous souhaitons voir figurer dans cet article la mention de « la répartition optimale des futurs professionnels sur le territoire au regard des besoins de santé ».

C’est une façon de prendre en compte les besoins sur les territoires, notamment pour ceux qui manquent gravement de professionnels. Nous souhaitons avoir, dès la formation, ce regard attentif et le préciser dans la loi.

Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 221 est présenté par M. Lafon, au nom de la commission de la culture.

L’amendement n° 417 est présenté par M. Longeot, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

L’amendement n° 678 est présenté par MM. J. Bigot et Bérit-Débat, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte, Jacquin et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Jomier et Daudigny, Mmes Grelet-Certenais et Jasmin, M. Kanner, Mmes Rossignol, Meunier, Van Heghe, Féret et Lubin, M. Tourenne, Mme Harribey, M. Lurel, Mme Blondin, MM. Botrel et M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Duran et Fichet, Mmes Ghali et G. Jourda, MM. Kerrouche et Lalande, Mmes Lepage et Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et S. Robert, M. Sueur, Mme Taillé-Polian, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Par leur organisation, elles favorisent la répartition équilibrée des futurs professionnels sur le territoire au regard des besoins de santé.

La parole est à M. Laurent Lafon, rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 221.

M. Laurent Lafon, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Cet amendement a été voté en des termes identiques par les deux commissions, celle de la culture, de l’éducation et de la communication et celle de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Il s’agit de bien prendre en compte, dans la tenue des études de santé, l’implantation équilibrée des futurs professionnels. Je vais illustrer cette préoccupation par deux exemples. Nous voulons, d’abord, permettre à un jeune issu d’une zone sous-dotée de faire au moins sa « mineure santé » à proximité de chez lui pour éviter une coupure trop importante par rapport à son lieu de vie. Nous souhaitons, ensuite, proposer des stages en zone sous-dense à des étudiants plus âgés pour leur faire découvrir quelle y est la pratique médicale. Si tout le monde s’accorde sur le fait que tel n’est pas l’objectif premier des études de santé, qui est de former de bons professionnels, on sait l’intérêt, quelles que soient les études, de réfléchir à la question de l’implantation pour éclairer le choix des futurs praticiens sur leur lieu d’installation.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 417.

M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Je ne reviens pas sur le dispositif de l’amendement déjà présenté par mon collègue Laurent Lafon. Comme la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable souhaite que l’exigence d’une répartition équilibrée des futurs professionnels de santé figure parmi les objectifs des études de santé.

Nous convenons tous que l’objectif premier des études de santé consiste à former des professionnels compétents, capables de prodiguer des soins de qualité à l’ensemble de la population, en ville et à l’hôpital.

De même, nous le savons tous, la formation théorique et pratique des médecins joue un rôle fondamental dans leur premier choix d’installation. En effet, selon l’Observatoire national de la démographie des professions de santé, 63 % des primo-inscrits à l’ordre des médecins s’installent dans la région où ils ont obtenu leur diplôme.

J’attire l’attention de l’ensemble de nos collègues sur le fait que la refonte du numerus clausus n’aura, à elle seule, qu’un effet limité, voire aucun effet, sur la répartition des professionnels de santé sur le territoire.

Qui plus est, il y a un risque de voir les moyens alloués aux universités se concentrer sur les établissements les plus importants et les plus éloignés des zones sous-denses.

Pour toutes ces raisons, il me semble raisonnable de faire apparaître, dès le stade des études, la nécessité de penser la démographie médicale en lien avec les besoins de santé de la population.

C’est la raison pour laquelle la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable propose de faire figurer cet objectif d’intérêt général à l’article 1er.

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Bigot, pour présenter l’amendement n° 678.

M. Joël Bigot. Le volet territorial du projet de loi Santé ne répond pas suffisamment, en l’état, aux besoins de santé des Français. L’accès à la santé s’est imposé comme une préoccupation majeure des citoyens dans le cadre du grand débat national destiné à répondre à la crise de défiance à laquelle votre gouvernement est confronté, madame la ministre. Nous pensons donc qu’il faut aller plus loin et faire entendre la voix des territoires.

C’est en ce sens que nous avons travaillé en commission, proposant des amendements qui apportent des réponses concrètes aux habitants des zones où la présence médicale est trop faible, voire inexistante.

L’article 1er du projet de loi réorganise le premier cycle des études de santé.

Il nous paraît essentiel que cette réorganisation de la formation permette de mieux faire correspondre les ressources disponibles aux besoins de santé des Français rendus inquiets par la disparition des médecins généralistes et spécialistes sur leur territoire.

Il est ainsi proposé de compléter l’article 1er en précisant que les études de médecine, par leur organisation, favorisent la répartition équilibrée des futurs professionnels au regard des besoins de santé.

Il pourrait en effet être utile que les futurs médecins soient formés là où les besoins d’implantation sont les plus patents en adaptant étroitement la répartition des étudiants en médecine aux besoins de santé constatés.

L’objet de notre amendement – qui vient en soutien de ceux qui sont défendus par les deux rapporteurs pour avis – est donc de prendre en compte, dès le stade de la formation et de l’organisation des études, une répartition équilibrée des futurs professionnels.

Il s’agit d’anticiper les besoins des territoires et de lutter contre la désertification médicale le plus en amont possible.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. L’amendement n° 286, présenté par Mme Apourceau-Poly, prévoit l’intégration de la « répartition optimale » des futurs professionnels sur le territoire dans les objectifs généraux de formation en santé.

Les amendements nos 221, 417 et 678 prévoient, quant à eux, l’intégration de la « répartition équilibrée » des futurs professionnels sur le territoire dans les objectifs généraux de formation en santé. Il y a, d’un côté, « optimale » et, de l’autre côté, « équilibrée ».

Je ne suis favorable à aucune de ces précisions. Selon moi, le premier et, à vrai dire, le seul objectif des études de santé est de former des professionnels prêts à exercer leur métier dans les meilleures conditions possible. Toujours selon moi, le but des études de médecine n’est pas non plus de répondre aux carences de l’offre de soins. Il est de former des médecins.

Je me demande par ailleurs quelle serait la traduction concrète d’un tel principe. Cela signifierait-il, par exemple, que les étudiants seront assignés à la faculté de leur département d’origine ou à celle dans laquelle ils ont fait leur première inscription ? Qu’adviendrait-il s’ils souhaitaient, ensuite, suivre une spécialité qui n’est pas enseignée dans cette faculté ?

Je crains en outre que, en adoptant un tel principe, nous ne posions les bases d’une formation au rabais des professionnels de santé. Si demain, nous envoyons un grand nombre d’étudiants en médecine faire des stages dans des zones en déficit de professionnels, ils ne seront pas aussi bien encadrés que ceux dont les stages se déroulent dans des zones mieux pourvues en professionnels.

Enfin, par quels médecins voulons-nous être soignés demain ?

J’ajoute une réflexion supplémentaire : est-il nécessaire d’inscrire tout cela dans la loi pour que cela soit appliqué un jour ?

En attendant, la commission s’est rangée à mon avis, qui est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Il nous semble que ce deuxième alinéa est structurant et pose de grands principes qui définissent les objectifs et le déroulement des formations. Les amendements identiques proposés par les commissions de la culture et de l’aménagement du territoire et celui qui a été défendu par M. Bigot, qui rejoignent la proposition de Mme Cohen, nous semblent compléter de manière cohérente les orientations du Gouvernement.

Pour l’ensemble de ces raisons, j’émets un avis favorable sur les amendements nos 221, 417 et 678, auquel pourraient se rallier les auteurs de l’amendement n° 286.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Nous adhérons aux propositions des deux commissions, qui sont dans le même esprit que la nôtre. Nous allons retirer notre amendement n° 286 au profit de leurs amendements. Il n’est pas si fréquent que le groupe CRCE suive l’avis Gouvernement ! (Sourires.)

Mme la présidente. L’amendement n° 286 est retiré.

La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Je partage les interrogations de M. le rapporteur sur l’effectivité réelle de l’inscription de ce principe dans la loi. Nous en sommes tous d’accord, le contenu de la loi ne doit pas être trop déclaratif, il doit plutôt être normatif.

Dans le cas présent, il serait incitatif, ce qui n’est pas négligeable non plus en la matière. Bien sûr que nous formons des professionnels de santé pour ce qu’ils sont et pour répondre aux besoins de santé du pays !

Il n’en reste pas moins que la répartition de ces professionnels de santé dépend fortement des conditions de leur formation – le lieu où elle s’est déroulée, les représentations professionnelles qu’ils vont acquérir au cours des études. Là se trouve d’ailleurs la limite de l’exercice. C’est très bien de modifier le mode de sélection des étudiants en début de cursus, mais s’ils subissent tout au long du second cycle les mêmes représentations professionnelles que celles auxquelles ils sont actuellement confrontés, à l’issue de leur parcours, le résultat sera exactement le même !

L’incitation défendue par nos collègues rapporteurs pour avis des deux commissions et que nous soutenons par notre amendement nous paraît de nature à figurer clairement dans le texte pour souligner que le législateur se préoccupe aussi de cette question.

C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement, que je soutiens fortement.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Amiel, pour explication de vote.

M. Michel Amiel. Dans l’hypothèse où la régionalisation de la médecine se ferait un jour – idée qui n’est pas d’actualité, mais que nous partageons avec le président Milon –, il va de soi que le nombre de médecins formés serait établi en fonction des territoires et des régions. C’est la raison pour laquelle je suis très favorable à ces amendements.